Une cloche sonna, quelques étages plus haut. Une seule fois. 22h30. La poufsouffle tourna à l’angle d’un couloir et dévala les quelques marches qui menaient au sous-sol, sa baguette illuminée éclairant son passage.

De son rôle de préfète, Haley aimait surtout la gloire qu’il induisait, et l’autorité qu’il lui donnait. Le reste n’était que supplément parfois un peu désagréable ; patrouiller dans les couloirs n’avait rien d’intéressant, mais elle appréciait tout de même ce côté intrusif de l’insigne. Elle avait le droit de faire des remontrances et était totalement légitime à faire les gros yeux lorsqu’elle voyait qu’un élève, particulièrement de sa maison, n’était pas assez discipliné. C’était là un moyen pour elle de se sentir importante. Ça l’étoufferait de l’avouer, mais en fin de compte, le petit croâsseur n’avait pas totalement tort. L’année commençait que son nouvel insigne épinglé sur la robe était déjà entaché de nouvelles mesures : la création à venir d’une milice à la solde du directeur n’était pas une annonce particulièrement joyeuse. Elle avait l’impression qu’on lui ôtait ses bénéfices de préfète, qu’on dénigrait sa fonction et la remplaçait discrètement par d’autres personnes. Alors qu’enfin, elle avait droit à une reconnaissance particulière, toutes ses prédictions étaient chamboulées par les décisions de monsieur Sørensen. Elle n’escomptait pas se laisser faire et ainsi, quelques jours plus tôt, ses doigts s’étaient portés sur l’affiche placardé, traçant son nom à côté de ceux d’Artemis et Rosalie. En attendant l’implacable verdit – allait-elle endosser la double responsabilité de préfet et d’observateur ? – elle patrouillait avec ennui, gardant ses incertitudes enfouies au plus profond d’elle-même.

Si le jour, les passages incessants d’élèves – quittant les cours de potions ou retournant dans leur salle commune pour les serpentards – rendaient les cachots presque sympathiques, une fois déserté de tout ce petit monde, ils étaient bien plus lugubres. Ils demeuraient plus chaleureux que ceux de Durmstrang, à n’en point douter, mais aux yeux d’Haley, qui n’avait pas pour habitude de circuler si tard en ces lieux, ils avaient quelque chose de repoussant. Et cette ombre qui se dessinait sur la grille de métal au passage de la lumière était même particulièrement effrayante.

Un bruit, derrière elle, la fit sursauter. À trop se focaliser sur les inquiétants jeux de lumières, elle en venait à craindre le moindre bruissement... La préfète pivota, pointant sa baguette vers la source du discret chahut qui osait troubler le silence de ces lieux, et elle avança, sans un mot, prête à fondre sur le malandrin... en espérant que ça ne soit pas qu’un pauvre rat de laboratoire qui était enfin parvenu à fuir les expériences du maître des potions.

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Le bruit n’était pas le fruit de son imagination, mais bien les vestiges de l’avancée d’une autre personne. « Monsieur Armitage ! » fit-elle non sans une pointe de soulagement dans la voix. Ni élève, ni rat fuyant la tyrannie du professeur van Aken. C’était déjà des soucis en moins, et surtout du travail qu’elle n’aurait pas à faire. Non qu’elle rechignât à la tâche, seulement elle savourait de ne pas avoir à débattre des bienfaits du retrait ou non de points, et surtout elle n’aurait pas à faire un rapport aux professeurs.

« Oh pardon ! » Elle abaissa sa baguette, pour éviter d’aveugler le concierge, ou pire de l’embrocher. « Je pensais que vous étiez un élève. » L’imposante silhouette barbue de l’homme avait de quoi faire peur dans l’obscurité des cachots, mais son attitude toujours sympathique tranchait en sa faveur. Les gryffondors seraient sûrement fort marri d’apprendre qu’une préfète avait embauché leur ancien directeur de maison, pour lequel ils avaient réclamer le retour à ses fonctions. D’ailleurs, ils n’avaient pas réitéré en ce début d’année, alors qu’une nouvelle fois, un professeur franchement arrivé prenait la place vacante. Les annonces de Sørensen avaient certainement surpassé les autres préoccupations.

« Eh bien, à part vous, je n’ai que quelques araignées et de la poussière, donc j’imagine que ça se passe bien. » Merveilleusement bien, d’ailleurs. Elle n’était plus seule dans ces lugubres couloirs. Diantre, la prochaine fois, elle pensera à exiger de patrouiller dans les étages plus chaleureux à moins d’être accompagnée par quelqu’un... et qu’on ne s’y m’éprenne pas, ça n’était pas de la peur, mais un simple désir d’occuper ses patrouilles par autre chose qu’une chasse aux toiles d’araignées qui se prenaient dans inlassablement dans ses cheveux. « Ces cachots me donnent toujours l’impression que quelqu’un se tapit dans l’ombre, en train de faire de drôle d’expériences. » avoua-t-elle, en souriant. Peut-être était-ce effectivement le cas ? Un curieux personnage, caché dans le coin d’un cachot, attendant que les deux patrouilleurs s’éloignent... ou préparant un plan machiavélique pour les réduire au silence s’ils venaient à tomber sur son antre. Les histoires rocambolesques de Rosalie commençaient à contaminer l’esprit d’ordinaire calme et serein de la poufsouffle ; l’envie de retrouver son lit rendait ses émotions plus exacerbées et s’il n’était pas tard, la longue journée de travail qu’elle avait eue commençait à peser sur son sommeil. Le mercredi était très chargé et s’il n’y avait pas que des matières complexes – par miséricorde, ils n’avaient pas mis les cours de potions – l’enchaînement incessant avait tôt fait d’épuiser les muscles et l’esprit. Et pardi, Thorstein ne s’adoucissait pas avec les années.

Un sourire faussement moqueur naquit sur ses lèvres innocentes. « À moins que ce ne soit vous, l’homme tapi dans l’ombre. »

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Tout naturellement, Haley choisit d’interpréter la petite pique amusée du concierge comme un compliment. Furtive et efficace, voilà bien des mots qu’elle appréciait entendre pour la qualifier, surtout lorsqu’il provenait de la bouche d’un membre du personnel dont la discipline était le travail. « Si je pouvais m’épargner d’avoir à retirer des points à poufsouffle, je vous avoue que je ne m’en plaindrai pas. L’humiliation de l’année dernière m’a amplement suffi. » Elle taisait bien entendu les conflits internes qui pouvaient l’habiter : entre l’impartialité et l’envie de plaire au séduisant russe si connu des salles de retenues, un important dilemme faisait rage et se solderait sûrement par une fuite aussi certaine que si elle était poursuivie par une horde d’Erin Sørensen armées de battes de batteurs et de cognards. « Mon binôme du soir est un solitaire » répondit-elle laconiquement. En réalité, il ne l’était point du tout, mais Maxwell avait un don indéniable pour fausser compagnie aux responsabilités et se réfugier là où la soirée était plus amusante. Et puisqu’Haley refusait catégoriquement d’aller profiter de la salle de bain des préfèts alors qu’ils étaient censés surveiller les couloirs, ils avaient fini par se séparer, non sans exaspération.

La soirée de l’adulte semblait aussi passionnante que l’était celle de la poufsouffle. Nul élève bravant le règlement en quête de sensation, nulle bêtise dans les environs. À moins que les contrevenants ne soient très discrets – ce qui serait sûrement tout à leur honneur mais ne l’arrangeait pas particulièrement – et guettent le bon moment pour joueur leur mauvais tour. « Celui qui a ensorcelé ces couloirs pour qu’ils soient toujours poussiéreux devait être un grand mage alors, parce qu’il s’agit d’un franc succès. » Le souci de la saleté n’avait jamais été très présent chez la préfète ; l’elfe de maison de ses parents avait toujours suffi pour faire de la maisonnée un lieu impeccable, sans que ses propriétaires n’aient à s’y atteler eux-mêmes. Un luxe qui à ses yeux n’en était pas réellement un, puisqu’elle n’avait jamais connu autre chose. « Je me disais bien que la promotion de cette année me semblait plus petite que d’habitude » répondit-elle sur le même ton amusé. Venant d’une autre personne, un esprit un peu paranoïaque aurait pu le prendre au mot et prévenir la direction de la dangerosité du concierge, mais l’on imaginait mal quelqu’un comme Armitage être secrètement un psychopathe mangeur d’enfants.

« Je vous crois sur parole. Encore que dans les mois prochains, il semblerait que vous obteniez l’aide d’autres élèves, en plus des préfets. Jamais les couloirs n’auront été légitimement aussi occupés en pleine nuit ! » fit-elle en riant. Un rire un poil aigre d’une préfète qui n’avait pas encore totalement digérée l’idée qu’elle et ses pairs ne soient pas suffisants. Mais parce que l’autorité et l’honneur l’attiraient, elle s’était néanmoins portée volontaire ; elle ne saurait admettre qu’on lui retire ce qu’elle avait tout juste commencé à savourer.

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« Oh, il ne s’est pas défilé ! » s’empressa-t-elle de corriger. Elle ne voulait pas commencer à attirer des problèmes à son co-préfet qui, malgré tous ses défauts, restait un poufsouffle ; il ne s’agirait pas d’être la cause de retrait de points parce qu’un membre du personnel un peu trop zélé désirait remettre les points sur les i et remonter les bretelles à Maxwell pour une raison ou une autre. Oh bien entendu, elle aurait préféré partager la tâche avec quelqu’un comme Charles, mais il avait fallu que Carter redouble... ça n’était pas spécialement une surprise, mais ça demeurait un désagrément pour sa quiétude personnelle. Et puis au fond, le septième année avait peut-être des défauts, mais il demeurait plutôt sympathique. « D’ordinaire, je suis plutôt en duo avec Rosalie, la préfète de gryffondor, mais on ne peut pas toujours faire ce qu’on veut, n’est-ce pas ? » Elle se doutait bien qu’Armitage savait que l’écossaise et elle étaient amies : mis à part à la bibliothèque, on voyait rarement Haley sans sa meilleure amie tant elle dépendait d’elle. « Mais je retiens l’astuce, pour les points. » fit-elle en souriant. Encore qu’elle se vît mal demander au préfet de serdaigle de retirer à sa place des points à Misha... Mis à part peut-être s’il tombait sur ceux de serpentard ou Mary, il devait à présent être plutôt immunisé. Elle n’assumait pas pleinement le fait de ne pas se sentir capable d’une totale impartialité à l’égard du séduisant russe... il n’était pas tout à fait le seul qu’elle ne se voyait pas reprendre si jamais elle le voyait contrevenir au règlement, mais l’autre personne – outre Rosalie – qui bénéficiait d’une telle clémence n’était guère du genre à causer du souci : Artemis n’était pas le plus casse-cou des élèves, loin de là ! Aussi, le concierge ne se doutait sûrement pas d’à quel point le souhait qu’elle n’ait pas à voir ses camarades jouer aux malandrins était proche de son état d’esprit : et puisque pour faire de ses désirs des réalités, le mieux était encore d’agir, elle escomptait bien se débrouiller pour ne jamais patrouiller dans les couloirs qui intéressaient le poursuiveur de poufsouffle... quitte à le prévenir en amont s’il le fallait.

Le souci étant que Poudlard s’apprêtait à garnir ses rangs d’autres gardiens ; préfets et professeurs n’avaient qu’à bien se tenir, Sørensen recrutait ! « Bientôt, le privilège sera celui de n’avoir aucun rôle particulier. » Elle haussa des épaules en souriant. « Mais voyez l’avantage, ça vous fera moins de travail pour vous. » La candide naïveté qui semblait l’habiter n’était guère plus qu’une façade, désormais. Quelques mois plus tôt, sans doute aurait-elle pu tenir ces propos avec la plus grande honnêteté du monde, mais à mesure que le temps passait, elle grandissait et avec elle murissait sa conscience du politique. Lorsque sa plume avait gratté le parchemin pour y annoter son nom, elle n’avait pu passer à côté de l’identité des autres élèves intéressés ; des sang-pours, pour la majorité... et si Haley ne se sentait pas particulièrement éloigné de leur monde– sa mère en était issue après tout – et de leurs idéaux, elle n’y prenait pas pour autant part et reconnaissait un certain malaise, qui coexistait désagréablement avec l’envie d’être de ceux qui endossaient un rôle aussi prestigieux. « Dites... » fit-elle d’un ton soudainement plus hésitant. « Vous pensez que le classement au mérite est une bonne chose ? » La question avait été sur toutes les lèvres lors du banquet, mais la préfète n’avait jamais réellement su exprimer un avis clair... Elle n’aurait sans doute pas osé aborder la chose avec d’autres membres du corps enseignant, mais Armitage lui semblait tellement plus ouvert à ce sujet qu’elle s’y risquait finalement.

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Le ton amusé du concierge ne parvenait totalement à ôter les véritables questions que sous-entendaient les révélations du directeur. Poudlard changeait, il fallait être aveugle pour ne pas le voir ; mais pour l’heure, tout ceci semblait bien peu comparé à l’année précédente. Assurément, Sørensen rendrait ses lettres de gloire à l’école anglo-saxonne : l’éducation s’y ferait plus rigoureuse, la magie au centre de tout... et la pratique faisait un peu défaut à Haley, qui se réjouissait déjà de pouvoir palier à cette lacune. Toutes ces certitudes ne l’empêchaient toutefois pas de se poser des questions.

Elle opina du chef en écoutant pensivement les paroles de l’adulte. Il était prudent et mesuré, comme elle pouvait l’attendre d’une grande personne. En temps normal, elle aimait ce genre de réponses, mais une faible déception tiraillait son cœur ; elle ne savait trop quoi penser de tout ceci et, trop habituée qu’elle était d’avoir ses parents pour faire office de paroles d’évangile, avait besoin que l’on prenne par la main afin de la guider vers les bonnes idées. Ses géniteurs d’ailleurs, lui avaient bien donné leur avis, mais il demeurait celui de politiques qui avaient soutenu la destitution de l’ancienne directrice et la nomination de Sørensen. Quelque part, ils appartenaient à ceux qui avaient poussés pour couronner le Norvégien de ce poste, en une revanche un peu puérile – donc très politicienne – contre le ministre Appleton, qui avait eu le mauvais gout de gagner les élections à la place du candidat défendu par les Strauss. Ces derniers, très heureux de voir leur fille unique endosser le rôle de préfète – quoi de plus normal après tout ? – l’encourageaient à obtenir plus et à se présenter pour faire partie des yeux et des oreilles de la direction. Une quête de pouvoir sans fin qu’elle menait tant pour les satisfaire que pour son égo. « J’espère que vous avez raison. J’aime l’idée de voir le mérite récompensé, mais j’ai peur que cela n’aide pas certains élèves de ma maison... » Qu’on s’en souvienne, la poufsouffle ne s’intéressait pas toujours qu’à sa propre personne. L’intérêt de sa maison, qu’elle se devait de défendre tout particulièrement depuis qu’elle était préfète, occupait une place importante dans ses préoccupations. Et au fond, lesdits élèves l’importaient tout autant. Elle ne voulait pas voir des personnes pleines de bonne volonté comme Lilith voire leurs efforts sapés par un classement qui ne prendrait en compte que les résultats.

La jeune fille sentit ses joues se tinter d’une discrète couleur rosée. Elle avait effectivement annoté le panneau d’affiche de son nom, comme Rosalie et Artemis, mais depuis la publication du nouveau numéro du petit Croâsseur, elle assumait moins bien ce choix. Reprenant un peu contenance, elle haussa des épaules. « Les deux rôles ne doivent pas être bien différents. Les rondes pour l’un permettent d’effectuer l’autre. » Un soupçon d’honnêteté brisa le mur des banalités. « Et je vous avoue que je suis un peu déçue de voir qu’on estime plus les préfets suffisants pour vous seconder... » L’aveu était un euphémisme de la plus belle espèce. Elle savait que la jalousie ne tarderait guère à l’habiter si jamais elle n’était pas choisie.

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« Vous avez sûrement raison ! » La jeune préfète eut un rire franc. Effectivement, sans Jade dans les environs, elle avait un souci scolaire en moins. N’en restait plus que trois majeurs ; Misha, Maxwell – ce qui était un comble vu qu’il était son co-préfet – et la dernière – et non des moindres – Zeynep. Elle avait fait beaucoup de remous l’année dernière et malheureusement, il ne s’agissait pas que de quelques bêtises sanctionnées par un retrait de points. Face à la future brigade du directeur, elle craignait que la troisième année ne soit source de trop nombreux problèmes non seulement pour les poufsouffles, mais également pour elle. Sa prédécesseuse, Felicia, avait dû avoir bien du souci avec elle. Si l’on pouvait percevoir chez Haley des motivations purement égoïste, ça n’était pas tout à fait le cas... elle s’inquiétait réellement pour ce que les actions de sa cadette pouvaient avoir comme conséquences sur la jeune fille. La préfète l’exprimait sûrement très mal et donnait l’impression de ne penser qu’à elle, mais si effectivement elle se plaçait en priorité – et l’assumait, ce qui la différenciait de bien de ses pairs – elle n’en demeurait pas moins réellement préoccupée par le sort des personnes qui lui étaient proches... qu’elle l’ait voulu ou non.

Mais il n’était pour l’heure pas question d’évoquer la jeune née-moldue. « Je plaide coupable, savoir qu’elle n’est plus à Poudlard au moment où je deviens préfète est effectivement un grand soulagement. » Le sourire qu’elle avait sur les lèvres témoignait de l’exagération de ses propos. Elle n’avait pas assez connu Shepherd pour réellement s’inquiéter de ce qu’elle puisse connaître. Sa réputation l’avait précédée, comme attrapeuse et capitaine de l’équipe, mais aussi comme organisatrice de soirée... mais de là à la percevoir comme l’ennemie numéro contre les points de leur maison, certainement pas. D’autant qu’elle avait tout de même grandement contribué à la victoire de poufsouffle au quidditch.

« Merci. » La remarque de l’adulte la touchait. « J’espère être à la hauteur de votre confiance ! » Passée l’excitation de sa nomination, le stress était arrivé, amenant avec lui beaucoup de questions. Et si on la trouvait moins bonne que Felicia ? Elle avait beaucoup de respect pour l’ancienne préfète – qui d’ailleurs ne lui avait pas caché espérer qu’elle soit celle qui la remplacerait – et la voyait presque sur un piédestal, la percevant comme l’exemplarité même. Sûrement que la comparaison avec Maxwell accentuait ce sentiment.

Le petit duo avançait dans le couloir faiblement éclairé. Haley avait toujours sa baguette en main, par habitude et parce qu’elle se sentait plus à l’aise de patrouiller dans cet endroit un peu lugubre avec, quand bien même était-elle accompagnée du concierge. Elle commençait à comprendre pourquoi Rosalie l’aimait bien ; il était réellement gentil. Le temps passait plus vite à patrouiller avec lui que seule, sans compter bien entendu qu’elle préférait être accompagnée dans les sous-sols. Certains élèves racontaient parfois des histoires lugubres au sujet de ces lieux et les années Blackman les rendaient plus réelles... elle n’avait pas connu cette époque, mais en avait suffisamment entendu parler pour que son esprit lui souffle quelques idées effrayantes. Le moindre bruit semblait présager d’un danger à venir. Non, elle n’avait pas peur. Elle n’était simplement pas très à l’aise dans les cachots.

Un bruit sourd devant eux la fit légèrement sursauter. « Je crois que j’ai entendu quelque chose... » Les joues de l’anglaise s’empourprèrent légèrement. Elle était escortée d’un adulte mais ne parvenait tout de même à retenir un mouvement de surprise au moins bruit. Elle n’avait vraiment rien d’une gryffondor. « S’il s’agit du premier élève hors de son dortoir que je dois surprendre, j’espère que ce n’est pas un poufsouffle ! » En même temps, ils n’étaient pas très loin de la salle commune des serpentards, il était donc bien plus probable que ce soit l’un des leurs. Ou alors il ne s’agissait que d’un rat, d’un fantôme ou d’un battant de porte en métal claquant à cause d’une brise. « En plus, puisque vous êtes là, je ne pourrais pas fermer les yeux sur les exactions de mes camarades. » fit-elle en riant, à moitié sérieuse. Par pitié, qui ne s’agisse pas de Misha. Ou d’Artemis, mais c’était peu probable qui s’amuse à crapahuter dans les couloirs à une heure pareille.

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La jeune préfète sentit un peu d’orgueil monter en elle lorsque le concierge évoqua sa présence dans les cachots. Qu’on se le dise : elle ne rechignait pas à la tâche, même dans un lieu aussi lugubre et peu accueillant que l’était le sous-sol de l’école. Hormis les cuisines – où elle ne se rendait que très rarement, si ce n’était jamais – rien ne donnait envie de vagabonder dans cette partie du château. C’était à se demander pourquoi il fallait se donner la peine de patrouiller en ces lieux : qui y viendrait volontairement en pleine nuit ? À part l’absence de tableaux dans les recoins les plus reculés, il n’y avait a priori pas d’avantages à comploter ici plutôt qu’ailleurs. Mais elle n’était pas un génie du mal et elle devait reconnaître que son imagination comportait une grande faille dès lors qu’elle devait se mettre dans la peau d’un élève moins sage qu’elle l’était. Heureusement, elle avait Rosalie qui l’aidait à garder les pieds sur terre : les autres adolescents faisaient des bêtises, ça n’était peut-être pas si graves, et ça rendait sa ronde un peu plus utile. Non qu’elle se prenne d’une passion dévorante pour sanctionner ses camarades – c’était surtout l’honneur de l’insigne qui l’intéressait, et les privilèges qui allaient avec – mais remplir efficacement son rôle était une manière de récolter un peu plus de félicitations de la part du corps enseignant. Et ça, ça ne mangeait pas de pain.

Un bruit au loin – quoique pas si loin que ça et ce n’était pas pour lui plaire – la fit sursauter. Sa baguette épargna Armitage, qui frôla sûrement la catastrophe pour la deuxième fois de la journée... Haley était redoutable avec sa baguette, mais visiblement plus pour éborgner les gens que pour lancer des sorts. Elle était l’une des meilleurs de sa classe, mais c’était avant tout grâce à la théorie qu’elle menait ainsi la barque. La pratique nécessitait plus d’entraînements et elle n’était pas la plus douée en période de stress. Il fallait le reconnaître : les duels, ça n’était pas fait pour elle. Quand aux mystères, elle les préférait lorsqu’ils portaient sur l’identité de l’auteur d’un journal plutôt que celle d’un dangereux scientifique faisant des expériences dans des couloirs lugubres. « Vous blâmer à ma place... je note la suggestion. » Elle lui rendit son sourire alors qu’il partait en tête à la poursuite de l’origine du bruit. Ses petites piques amusées avaient le mérite de détendre l’atmosphère et de faire oublier à l’anglaise ses petites angoisses passées.

La poufsouffle opina du chef. Un endroit des plus charmants, effectivement. « Vous n’aimez pas cette ambiance feutrée ? » répondit-elle dans un même murmure, un sourire malicieux aux lèvres. L’adulte pénétra dans la pièce – ou plutôt le cachot – en l’éclairant de sa baguette. Vide. Quelque part, ça ne la rassurait pas beaucoup plus : le bruit venait bien de quelque chose, après tout. Peut-être un simple courant d’air qui avait fait tomber un objet ? « Un jour, il faudra qu’on m’explique pourquoi les fondateurs ont décidés d’installer dans cachots dans une école. » Ça n’était pas pour enfermer les nés-moldus, puisqu’à leur époque – contrairement à Blackman – ceux-ci n’étaient pas admis à Poudlard.

Pas d’autre élève dans les environs – finalement, elle était peut-être un peu déçue de ne pas pouvoir tester son autorité toute nouvelle de préfère – mais une petite masse dans un coin de la salle. Vraisemblablement un rat ayant connu des jours meilleurs... et une mort sûrement désagréable, à en croire son aspect. « Le pauvre... » Elle n’était pas une grande fan de ces créatures – si son animal de compagnie était un chat, ça n’était pas pour rien – mais elle savait que plusieurs de ses camarades en avaient, aussi ne pouvait-elle s’empêcher d’avoir un peu de compassion. « Vous pensez que c’était l’animal d’un élève ? » Cette idée la fit frissonner. Elle hocha vivement la tête lorsqu’il lui demanda l’autorisation de « ranger » le pauvre rongeur. Elle n’escomptait pas particulièrement le garder comme souvenir de sa première ronde dans les sous-sols de l’école. « Ça ne peut pas être un des rats qu’utilise le professeur van Aken pour les cours, si ? » supposa-t-elle finalement, assez curieuse de connaître le fin mot de ce petit mystère. S’il était contaminé par une quelconque maladie, ce pouvait effectivement être problématique pour les autres animaux de l’école. Voire pour les occupants humains. « J’imagine qu’il n’aurait pas la négligence de laisser un cobaye empoisonné pendant un cours traîner ici... »

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Poudlard avait bien des recoins plus accueillants que ses cachots. Moins lugubres que ceux de Durmstrang, indiscutablement, ils n’en demeuraient pas moins un endroit qu’Haley choisirait pour une après-midi détente. Un brin de compassion pour les serpentards – qui chaque jour traversaient ces couloirs lugubres – l’habitait. Non, décidemment, ces pauvres jeunes gens n’avaient pas eu droit au meilleur des traitements. Une cheminée ! En voilà, une chose plus agréable. La pensée d’un foyer crépitant et de confortables fauteuils l’habitait elle aussi. « De mémoire, ils préfèrent parler du ciel enchanté de la grande salle. » confirma-t-elle, des souvenirs de sa pré-adolescence revenant peu à peu. Elle n’avait pas relu l’Histoire de Poudlard depuis plusieurs années, mais la jeune sorcière en devenir avait, il fut un temps, dévoré l’ouvrage encore et encore, jusqu’à pouvoir enfin fouler le sol de l’école. Découvrir de visu le lieu qui avait occupé si longtemps son imagination avait été un beau moment de félicité... bien vite rattrapé par la vie réelle, cela étant. « C’est sûrement pour ça qu’ils n’en parlent pas en cours d’histoire ou dans les livres ; une école avec des cachots, c’est déjà assez suspect comme ça, si en plus l’école assumait une pédagogie aussi répressive, je ne suis pas sûre qu’on aurait tous attendu le premier jour à Poudlard avec d’impatience. » Bien entendu, elle était arrivée un an après les évènements les plus lugubres de l’école... elle savait pour ouï-dire ce qui s’était déroulé dans ces mêmes cachots, mais la pensée ne traversait pas constamment son esprit comme un lugubre mantra.

Quelques pas plus loin, un macabre spectacle leur était réservé, comme déposé là par un quelconque artiste un peu trop déjanté. Et aussi tôt, des hypothèses venaient, des prémices à une enquête – une autre ! – que la jeune préfète se plaisait à élucider. Un sourire fendit son visage, rapidement suivit d’un petit rire. « Oh vous savez, l’année dernière, il nous a fait danser autour d’un chaudron, alors plus rien ne peut m’étonner, avec lui ! » Et d’enchaîner aussi tôt, d’un air beaucoup moins jovial. « On utilise parfois des rats comme cobaye pour certaines potions... » Et des hiboux en métamorphoses. « Ça énerve beaucoup Michaela. » Ce qu’elle pouvait comprendre, en réalité. Ces pauvres animaux n’avaient rien demandé, après tout. L’amie révolutionnaire de Rosalie avait une forte empathie pour les espèces animales les plus méprisables – il lui semblait se souvenir d’une anecdote d’Artemis à son sujet, avec des doxy – alors un rat ne pouvait que faire l’objet d’une grande compassion. « Mais normalement, ils ne finissent jamais dans un état aussi désastreux que celui-ci, même en cas d’échec de potions. » Le maître des potions n’était peut-être pas connu pour son amicalité ou pour être l’incarnation de la douceur, mais de là à laisser un animal souffrir inutilement... elle en doutait fort.

« Non, personne ne s’est vanté dans la salle commune de torturer des rats, récemment. » Dumbledore soit loué, elle n’avait jamais entendu quiconque dire pareille chose. Dans la salle commune ou ailleurs. Le faire serait prendre le risque de voir une Michaela folle furieuse vous tomber dessus, aussi doutait-elle fortement qu’une personne avisée prenne un tel risque. Même le plus diabolique des mages noirs n’oserait sûrement pas s’en vanter à portée d’oreille de la gryffondor.

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Si ses premières rondes de préfète étaient parfois un peu stressantes – quoiqu’elle fût toujours excitée à l’idée de jour son nouveau rôle – accompagnée du concierge, Haley était infiniment moins tendue qu’auparavant. Et l’adulte n’était pas d’une mauvaise compagnie. Plutôt avenant et bavard, son humeur suffisait à égayer un peu l’obscurité des cachots. « Je note donc, éviter de demander à mes parents de m’offrir un Brossdur. » De toute façon, le nom de cette marque ne lui plaisait. À présent qu’elle était dans l’équipe de quidditch de sa maison – si Erin n’était pas là pour programmer des entraînements de plus en plus douloureux pour ses muscles, elle peinerait sûrement encore à y croire – elle allait devoir envisager d’investir dans un balai plus performant que celui qu’elle utilisait jusque-là en cours. Ça n’était pas un problème compte tenu de leurs revenus et de la forte proportion parentale à gâter leur unique enfant.

Armitage était plutôt bon public, s’extasiant presque devant la nouvelle du maître des potions adepte des cours de danse. Ou presque, il ne fallait pas trop enjoliver les choses. « Nous n’avons pas eu le droit à la moindre démonstration, à vrai dire. Une grande déception. » Ou peut-être pas. Imaginer le vieil homme se dandiner autour d’un chaudron était déjà assez perturbant comme ça. Autant que l’était de danser sous ses yeux de fouine. La plupart de ses enseignements n’étaient malheureusement pas si innocents et plusieurs d’entre eux laissaient parfois un goût amer, comme lorsqu’il était question d’administrer des potions à de pauvres rats. Voir le rongeur, objet de leurs trouvailles, dans un si piètre état avait fait naître un élan de compassion qu’elle ne se connaissait pas. Bien loin de celui excessif d’une de ses camarades, mais tout de même.

Faisait-il référence à la révolution des masqués, de l’année précédente, ou seulement de ses tentatives militantes pour la libération des rats de laboratoires ? Sûrement un peu des deux. Il fallait reconnaître que Michaela était de tous les coups fourrés, ou presque. Parfois, elle la soutenait intérieurement, comme lorsqu’elle s’offusquait de l’utilisation des hiboux en métamorphose... mais pas au point de la suivre dans ses combats. C’était trop risqué, trop d’ennuis qui finiraient incontestablement par lui valoir une perte de son insigne de préfète et des retenues qui tâcheraient son dossier scolaire. « Il faut reconnaître qu’elle a mérité sa répartition à gryffondor, elle ne manque pas de courage. » Cela étant, si elle pouvait éviter de traîner sa meilleure amie dans les ennuis – ou simplement de trop l’accaparer – ça l’arrangerait. « Je vais tâcher de prendre mon courage à deux mains et finir ma ronde seule » répondit-elle en rigolant. « Je vous promets de n’éborgner personne avec ma baguette ce soir. » Il était temps de devenir une grande fille, et une préfète digne de ce nom, et laisser l’adulte faire son travail pendant qu’elle assumait son rôle ailleurs.

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