ft. C. Junior d’Archambault et le reste de l’équipe

Sortir du lit de si bon matin pour me traîner jusqu’au terrain ne m’enthousiasmait guère. Il faisait froid, il était tôt, j’avais seulement envie de retourner me terrer sous ma couette jusqu’à ce qu’Erin en ait marre de m’attendre et ne vienne m’en tirer elle-même… Mais non, ça attendrait. La seule consolation était la certitude de la retrouver au plus vite. S’il m’avait toujours été difficile d’envisager un quotidien sans elle, force était de constater que ça m’était devenu impossible depuis ces retrouvailles délicieuses. Chaque seconde privé de sa compagnie était une torture sans nom… Et il fallait bien reconnaître que chaque seconde privé de sa compagnie pour m’imposer celles d’impurs pitoyables l’était plus encore… Il n’y avait que Capitaine Souillon de présent sur le terrain lorsque j’y fis mon entrée. Un signe de tête poli en guise de salutation et je posai mon balai à mes pieds en attendant silencieusement la suite.

— Bonjour à tous et félicitations pour le dernier match, c'était une belle victoire !
— Hmm… Pardonne mon interruption mais juste… Est-ce que tu as remarqué que tu n’étais pas l’équipe à toi tout seul…? Ils ont bien joué au premier match, pas un mot sur leurs performances, seulement la volonté de palier à ton échec par des entraînements supplémentaires… On a été affreusement mauvais au dernier, tous il faut bien l’avouer, et on a des félicitations parce que tu as réussi à attraper le vif d’or…? Est-ce que nous sommes là pour travailler collectivement ou juste pour meubler un peu le terrain pendant que tu te te concentres sur ton nombril…?

Personne ne pourrait dire le contraire. Avec Sasha, nous avions loupé toutes nos tentatives, Mills n’avait pas réussi à faire la différence entre un coéquipier et un adversaire tandis que Caleb n’avait même pas touché la balle. C’était à peine si on pouvait prétendre savoir jouer et pourtant, il était là, presque fier de nous. Ça n’avait aucun sens. Pour autant, il n’y avait pas la moindre trace d’agressivité dans ma voix, seulement un questionnement qui me paraissait plus que légitime. L’ombre d’un sourire vaguement désolé, comme si ça me gênait de l’importuner pour une question, passa sur mes lèvres. Sûrement qu’on me reprocherait que ça n’était pas le moment, qu’on avait assez de problème comme ça pour l’instant… Et c’était vrai. Mais c’était justement pour ça que j'avais plus de mal à supporter les autocongratulations imméritée d’un sang-de-bourbe qui n’avait rien à faire dans cette école… S’il voulait se jeter des fleurs, qu’il le fasse, mais qu’il ne nous demande pas de venir le rejoindre pour ça. Je n’insistai pas davantage et le laissai reprendre. C’était le dernier entraînement et, normalement, la dernière fois que nous avions à subir ses directives. Ou, tout du moins, je l’espérais sincèrement.

— La saison touche lentement à sa fin et nous affrontons les Poufsouffle prochainement, nos derniers adversaires. Et je n'ai pas besoin de vous dire qu'ils ne vont pas être faciles à battre. Pour le moment ils n'ont souffert d'aucune défaite mais il y a toujours un début à tout, non ? On va se donner à font, s'entrainer au maximum pour les vaincre !

Que c’était beau, l’espoir ! Les Poufsouffle méritaient les victoires qu’ils avaient remporté et il n’y avait aucune raison que nous les privions d’une dernière. Pas alors que c’était visiblement chacun pour soi et que notre capitaine était passé à côté de l’essence même de ce sport. Oh, il ne fallait pas lui en demander à un impur, évidemment. Qu’il réussisse à tenir sur un balai était déjà un exploit donc je me passerais bien de le féliciter. Sûrement qu’il l’avait déjà fait lui-même, de toute façon, à défaut de trouver quelqu’un d’autre pour le faire.

— Bon, on sait tous que leur arme secrète c'est leur batteuse. Elle rate très rarement son coup et ne s'arrête que quand ses adversaires sont à terre. On va donc commencer par un premier exercice qui est très simple, il va falloir éviter au maximum les cognards !

Je retins un sourire fier en l’entendant ainsi se méfier d’Erin. Elle était redoutable. Incroyable, même. La voir oeuvrer dans les airs était toujours un véritable plaisir tant elle était douée. Si ça ne faisait pas partie de ses projets d’avenir, à ma connaissance du moins, il était évident qu’elle n’aurait eu aucun mal à trouver une équipe professionnelle prête à le recruter tant son talent était indéniable. Pour autant, je ne craignais pas d’avoir à l’affronter bientôt. Je ne me sentais nullement en danger face à elle. Oh, on était jamais à l’abri d’un cognard dévié ou d’une faute d’inattention, évidemment, mais j’étais à peu près sûr de ne pas avoir à m’inquiéter de finir le match en kit à l’infirmerie. Je laissai ce plaisir aux autres. Au sang sale qui maculait notre blason, par exemple.

— Quant à toi Skyler, on va d'abord commencer par la défense. Tu vas devoir au maximum protéger tes coéquipiers en renvoyer les cognards. Si tout le monde est prêt, on peut commencer. Sur vos balais !

Courage, c’était la dernière fois. Je récupérai mon balai et coinçai le souafle sous mon bras avant de m’envoler.

IMPAIR : Cognard pas esquivé (balle lâchée).