Dmitri n’était pas un garçon connu pour être particulièrement sage. Derrière son apparence d’enfant de chœur, bien propre sur lui si ce n’était guindé, se cachait une personne bien plus conflictuelle. Et des raisons d’entrer en conflit, en ce moment, il en avait plein. Au début de l’année, ses frasques se limitaient à quelques escapades nocturnes puériles et quelques insolences en cours, mais désormais ses désobéissances gagnaient en légitimité ; ça n’était plus seulement un désir d’aller à l’encontre des ordres édictés par l’autorité, mais un élan presque révolutionnaire. Comme tous les élèves, il avait reçu un appel à user de la magie dans les couloirs malgré l’interdiction qui leur avait été faite. Un appel qui résonnait en lui ; et s’il fallait qu’il se trouve une autre excuse, Erin lui en avait fourni une splendide en l’encourageant à désobéir. Il était d’ailleurs assez curieux de savoir ce qu’en penserait son grand-oncle et de connaître sa réaction s’il voyait sa filleule pousser son petit-neveu à s’attirer des ennuis. Mais comme il n’était pas assez bête pour aller lui en parler lui-même, sans doute n’aura-t-il jamais sa réponse.

Ça n’était de toute façon pas très important ; le plus important était ce qu’il se tramait à Poudlard. Le témoignage devait bientôt avoir lieu, et Dmitri avait été chaleureusement invité à le troubler par une protestation magique. Cet appel, il comptait bien l’honorer et bien plus encore. Les revendications portées se voulaient être pacifiques, un ou deux sorts lancés dans la grande salle à l’occasion du témoignage... mais à vrai dire, l’aiglon doutait que ça se limite à si peu. Sinon, pourquoi venir masquer ? D’ailleurs, il se connaissait assez bien pour savoir qu’il ne se satisferait sans doute pas d’un petit bouquet ou d’un lumos. Il fallait frapper plus fort pour qu’on leur prête attention.

Depuis la réception du tract révolutionnaire, il échafaudait son propre petit plan ; il devait se trouver un masque, ce qui n’était pas chose aisée. Il ne se voyait pas demander de l’argent à son grand-oncle pour en commander un et les élèves de première année ne pouvaient pas se rendre à Pré-au-Lard pour quelques emplettes. Dmitri avait donc dû opter pour une solution alternative : il fallait avouer qu’il avait joué de chance sur ce coup-là. Il se voyait déjà devoir fabriquer un masque avec les moyens du bord, mais Kathleen était arrivée à son secours, sans le savoir. Au cours d’une discussion, l’existence d’un fan-club du professeur O’Neill avait été abordée, amusant beaucoup le garçon ; le plus intéressant étant qu’un petit malin s’était amusé à créer des masques à l’effigie dudit enseignant. L’idéal pour le tchèque qui trouvait très amusant de braver le règlement en plein cours magistral avec sur la tête le visage d’un des représentants de l’autorité ! À présent, son souci était de trouver quels sorts valait-il mieux lancer ? Il fallait quelque chose de visible, mais qui ne soit pas trop complexe pour un enfant de son âge. Et puisque rien ne valait la pratique, il comptait bien s’entraîner un peu au préalable.

C’est ainsi qu’il se retrouvait assis sur le rebord d’une fenêtre, baguette en main, lorsqu’un élève passa non loin de lui. Ou plutôt une ; une gryffondor qu’il reconnut pour avoir quelques cours en commun avec elle, celle-ci étant en deuxième année. Il n’avait pas vraiment parlé avec elle jusqu’alors, mais après tout, n’était-ce pas le moment de faire plus ample connaissance ? Discrètement, il pointa sa baguette en direction d’elle : « Locomotor mortis ! » Il n’avait encore jamais eu l’occasion de tester ce sortilège sur quelqu’un, voilà qui était chose faite. Le sort fusa, touchant Azure au niveau de l’épaule alors qu’elle passait non loin de lui. Immédiatement, les jambes de la rouge et or se collèrent l’une contre l’autre, la faisant basculer en avant. Rien de bien dramatique ni de dangereux, elle risquait dans le pire des cas quelques égratignures... il n’était pas assez irresponsable pour lancer un tel sort à proximité d’escaliers.

Dmitri quitta son perchoir et s’approcha de sa pauvre victime : « Oups, désolé Azure ! » Il ne semblait pas le moins du monde désolé. En réalité, il était d’ailleurs même plutôt content de lui. Un sourire amusé sur le visage, sa baguette toujours en main, il regardait la pauvre jeune fille. « Besoin d’aide ? » Seules ses jambes étaient collées, elle avait toujours accès à sa baguette et pouvait donc toujours riposter ou se défaire du sortilège. Il aurait sans doute pu l’immobiliser entièrement, un petrificus totalus aurait suffi, mais c’était moins amusant.

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Lorsque la silhouette d’Azure apparut dans l’angle d’un couloir, un sourire naquit sur les lèvres de Dmitri. Ce n’était pas tout à fait le genre de sourire que l’on adressait à quelqu’un que l’on était heureux de croiser, mais plutôt celui d’une personne qui manigançait quelque chose. Et effectivement, il avait bien un plan derrière la tête, pointant sa baguette sur sa cible afin de la faire chuter, en collant ses jambes l’une contre l’autre. Il regarda un court instant la chute au sol de la fille avant de quitter son petit perchoir pour s’avancer vers elle. Baguette dans la main droite, la gauche dans la poche de son pantalon, il alla lui proposer son aide, comme tout homme galant qui se respecte.

Son sourire s’élargit un peu l’écoutant proférer ses accusations, au demeurant fort vraies. « Je ne comptais pas prétendre que je n’étais pas la cause de ta chute... » commença-t-il, avant de prendre un air faussement innocent. « D’où les excuses. » Était-il content de lui, comme elle semblait le penser ? En réalité, non. Il était simplement amusé par la situation. Pauvre gryffondor qu’il avait désigné volontaire pour endosser le rôle de cobaye. Il nourrissait depuis un certain temps une certaine frustration ; d’une part, à cause de ce serdaigle qui lui avait piqué ses plumes, ce qui était assez irritable, mais également à cause de l’interdiction de faire de la magie en dehors des heures de cours. Lui ôter la magie, même partiellement, c’était lui ôter une part de lui-même. Et le garçon d’une nature bornée et contestataire ne pouvait laisser passer une telle chose ; alors, tout en se défoulant un peu sur une pauvre élève passant dans les couloirs au mauvais moment, il en profitait, par la même occasion, pour préparer la petite révolution à laquelle il avait été conviée.

Le sortilège dont il avait fait usage était assez efficace et avait le mérite d’immobiliser quelqu’un quelques secondes, le temps qu’il parvienne à s’en défaire. Le souci étant qu’il ne fallait que peu de temps pour s’en libérer, comme le démontra très efficacement Azure. Le deuxième problème qu’il lui trouvait était d’une toute autre nature : locomotor mortis n’avait strictement aucun intérêt sur quelqu’un qui était assis. Or, la plupart des gens dans la grande salle le seront.

« Je m’entraînai un peu... » répondit-il lorsqu’elle le questionna sur les raisons de l’agression dont elle avait été la victime. Bien conscient que la réponse ne lui suffirait certainement pas, lui-même ne s’en satisferait pas à sa place, il poursuivit : « Les salles de travail sont bourrées de monde à cette heure-ci, alors je le faisais dans le couloir. » Elle pouvait bien le dénoncer, il n’en avait cure. En réalité, s’il pouvait faire comprendre à qui voulait l’entendre à quel point cette interdiction de magie l’énervait, il ne s’en priverait pas. Alors le risque d’écoper d’une petite retenue et de quelques points en moins, ça valait amplement l’occasion d’aller à l’encontre d’une règle aussi stupide. « Et puis, tu es passée à ce moment-là. Tu joues de malchance ! » Il ponctua sa remarque d’un haussement d’épaule, toujours ce petit air qui se voulait innocent sur le visage.

« Tu ne t’es pas fait mal, j’espère ? » Cette fois-ci, son honnêteté était au rendez-vous. Il n’avait rien de spécial contre la gryffondor, si ce n’était qu’il était parfois exaspéré d’apercevoir le désordre qui régnait parfois dans son sac ou sur sa table de cours. Outre cet aspect pour le moins anodin, il n’avait jamais eu l’occasion de partager quoi que ce soit avec elle ; le jeune tchèque se satisfaisait bien du petit quatuor amical et totalement improbable qu’il formait avec le jeune marin et les deux asiatiques.

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Il fallait reconnaître à Azure une qualité : elle n’était pas rancunière. Enfin, de l’avis de Dmitri, ça ressemblait plus à une forme de passivité qu’à une réelle capacité à passer à autre chose ; lui non plus n’était pas rancunier et pardonnait assez facilement aux gens, une fois tout de moins qu’il a eu l’occasion de leur rendre la pareille. « Non, ça va. Cependant je crois que j’aurais préférez être avertie. Ça m’aurait évité la frousse de me casser le nez. » Le garçon opina du chef tout en riant intérieurement. Bien sûr, et puis quoi encore ? C’était bien plus drôle de voir la surprise sur le visage de sa victime. Il n’y avait pas le moindre intérêt à la prévenir. Toutefois, un rictus légèrement irrité zébra furtivement son visage lorsqu’elle poursuivit sa tirade en évoquant son grand-oncle. « Je n’ai pas besoin d’être supervisé par qui que ce soit. » fit-il d’un ton sec. Le fait est qu’elle avait en partie raison. Il avait effectivement droit à du temps en plus avec le maître de potions, celui-ci lui prodiguant des cours sur l’ancestral savoir des van Aken, la peinture vivante. Mais il n’appréciait pas que l’on souligne ainsi son ascendance commune avec le professeur comme si cela devait justifier de lui un comportement différent. Ça aurait peut-être dû être le cas, mais il n’en avait cure ; même si ses parents l’avaient envoyé vivre chez Alexander en espérant que celui-ci serait plus apte qu’eux à le contrôler, il ne comptait pas lui simplifier la tâche. « Tu ne t’attendais tout de même pas à ce que je passe mes journées entières avec lui ? Il a autre chose à faire, et moi aussi. Il n’est pas ma nounou. » Ce qui ne n’empêchait pas son aïeul de le faire surveiller assidument par leurs ancêtres peints, mais ça, elle n’avait pas spécialement besoin de le savoir.

Rassuré sur le fait qu’elle ne semblait pas disposée à se venger de sa chute, il rangea sa baguette dans la poche de sa veste. « Ça te démange de ne pas pouvoir utiliser la magie autant que tu le souhaiterais. » Dmitri haussa des épaules, un sourire en coin. Si c’était censé être un reproche, ça ne l’affectait absolument pas. Ils étaient des sorciers, dans une école de sorcellerie, rien de moins normal donc que de vouloir user de magie. Il n’y avait qu’une directrice comme Appleton pour se dire que les privés partiellement de leur droit le plus fondamental était une bonne idée. « Pourquoi ne pourrais-je pas utiliser la magie autant que je le souhaite ? Poudlard semble un endroit plutôt approprié pour ça... » Il fit mine de réfléchir, avant de rajouter d’un ton caustique : « Ah attends, je corrige : c’est le seul endroit où on peut le faire tant qu’on est soumis à la marque. » En théorie tout du moins, la marque trouvait vite ses limites pour les enfants qui, comme lui, vivaient dans un milieu sorcier : puisqu’elle se contentait de repérer les actes de magie à proximité des mineurs, le ministère ne pouvait pas savoir s’il s’agissait de son grand-oncle ou de lui qui pratiquait de la magie au manoir et ne s’en alarmerait donc pas.

Le tchèque détailla un instant du regard son interlocutrice. Il ne la connaissait pas assez pour savoir de quel milieu elle venait, mais un soupçon de préjugé lui laissait penser qu’elle devait être issue d’une famille plus proche des moldus que la sienne. « Ça ne te pose pas de problème, toi, de ne pas pouvoir utiliser librement ta magie ? » Il passa une main dans sa chevelure, recoiffant une mèche qui tombait devant ses yeux azurins. « Tiens d’ailleurs, tu viens d’une famille de sorciers, ou tes parents sont moldus ? » La question était posée abruptement, sans gêne ni détour. Il n’était pas toujours aussi direct, habitué qu’il était, par une éducation froide et réservée, à se montrer plus pondéré dans sa manière de s’adresser à autrui. Mais quelque part, elle était celle qui avait lancé les hostilités en parlant de son grand-oncle, il s’autorisait donc une certaine familiarité.

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Ce n’était pas la première fois que quelqu’un soulignait son lien de famille avec le maître des potions, mais s’il ne s’en était pas offusqué lorsque des gens comme Blaze le charriait à ce sujet, le ton qu’employait Azure l’irritait bien plus. Il n’appréciait que moyennement de se voir entendre dire qu’il mésestimait la chance qu’il avait d’avoir un membre de sa famille dans le corps professoral. Rares étaient d’ailleurs les personnes à savoir qu’il passait une partie de ses mardis après-midi en compagnie de son tuteur. Par ailleurs, il n’était pas certain que tout le monde envie qu’il puisse passer du temps avec son grand-oncle et il était prêt à parier tous les gallions du monde que Zeynep fuirait à l’idée d’avoir des têtes à têtes avec son aïeul. Il se tint toutefois de faire des remarques à son sujet et se contenta d’hausser un sourcil moqueur, il n’allait pas casser du sucre sur le dos d’Alexander devant elle. Le linge sale ne devait se laver qu’en famille, particulièrement dans une famille comme la sienne. « Dois-je en déduire que tu aurais aimé avoir ce... » Il marqua une hésitation, puis reprit en usant des propres mots de la gryffondor : « ... temps gratuit ? » Banalisait-il la chance qu’il avait de recevoir une formation bonus ? Pas le moins du monde, il en était d’ailleurs très reconnaissant, quand bien même il n’était pas dans sa nature de le montrer. En revanche, il s’agissait à ses yeux de tout sauf d’une chance : il s’agissait de son héritage, il n’y avait aucune part au hasard et à la bonne fortune là-dedans. Tout au plus des machinations paternelles et grand-paternelles pour récupérer un héritage qu’ils avaient craint de perdre.

Azure prit un court temps de réflexion avant de répondre à ses invectives. Il n’y avait vraisemblablement pas qu’au sujet de son aïeul que leurs opinions divergeaient. Mue par une certaine curiosité, il n’avait pas tardé à la questionner sur ses origines ; s’il ne partageait pas l’avis général de sa famille sur la supériorité des sorciers pur souche, il était toutefois obligé d’admettre que chez beaucoup d’enfants de moldus, il y avait une certaine proportion à la méfiance, ou tout du moins à prendre ses distances vis-à-vis de la magie. « Non, j’étais simplement curieux. Tu en sais plus sur ma famille que ce que j’en sais sur la tienne, j’étais envieux d’équilibrer les choses. » se défendit-il en souriant. Il ne saurait dire si elle avait été vexée par sa question. De nombreuses personnes l’étaient à l’évocation de la question du sang, mais là n’avait jamais été son but. Cela étant, qu’elle lui en tienne rigueur le laissait assez indifférent ; ce ne serait pas la première personne avec qui les relations devenaient tendues pour peu de choses et il était bien loin d’être de ceux qui avaient besoin de plaire à tout le monde. « Toutefois... » À nouveau, sa voix se fit traînante. Il observait le visage de son interlocutrice avec intérêt, cherchant à discerner chez elle de la colère ou de la méfiance. « Je ne peux m’empêcher de remarquer qu’on trouve bien plus de nés-moldus pour qui l’interdiction de faire de la magie pose moins de problèmes que pour les enfants de sorciers. » Imperceptiblement, la main de l’aiglon alla machinalement trouver sa baguette, dans sa poche. Il ne cherchait pas particulièrement à se montrer provocant avec elle, mais il avait toujours eu une tendance à la bravade, usant instinctivement d’un ton passif-agressif avec les gens. Il était rare qu’il abandonne ce côté moqueur et conflictuel qui l’habitait. Seules quelques très rares personnes en étaient dispensées et seulement dans des situations particulières. Ils n’étaient pas dans des circonstances qui pourraient l’inciter à mettre de l’eau dans son vin, pas plus qu’Azure n’était l’un de ces individus qui obtenaient un traitement particulier de sa part.

« Tu interprètes la marque comme quelque chose qui conditionne les droits que nous avons sur la magie, moi pas. J’estime que la magie est un fait. Marque ou non, elle fait partie de moi ; il est de mon droit de l’utiliser un peu... comme j’ai le droit d’user de mes poumons. Si je commets un acte répréhensible, on peut m’en interdire l’usage, comme on peut exécuter un criminel, mais en dehors de ça, il est impossible de me l’enlever. » Et en matière de criminels exécutés, il en connaissait sûrement plus qu’Azure. Question d’héritage familial. Il haussa des épaules d’un geste nonchalant, comme pour souligner la futilité de telles considérations ; son but n’était pas non plus de braquer la gryffondor ou de la vexer, il tempéra donc légèrement ses propos, non sans qu’un sourire caustique vienne agrémenter son visage : « Mais peut-être que ma vision des choses est due à une éducation diamétralement opposée à la tienne... après tout, je n’ai pas vécu en Grande-Bretagne. Nous, tchèques, n’avons pas le même rapport à la magie que les britanniques d’aujourd’hui. » Comprendre, la politique anglo-saxonne actuelle est bien plus imprégnée d’une vision réductrice de la magie que celle des tchèques, ou des vieilles familles de sang-pur. Quelque part, la direction de Poudlard était parvenue à faire ce que jamais son père n’avait réussi avec Dmitri : lui faire adopter, d’une certaine manière, certaines des idées conservatrices de ses aïeux, quand bien même il demeurait opposé par bien des aspects à la politique familiale.

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Dmitri fronça légèrement les sourcils ; il s’était attendu à voir le visage de la gryffondor s’éclairer d’une lueur énervée ou vexée, mais il n’avait pas imaginé avoir droit, en réaction à ses petites piques, à une mine des plus maussade. Ses sourcils continuèrent leur dangereuse descente à mesure qu’il l’écoutait parler. Les règles, et autres contraintes, le laissaient toujours particulièrement dubitatif. Au-delà de sa forte proportion à la contestation des instructions données par une autorité quelle qu’elle soit, il peinait à voir un lien entre les origines moldues de certains et leur passif respect des règles. Quelque part, il méprisait ceux qui obéissaient aveuglements aux ordres simplement parce qu’ils avaient été donnés par quelqu’un qui les exposait avec assez d’aplomb pour obtenir une forme d’assentiment de la part des plus faibles d’esprit. Il considérait avec dédain ses frères et sœurs qui avaient choisis d’adhérer à la vision familiale sans mal car il voyait en une l’expression d’un quiétisme simpliste. Ce regard qu’il portait à sa fratrie, il l’eut un instant pour Azure. À ses yeux, elle justifiait une inaction face à une interdiction qui n’avait pas lieue d’être, ce qui ne pouvait que la lui rendre antipathique. Il garda toutefois ces pensées pour lui, préférant en premier lieu rebondir sur le choix de ses mots plutôt que sur le fond. « Nous ? » Il afficha un léger sourire amusé, comme s’il se gaussait de l’avoir prise en faute. « Je croyais que ta mère était une sorcière, et que tu ne connaissais pas ton père. La magie n’a pas été une découverte tardive pour toi... si ? » Qu’elle lui reproche d’utiliser la magie sur elle, c’était une chose tout à fait légitime au demeurant, mais qu’elle ne cherche pas à le convaincre qu’il valait mieux se montrer obéissant, c’était peine perdue. « Sache que je n’ai jamais dit, ou même pensé, que c’est parce que les nés moldus n’aimaient pas la magie ou ne s’y intéressaient pas autant. » fit-il d'un air quelque peu vexé. À part pour Colin, bien entendu, qui ne cachait pas une méfiance naturelle à l’encontre de ses pouvoirs. Mais le jeune marin était indéniablement un cas à part.

Le visage de son interlocutrice ne se dépeignait pas de cet air affecté, ce qui le laissait quelque peu circonspect. En réalité, trop accaparé par le regard de la jeune fille, dont il ne parvenait à saisir les subtilités, il n’avait pas cherché à répondre à ses arguments. Depuis ses premiers cours de peinture vivante, il apprenait à observer un peu mieux les gens, se plaisant à réfléchir aux couleurs qui leurs siérait le mieux. Mais pour l’heure, il n’arrivait pas à comprendre ce qu’il voyait. Bien heureusement, elle vint elle-même éclairer sa lanterne, provoquant chez le garçon un fou rire. « Pardon... » s’excusa-t-il. « Désolé de te l’apprendre, mais je crois que j’ai trouvé une autre chose que nous divise alors. » Les situations conflictuelles faisaient partie de sa nature. Ayant toujours été d’un tempérament provocateur, il s’était rapidement fait à l’idée d’être fréquemment en proie à des différends avec les autres. Il reprit très rapidement son sérieux, laissant son rire s’éteindre progressivement. « Mais si ça peut te rassurer, je suis certain qu’il doit bien y exister un sujet sur lequel nos avis divergent. » Il resta quelques instants silencieux, l’observant curieusement. « Si ce n’est pas trop indiscret, puis-je savoir pourquoi tu n’aimes pas voir ce qui divise les gens ? »

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Pour seule réponse aux précisions d’Azure, le garçon hocha distraitement la tête. Il était curieux qu’une sorcière ait ainsi abandonné le monde sorcier, de manière si radicale... à moins qu’elle ne soit une cracmol, ou que sa famille l’ait rejetée en raison de ses idées. Mais il n’osa pas poser plus de questions. Il y avait des limites à l’indiscrétion et Dmitri avait reçu une éducation suffisamment pointilleuse pour savoir lorsqu’il valait mieux museler sa curiosité. Il gardait tout de même ces informations dans un coin de son esprit, comme une note qu’il plaçait mentalement sur le visage de la gryffondor.

Ils avaient si peu en commun, si peu de choses sur lesquelles ils pouvaient s’accorder et elle assénait beaucoup d’arguments en faveur d’une vision qu’il trouvait aberrante. Pourtant, l’aiglon demeurait devant elle. « Je pense que la différence majeure entre toi et moi, c’est que ces avis, comme tu dis, ils font déjà partie de mon quotidien. Je n’ai pas eu le choix d’y échapper. » Il faisait là un simple constat de sa vie. Elle avait été construite autour des idéaux de sa famille, idéaux qu’il avait choisi de repousser par des avis opposés, s’engluant dans des oppositions internes qui, au demeurant, l’avaient conduit à Poudlard. Et dans l’école anglo-saxonne, ces combats ne cessaient pas. Ils étaient même plus fort, plus flagrants. Il n’était plus l’enfant contestataire qui cherchait l’attention d’une famille trop nombreuse, distante et stricte, mais l’héritier d’une vieille politique qui le dépassait et qui se heurtait à de nouvelles, bien plus agressives. Il fallait être particulièrement naïf, ou aveugle, pour ne pas voir que les couloirs étaient le théâtre de bien des différends. « Peut-être que je suis pessimiste... mais en tout cas, je ne me berce pas d’illusions. Je sais qu’on ne peut échapper éternellement à ce genre de conflits. Tu peux essayer si tu veux, peut-être qu’en quittant le monde sorcier, ta mère t’a accordé un sursis, mais tu ne parviendras pas à fuir éternellement. » Sa voix était ferme et catégorique, sa déclaration était sans appel. Il se montrait à présent dur avec elle, laissant transparaître le mépris qu’il avait pour ce qu’il estimait être une fuite en avant ; car c’était ainsi qu’il percevait le rejet de la confrontation. Ils étaient positionnés aux deux extrêmes opposés et il semblait impossible de les réunir.

Il haussa les épaules en un geste nonchalant et retourna sur le coin de la fenêtre qui lui servait de perchoir quelques minutes plus tôt, récupérant son sac qu’il cala sur son épaule. Lorsqu’il revint vers la gryffondor, il lui fit un sourire un poli : « Mais je ne voudrais pas t’imposer ces conflits que tu mets tant d’efforts à éviter... » Il lui laissait à présent le choix de la suite des évènements. Il ne serait pas celui qui allait provoquer la discorde entre elle, elle était libre de l’ignorer si elle le souhaitait. « Si jamais tu étais tentée d’aller te plaindre à un professeur pour la magie dans les couloirs, vas-y fait toi plaisir. Je te conseille d’aller voir le concierge, je suis sûr que ça lui fera extrêmement plaisir de trouver une autre occasion d’occuper mon temps. » Son sourire poli s’était désormais transformé en une expression bien plus moqueuse.

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Dmitri retint de justesse un rire moqueur en voyant l’expression exaspérée de son aînée. Il prenait très souvent – comme aujourd’hui – un malin plaisir à irriter les gens. Il avait un talent naturel pour ça, exacerbé sans doute par des années d’oppositions intra-familiales. « Je comprends tout à fait la nuance... » commença-t-il, un sourire sur les lèvres témoignant d’une blague dont lui seul connaissait la nature. « Mais elle ne m’intéresse pas. Vois-tu, je trouve plus intéressant d’aborder nos divergences : elles sont plus parlantes et plus vraies que les points de convergence. » Il haussa les épaules, alors que ses yeux se perdaient un instant sur les tableaux peints qui garnissaient le mur le plus proche. Son héritage. Depuis son premier cours de peinture vivante auprès du maître des potions, il percevait le patrimoine des van Aken avec bien plus de fierté qu’auparavant. À une époque, il n’y prêtait guère d’attention : septième fils d’un septième fils, il était loin dans l’ordre de succession. Rien ne reposait sur ses épaules – ce qui n’était pas plus mal – et il n’avait d’autre souci que celui de contester sa famille. Mais en Écosse, le savoir-faire de ses ancêtres se faisait plus présent et il lui était impossible de l’ignorer. Au contraire, on lui offrait même l’opportunité d’acquérir une place de choix dans cet étrange tableau familial. Pourtant, malgré ces considérations emplies de fierté, il n’en restait pas moins en quête d’attention ; attention qui passait nécessairement par des oppositions toujours plus éclatantes. En soi, il se fichait bien de ce que pouvait penser Azure de lui, ce n’était pas d’elle dont il attendait, inconsciemment, de l’attention. « C’est un peu comme le dessin... pour faire ressortir la lumière, il est important de s’attarder sur les ombres. Sans elle, tu ne parviendras jamais à donner une impression de lumière sur du papier déjà blanc. Ce sont elles qui vont permettre d’amener du volume, de donner du mouvement au dessin... » Était-il réellement en train de parler art pictural avec elle ? Un regard averti pourrait voir briller, dans ses iris azurines, une forme de passion. Plus profonde qu’aucune autre chez lui, elle ne cessait de s’accroître et était l’une de rares choses capables de le discipliner.

Et parlant de discipline, l’aiglon posa cartes sur table, annonçant qu’elle pouvait bien aller le dénoncer si elle le souhaitait. Si, en déclarant que ça ne lui ferait ni chaud ni froid, il ne mentait pas, c’était également une forme de coup de poker qu’il tentait là ; en laissant entendre qu’il n’en avait cure, il tentait indirectement de saper chez elle toute envie de perdre du temps avec ce genre de choses. Au mieux, il réussissait son coup et repartait tranquille, au pire, il passait quelques heures en compagnie de l’idiot qui leur servait de concierge. « Bien, fais comme tu veux. Je vais donc te laisser, si tu as d’autres plans. » Et sur ses mots, un sourire narquois sur les lèvres, il exécuta une légère courbette, comme s’il s’apprêtait à effectuer un baise-main. Bien entendu, il se redressa avant qu’elle ne puisse croire qu’il ait réellement l’intention de le faire.

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