Voila ! C'était ça qu'on voulait ! Des cours sur les étoiles, sur la mécanique, sur la navigation et sur comment trouver sa nourriture : pêcher, chasser, cuisiner, bref, faire quelque chose de ses mains, quelque chose d'utile et d'honnête. Mais à Poudlard, tout était bien souvent servi sur un plateau. Littéralement. Colin n'avait pas encore bien compris comment arrivaient les plats dans son assiette mais supposait qu'on les faisait simplement apparaitre par magie, de la même manière, lui qui avait fait son lit au carré le matin, contrairement à son voisin de dortoir, avait retrouvé le lit de ce-dernier fait également à midi. Quelle injustice !

Ces sorciers vivaient vraiment dans leur tour d'ivoire mais pour aujourd'hui, Colin était plutôt content de s'y rendre, dans une tour, justement. La tour d'astronomie. L'astronomie, c'était une matière qui faisait un peu rêver et puis, il y avait déjà pas mal de connaissances. Quand on vit en mer, savoir se repérer grâce aux étoiles, c'est important. Même avec le meilleur GPS du monde, on n'est jamais à l'abri de se retrouver perdu un matin, mais de toute façon, pendant des années il n'avait pas eu grand chose d'autres à faire le soir que de s'allonger sur le pont du Collins pour regarder le ciel, et guère de plus grand plaisir encore aujourd'hui.

Il espérait donc retrouver un peu de ça, ici, et pourquoi pas impressionner un peu toutes ces chiffe-molles de sorciers qui se croyaient si intelligents alors que, il en était sûr, ils ne savaient rien sur rien. Du coup, il trouva un peu fort du café qu'on le colle avec des deuxièmes années qui certainement ne devait savoir que ce qu'ils avaient appris l'année dernière, pour lui expliquer comment se servir d'un télescope. Ils le prenaient pour un piéton ou quoi ? Il aurait bien voulu dire quelque chose mais ne réussit qu'à s'empourprer un peu lorsqu'à ne pas trop savoir quoi faire le professeur lui indiqua un groupe à rejoindre sans lui demander son avis.

Le prof, parlons-en d'abord, il avait une drôle de dégaine, un peu chiffe-molle aussi, clairement, il n'aurait pas tenu bien longtemps sur un cargo. Alors certes, il avait l'air gentil, mais on n'était loin de la camaraderie virile et un peu brutale dans laquelle Colin avait grandi et qui lui plaisait tant. O'Neill, lui, semblait plutôt du genre à se faire marcher sur les pieds, il le sentit tout de suite, et avait un je-ne-sais-quoi d'ampoulé dans sa façon de s'exprimer qui ne sonnait pas très naturelle aux oreilles du garçon.

En attendant, un garçon de poufsouffle qui disait s'appeler Liam s'était mis en tête de leur expliquer comment fonctionnait le télescope. A nouveau, Colin eut du mal à réprimer son envie de lever les yeux au ciel. Son explication avait été franchement très approximative, on avait l'impression qu'il parlait d'un télescope comme d'un microscope, n'importe quoi... Mais à nouveau, il n'osa rien dire et quand il trouva finalement le courage de répliquer quelque chose, le moment pour le faire était passé depuis longtemps, ils fixaient tous à présent une pluie d'étoiles filantes.

C'était un joli spectacle, il n'y avait rien à dire et pendant les longues secondes qu'il passa l’œil dans l'appareil, Colin en oublia un peu sa mauvaise humeur. S'il se concentrait bien, il pouvait presque croire être encore sur son bateau, à regarder le ciel tard le soir alors qu'il était censé être couché. Mais bon, c'était sans compter l'espèce de chahut diffus que les sorciers faisaient dès qu'ils se retrouvaient à plusieurs dans une pièce et qui l'empêchait de faire abstraction du reste.

O'Neill les interroge alors à nouveau. Une question générale à laquelle il connaissait la réponse. Il était encore parti pour ne rien dire, cédant face à sa timidité lorsque Liam se pencha à côté de lui pour lui souffler la réponse. Comme s'il en avait besoin !

Le sang de Colin ne fit qu'un tour et il se retourna vers lui en fronçant les sourcils, coléreux.

- Mais n'importe quoi ! Déjà ça s'appelle des lentilles et il y en a plusieurs mais la plus importante c'est celle de Barlow et c'est pas du verre grossissant ça s'appelle une distance focale si c'était du verre grossissant tout serait complètement flou c'est pas une loupe c'est un télescope sur une loupe il y a pas de foyer-image ni de prisme à réflexion totale sinon tu te cramerais l'oeil dès que tu regarderais à travers !

L’idée d’avoir un cours d’astronomie séduisait quelque peu Dmitri. Si jusque-là, il n’avait cure des étoiles, planètes et autres colifichets célestes, il s’était peu à peu dit qu’une telle discipline pouvait être intéressante ; après tout, les fusées et avions qui le passionnaient tant côtoyaient d’une certaine façon les astres qu’il devait étudier dans ce cours.

Ce fut donc armé d’une certaine curiosité qu’il pénétra dans la tour d’astronomie, rejoignant comme d’ordinaire les autres élèves de sa classe, ainsi que ceux de deuxième année, l’astronomie comptant parmi ces matières dont les cours étaient communs pour différents niveaux de classe.

Le professeur O’Neill était un homme à l’allure assez joviale, peut-être même un peu excentrique aux yeux du tchèque, sans doute trop habitué aux hommes plus stricts, si ce n’est austères. De fait, le garçon était assez dubitatif ; d’un côté, cette facette détonant beaucoup à côté des adultes de son entourage avait un petit quelque chose de rafraîchissant qui l’amusait un peu. Mais de l’autre, il ne pouvait s’empêcher de le voir à travers ce prisme qu’on lui avait inculqué durant son enfance et dans lequel les personnes trop hautes en couleurs étaient marginalisées. Ainsi, il avait dû mal à le voir comme un membre du corps enseignant et était inévitablement tenté de le mésestimer.

Demeurant, pour une fois, silencieux, il écoutait attentivement l’enseignement, plus pour le cerner que par intérêt pour ce qu’il disait, quoique sur le papier, utiliser un télescope faisait partie de ces choses qui avaient le potentiel de lui plaire.

Lorsque vint le moment de former des petits groupes avec les élèves d’un an leurs aînés, Dmitri se dirigea vers le premier élève de deuxième année qu’il trouva. « Salut » fit-il en guise de sollicitation. Non loin de lui, il entendit un poufsouffle indiquer le fonctionnement du télescope à deux autres garçons. Son tournant alors vers son binôme d’un jour, il lui lança un regard inquisiteur, attendant d’avoir les fameuses instructions.

Le tchèque observa l’objet avec intérêt ; il avait déjà entendu son père dénigrer cette matière en raison de ses accointances avec le monde moldu, ce qui avait pour effet d’accroître l’envie du garçon d’utiliser l’outil.

Obtempérant face aux instructions de l’enseignant, il porta son attention juste au-dessus de la cabane du garde-chasse. L’œil collé contre l’objectif, il ne put que reconnaître la beauté du spectacle qui se présentait à lui et se fit la réflexion qu’une petite excursion ici en dehors des cours pourrait lui offrir un cadre idéal pour ses dessins. Ainsi plongé dans ses pensées, il n’écouta la question du professeur que d’une oreille distraite. Ce ne fut qu’en entendant la réponse d’un serpentard qu’il se tourna vers eux avec intérêt : le garçon avait l’air de sacrément s’y connaître. La complexité qu’il dépeignait de l’objet le fit froncer les sourcils ; s’il était si technique, ce devait être parce que ce n’était pas une invention sorcière. « Professeur ? Les moldus utilisent le même genre de télescope ? » La question pouvait sans doute passer pour idiote aux yeux d’enfants ayant grandi entouré de moldu, mais pas pour Dmitri qui n’avait jamais eu la possibilité de découvrir ce monde et pour qui il était parfois difficile d’imaginer que les moldus puissent utiliser des outils semblables aux leurs.

Exemplaire du Crôasseur: