Kathleen rentra avec Maya de la soirée des Sang-Purs du professeur Van Aken. Elles bavardèrent joyeusement de tout et de rien, prévoyant leurs futures frasques avec Lunox Levinsen, leur amie commune et fauteuse de troubles en tout genre. Kathleen ne savait pas ce que la fillette allait inventer la prochaine fois mais cela promettait d’être épique, comme toujours. Elles s’amusaient toujours comme des folles avec les plans complètement fous de Nox. Kathleen n’avait, de base, rien d’une fauteuse de troubles, mais elle s’amusait tellement avec Maya et Nox qu’elle s’était laissée aller à quelques bêtises sans gravité, qui l’avaient beaucoup amusée.

Mais ce soir, Kathleen n’était pas vraiment à la conversation et laissa Maya l’alimenter. Elle ne pouvait s’empêcher de penser au discours de Van Aken qui avait des tons un peu extrémistes qui lui déplaisaient. Kathleen ne pouvaient s’empêcher de tourner et retourner ça dans tous les sens, mais elle ne voulait pas donner du crédit, elle ne pouvait pas consciemment en donner à des paroles qui ne respectaient pas une partie de la population. Des pouvoirs, et des ancêtres qui en possèdent ne peuvent donner un droit de vie ou de mort sur les autres et si le professeur n’avait pas utilisé ces termes, Kathleen avait bien compris que c’était le but avéré de tous ces snobs.

En entrant dans son dortoir, Kathleen se laissa enfin aller à ce qu’elle avait retenu jusqu’à présent sans faire attention qu’il y avait une de ses camarades qui ne dormait pas et l’écoutait sans en perdre une miette, mais sa colère contre l’intolérance avait besoin de s’exprimer, quoique à voix basse.

« Non mais quelle bande de… de moineaux sans cervelle et sans cœur ! En quoi avoir le sang prétendument pur, parce que les moldus ne rendent quand-même pas le sang impur, mais enfin bref, en quoi ne pas avoir de moldus dans sa famille rendrait-il une personne plus importante qu’une autre. C’est proprement scandaleux, c’est la porte ouverte à toutes les dérives ! Quand je pense que je dois écouter leurs élucubrations parce qu’il faut être une bonne petite fille sage en société ! Ca me révolte ! »

Il n’y avait pas que les sangs-purs qui avaient veillé tard ce soir-là. Me souvenant de mon contrat avec Maxwell et certaine que Carla et Finnbjörn y serait, j’avais espionné la soirée donnée par le professeur de potions dans l’espoir d’en apprendre plus sur les liens qui unissaient les sangs-purs. Pas pour une étude sociologique bien entendu ni pour le plaisir mais dans le but d’alimenter mes plans pour mettre à exécution la vengeance sourde qui obsédait mon esprit. Même si je n’avais rien appris de très intéressant au fond, et même si ma rencontre avec Carla, qui m’avait surprise, n’avait pas été de tout repos, j’étais quand même satisfaite de ma folie, satisfaite de faire des pas, même minuscule, dans une direction qui me rapprochait de l’objectif que je m’étais fixé.
C’était donc le coeur battant que je me glissais dans mon dortoir, sachant pertinemment que je n’arriverais pas à dormir tant je tournais et retournais cette soirée dans mon esprit. Les yeux grands ouverts dans l’obscurité, je réfléchissais à mes prochains espionnages et à ce que j’allais bien pouvoir raconter à Maxwell. Une ombre se faufila ensuite. C’était évidemment Kathleen, qui rentrait de cette soirée. Je n’avais jamais vraiment eu l’occasion de lui parler sérieusement bien que nous soyons colocataire de dortoir. Je savais qu’elle était sang-pur mais n’en avait jamais discuté avec elle. Se croyant sans doute seule éveillée, elle se mit à parler et à dire en fait tout le mal qu’elle pensait de ce genre de soirée. Je n’en croyais pas vraiment mes oreilles et un grand sourire illuminait mon visage tandis que je tendais l'oreille pour ne pas perdre une seule de ses paroles. Si elle pensait cela des sangs-purs, elle était une alliée potentielle. Et je n’allais pas laisser filer une occasion d’en apprendre un peu plus sur elle, de voir la profondeur de sa révolte et dans quelle mesure elle pourrait m’aider.
Je la laissai donc finir et laissai même un blanc de quelques secondes avant de lancer à voix basse : « Tu as bien raison de dire que ça te révolte, moi aussi. »

Quand elle eut terminé de fulminer contre les sang-purs prétentieux et arrogants, qui estimaient que les Moldus n’en valaient pas la peine, Kathleen se sentit un peu soulagée d’avoir pu exprimer à voix haute ce qu’elle ressentait. Elle avait été tellement frustrée par l’indignation qu’elle avait ressentie sans pouvoir l’exprimer que cela lui faisait du bien d’avoir expurgé un peu de sa colère. Elle ne pouvait pas dire ses choses devant tout ces camarades qui pourraient lui en vouloir de penser de cette façon. Ce serait indigne d’un membre de sa famille. Elle n’avait pas le choix, elle devait se contenir en présence des autres.

Pour cette raison, elle rougit fortement quand elle s’aperçut qu’elle avait été entendue. Zeynep, sa camarade de dortoir, avait tout entendu et s’avançait en lui disant qu’elle avait raison et que tout ceci la révoltait elle aussi. Kathleen était quand-même contente que celle qui l’avait surprise ne soit pas un de ces pro Mangemorts. Au moins, elle n’aurait pas d’ennuis. Elle se demanda quand-même comment sa camarade allait réagir à son attitude. Kathleen considérait que la franchise était une qualité mais tout le monde n’était pas forcément d’accord avec ce fait. Elle regarda Zeynep avec un sourire un peu gêné.

« Tu as tout entendu ? »

Elle la regarda en se mordillant les lèvres. Elle se demandait quelles conséquences cela aurait à la fois pour elle et pour sa relation avec sa camarade. Kathleen ne savait pas que la fillette s’était lancé dans une mission consistant à faire la guerre aux extrémistes de sang-pur et elle ne la voyait que comme la camarade avec qui elle allait partager son dortoir pendant les sept ans à venir. Elle n’avait pas encore vraiment sympathisé avec Zeynep mais elle avait bien l’intention de faire plus ample connaissance avec elle. Elle ne voulait pas que la cohabitation se passe mal.

« Je suis désolée, je n’ai pas l’habitude de me laisser autant aller, mais là je n’en pouvais vraiment plus. Tu ne le sais peut-être pas, mais ce soir il y avait une soirée pour les Sang-purs chez le professeur de Potions, le professeur Van Aken. Bien-sûr, j’ai été invitée. Mais de toute évidence, il s’agissait d’une fête qui avait pour fond de vanter les mérites d’avoir un sang pur. Je sais que c’est mon cas, mais j’ai grandi auprès des Moldus de mon village et même s’ils n’ont aucun pouvoir, ce sont des personnes formidables. Je n’aime pas du tout cette façon de penser si excessive. »

Kathleen semblait surprise et même un peu gênée de mon intervention. Il faut dire qu’il en aurait été de même pour moi dans une situation similaire. La rage pouvait faire faire bien des imprudences et dire tout haut ce que l’on pensait des sangs-purs dans un environnement où l’on n’était pas sûr de qui pouvait entendre nos propos en était une. Heureusement pour elle, il semblait que j’étais la seule à avoir entendu sa révolte et son exaspération face à un milieu qui avait, à mon sens, tout pour déplaire. Pourtant nos situations étaient différentes : elle était sang-pur, habituée sans doute aux mondanités d’un certain rang parmi les sorciers ; je n’étais qu’une née-moldue, qu’aucun jugeait inférieure. Ma révolte était donc selon moi plus naturelle, plus évidente que pour elle. D’où ma propre surprise et ma méfiance conservée tant que je n’en saurais pas d’avantage. Elle avait livrée à l’obscurité une part de son ressentiment et j’allais pouvoir en faire de même, sans crainte. Mais je voulais garder à l’esprit que ce n’était pas pour autant que nous étions forcément tout à fait du même point de vue. J’estimais ma révolte comme un acte sérieux, le premier pas vers une rébellion ouverte. Je ne savais ce qu’il en étais de son côté mais je savais que mes aspirations pouvaient sembler ridicules du haut de mes 12 ans. Encore quelque chose que je devais à mon père.
J’eus donc un petit sourire narquois, invisibilisé par l’obscurité du dortoir quand elle me demanda, surprise, si j’avais tout entendu, question qui était d’ailleurs plus une exclamation qu’un doute.
« Bien sûr… Mais ne t’en fais pas, ce n’est pas moi qui irait te dénoncer à qui que ce soit. »
Je me laissais le temps de peser mes mots et de la laisser continuer dans ces explications. Elle était lancée et ne semblait pas bien savoir où elle voulait aller, sans doute trop étonnée de cette transformation de son monologue en un dialogue avec une fille qu’elle côtoyait sans vraiment la connaître. L’écoutant attentivement, je failli l’interrompre quand elle commença à s’excuser mais préférait la laisser finir. Elle crut m’apprendre l’existence d’une soirée que j’avais passé un long moment à espionner et me justifia son rejet des idées les plus extrémistes en vogue parmi les sangs-purs. C’était enfin à mon tour de parler et je voulais y aller progressivement.
« Tu n’as pas à t’excuser, ça me fait plutôt plaisir de voir que quelqu’un partage mes idéaux. Moi aussi ça me semble absurde toute cette idéologie extrémiste, d’autant plus que pour le coup, toute ma famille est moldue. Mais du coup, tu penses qu’il faudrait faire quoi ? » Ma question était relativement ouverte, un moyen de voir dans quel sens elle la prendrait et ce qu’elle pensait au-delà de ce simple rejet d’un milieu bien toxique.

La réflexion de Zey qui affirmait à la fillette qu’elle n’avait pas l’intention de la dénoncer surprit Kath. Bien entendu, ses propos ne seraient pas forcément bien vus de la part des sangs-purs avec qui elle venait de passer la soirée. Mais de là à parler de cette façon, elles n’étaient pas en train de parler d’un complot ou quelque chose du genre. Mais la fillette supposa qu’elle devait quand-même être reconnaissante à l’égard de sa camarade d’être prête à garder ses secrets, même si elle ne saisissait pas totalement la pertinence de ce détail pratique dans ce cas précis.

« C’est gentil à toi. »

Zeynep approuvait totalement la bêtise de cette idéologie selon laquelle les Sang-Purs étaient supérieurs aux autres sorciers. En fait, elle estimait que personne n’était supérieur à qui que ce soit d’autre et elle détestait les comportements d’intolérance comme elle pouvait en percevoir chez une partie de ses camarades, et même certains enseignants. C’était quelque chose d’assez choquant pour elle que des enseignants, destinés à assurer à la fois la connaissance et le bien-être d’un ensemble hétéroclite d’élèves, puissent considérer que tous n’étaient pas égaux en droits. Pour Kathleen, ça n’avait rien d’un comportement de professeur, et c’était ce qui la préoccupait le plus.

Kathleen apprit que la fillette était d’origine Moldue. Elle ne le savait pas encore car la fillette n’avait pas pour habitude de demander à chacun son statut du sang le jour où elle les rencontrait. Mais ça ne la dérangeait pas que Zey soit enfant de Moldus, plusieurs amis de Kath étaient moldus et elle n’avait aucune idée préconçue sur personne. C’était le meilleur moyen pour accepter chacun comme il était, de n’avoir aucune idée préconçue sur personne. Par ailleurs, la fillette évitait de juger les actions des gens, même malveillants. Elle n’était pas le Magenmagot. Tout au plus, elle évitait de se mêler à ceux qui avait une idéologie trop violente pour elle.

« Je ne sais pas trop. Tu sais, ceux qui pensent comme ça ont du mal à voir autre chose que ce dont ils sont convaincus. C’est difficile de leur démontrer une idéologie différente de la leur. Je suis obligée d’assister à leurs réunions pour cultiver les contacts de ma famille, ça fait partie de notre histoire, mais je t’avoue qu’en dehors, je les évite autant que je peux et puis, je pense que c’est important de continuer à les fréquenter un peu ne serait-ce que pour savoir où en sont les choses. »

J’écoutais patiemment Kathleen m’expliquer sa vision des choses concernant les sangs-purs et j’en étais assez partagée. J’appréciais franchement de rencontrer quelqu’un qui comprenait ma révolte vis-à-vis de ces histoires de statut sanguin qui me paraissaient être une injustice de plus. Mais je ne pouvais m’empêcher de me faire intérieurement la remarque que mon interlocutrice restait assez timorée, plus dans l’idée de fuir ce milieu que convaincue qu’il faudrait tôt ou tard s’y affronter. Mais pour une fois qu’une sang-pure ne me rejetait pas au prétexte de mon sang, je n’allais pas tout de suite me la mettre à dos en exprimant des idées qu’elle trouverait sans doute trop radicales. Il ne s’agissait pas d’effrayer une potentielle alliée, en plus d’une peut-être future amie. J’avais beau avoir en ligne de mire l’objectif que je m’étais fixé en acceptant le contrat avec Maxwell, je n’en avait pas moins conscience que je prenais le risque de m’éloigner franchement de mes amis. Ma relation avec Liam en avait déjà fait les frais.
Et même si j’avais envie au fond de me dire que Kathleen n’allait pas assez loin dans ces idées, qu’elle n’était pas conséquente – de l’expression préférée de mon père – elle n’en restait pas moins dégoûtée par ce milieu qu’elle était forcée de côtoyer pour faire bonne figure.
« C’est ta famille qui tient à ce que tu ailles à ce genre de festivités ? » L’hypothèse la plus probable me semblait être que ses parents tenaient à ce qu’elle se fonde dans la masse de l’élite sorcière, de l’aristocratie magique. Ils devaient être comme beaucoup des pro sangs-purs arrogants, sûrs de leur privilèges et espéraient que leur fille rentre dans ce moule d’intolérance. Mais assouvir ma curiosité personnelle sur les liens familiaux de ma colocataire n’était pas le plus intéressant car sa dernière phrase retenait fermement mon attention. Son deuxième motif était, même si elle ne le disait pas comme cela, de tenir à l’oeil ces extrémistes. Du moins mes espoirs d’alliance ne pouvaient qu’interpréter ainsi sa dernière phrase. Voilà qui avait un intérêt certain pour la mission d’espionnage que je m’étais fixé, même s’il était bien entendu hors-de-question de lui avouer ainsi un si lourd secret, je n’avais encore que peu de raisons de lui faire suffisamment confiance.
« Et du coup, c’était comment cette soirée ? Je dois t’avouer que par certains aspects j’aurais bien aimer voir un peu ce qui se disait dans ces milieux. » J’espérais fortement que ma question passerait pour une banale curiosité et que Kathleen ne se poserait pas trop de questions sur le fond de mes motivations.

Zeynep se trompait totalement si elle pensait que les Kirte étaient pro sang-purs et qu’ils aimaient les soirées mondaines comme celle à laquelle Kathleen avait assisté ce soir. Mais il fallait conserver des liens dans le milieu de la magie, et tous n’étaient pas pro-Moldus. Peu l’étaient en réalité. Les Kirte n’avaient pas le choix. Si Mary voulait continuer à mener ses recherches et s’ils voulaient avoir des appuis, ils devaient faire ce qui était nécessaire. Mais toutefois, aucun d’eux n’avait jamais renié ses valeurs de tolérance et de respect, raison pour laquelle sa famille n’assistait finalement pas à beaucoup de festivités.

« Ma mère est issue d’une lignée guérisseuse et j’apprends avec elle depuis mes sept ans. Elle est donc très connue dans le milieu et a besoin de contacts et d’appuis. Certains, comme le professeur Van Aken, sont nécessaires pour travailler nos connaissances, mais son des pro sang-purs. Nous n’avons pas le choix que de les fréquenter un minimum, malheureusement. Mais tu n’entendras jamais un membre de ma famille médire des Moldus. J’ai grandi parmi eux et j’ai de nombreux amis Moldus, avec la bénédiction de mes parents. »

La famille Kirte n’était pas la seule à être dans ce cas de figure compliqué. Plusieurs familles de sang-pure fréquentaient ces festivités avec la noblesse qui convenait à ce genre de famille mais sans pour autant en apprécier les actes d’intolérance. Il n’était pas facile de faire la part des choses, mais après des réceptions aussi partiales et extrémistes que celle à laquelle Kathleen venait d’assister, elle ne pouvait s’empêcher de regretter que tout cela fonctionne de cette manière. Elle n’appréciait pas du tout d’être obligée de se taire et de ne pouvoir protester contre les injustices.

« C’était une soirée pro sang-pure, clairement. Le professeur Van Aken essaie de nous convaincre de rejoindre les ranges de ces personnes obsédées par le statut du sang. Et je ne peux pas m’opposer franchement à lui parce que j’ai besoin de son appui pour mon apprentissage. Je déteste avoir les mains liées de cette façon. Et je ne suis pas sûre que tu aimerais ce que tu entendrais », acheva-t-elle en secouant la tête avec tristesse.

Le monde si particulier des sangs-purs semblait plus complexe que ce que j'avais pu imaginer. Longtemps je les avais pris pour un bloc uniforme de haine et de mépris mais certain ne correspondait pas à cette analyse un peu carrée. Et ce n'était pas forcément des exceptions isolées, coupées de leur milieu d'origine, comme j'aurais pu le supposer. Kathleen m'expliquait ainsi que ses parents étaient tout aussi favorable aux moldus qu'elle. Et ce n'était pourtant pas la rébellion ouverte avec tous les autres puisque sa présence à ce genre de soirée ne se justifiait que par la nécessité de conserver des liens cordiaux avec certain des plus extrémistes, tout cela pour garder des appuis dans un monde certes replié sur lui-même qui devait maintenir certaines connaissances, une forme d'élite aristocratique qui ne partageait ses atouts qu'avec ceux qui leurs ressemblaient en somme.
La posture de Kathleen et de sa famille n'était donc pas des plus intransigeantes, elle ne menait pas un affrontement ouvert avec ceux dont elle n'acceptait pas les idées. Une partie de moi aurait voulu dire que c'était par lâcheté mais je pouvais quand même saisir qu'il y avait derrière des enjeux qui échappaient à une née-moldue mise de fait à l'égard de toutes ces intrigues malsaines. La situation inconfortable dans laquelle se trouvait Kathleen pouvait néanmoins se révéler utile puisqu'elle avait accès ouvertement à des événements qui m'étaient interdits de part mon statut. Un plan commençait à se former dans ma tête : je pourrais peut-être la convaincre de me raconter ce genre de soirée. J'aurais ainsi une porte ouverte sur un monde que je devais comprendre pour le combattre. Mais l'heure n'était encore pas tout à fait à cela.
"Ma pauvre... tu es dans une situation un peu délicate, ça doit pas être simple de faire semblant, tout ça pour garder des appuis." Mon affliction était sincère, elle était dans une situation que je ne voulais pas avoir à imaginer.
Mon ton se fit plus révolté quand elle me raconta les positions de notre professeur de potions, je les connaissais déjà mais je ne pouvais pas dire à Kathleen que je venais de passer la soirée dans le cachot contigu pour espionner. Et entendre à nouveau ce que pensait le professeur me rappela ma révolte habituelle et continuellement ravivée.
"Je ne comprends pas qu'un professeur puisse tenir de tels propos ! Il devrait se préoccuper du bien-être de tous ses élèves !" J'avais élevé la voix, ce qui pouvait risquer de réveiller d'autres élèves bien moins favorablement disposés à l'égard de mes idées. M'en rendant compte, je recommençais à murmurer : "Bon, il faut peut-être qu'on fasse gaffe quand on parle de ça, il ne faudrait pas qu'on en réveille d'autres..."

Le monde des sang-purs était une jungle. C’était ainsi que la mère de Kathleen avait toujours décrit ces réunions où chacun essayait de trouver son intérêt, où tout le monde se trouvait en ayant la vive envie d’être ailleurs et où tout un chacun faisait des minauderies à des gens qu’ils méprisaient. Un monde de faux-semblant que les Kirte n’aimaient pas mais qu’ils fréquentaient pour le bien de leur propre évolution et pour avoir les appuis nécessaires pour pouvoir grandir et faire grandir leurs familles. La fillette ne se sentait pas forcément à l’aise dans ce monde, mais elle y soutenait ses parents.

« Non, ce n’est pas toujours facile, mais il y a pire. Je pourrais être la fille d’un de ces snobs mesquins et intolérants. Au moins, je peux être fière de ma propre famille. »

Kathleen ne comprenait pas plus que Zey comment un professeur pouvait tenir des propos d’une telle véhémence devant des élèves. Un professeur se devait d’être équitable et de ne pas favoriser une partie d’entre eux comme Van Aken le faisait. Mais il n’y avait aucun doute à avoir sur les véritables sentiments du vieux professeur et tout révoltant que ce fut, ce n’était rien de plus que la stricte réalité des choses.

« Non, il ne devrait pas. Mais tu sais, il nous a sûrement dit cela en pensant que rien ne sortirait de la pièce. La vérité, c’est qu’il voudrait que nous soyons tous faux comme lui, je pense. »

Kathleen se rapprocha du lit voisin et contempla la jeune fille endormie dedans, Madeline Haden, sa protégée. Elle aussi était née de parents moldus, et elle aussi était visée par les mots du professeur. Tendrement, Kathleen remit une mèche de ses cheveux en place, sans la réveiller et remonta la couverture sur elle avant de se tourner vers Zey et de murmurer :

« Oui, ne les réveillons pas, mais si nous parlons à voix basse, ça devrait aller. »

La conversation avec Kathleen me faisait enfin comprendre que ma soirée n’avait peut-être pas été un fiasco complet. Du côté de mon espionnage personnel, je devais dire que ce n’avait pas été une grande réussite et une des raisons qui me tenait éveillée était encore le souvenir tout récent de l’altercation avec Carla, de ce coup de fouet qui démontrait sans aucun doute qu’il valait mieux redoubler de prudence. Mais cette prudence n’allait pas m’empêcher de continuer vers l’objectif que je m’étais fixé et pour cela, tous les atouts étaient bon à prendre. Un Kathleen pourrait s’en révéler un, puisqu’elle avait accès librement à ce genre d’événement. Je ne savais pas encore comment lui présenter les choses, je n’étais pas encore sûre de pouvoir lui faire confiance et ne voulait ni la mettre dans l’embarras en lui révélant des plans qui la mettrait sans doute en porte à faux avec beaucoup de monde, ni prendre le risque de dévoiler mes plans et mes actions à une sang-pure que je connaissais encore bien peu. Mon intérêt pour elle n’était pas feint, j’avais surtout envie de me rapprocher d’elle parce que je me disais qu’au moins elle serait une amie en partie compréhensive des questions qui agitaient mes nuits. Dans ce monde qui m’était bien souvent hostile, je voulais me sentir proche de toute personne un peu plus ouverte que la moyenne.
Ce sentiment était plus affirmé quand elle me parla de la fierté qu’elle ressentait pour l’ouverture de sa famille au monde moldu. Pour d’autres raisons, je pouvais moi aussi me sentir fier de mon père même si pour l’instant nos relations étaient quelque part entre orageuses et inexistantes. J’étais sûre que s’il voulait un jour comprendre le monde dans lequel j’évoluais désormais, il approuverait de tout coeur ma révolte et la partagerait sans doute dans les limites de ce qu’il pouvait comprendre d’un monde qui n’était pas le sien. J’étais fière de ma famille pour les valeurs qu’elle m’avait transmises, pour ce que mon père racontait de ces actions en Turquie les soirs où, mélancolique, il laissait ses souvenirs affleurer dans nos discussions. Il n’avait jamais été un grand bavard à ce propos mais il n’y avait pas besoin de mots pour transmettre et aviver la révolte qui grondait en moi. Même aujourd’hui, malgré la distance à la fois physique et moral, il me semblait encore que c’était lui qui me donnait la force d’agir comme je venais de le faire ce soir.
« Oui tu sembles avoir toutes les raisons d’être fière de ta famille… Je ne sais pas comment je ferais dans une famille de pro sangs-purs mais d’une certaine manière la question ne se pose pas. Nous n’aurions sans doute pas eu les mêmes idées si nous avions été élevées dans ce genre de milieu. » En disant cela, je ne faisais qu’un constat qui de mon point de vue n’excusait personne : c’était tout de même un choix de suivre où non ces idées et je ne me disais pas que Carla ou autre n’était qu’une victime.
Concernant les idées du professeur de potions, j’eus la joie de voir que Kathleen soulevait d’elle même le problème principale : cela ne se savait pas, ou peu. Ici, les élèves ne connaissaient que la partie émergée de l’iceberg, et encore, s’il s’intéressait au sujet. Ils ne voyaient que le plus visible, le plus extrême, les incendies et les attentats, mais pas tout ce qui se tramaient derrière, dans l’ombre, insidieusement, tout aussi dangereux mais moins direct. Elle me tendait presque une perche pour lui demander de me raconter ce qui se passait mais je n’étais pas encore certaine de vouloir la saisir. J’avais peur pour elle, j’avais peur pour moi. Je n’oubliais rien de cette soirée et des risques que j’avais pris et le sifflement du fouet dans mes oreilles était là pour me le rappeler. Je ne voulais pas que Kathleen se retrouve dans la même situation d’autant plus qu’un sentiment vague me faisait me dire qu’elle n’avait pas bien conscience de ce que ça pouvait impliquer. J’étais peut-être un peu paranoïaque mais je n’avais aucune confiance dans les sangs-purs. Si Carla avait pu me menacer d’un fouet, d’autres iraient plus loin. Il y avait autre chose qui m’embêtait dans l’idée de m’ouvrir de mes plans à ma colocataire de dortoir : j’avais l’habitude de gérer seule mes problèmes et faisait difficilement confiance à quelqu’un d’autre dans ce domaine.
J’allais donc commencer doucement par tâter le terrain, sans m’imposer de limites préétablies, voir si Kathleen pourrait être prête à me filer un coup de main à l’occasion, ne serait-ce qu’en me racontant ce genre de soirée.
« Oui tu as raison, c’est un vrai problème que ça ne se sache pas plus… Ce serait bien de dévoiler ce genre de trucs. » Mon ton était neutre, sans aucune notion de demande ou autre, comme un constat. Je lui tendais à mon tour une perche et voulais voir si elle la saisirait.

C’était évident qu’on avait des idées forgées sur l’éducation qu’on recevait, mais Kathleen ne pensait pas que l’éducation faisait tout. Elle connaissait suffisamment de membres de familles pro-Mangemort qui s’opposaient à leurs familles pour savoir que c’était possible, mais c’était une situation compliquée et une vie difficile. Et, pour cette raison, elle était heureuse et fière d’avoir une famille qui croyaient en la tolérance et en la justice. Elle était heureuse de sa complicité avec ses parents, avec sa petite sœur. Elle avait vraiment de la chance dans le milieu auquel elle appartenait, tant moldu que sorcier. Et elle ne l’ignorait pas.

« Quand je vois comment vit mon amie Sarah, dont le père est Mangemort et qui ne croit pas en lui, ou Léo, qui adhère aux théories de ses parents sans y adhérer… Crois-moi, c’est une chance de vivre dans une famille unie et qui ne t’impose pas une idéologie dangereuse. »

Kathleen savait que les choses n’avanceraient pas facilement et des gens comme Van Aken faisaient toujours bonne figure alors que derrière, il méprisait les élèves qui n’avaient pas le sang pur, cela bien entendu, sans rien leur en dire. Il avait tout simplement affirmé qu’ils étaient supérieurs aux autres, mais Kathleen n’était pas du tout d’accord avec ça. Et voilà que maintenant, Zeynep suggérait de dévoiler à tout le monde ce que Van Aken pensait vraiment. Kathleen pouvait deviner ce qu’il y avait de palpitant à imaginer sa déconvenue, mais c’était dangereux.

Van Aken n’était pas un enfant de chœur. C’était un homme puissant et dangereux à qui il ne fallait pas chercher des noises sans y faire vraiment attention. Zeynep ne savait pas sur quoi elle se lançait, et Kathleen se demandait à quel point la subtilité lui était familière Elle fronça les sourcils et se mordit une lèvre.

« Fais attention si tu t’attaques à lui. Ce n’est pas un mince morceau. S’il te soupçonne d’être contre lui, je suis sûre qu’il peut te faire disparaître sans que personne ne fasse que le soupçonner. Après, si tu as des preuves, ou si tu veux avancer, je te conseille de prendre contact avec Aisling Shepherd. J’ai entendu dire qu’elle voulait devenir journaliste et peut-être qu’elle saurait comment sortir les choses, mais tu vas avoir besoin d’un bon dossier et je ne parle pas de témoins. Personne ne témoignera jamais à visage découvert contre lui. »

Kathleen ne s'en rendait pas compte mais à mesure qu'elle parlait, elle me fournissait de précieuses informations que mon cerveau ne pouvait s'empêcher de noter, classer, trier. Je ne connaissais ni Sarah, ni Leo mais maintenant que leur nom était lié d'une manière ou d'une autre à leurs idées respectives, je ferais attention si par hasard je les croisais dans les couloirs. Sarah avait peut-ête la trempe d'une alliée, ce serait à voir selon son degré d'opposition à sa famille. Quant à Leo, j'étais bien plus mitigée. Nous n'étions plus dans une discussion banale, je sortais d'un espionnage pour le moins complexe et je ressentais encore l’adrénaline de ma mission. Je n'avais certes pas de famille unie mais on m'avait transmis une idéologie des plus nobles. Pourtant je n'allais pas répondre sur ce point. D'abord, ce n'était pas le plus important. Ensuite, il me semblait entendre un léger frémissement, espérons que personne ne se réveille ! Un autre nom surgit dans la conversation : Aisling Sepherd. Je ne la connaissais pas et avais une certaine méfiante dans les journalistes ou leurs apprentis mais l'information pourrait sans doute se révéler utile. Mon cerveau tournait à plein régime, j'étais bien loin d'être disposée à trouver le sommeil.
« Je sais bien que c'est compliqué. Mais ça vaut parfois le coup de faire ce genre de trucs... » Le sifflement du fouet résonnait encore dans mes oreilles sans supplanter le souvenir du mépris des uns et des autres. Kathleen semblait saisir quand même un peu les enjeux, ça me soulageait mais je ne pouvais m'empêcher de la trouver bien timorée. Elle avait onze ans certes, mais je n'en avais que douze. Mais, l'avait-elle fait volontairement ? Elle m'ouvrait une brèche pour lui demander son aide. Rien de si dangereux, personne n'en saurait rien. Je voulais juste qu'elle continue sa vie comme elle la menait et qu'elle me raconte ce qui se passait dans ce genre de moments qui lui étaient ouverts.
« Tu accepterais de me raconter ce genre de soirée ? » Je marquai une pause, le temps d'être sûre qu'elle comprenne la portée de ce que je voulais lui demander. « Je n'en dirais rien, bien sûr... C'est juste que j'aimerais savoir, ça m'intrigue ce monde auquel je n'ai pas accès. » J'édulcorai un peu la vérité de mes intentions mais c'était pour une bonne cause et je ne lui mentais sur rien de ce qui pourrait la mettre en danger. Si elle acceptait, je ne dirais rien à personne.

Kathleen savait que beaucoup de personnes dans le milieu des sang-purs étaient contre la suprématie de leur sang. Mais entre ceux qui étaient soumis à leur famille, ceux qui étaient trop faible pour se battre et ceux qui étaient attachés, comme elle, à conserver une réputation et un cercle pour d'autres motifs, il n'y en avait pas beaucoup pour se battre contre les préjugés et les comportements déviants tel que ceux que Kathleen avait pu observer dans les soirées de la haute société. Même Sarah, qui était pourtant extrêmement opposée à sa famille, n'osait pas se monter contre eux à visage découvert. Elle était pour le moment très protégée, mais ça ne resterait pas le cas si on apprenait ses mauvaises fréquentations.

Pour autant, Kathleen n'avait aucune idée des projets sous-jacents de Zey. Elle ne se doutait pas que la fillette avait d'autres projets que simplement une discussion sur les us et coutumes de la vie parmi les sangs purs. Cela dit, elle avait bien raison sur le fait que c'était un combat difficile et compliqué mais qui en valait la peine. La justice, la tolérance et l'équité étaient des valeurs essentielles pour la fillette qui était persuadée qu'il fallait traiter tout le monde de la même façon, quelles que soient ses origines et sa façon de penser. Kathleen avait toujours pensé comme ça.

« C'est un combat important, même s'il est difficile, que celui de la justice et de la tolérance. non je trouverai ça triste que tu te mette en danger à cause de ça. »

Apparemment, Zey avait envie d'en apprendre plus sur le monde des sang-purs et les cérémonies et événements qui accompagnaient ceux qui faisaient partie de cet univers. Ça ne choquait pas plus que ça la fillette. Elle ne se doutait pas que les intentions actuelles de sa camarade étaient différentes d'un simple intérêt et se rapportaient à une enquête personnelle.

« Oui, si ça t'intéresse, bien sûr ! »

Je ne savais pas très bien ce que je voulais avec Kathleen. Déjà, elle était amicale et je savais que j’avais besoin d’amie, encore plus si elle partageait mon dortoir. Mais il y avait quelque chose de plus qui rendait cette discussion pas tout à fait désintéressée. Elle pouvait devenir une porte d’entrée sur un monde qui non seulement m’intriguait mais que je voulais combattre. Et il faut toujours connaître ses ennemis avant de se lancer dans la bataille. Je n’avais pas la sensation de vouloir l’utiliser, mais mes préoccupations étaient tellement tournées vers cet objectif que tout devenait un pièce dans ce gigantesque puzzle que je me construisais. Malgré certaines réticences qui me semblait étranges, Kathleen semblait comprendre ma volonté et l’approuver, ce qui me permettait de me dire que j’étais bien loin de vouloir la manipuler dans mon intérêt. Je lui avait clairement dit ce que je ressentais, elle était partante pour me raconter ce genre de soirée, tout allait bien, tout était clair. Je ne lui demanderais rien de plus.
« Ne t’en fais pas, je suis prudente. »
Bon, c’était un peu surestimer mes capacités à ne pas me laisser déborder par mes émotions, la dernière soirée prouvait s’il en était besoin que la prudence n’était pas mon fort mais elle n’avait sans doute pas besoin de le avoir. Et j’espérais bien m’améliorer sur ce point, sincèrement.
« Oh super, merci beaucoup ! »
Dans mon enthousiasme, j’avais haussé légèrement la voix, arrachant quelques grognements à une de nos camarades endormies. Il commençait vraiment à se faire tard et il valait sans doute mieux que nous ne restions pas trop longtemps dans cette discussion, d’autant plus que nous étions sans doute arrivées au bout de ce que nous avions à nous dire toutes les deux même si ce n’était que le début d’une longue série de discussion de ce genre.
« Bon faut peut-être qu’on dorme un peu maintenant… J'ai un devoir à finir demain et je sens que je vais avoir besoin de toutes mes capacités...»

Kathleen n'avait aucune idée de ce que la jeune Poufsouffle voulait faire avec son aide et ses informations, mais ça ne la dérangeait pas du tout de lui écrire de temps en temps pour lui faire part de ce qui se disait dans la bonne société. Il fallait quand même avouer que le plus probable était qu'il ne s’échangerait que des choses ennuyeuses dont Zey n'aurait absolument rien à faire. Cela dit, si elle voulait en apprendre plus, Kathleen ne voyait pas pourquoi elle l'en priverait. Elle n'avait jamais compris ce qui pouvait amuser certaines personnes dans ce que d'autres trouvaient extrêmement ennuyeuse mais c'était la loi de la vie.

Kathleen se demandait si Zey la considérait simplement comme une camarade ou plutôt comme une amie, mais de son côté, elle était prête à lui accorder son amitié si elles le souhaitaient. En général, il était exceptionnel que la fillette refuse d'aider quelqu'un de se faire de nouveaux amis sauf quand la personne se comportait vraiment d'une manière qu'elle ne pouvait pas cautionner. Ça ne lui semblait pas être le cas de Zeynep. La fillette était donc tout à fait bienveillante envers sa camarade qui venait de lui suggérer une collaboration.

Mais il se faisait tard, la soirée avait déjà duré et à présent qu'elles avaient discuté un moment, le sommeil se faisait de plus en plus sentir. La proposition de Zeynep de s'arrêter de parler et d'aller dormir fut donc accepté avec plaisir par Kathleen qui décida d'accepter d'aller se coucher et de conclure ainsi leur conversation, mais elle était enchantée d'avoir pu se rapprocher de celle qui partagerait son dortoir jusqu’à la fin de sa scolarité. Elle alla donc se coucher, le sourire aux lèvres, avec la promesse d'un avenir où elle aurait encore plus d'amis et de belles choses dans sa vie.