ft. Cameron Brown & sa classe

Lorsque le flot d’élèves de troisième année sortit de la classe, Cameron était déjà dans le couloir. C’était probablement la première fois de l’année que cela arrivait, surtout dans ce cours-ci. Mais il n’avait pas eu cours juste avant et Mallory l’avait lâchement abandonné pour voir son professeur d’Arithmancie au sujet d’il ne savait trop quoi. Il n’avait pas eu le courage d’attendre devant la porte d’un professeur qu’il ne connaissait même pas, comme une pauvre bête attendant son maître, aussi il avait machinalement pris le chemin du troisième étage. Sans grand entrain… L’Histoire, ça ne servait à rien… Ça avait beau dire que c’était pour entretenir la mémoire collective, éviter de recommencer sans cesse les erreurs du passé ou éveiller leur esprit critique, ça n’était, à ses yeux, rien d’autres que des grosses conneries. Les erreurs, c’était toujours les mêmes, et c’était toujours pour leurs pommes. Ça n’avait pas grand intérêt de poser ça en guise d’exemple si tout le reste du monde magique s’en fichait complet et faisait semblant d’innover pour une guerre déjà vue ou un racisme qui traversait les ans. Un sourire étira vaguement ses lèvres alors que la tête blonde d’Hilary passait la porte et il agita la main dans sa direction avant qu’elle ne disparaisse, emportée par la foule. Un soupir lui échappa alors qu’il entrait dans la classe, saluant leur nouvelle enseignante d’une voix absente et se traînant péniblement jusqu’au fond. Il se laissa tomber sur une chaise, déjà épuisé par l’ennui qui l’attendait. Il ne savait pas à quoi s’élevait sa moyenne, cette année, mais il ne visait même pas le A. Ses devoirs avaient été catastrophiques du début à la fin… et il s’en fichait éperdument. Il y aurait d’autres matières pour se rattraper, celle-ci ne lui paraissait pas primordiale. Même sans savoir vraiment ce qu’il comptait faire plus tard, il savait pertinemment que ça ne lui servirait à rien.

— Déjà là ?

La voix de Skyler le tira de ses pensées. S’il commença par lui adresser un sourire amical doublé d’un haussement d’épaules désespéré (oui, il était déjà là), il ne put s’empêcher de froncer les sourcils en la voyant se poser à côté. Normalement, c’était la place de Mallory. Ça avait toujours été la place de Mallory… Mais il laissa finalement couler. C’était juste un cours, un seul pauvre cours, ça n’avait pas trop d’importance. Elle trouverait bien une autre place pour l’occasion et ils se retrouveraient dès la sonnerie.

— Plutôt mignonne, la prof. C'est ça qui t'as donné tant de motivation pour venir, avoue !

Son regard clair se posa un moment sur leur professeur, la détaillant sans prendre la peine de réaliser que ça pouvait être aussi bizarre que gênant. Un nouvel haussement d’épaules lui échappa alors qu’il consentait enfin à sortir plume et parchemin.

— Nan, j’te la laisse si e’t’fait kiffer. On dirait qu’elle s’est bouffée un mur genre, elle a une gueule chelou...

Il était arrivé en avance par un obscur concours de circonstance qui n’avait strictement rien à voir avec la prof… d’autant plus qu’il n’avait même pas d’attrait particulier pour les blondes. Celle de Soins était carrément plus jolie qu’elle, et elle avait l’air plus jeune aussi. Elle devait avoir au moins quarante ans, elle ! Quelques instants plus tard, lorsque sa jumelle passa la porte, l’adolescent lui adressa un regard désolé et la suivit jusqu’à la place qu’elle s’était choisie. Il culpabilisait un peu, mine de rien… Il n’y avait pas mort d’homme mais il n’avait pas envie qu’elle se sente délaissée pour une histoire de place. Est-ce que c’était possible ? En vrai, oui. Il passait moins de temps avec qu’elle qu’il ne l’avait fait les autres années et s’il savait qu’ils s’étaient mis d’accord sur ce point en début d’année, il craignait malgré tout qu’elle lui en veuille un peu. Il n’eut pas le temps de se questionner bien longtemps que Madame Hatwell, puisque visiblement c’était ainsi qu’elle s’appelait, se lança dans un discours sans fin… « Rien de bien méchant », y’en avait quand même pour quinze plombes… Le cours avait même pas officiellement commencé que son seuil de tolérance était largement dépassé. Petit à petit, alors que le blabla de la prof s’éternisait, Cameron s’appuya légèrement contre le mur, s’avachissant lamentablement sur sa chaise et laissa son regard se perdre à l’extérieur… D’ici, on voyait la forêt… ça rappelait la chasse… Ça avait été sympa quand même… Même s’ils avaient perdu et qu’ils s’étaient retrouvés coincés dans la vase, là… Mais c’était bien… pas la vase mais le reste… Machinalement, sa plume se mit à gribouiller dans un coin de sa feuille. Il aurait été tout bonnement incapable de dire si le cours avait commencé ou non. La prof avait une voix agréable qui faisait un bruit de fond apaisant mais qui ne donnait absolument pas envie d’écouter… C’était sa faute, là, aussi. Fallait les passionner, les élèves, pas les endormir ! Sans raison apparente, Skyler lui mit un petit coup de coude qui suffit à faire bouger son bras et déraper son trait. Un claquement de langue réprobateur lui échappa alors qu’elle se penchait vers lui.

— Bah ouais, c'est toujours les mêmes qui trinquent.

Il n’avait pas la moindre idée du sujet du cours mais là, comme ça, ça devait être « les moldus sont nos amis, achevons-les tous ». C’était toujours la même chose de toute façon, ils commençaient à connaître la chanson. Il hocha la tête, par principe et jeta un regard désespéré à son pauvre dessin.

— C’ma biche qu’a trinqué là, p’tain, chuchota-t-il alors qu’il essayait de rectifier le tir, r’garde, à cause de toi, elle a une patte d’handicapé.

Si maintenant on ne pouvait même plus dessiner tranquille, sérieux, il n’y avait plus aucune raison de se pointer en cours d’Histoire…