Finn rencontre Blaze, perché en haut d'une tour

J’avais prévu de porter ma réponse à Grand-Père ce matin, il n’aime pas qu’on le fasse attendre, et la situation dans laquelle nous nous trouvons nécessite son expertise rapide. Erin m’a fait savoir qu’elle se chargeait de lui toucher un mot, mais je ne peux m’empêcher de m’inquiéter des hypothétiques conséquences de son comportement… Junior est peut-être notre ami, il se trouve qu'il n'est pas, du moins pas encore, notre famille. Et il est fortement préoccupant que ma soeur jumelle se soit permis un tel écart... C’est donc vêtu de mon manteau de fourrure fraîchement récupéré que je monte l’escalier, affrontant la brise légère. Mon regard perdu dans la contemplation de la forêt interdite tandis que j’effectue mon ascension, je pense à mes réussites, à mes échecs… à ce que j’ai accompli, et à ce qu’il me reste encore à faire. La route est longue, mais je me suis promis de ne pas faillir, et mes épaules doivent pouvoir assumer le poids des attentes de ma famille. Je me prépare donc à chercher le Harfang des Neiges familial parmi toute la volaille hululante, et quelle n’est pas ma surprise de tomber sur une silhouette masquée, qui me vise d’un sortilège avant que je n’aie pu émettre la moindre réaction… Le temps que je réalise ce qui se passe, mon manteau se retrouve figé, et mes membres, prisonniers, avec lui. Je ne cherche pas à me débattre comme un forcené, je souhaite mettre à profit les quelques secondes que j’ai à disposition pour analyser mon adversaire : cette voix, je ne la reconnais pas ; j’établis donc un contact visuel, mais rien à faire, mon esprit refuse de pénétrer le sien… Tant pis pour la légilimancie. Je ne suis pas dans la position la plus avantageuse, et qui que soit celui qui me provoque, plaisantin ou ennemi de la famille, j’ai grand intérêt à ne pas le laisser profiter de la situation. Il me faut donc gagner du temps. « Mes crrrimes. Et puis-je savoirrr lesquels sont-ils, si ce n’est pas indiscrrret ? » demandé-je d’un ton serein, le regard inexpressif. J’ai ma petite idée derrière la tête : les menaces de Carter ne sont pas tombées dans l’oreille d’un sourd, et j’avais dans l’idée que je pouvais m’attendre à une offensive de sa part à tout moment. Je m’attendais plus à ce qu’il me tombe dessus avec deux gorilles à la sortie d’un cours pour me refaire le portrait en bonne et due forme, ce qui aurait pu me permettre de le faire renvoyer en allant jouer les martyrs auprès de l’infirmière… mais il faut croire que je connais mal cette brutasse de Poufsouffle, qui a sans doute cru astucieux de me coincer dans la volière. Je ne sais pas à quoi il s’attend, à me forcer à me mettre à genoux pour m’excuser ou je ne sais quoi ? Qu’il utilise l’Imperium si c’est ce qu’il souhaite, je ne céderais pas si facilement.

La tâche n’est guère aisée, avec un bras à moitié paralysé dans une manche pétrifiée, mais du bout des doigts, je tente d’atteindre ma poche où se trouve la baguette. Je grimace légèrement, tortille mon poignet autant que mes articulations me le permettent, et touche le bois d’amourette qui compose ma baguette. Délicatement, je parviens à l’extirper, et à désigner mon thorax de son extrémité. « Finite » Le sortilège fonctionne, et je retrouve ma mobilité : je masse mes phalanges, m’efforce de réactiver ma circulation sanguine, et me tourne vers mon agresseur, que je toise, le visage sévère. Rien ne me permet d’identifier Carter, mais je suis quasiment sûr que c’est bien à lui que j’ai affaire… « Je n’ai ni temps, ni intérrrêt à consacrrrer aux frrrasques d’un comique de bas étage. » l’avertis-je, en rangeant le courrier destiné à Grand-Père dans ma poche gauche. Je me demande pourquoi Carla s’est autant attardée avec ce bouffon, était-elle à ce point si entichée de lui pour ne pas s’exaspérer de son comportement puéril ? Heureusement, je demeure maître de moi-même, et ne laisse aucune émotion parasiter les traits de mon visage. Qu’il jalouse également ma dignité, en plus de ma relation avec son ex petite amie, cela lui fera donc les pieds. « Pourrrquoi n’utilises-tu donc pas ton cerrrvelet de gobelin sous-développé à des fins moins rrridicules, Carrrterrr ? Un duel en bonne et due forrrme serrrait plus honorrrable, si tu souhaites rrrégler tes comptes. » Je le pointe, de l’extrémité de ma baguette, le tenant en joue : au moindre mouvement de ses lèvres indiquant qu’il a l’intention de me jeter un sortilège, je me verrais dans l’obligation de contre-attaquer instantanément. Je me suis réveillé amnésique une fois, dépossédé de toutes mes facultés, et il est improbable que je laisse une situation similaire se produire…

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Je dois bien l'avouer, je suis légèrement abasourdi devant le comportement absurde de mon interlocuteur énigmatique. Certes, je m'attendais à ce qu'on me tombe dessus un de ces jours, éventuellement à ce que l'on me fiche une raclée qui défigurerait peut-être malheureusement mon beau visage, mais un pareil comique déguisé en ninja, je dois vous avouer que ça ne m'était pas venu à l'esprit... Malgré tout, je garde mon calme : mon interlocuteur est peut-être siphonné, ce n'est pas mon cas, et si quelqu'un doit être maître de la situation, c'est bien évidemment moi. J'étais pratiquement sûr de moi en soupçonnant Carter au début, mais je commence à avoir de sérieux doutes... et mes convictions s'effondrent lorsqu'il confirme oralement que ce n'est pas lui. C'est logique, j'aurais du jeter un oeil avant à sa taille et à sa masse musculaire, sa silhouette ne correspond pas vraiment à l'image que je m'étais faite de celle du Poufsouffle. Alors, qui d'autre ? Je l'imagine certainement stupide, mais pas suffisamment lâche pour envoyer un de ses sbires faire le sale boulot à sa place : au contraire, il a l'air d'avoir un trop gros égo pour échapper à la possibilité de me mettre une raclée vengeresse...

Je reste de marbre, statique, baguette en main et prêt à m'en servir si je devais en ressentir le besoin. Il en est de même pour mon opposant, qui tente manifestement de me provoquer... Selon lui, j'ai fâché un bon nombre de personnes, dans ce bâtiment. Evidemment, je m'empêche de lever les yeux au ciel : s'il faut maintenant faire attention à ne pas heurter la sensibilité des insectes que l'on écrase, cela devient relativement compliqué... Mais surtout, il fait référence à Bradford, et c'est ce qui me met la puce à l'oreille. Je doute sincèrement que ce soit lui, vu le spécimen, il aurait certainement commencé par une flopée d'insultes tout droit sorties de son esprit de primate non-évolué... Mais comment s'appelait ce gars, dont ma soeur me demandait de me méfier ? « Ça a du me venirrr à l’esprrrit une fois ou deux. » réponds-je simplement, en haussant les épaules, comme si on me demandait simplement si je voulais des olives avec ma cane fondante. J'ai peut-être surestimé le danger de ce face-face, mon rythme cardiaque commence à s'apaiser, tandis que j'étudie attentivement chaque parole de mon interlocuteur. Un rien peut me mettre sur une piste à exploiter... Son petit discours de justicier auto-proclamé me laisse profondément dubitatif, ne laissant sur mon visage qu'une moue sceptique. Est-ce qu'il faut rire ? Je m'attends à tout moment à un lever de rideau, et à ce que ma soeur clame que je me suis laissé prendre au piège. Je laisse tourner ma baguette entre mes doigts, et après quelques instants de réflexion, je lâche finalement : « Je suis navrrré si Brrradforrrd était rrréellement innocent, ce qui n’a pas toujourrrs été prrrouvé à l’heurrre actuelle. » C'est tout ce que j'ai à dire sur le sujet, je ne suis pas fou au point de revoir ma version des faits, et de faire machine arrière... « Mais je ne m’excuserrrais pas d’avoirrr fait ce que je jugeais juste, ni d’avoirrr exerrrcé mes drrroits. » Garder mes positions me semble de loin être l'option la plus sage, quand bien même je mens effrontément. A moins qu'il n'ait également le pouvoir de lire dans les esprits, mon interlocuteur ne peut pas le prouver.

Nous restons à nous toiser en chiens de faïence, à nous tenir en joue comme de vulgaires criminels, aussi je soupire. Ce n'est pas tout, mais mon temps est précieux, et la matinée est quasiment écoulée... Réaliser que je l'ai passée à observer un bouffon me jouer son numéro n'est pas franchement une satisfaction. Il ne m'apprend rien pour le moment, je suis conscient d'être aussi peu apprécié dans l'enceinte de cette école que je ne suis sympathique et avenant. La logique impose que j'attire les jaloux, les sangs de bourbes revanchards, ainsi que les justiciers du dimanche, c'est malheureusement le prix à payer avec un rang comme le mien. « As-tu terrrminé tes pitrrrerrries, ou faut-il que je me plaigne pourrr harrrcèlement ? » demandé-je, un faux sourire poli plaqué sur le visage. Décidément, si on ne peut plus envoyer son courrier en paix, je confierais à l'avenir les lettres à Grand-Père à Hannibal... A nouveau, je croise son regard, et me concentre en fixant ses pupilles, en quête d'une information pertinente.

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Si je l'en crois, il appartient à une autre communauté : c'est probablement un petit sang-de-bourbe venu des bas-fonds nous reprocher notre dignité naturelle et nos droits de naissance... Si j'étais doué d'empathie, peut-être aurais-je pu comprendre ses motivations, mais ce n'est malheureusement pas à ma portée. Avec ces familles-là, je préfère autant que le contact soit quasi-inexistant... mais mon interlocuteur l'a forcé, et me voilà, face à lui. « Bien, si tu souhaites discuter, discutons. Ferrrais-tu n’imporrrte quoi pourrr honorrrer les tiens ? Es-tu fierrr de ta famille ? » demandé-je, mes yeux plantés dans les siens. J'imagine que non, personne n'est fier d'habiter dans une semi-porcherie et de porter des habits de seconde main, c'est peut-être même ce qui l'a motivé à mettre une cagoule, mais par principe il répondra probablement oui. « Je le suis, et j’estime que ce n’est pas un crrrime. Quant à mes rrresponsabilités, je les assume seul. » J'ai à présent une certitude : il ne me connait pas, ni d'aujourd'hui, ni d'avant l'amnésie. Il arrive bien évidemment que nous fassions appel à Grand-Père, comme lorsque nous avons du échapper au procès en deuxième année, mais l'argent de notre famille ne sert qu'à nous offrir les parures les plus luxueuses et des vêtements hors de prix que mes camarades ne pourraient imaginer que dans leurs rêves les plus fous. Du reste, je me contente de rester à ma place, de ne pas faire de vague, et d'inciter mon frère et mes soeurs à en faire de même... Alors que mon interlocuteur respecte ce souhait, et apprenne à rester à sa place.

Je sourcille, tout d'abord sans comprendre : c'est une menace ? J'observe l'individu qui me fait face, son étrange accoutrement, et me demande si je dois me préparer mentalement à en voir défiler des dizaines dans le même genre au cours de la semaine à suivre. Son discours a l'air de laisser sous-entendre qu'il n'est pas seul, et qu'il n'est qu'un membre parmi toute une petite secte qui aurait été formée dans le but de me nuire... Charmant. Je soupire, apathique, ma baguette toujours bien en main. « Fais donc passer le message à ton ami de demain, et à ceux des jours suivants, que je ne joue pas dans cette cour. » En effet, je ne me vois pas me mettre à traquer les petits plaisantins qui auront décidé de me coller à la trace et d'attendre l'heure de dépôt de mon courrier. Et s'il est nécessaire que j'aille rapporter à la direction ou me plaindre à l'infirmière que des élèves ont décidé de me harceler pour retrouver la tranquillité qui me revient de droit, je le ferais sans hésiter... « N’y vois rrrien de personnel. » ajouté-je. Je n'éprouve ni ressentiment, ni une once de haine pour ce garçon et ses potentiels complices, j'imagine que si je n'avais pas le privilège d'être moi, je me détesterais aussi.

Mais visiblement, alors que je m'apprêtais à me détourner, mon interlocuteur décide de prendre les devants, et de rompre notre pacte de non-agression implicite. Je ne m'attendais pas franchement à son offensive, mais heureusement pour moi, son sortilège échoue... Sans perdre de temps, je réplique : « Incarrrecerrem ». Rien à faire, il semblerait qu'aujourd'hui, je vise aussi mal que lui... Le moment n'est pas le bon pour un duel en règle, j'imagine, alors je fais ce que me dicte mon instinct : je me perds dans le blanc de ses yeux. Et là, je traverse son esprit, je me mêle à ses pensées prédominantes... Finalement, il semblerait que j'aie eu tort de le considérer comme un prolétaire revanchard, il est bien là pour Bradford. Selon toute vraisemblance, il a une forte détermination à me donner une leçon, mais je ne lis pas cette colère sourde et brutale, celle qui l'aurait motivé à s'en prendre physiquement à moi. Quelles conclusions dois-je en tirer ? Savoir qu'il hésite me fait hésiter également. « Tu perrrds ton temps. Et me fais perrrdrrre le mien, parrr la même occasion. Si c’est la punition que tu souhaitais m’infliger, sache que c’est une rrréussite, je me suis rrrarrrement autant ennuyé. » lâché-je avec une profonde nonchalence. J'espère surtout lui donner envie de couper court à cet échange, et de partir de sa propre initiative, mais en réalité, je suis plutôt perturbé par l'individu qui se trouve en face de moi.

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Je ne suis pas sûr de bien savoir de quoi il parle. Certes, j'ai arpenté quelques pensées issues de son esprit, et commence doucement à cerner le genre d'interlocuteur auquel j'ai affaire, mais ses intentions à mon sujet demeurent trop vagues. Il a l'air de bien me connaître, comme s'il venait réclamer une vengeance pour un affront que je lui aurais fait subir personnellement... En ce qui me concerne, je n'en ai pas le souvenir. Je crains qu'il ne fasse fausse route, ou alors, il se peut bien qu'il cherche simplement à me provoquer... « Prrrofil bas auprrrès de qui ? Je ne rrréclame rrrien de moins que les drrroits qui me rrreviennent. » réponds-je avec une profonde nonchalance. Je ne joue pas les grands orateurs comme Hannibal, je ne déchaîne pas ma colère sur tout ce qui bouge comme Erin, Judith et moi sommes de loin les plus effacés de la fratrie : faudrait-il que nous disparaissions complètement pour contenter ces petites gens ? Certainement pas. J'ai bien l'intention de continuer à mener mon quotidien dans ce château comme je l'entends, même si des imbéciles entendent s'en prendre à ma sécurité...

Le petit commentaire qu'il laisse échapper sur un ton de plaisanterie me fait esquisser une moue dédaigneuse. Certes, mon sortilège n'était pas brillant, le sien non plus, notre adresse est critiquable... « N’exagérrrons rrrien. » lâché-je entre mes dents. J'ai beau savoir me contrôler, je ne suis pas sûr d'apprécier que l'un des bouledogues de Bradford me range dans la même catégorie que lui... Nous ne jouons pas dans la même cour, et qui que soit mon interlocuteur, je refuse d'être relégué à son rang. Je suis trop maniéré pour aller agresser n'importe qui de la sorte ; si j'avais un tel coup à préparer, j'aurais fait en sorte de le préparer avec finesse. De l'expérience que je commence à assimiler, j'ai eu l'occasion de réaliser que les manipulations de l'esprit pouvaient faire des dégâts autrement plus importants que des sortilèges offensifs ou des attaques physiques. Le problème principal, c'est que je ne sais pas vraiment à qui j'ai affaire... certes, un sbire de l'autre bon à rien de Poufsouffle, peut-être encore un ex de Carla désabusé, qu'en sais-je ? Par Merlin, je ne passe heureusement pas mon temps libre à enquêter sur les jaloux hypothétiques qui peuvent vouloir s'en prendre à notre famille.

Sans crier gare, il adopte une attitude similaire à la mienne. Rieur, il y a quelque chose dans son regard qui me dérange profondément, et c'est pourtant la seule caractéristique visible sur laquelle je peux me baser... Que cherche-t-il ? S'il y a bien quelque chose qui m'agace, au-delà de mon égo froissé par quelques remarques impertinentes, c'est bien de demeurer dans le flou gaussien. « Je ne compte pas souiller mes poings. » répliqué-je simplement en réponse à sa suggestion de nous battre comme des chiffonniers. Il prétend me connaître, ou du moins agit comme si c'est le cas, il n'imagine donc pas un seul instant que je puisse m'abaisser aux manière d'un vulgaire moldu, si ? Et c'est dans cette même incompréhension que je reste alors qu'il s'écarte de moi, à reculons, comme un mime espiègle. L'air passablement interloqué et les sourcils froncés, je le suis un moment des yeux en me demandant s'il ne vaudrait pas finalement mieux en rester là. Malgré tout, je ne résiste pas à la tentation de filer une petite leçon... Baguette toujours bien brandie, je m'adresse à lui : « Tu sais, ton maléfice, tout à l’heurrre ? Il aurrrait pu êtrrre dangerrreux. Et lorrrsque l’on ne maîtrrrise pas bien ses jouets, il vaut bien mieux les confisquer. » Un léger sourire étire mes commissures de lèvres, tandis qu'elles s'entrouvrent pour prononcer la formule. « Carrrpe Retrrractum » Il lui faudra bien des réflexes pour déjouer cette incantation-là et m'empêcher d'obtenir sa baguette, mais contrairement à ce que mon interlocuteur a sous-entendu un peu plus tôt, j'ai toute confiance en mes compétences.

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Finalement, il a l’air d’avoir plus de ressources que je ne le soupçonnais, et parviens à parer mon sortilège. J’esquisse un léger sourire, comme après la satisfaction de l’avoir mis à l’épreuve. C’est intéressant, sonder ses réactions afin de dresser un portrait robot de ce drôle d’oiseau qui me fait face… Si cela n’impliquait pas de me faire perdre ma matinée en compagnie d’un ninja de cour de rcréation, je pourrais même prendre du plaisir à cette petite expérience sociale. « Je ne suis pas un trrruand au point d’attaquer en traîtrrre, enfin. J’ai quelques manièrrres. » me justifié-je, sans pour autant lâcher ma baguette, penchant ma tête légèrement sur le côté. Je le toise silencieusement, comme espérant que je finirais par avoir un indice sur son identité. Après les événements de la Saint-Valentin, ça aurait pu être une revanche de cette pouilleuse dépourvue de civilité de Mills ou de cette sans-gêne de Brown, mais je ne reconnais ni une silhouette féminine, ni leur voix, à moins qu’elles ne se soient amusée à la trafiquer. Certes, je garde à l’esprit que cela pourrait être le Mansfield contre lequel Erin m’a mis en garde, mais ça ne colle pas vraiment avec l’image mentale que je m’en étais faite… Le temps d’un instant, j’hésite à me replonger dans ses pensées pour y puiser les informations qui m’intéressent, mais je renonce finalement.

Devant sa vaine tentative de sortilège, je reste interdit, comme si je constatais l’échec sous une forme dématérialisée. Décidément, il ne sort franchement rien de cette confrontation, et je ne peux que méditer sur le temps que j’ai perdu avec mon agresseur masqué alors que cette histoire de lettre ne m’aurait pris que cinq minutes, en temps normal. J’inspire une bouffée d’air, que je garde un moment, avant de soupirer d’exaspération. « Rrrestons-en là. Je n’ai rrrien contrrre toi, si ce n’est que tu parrrasites mon espace de vie, et te mêles de choses qui ne te rrregarrrdent pas. Tu crrrois me connaîtrrre, mais tu te trrrompes. » J’énonce un constat des faits, selon ce qui m’a été donné lieu d’observer depuis le début de notre échange, et des conclusions que j’ai pu tirer en lisant son esprit. Je ne sais toujours pas à j’ai affaire, mais je sais toutefois que je n’ai pas d’ennemi qui nécessite que je mobilise mon énergie pour lui, à l’exception peut-être de Bluebell Sherwin. Il ne rime à rien de nous affronter sans que je n’aie quoi que ce soit à y gagner… « En d’autrrres terrrmes, je te suggèrrre de rrretourrrner voirrr ton ami Brrradforrrd, et de mener votrrre petite vie monotone de votrrre côté. Dans la mesurrre où vous ne me gênez pas, je ne vois pas pourrrquoi je n’en ferrrais pas de même. » Chercher l’embrouille, c’est la passion d’Erin, pas la mienne… C’est une sorte de trêve que je propose. Je ne pensais franchement pas en arriver là, mais il se pourrait que ce petit jeu ait assez duré… Quand je vois à quelles extrémités j’en suis réduit - supporter qu’un torchon ridicule soit publié sur mon dos, devoir subir l’affront d’une sorte de gangster masqué sur le chemin de dépôt de mon courrier -, je me dis que cette vaste plaisanterie a pris des proportions grotesques. Je méprise Bradford, mais ne le hais pas au point de vouloir consacrer du temps à me débarrasser de lui, et puisque les soupçons ne se sont pas portés sur ma soeur à la suite du bal de Noël, je n’ai pas à persister. Certes, je ne le porte pas dans mon coeur, et n’apprécie pas franchement sa proximité avec Erin et Bluebell, mais l’intérêt d’un cessez-le-feu est d’éviter nous ayons tous à perdre notre temps dans un jeu où nous savons pertinemment que je gagnerais… Et puis Grand-Père attend de moi que je sois guidé par la raison, pas par de stupides querelles adolescentes : au vu de la grandeur infinie de nos objectifs, je me dois de me montrer à la hauteur. Libre à lui d'accepter ou de refuser... mais dans le cas d'une réponse négative, je crains de devoir employer d'autres méthodes.

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J'ignore si je m'attendais à ce qu'il obtempère si facilement, je m'attendais à plus de jérémiades, plus de beaux discours sur la vengeance, les injustices, et j'en passe encore. Enfin, j'imagine que c'est plus facile comme ça, pour lui comme pour moi... Je ne suis pas sûr de vouloir perdre mon temps à faire goûter ma nourriture à quelqu'un d'autre avant de manger, de contrôler plus strictement mon courrier, ou de limiter mes déplacements parce qu'un petit malin a décidé de me tendre une embuscade. Evidemment, je suis naturellement précautionneux, mais je préfère renoncer tout de suite que de me perdre dans une querelle enfantine ; il est temps d'écouter Junior. Mon interlocuteur semble quelque peu perplexe cependant, et je me dis que j'aurais peut-être du paraître moins confiant en mon hypothèse... Nul n'est censé connaître mes aptitudes à la légilimancie, à l'exception de Junior et de Phoenix. « La voix. J’ai une bonne mémoirrre auditive. » me justifié-je sans m'y attarder. C'est un mensonge, je ne reconnais pas du tout à qui elle peut appartenir... Ce n'est pas la voix de l'une de mes fréquentations habituelles, et puisque je ne passe pas mon temps à copiner inutilement avec la moitié du château, que je ne participe pas aux fêtes d'anniversaire et que je crache sur les sorties à Pré-au-Lard, rien ne me permet d'affirmer d'où elle peut provenir. A la rigueur, je sais simplement que ce n'est pas celle d'un cinquième année... Mais seules les informations que je récolte en parcourant son esprit me sont d'une réelle aide.

Enfin, j'imagine que l'essentiel, c'est qu'il soit d'accord... J'aurais bien avancé une main pour serrer celle de mon interlocuteur pour la serrer, afin de sceller notre accord, mais je crains trop d'attraper une saloperie quelconque. Qui sait où il a bien pu traîner, celui-là... « Et bien, le marché est conclu. Aprrrès tout, il est possible que je me sois trrrompé, avec toute cette fumée. » déclaré-je en haussant simplement les épaules. Dans la mesure du possible, j'ai l'intention d'honorer cet accord : je ne suis certainement pas un des fans numéro un de Bradford, mais il ne vaut pas la peine que je m'acharne. Je ne comprendrais comment Erin et Bluebell peuvent tant s'accrocher à ce type, qui un fainéant vulgaire et prétentieux. Mais mes ambitions ne passent pas par lui, et il est temps que je m'en détourne... « Je n’ai aucune estime pour Brrradford, à mes yeux il est l’incarrrnation de la médiocrrrité. » lancé-je à l'égard du garçon qui me fait face, sans ciller. « En rrrevanche, je rrrespecte la loyauté, et ceux qui sont prrrêts à… ce genrrre d’extrrrémités grrrotesques, pourrr leurrrs prrroches. » Je dois au moins bien lui reconnaître ça, malgré une attitude puérile et son hostilité manifeste à mon égard. Il ne vaut certainement pas mieux que son imbécile de copain, mais ce genre de comportement me rend plus réceptif... Si je choisis de laisser tomber, c'est bel et bien à cause de lui. D'une certaine manière, il a su me convaincre. « Fais savoirrr à ce bon à rrrien qu’il a de la chance d’avoirrr quelqu’un prrrès de lui. » Je range ma baguette en signe de paix, et montre mes paumes vides pour l'assurer de ma bonne foi. Mes intentions ne sont pas toujours les plus nobles, mais j'ai à coeur de respecter mes engagements.

Cependant, la matinée est quasiment écoulée, et si je ne tiens pas à ce que ce gangster au rabais sollicite davantage de mon temps, je ferais mieux de me hâter. Je m'apprête à prendre les escaliers, ne lui adressant qu'un hochement de tête, avant de finalement interrompre mon mouvement. Si c'est un ami de Misha, il doit aussi connaître le drôle d'oiseau qui écrit pour lui des calomnies nauséeuses... Je ne sais plus quel nom m'a donné Erin, Mansfield il me semble. « Oh, et si tu crrroises ce… Corrrbeau Crrroâsseurrr. Qu’il sache que je n’autorrrise perrrsonne à m’appeller Finn. C’est Finnbjörrrn. » lui lancé-je avant de m'engager vers les étages supérieurs. Peut-être qu'il passera le message au principal intéressé, peut-être pas... Mais en attendant que je mette la main sur ce petit malin, je préfère mettre les choses au clair. J'ignore si cet échange était réellement constructif, mais j'ai peut-être clos un chapitre de cette année, qui ne m'aura que trop distrait de mes véritables objectifs.