Ce dîner s’annonçait un peu particulier. J’avais annoncé à Seth et Liam que je ne dînerais pas avec eux. Leur air interrogateur et leurs questions m’amenèrent à préciser que non, je n’avais pas un rendez-vous galant. Ils étaient capables de me ressortir cela des mois plus tard si je ne précisait pas, taquins comme ils pouvaient l’être à mon égard. J’avais juste la chance de participer à un parrainage avec une élève plus ancienne, qui connaissait bien l’école et le monde de la magie. Ce parrainage était tardif mais c’était toujours mieux que rien. Il paraissait que le principe était de mettre en relation des élèves de sixième année (car il n’avait pas d’examens et était suffisamment vieux et responsables) avec des premières années, en particulier les nés-moldus et ceux qui n’avaient jamais eu autour d’eux d’environnement magique.
Ma marraine s’appelait Carla. Je ne la connaissais pas même de nom, je savais seulement qu’elle était en sixième année à Serpentard. Je ne savais même pas ce qui l’avait poussé à accepter de m’aider à m’intégrer mais je lui en étais déjà reconnaissante. J’avais quelques amis à Poudlard, j’avais même un lien de confiance avec mon professeur de métamorphose mais une marraine, c’était toujours une expérience supplémentaire.
C’est donc un peu nerveuse que j’arrivai dans la grande salle à l’heure du dîner. Il était convenu qu’on se retrouve un peu à l’écart, au bout de la table habituellement réservé aux Serpentards. À cette table, je ne connaissais quasiment personne, je les croisais certes dans les couloirs et en cours mais je n’avais pas plus de relations avec eux. Ah si, je connaissais Junior… Et ce n’était pas une bonne nouvelle. Mais je n’allais quand même pas jugé d’une maison entière à l’aune d’un de ces membres particulièrement antipathique. Ce serait comme juger les Poufsouffles à l’aune du regard haineux d’Erin.
J’avais la gorge nouée, impossible d’avaler quoi que ce soit. Carla n’était pas encore là, j’espérais qu’elle me reconnaîtrait en me voyait à cette table, j’espérais ne pas m’être trompée de jour ou d’endroit mais non, les informations étaient claires. Machinalement, je tapotais la table du bout du doigt dans l’attente tant espérée d’une nouvelle rencontre, qui n’avait en plus aucune raison d’être négative.

Dans ma nervosité, je n’avais pas vu une jeune femme bien habillée, l’air un peu hautain, les cheveux détachés s’approcher de la table. Elle semblait chercher quelqu’un. Était-ce Carla ? Il se pourrait bien. De toutes façons si c’était elle je n’allais pas tarder à le savoir. De suite elle me demanda si je ne connaissais pas une certaine Zey… Visiblement elle tentait de prononcer mon prénom. Ce n’était pourtant pas bien compliqué, Zeynep. Six lettres, toutes prononcées quasiment comme en anglais, on avait connu plus difficile, non ? J’aurais pu m’appeler Büşra, Açelya ou encore Yağmur, là j’aurais compris qu’on ait du mal à savoir comment le dire. Elle abandonna bien vite l’idée de m’appeler par mon prénom d’ailleurs, ce n’était certainement pas son but mais c’en était presque vexant. Bientôt ce serait quoi ? On dirait « l’autre » ou « Eh toi ! » pour m’adresser la parole ?
Il ne fallait pas que je m’énerve pour si peu. C’était sans doute une simple maladresse, si commune ici. Après tout, je ne pouvais pas lui en vouloir plus qu’aux autres d’être beaucoup trop anglo-centré à mon goût…
« Tu dois être Carla ? Je suis Zeynep, ravie de faire ta connaissance. Tu peux m’appeler Zey si tu préfères, mes amis me surnomment comme ça, c’est plus simple. »
Plus je la regardais, moins j’avais l’impression qu’elle était heureuse d’être dans cette situation. Ce devait être le stress, après tout, elle devait être aussi nerveuse que moi, voire plus, de devoir se préoccuper d’une inconnue, une jeune fille qu’elle n’avait jamais vu, dont elle avait peut-être appris l’identité quelques heures auparavant comme moi. Je ne savais pas comment était fait les parrainages, la direction et les professeurs se préoccupaient-ils des affinités ou des problèmes de chacuns ? Était-ce un simple tirage au sort ? Je ne le saurais sans doute jamais et de toutes façons ce n’était pas fondamentale. Maintenant Carla était devant moi et nous allions pouvoir faire plus ample connaissance, apprendre l’une et l’autre qui nous étions. Ça ne se ferait pas d’un coup, j’en étais persuadée, il me fallait du temps avant de me livrer.
« Avant toute chose, merci d’être ma marraine, ça me touche vraiment qu’il y ait des élèves qui acceptent ce genre de programme… Se porter volontaire alors que tu as sans doute plein d’autres trucs à faire, ça me touche… » C’était très formel comme discours, non ? Le stress me faisait parler comme lors d’un discours officiel, il me semblait. Il fallait que je respire un bon coup, que la pression redescende un peu. Voilà.
« Et donc tu es à Serpentard c’est ça ? »

C’était bien Carla qui se tenait en face de moi. Et j’espérais me tromper mais elle n’avait pas l’air ravie de se trouver là, c’était sans doute l’appréhension n’est-ce pas ? Elle devait être un peu nerveuse à l’idée de parler à une élève qu’elle ne connaissait pas et dont elle se disait qu’elle n’avait peut-être pas grand-chose en commun avec elle. Ou alors c’était autre chose ? La suite de la discussion s’annonçait pleine de surprise et je ne savais pas à quel point j’avais raison en pensant cela.
Elle semblait motivée pourtant, en tout cas suffisamment pour faire l’effort de prononcer correctement mon prénom en entier. Ce n’était pas bien compliqué mais j’en connaissais qui aurait jugé cela complètement dégradant.
Pourtant je déchantais vite. Comment ça elle n’était pas volontaire ? D’accord on ne lui avait pas dit cela explicitement mais cela semblait évident qu’on n’allait pas prendre des élèves au hasard, c’était le plus sûr moyen de faire échouer le programme. Ah non, c’était encore pire que le hasard, ma marraine m’avait reçu comme punition, c’était flatteur voyons… Qu’est-ce que c’était que cette histoire ? C’était délirant…
« Ah bon c’est assez étonnant. Et qui a eu cette merveilleuse idée, tu es punie pour quoi ? »
Elle n’avait pas l’air heureuse de me voir et cela s’expliquait donc autrement que par la nervosité. Mais au fond peut-être que cela valait quand même le coup de faire plus ample connaissance, on ne sait jamais ce qui peut arriver. Surtout qu’elle avait l’impression que je m’en sortais très bien à Poudlard alors que ce n’était pas vraiment le cas. Je commençais à me faire des amis, Seth et Liam notamment mais je n’avais pas une vie magique très stable.
Je lui dis donc doucement : « Bah ce n’est pas si simple en fait. Ma famille sait à peine ce qu’est la magie, Poudlard, ils en ont entendu parler pour la première fois en même temps que moi et pour le reste… Eh bien, je me suis adaptée mais ce n’est pas encore ça. Et puis j’ai déjà prévenu les autres que je ne dînais pas avec eux, ça ferait bizarre d’y retourner maintenant… Enfin, comme tu veux. »
Ca n'avait peut-être pas grand sens mais au fond, j'avais tellement été heureuse à l'idée de ce programme de parrainage que je voulais m'accrocher. Même si Carla n'était visiblement pas la marraine idéale et que son amabilité semblait pouvoir s'évaporer à tout instant.

Carla n’avait l’air ni à l’aise ni très désireuse de l’être. Elle se montrait tout sauf aimable, il fallait bien se le dire et tentait par tous les moyens de me dégoutter de l’idée de passer ce repas avec elle. Soit, je n’allais pas me forcer ni la forcer, autant achever cette désagréable expérience pour nous deux. J’allais ouvrir la bouche pour lui dire au revoir quand elle me répondit. D’abord pour me raconter qu’elle avait insultée un élève et que c’était pour ça qu’elle était punie, information pas très intéressante qui ne faisait que confirmer qu’elle devait être désagréable, au moins avec les premières années. Puis ça devenait plus intéressant…
Le ton de sa voix semblait indiquer qu’elle n’appréciait pas les nés-moldus. Était-ce encore une de ces sangs-purs méprisante ? Autant attendre la suite, vu ce que je lui avais dit sur mes parents, j’aurais sans doute la chance – ou la malchance – d’en apprendre un peu plus. Elle était donc d’une famille de sang-pur, soit, après tout ce n’est pas forcément une tare, Seth en était la preuve, même si d’expérience ça augmentait les chances de se retrouver en présence d’un sorcier obtus, méprisant et légèrement raciste sur les bords, pardon, « attaché à certaines valeurs traditionnelles », dit comme ça c’était bien plus acceptable. Bingo, mon interlocutrice semblait remplir toutes les cases.
Au fond de moi, la colère bouillait, comme à chaque fois que j’étais en présence d’injustice, comme à chaque fois que je me sentais méprisée. Pourtant je ne pouvait pas me permettre de faire un scandale au milieu du repas, au centre de la grande salle, devant tout le monde. Il fallait que je réponde le plus naturellement possible. Je pris un air faussement naïf :
« Ah je vois, ça doit être sympa, tes parents ont dû pouvoir tout t’expliquer dès le début. Et je suppose que dans les valeurs traditionnelles auxquelles tu es attachée figure l’entraide et tout, n’est-ce pas ? » Je ne pensais évidemment pas un mot de cette dernière phrase mais je voulais jouer un peu, la faire sortir de ses gonds si elle était aussi méprisante et imbus d’elle-même et de son sang que je pouvais le supposer.
« Ou alors par valeurs traditionnelles tu entends celles de ces abrut… euh pardon, ma langue a fourché, de ces familles de sangs-purs relativement fermées aux changement qui ne jurent que par le sang. » Avais-je fait exprès de la traiter d’abrutie ? Moi même je l’ignorais. Même si je le pensais sincèrement pour le coup, une partie de moi restait suffisamment alerte pour comprendre qu’insulter une sang-pur bien plus âgée donc douée en magie n’était pas l’idée de siècle. Mais mon inconscient, aidée ou non de la partie consciente de mes neurones, avait parlé. Plus moyen de reculer.

Je ne l’avais pas insulté. Je ne savais pas comment qualifier ce que j’avais fait mais une chose était sûre : je ne l’avais pas insulté. Tout au plus avais-je été méprisante à propos de certaines familles de sang-purs, je pensais avant tout aux Sorensen et aux d’Archambault dont je connaissais les rejetons puisque nous étions, pour le malheur des uns et des autres, dans la même école. C’était eux que je visais et la réaction de Carla me faisait penser qu’elle se mettait d’elle-même dans le même panier. Soit, c’était son choix de se sentir visé, ce n’était pas ma faute. Elle aurait été comme Seth, elle ne l’aurais pas pris personnellement. Cela ne faisait que confirmer mes doutes à ce sujet.
J’avais deux possibilités : m’excuser platement ou continuer sur ma lancée. Il y a quelques mois, j’aurais certainement bredouillé des excuses, aurait tenté de me faire oublier. J’aurais dit que j’avais réagi trop vivement et que je m’étais certainement trompé sur son compte. Je n’en aurais peut-être pas pensé un mot mais j’aurais fait profil bas, ne voulant pas m’attirer les foudres de sorciers bien plus puissants. Mais la soirée de Noël avait changé la donne. J’en étais sorti en partie dévastée, j’en faisais des cauchemars la nuit, je m’en voulais à plein de sujets mais j’avais appris. Aux yeux de certains, je n’avais pas ma place parmi les sorciers et c’est à peine si les moldus avaient leur place sur Terre. Ils voulaient justement que je m’efface, que je baisse les yeux en leur présence, que je reconnaisse leur toute puissance. Ils n’auront plus cette joie. Carla n’était peut-être pas la pire de toutes mais elle avait choisi un camp, du moins c’est ce que je pouvais en conclure de ses paroles. Et ce camp n’était pas le mien. J’étais en colère, enragée par le mépris qu’affichait les sangs-purs à mon égard, comme mon père m’avait appris la révolte contre ceux qui me rabaissait en raison de ma nationalité. Trop de fois je m’étais tue, trop de fois je m’étais soumise. Mais la jeune turque qui n’arrivait pas à s’imposer face aux racistes anglais avait grandi, avait découvert un nouveau monde, était devenue une jeune sorcière née-moldue qui voulait faire ravaler leur morgue aux pro sang-purs. Forte de ces conclusions à peine formulées, je m’adressais posément à Carla, sachant qu’il valait mieux ne pas afficher mes émotions.
« Je suis désolée que tu te sois sentie agressée par mes critiques. » Je marquai un pause. « Elle ne t’était pas adressée à la base, je ne parlais que de certaines familles de sangs-purs dont je connais la réputation et qui sont particulièrement méprisante vis-à-vis des gens comme moi, je ne connais par contre pas la tienne. Après c’est sans doute révélateur que tu te sentes à ce point visée… Je sais ce que je risque, ou du moins je l’imagine, j’étais à la soirée de Noël. Quant aux professeurs, ils n’ont certes pas été les plus fins sur ce coup-là, je te l’admets mais ils ont peut-être plus d’estime pour toi que tu n’en as pour eux. » Mon ton devenait cassant et l’ambiance glaciale. J’espérais sérieusement qu’elle n’appellerait pas Erin ou autres à la rescousse et cherchais discrètement ma baguette dans ma poche, sous la table. Depuis Noël je l’avais toujours sur moi. Je n’attaquerais pas mais me tenais prête à riposter, on ne sait jamais.

Cette soirée ne se passait décidément pas comme prévu, c’est le moins qu’on puisse dire. Je m’étais attendue à trouver une élève disposée à m’aider et je me retrouvais avec Carla. Une sang-pur. En soit, je ne pouvais pas la blâmer pour cela, ce n’était pas sa faute, c’était héréditaire. Une pro sang-pur en fait visiblement. Là c’était déjà plus une tare et plus de sa faute. Que j’avais failli traiter d’abruti. Enfin, mon inconscient. Ou pas. En tout cas elle l’avait remarqué et s’était sentie insultée, ce qui confirmait mes craintes quant à ses idées. Mais elle avait raison sur un point : Erin m’aurait déjà réduite en bouillie tandis qu’elle restait tranquillement devant moi et n’avait même pas sorti sa baguette. Du moins pas encore.
« Excuse moi, je ne connais pas toutes les idéologies de toutes les familles de sorciers ici, dans le monde moldu je suis sûre que personne n’a entendu parlé des Yaxley. Mais après tout ce n’est sans doute pas ton problème d’être connue des moldus, n’est-ce pas ? Ton idéologie est au-dessus de tout ça... » Mon air sarcastique démontrait s’il en était encore besoin que je ne risquait pas de m’aplatir devant elle au prétexte de son sang. Peut-être lui faisais-je un mauvais procès, peut-être lui faisais-je payer le mépris des autres plus que le sien mais je devais dire que j’en avais assez. Assez d’être traitée comme une moins que rien, assez d’être perçu comme une gamine même si je devais avouer que ma petite taille me desservait.
Carla semblait incrédule concernant la soirée de Noël mais je ne savais pas si elle était réellement sincère quand elle condamnait l’attaque ou si elle se jouait de moi. Mais j’étais déjà trop agacée pour envisager sérieusement la première option, même si je ne voulais pas que cela transparaisse trop. Je me contentais donc d’une brève remarque : « C’est toujours plus facile d’avoir des regrets après coup... » Le ton était sans appel et n’attendais pas de réponse, tel un constat intransigeant.
j’avais voulu être discrète en cherchant ma baguette mais c’était un échec. Et je m’en voulais un peu. Carla interprétait ça comme de la peur et en semblait étonnée. Mais c’était plus de la prudence qu’autre chose.
« Tu en doutes peut-être mais de même que mes parents m’ont appris la politesse, les événements récents m’ont appris la prudence. »

Au moins, les propos de Clara était clair, sans filtre. Elle ne faisait pas hypocritement semblant d’être aimable comme tant de gens, partout, qui se donnait des airs. Ces gens qui pouvait vous affirmer des horreurs le plus aimablement du monde avant de s’offusquer devant une réponse un peu vive. Nous n’étions pas là pour nous apprécier et il n’avait nul besoin de donner le change. Il y avait deux heures, je ne la connaissais pas et elle ne me connaissait pas non plus. Ce dîner n’était qu’une parenthèse, désagréable certes mais d’ici peu je serais de retour dans mon dortoir, dans ma salle commune, avec mes amis.
Carla ne semblait pas aussi extrémiste que certains mais elle ne remettait pas non plus en cause l’idéologie de tout son milieu et elle ne semblait pas vouloir le faire, encore moins devant moi. Elle devait avoir sa fierté comme j’avais la mienne. Et je me doutais que dans les « valeurs traditionnelles » de sa famille devait se tenir en bonne place la non-remise en cause devant autrui des principes familiaux.
Je levai un sourcil quand elle annonça n’avoir aucun regret pour la soirée de Noël. Elle était en fait plus extrémiste que ce que je venais de supposer. Puis elle précisa que son absence la dédouanait avant de réaffirmer sa supériorité sanguine. Ne comprenait-elle pas que c’était justement la propagation de ses idées, leur diffusion parmi les sorciers, qui en poussaient certains à se sentir libre de passer à l’acte ? Au fond ce n’était que par tactique qu’elle condamnait les faits, pensant que c’était un mauvais moyen de défendre ses idées, rien de plus, pas un soupçon d’humanisme, comme je pouvais m’y attendre.
« Certes, tu n’as pas participé à cette attaque. D’un point de vue juridique, tu es inattaquable. Mais ce sont tes idées qui incite certains à passer à l’acte. C’est parce qu’il y a ds sorciers pour défendre tes idées, même de manière passive, que d’autres les mettent en application, vont jusqu’au bout de ton raisonnement et assume ce qu’il pense au point d’attaquer, oui, des enfants, au prétexte qu’ils sont moldus. » Etait-ce réellement une bonne idée d’expliquer à une sang-pur de cinq ans mon aînée qu’elle serait bien plus conséquente en m’attaquant là, tout de suite ? J’en doutais mais je voulais qu’elle entende, au moins une fois, ce raisonnement. Je n’avais pas d’espoir qu’elle change mais au moins ça ébranlerait peut-être, au moins superficiellement, son sentiment d’impunité.
Elle me demanda ensuite, avec certainement un peu d’ironie si je pensais sérieusement pouvoir me défendre face à elle si elle attaquait, en référence à la baguette que je tenais maintenant fermement dans ma main. Sur un malentendu, ça peut passer, aurais-je répondu à Liam s’il m’avait posé la même question. Je n’étais pas douée en duel et je le savais. Mais dans la situation présente, vu mon interlocutrice, je n’avais aucune envie de faire de l’humour. Je répondis donc le plus simplement du monde. « Je n’ai sans doute aucune chance avec ma baguette mais j’en ai encore moins sans. Le choix est vite fait. »

Un miracle venait de se produire. Enfin c’était ce que j’aurais pu dire si j’avais cru aux miracles. Dans tous les cas, Carla semblait avoir perdu d’un coup un peu de sa superbe et son animosité face à mes propos. Elle ne me parlait plus de manière méprisante mais avait l’air réellement intriguée par mes explications de sa part de responsabilité à propos des exactions des sangs-purs.
« Contrairement à toi, je ne défends pas la supériorité d’un groupe sur l’autre. Si je ne suis pas pour la destruction des familles sang-pur, je ne crois pas non plus à la supériorité des nés-moldus. Je suis pour qu’on reconnaisse l’égalité entre tous. » Je ne lui dis pas qu’avant de rencontrer Seth et Freddie je pouvais avoir une certaine tendance à amalgamer sang-pur et pro sang-pur, ni que parfois ça ne me choquerait pas qu’on s’en prenne à certaines familles sur la base de leurs idées. Mais pas sur la base de leur sang. « Je crois qu’on ne se convaincra pas, mais ça vaut le coup d’y réfléchir. » Je n’avais nulle envie de me lancer dans un débat au sujet de nos conceptions divergentes quand bien même elle semblait s’être radoucie. Il y avait de grande chance que ce ne soit qu’une passade, d’ici quelques heures elle serait certainement de retour dans son milieu, elle ne se préoccuperait plus le moins du monde de sa vague hésitation, de sa vague ouverture curieuse à la discussion.
Il y avait un autre sujet où j’avais marqué des points : elle me trouvait courageuse de lui tenir tête. Je n’avais pas l’habitude qu’on me complimente, encore moins sur cette aspect. Il faut dire que je m’étais pas mal affirmée ces derniers temps. Je n’étais plus la jeune fille timide et effacée d’il y a quelques mois. Mais je devais m’avouer que si j’étais fière de ce qui semblait être un compliment sur mon attitude, je ne savais pas comment prendre le fait que mon interlocutrice était une pro sang-pur qui me paraissait une ennemie quelques minutes auparavant. Et je n’étais pas prête à baisser la garde.
« Effectivement nos idées divergent et on ne se convaincra certainement jamais. » Je m’arrêtais là, ne voulant pas me trouver le moindre point de ressemblance avec Carla. Puis je continuai :
« Effectivement ce parrainage n’est pas des meilleures idées, ni pour moi ni pour toi. Je n’irai pas me plaindre, ni aux professeurs, ni à personne. Pas parce que je t’apprécie mais parce que je crois dans les capacités pédagogiques des professeurs pas dans leurs capacités punitives dont je ne veux faire bénéficier personne. Ma guerre, je la mène moi-même sans aller pleurnicher auprès de l’Autorité avec un grand A. Tu n’auras qu’à dire qu’on correspond par lettres si on te le demandes. Moi c’est ce que je dirais. Et je n’hésiterais pas à t’écrire ne t’en fais pas. » Ma voix se faisait légèrement ironique sur la fin mais je le pensais réellement. En cas de besoin, j'étais sûre qu'elle me répondrait.
Carla se leva donc et partit en me souhaitant une bonne soirée. « Bonne soirée, à toi aussi. Nous nous recroiserons, j’en suis sûre mais je ne sais pas dans quelles conditions. » Je me levais donc à sa suite et retourna à mon dortoir rejoindre Liam et Seth qui devait m’attendre de pied ferme.