ft. @Killian Knight & Cameron Brown

Les lourds portes du Hall ne furent bientôt plus qu’un lointain souvenir tandis que Cameron traçait péniblement sa route au travers du parc. Toutes les semaines, le moment maudit du cours d’Arithmancie arrivait. Il n’avait pas choisi cette matière, n’y voyant finalement qu’une espèce de divination pour intello, mais malheureusement, Mallory si. Ce qui faisait que pendant une heure, toutes les semaines, il errait comme une âme en peine à travers le château en attendant que le temps passe. Et celle-ci n’échappait pas à la règle. Elle l’avait abandonné après le déjeuner et avait disparu à l’intérieur de sa salle de classe. Il ne lui avait pas fallu bien longtemps, à lui, pour décider de prendre l’air. Le temps était encore clément pour ce début d’automne. Il ne faisait plus très chaud, bien sûr, mais la pluie s’était abstenue de tomber depuis plusieurs jours. Il y avait même quelques rayons de soleil qui perçaient péniblement au travers des nuages. Ça n’était pas parfait mais il s’en contenterait sans trop de mal. Il n’avait probablement pas le choix, de toute façon. C’était ça pour le château et, tant qu’à faire, autant profiter de l’extérieur.

Il n’était malheureusement pas le seul à avoir eu cette idée et plein de petits groupes d’élèves de tous âges gisaient ici ou là sur la pelouse encore verte du parc. Un soupir lui échappa malgré lui. Il y avait toujours ce petit quelque chose de malaisant à se retrouver seul au milieu de tous les autres. Quand Mallory était là, il n’y pensait pas, mais dès qu’elle n’y était plus, l’isolement qu’ils avaient eux-mêmes provoqué devenait pesant. Son regard trouva machinalement le bout élimé de ses chaussures tandis qu’il traçait à grands pas jusqu’à un endroit plus tranquille. Il jeta son dévolu sur un arbre un peu à l’écart et son sac au pied de celui-ci. Ça n’était pas merveilleux mais, pour une heure, ça ferait l’affaire. Aussi sort-il silencieusement son parchemin d’histoire sur lequel s’étendait à moitié le profil rêveur et absent de sa jumelle. Il avait commencé à dessiner au bout de quelques minutes à peine et en avait complètement oublié de prendre des notes… Comme souvent… Il ne comptait plus les remarques désobligeantes et les points en moins pour son manque d’attention, ni les sempiternels « pourrait largement mieux faire » qu’on retrouvait sur ses notes et bulletins. Il s’en fichait éperdument. À Poudlard comme ailleurs, il s’ennuyait. Les cours ne le passionnaient pas (en dehors de l’Astronomie, du moins, où il excellait purement et simplement) et il ne voyait pas l’intérêt de faire le moindre effort. Il avait eu l’occasion de voir, merci Mandrake, qu’essayer de faire les choses correctement n’apportait rien de mieux. Le Serdaigle attrapa distraitement un crayon qui trainait au fond de son cartable et reprit son dessin comme s’il ne l’avait jamais arrêté.

Ça aurait dû en rester là. Dans le calme et l’indifférence générale, à deux pas d’un monde qui tournait sans lui. Mais quelques premières années en décidèrent autrement en commençant une bataille de bombabouses dans son champ de vision. Il les suivit des yeux un moment, ricanant discrètement quand l’un d’entre eux ne parvint pas à éviter le projectile mais finit par battre en retraite quand, dans leur euphorie, ils se mirent à empiéter sur son territoire. Il fourra ses affaires dans son sac, son sac sur son épaule et entreprit de grimper sur l’une des branches basses de son arbre. Jouer les singes dans les arbres avait fait pendant longtemps partie de ses occupations favorites, plus intéressante que les jeux vidéos et les bandes-dessinées, mais en grandissant, c’était un peu passé. Il avait mieux à faire, souvent, que d’escalader bêtement des troncs. Sauf quand ça s’avérait utile, comme là. Il devrait être hors de portée des tirs des mômes. Il fallait espérer, en tout cas. S’il pouvait éviter de puer le chacal sur tout le trajet qui menait à Serdaigle, il n’était pas contre ! Il voyait d’ici Shepherd et tout le reste de la bande d’abrutis se dresser sur sa route, trop heureux d’avoir de quoi se foutre de lui. Il n’était pas vraiment plus mal qu’en bas, de toute façon. L’adolescent s’apprêtait à reprendre sa vie le plus normalement du monde, sans plus se soucier des gamins et de leur activité nauséabonde, quand un mouvement attira son attention. Derrière une fenêtre, un éclair jaune comme un tissu qu’on retire et l’ombre d’un bras. Il fronça légèrement les sourcils. Est-ce que les fenêtres donnaient chez les Poufsouffle ? Il n’en savait rien. Il y avait bien trop de fenêtres à Poudlard pour chercher à savoir à qui elles appartenaient mais maintenant qu’il y pensait, ça n’était pas impossible. Ça devait être plus ou moins le premier, plus ou moins par là…

Une silhouette se découpa, bien trop loin pour qu’il puisse dire de qui il s’agissait mais assez près pour piquer sa curiosité. Avec un peu de chance, c’était l’un des dortoirs des filles… Avec beaucoup de chance, celui des cinquième années et de la jumelle Sørensen… Cette fille était sûrement l’une des plus canons de l’école… Après Mallory et Bluebell… Mais malheureusement pas moins bête que cette dernière… Ça valait sûrement le coup de tenter de grimper un peu plus pour s’en rapprocher. Dans le pire des cas, c’était Shepherd et il n’aurait plus qu’à s’arracher les yeux et se lancer un oubliette pour s’en remettre. Cameron ne prit pas la peine d’hésiter plus longtemps. Il risquait quoi, sérieux ? De se rétamer, tout au plus, un bras de cassé ou quelque chose comme ça… Rien de dramatique. Rien qui suffise à louper une telle occasion ! Il abandonna son sac contre le tronc et attrapa une branche un peu plus haut. Au moment où il reprit son ascension, une voix s’éleva quelques mètres plus bas. Il sursauta, son pied tapa maladroitement dans son sac qui s’écrasa au sol en manquant d’assommer l’importun.

— Rhaaa… P’tain, grommela-t-il alors qu’il se hissait malgré tout sur le palier supérieur.

Il ne faisait rien de mal, pas à sa connaissance du moins, pas la peine de perdre de vue cette maudite fenêtre pour quelques fioles probablement mal en point, n’est-ce pas…?

ft. @Killian Knight & Cameron Brown

En toute objectivité, Cameron lui-même aurait probablement admis que de jouer les singes grimpeurs pour apercevoir un peu milieu il ne savait quoi (ou il ne s’avait qui…?) n’était pas l’idée la plus brillante du siècle mais, comme tout adolescent de seize ans, il n’avait pas pris la peine de réfléchir jusque là. Il était monté des dizaines et des dizaines de fois dans tous les arbres qui passaient près de sa main et l’habitude de se hisser sur un balai au moins une fois par semaine éloignait toute crainte d’une chute. Si on survivait à trente mètres par on ne savait quel miracle, ça n’était pas un petit arbre de rien du tout qui allait changer ça ! Ses doigts se saisirent fermement d’une nouvelle branche, son pied chercha à l’aveugle une nouvelle prise et, sûr de ses appuis, le Serdaigle se hissa un peu plus haut. … mais pas assez pour voir quoi que ce soit de plus que des ombres qui se découpaient avec grâce derrière la fenêtre… Peut-être faisait-il tout ça pour rien. Il semblait évident qu’aucun constructeur d’école digne de ce nom se serait amusé à mettre les dortoirs de qui que ce soit accessibles à tous les regards ! Mais peut-être que le gars qui avait planté précisément cet arbre-là n’y avait pas pensé ? Et que personne, avant lui, n’avait eu l’idée de tenter d’y grimper, ce qui expliquait que des années plus tard, il était encore là…? En toute objectivité, Cameron lui-même aurait probablement pu admettre que son idée ne tenait absolument pas la route et que ses espoirs n’étaient fondés que sur l’ennui… Mais il était bien trop occupé pour l’instant pour penser à tout ça. Et même pour faire attention à ce qui se passait plus bas.

— Eh, toi ! J’peux savoir ce que tu fous là-haut ?

La voix, plus près qu’il n’aurait jamais pu le penser, le fit brusquement sursauter. Son pied tapa dans son sac qui s’écrasa à quelques centimètres du trouble-fête. L’adolescent se risqua à peine à y jeter un oeil mais n’eut d’autres choix que de remarquer qu’il s’agissait du préfet des Rouges. Son nom lui échappait un peu… Ryan, Milan… quelque chose en -an. Génial… Comme s’il avait besoin que quelqu’un vienne prendre ses grands airs pour le faire descendre ! Il ne faisait rien de mal. Grimper aux arbres n’était pas interdit pas le règlement. Ça n’était sûrement pas conseillé, certes, mais il n’était pas noté noir sur blanc qu’il n’avait pas le droit et il l’avait recopié dans son intégralité assez de fois depuis le début de sa scolarité pour le savoir presque avec certitude. Aussi choisit-il de ne pas accorder d’importance à cette intervention et continua son ascension. Il fallait se dépêcher s’il ne voulait pas que tout ça reste vain. La fille, quelle qu’elle soit (en priant pour qu’il ne s’agisse pas de Shepherd évidemment) n’allait pas attendre indéfiniment dans les parages. Et si elle était en train de se changer, ce que laissait supposer le jaune furtif qu’il avait entrevu, elle n’allait pas mettre quinze ans non plus… Mais le Gryffondor ne semblait pas l’entendre de cette oreille.

— Eh oh ! J’te cause, insista-t-il, lui arrachant un soupir agacé. Me force pas à monter pour avoir ma réponse ! Qu’est-ce que tu cherches là-haut ? A te tuer ?

L’adolescent consentit à s’arrêter un instant, toujours trop loin pour remplir son objectif. Les sourcils froncés, baguette en main, il n’avait pas l’air ravi de le voir là-haut. En même temps, il ne lui avait strictement rien demandé, il pouvait partir vaquer à ses occupations et lui foutre la paix, il jurait qu’il ne s’en plaindrait pas ! Mais c’était probablement trop demander que d’avoir un tant soit peu de tranquillité dans cette maudite école !

— J’veux voir jusqu’où j’peux aller, c’est interdit p’t’être ? grogna Cameron en levant les yeux au ciel. Et puis c’est bon, j'fais gaffe, j’ai pas b’soin d’une baby-sitter.

Son regard clair se fit plus pressant comme pour l’inciter silencieusement à tourner les talons et à lui ficher la paix.

ft. @Killian Knight & Cameron Brown

Poudlard avait ce quelque chose d’étrange qui faisait que les ennuis n’étaient jamais là où on les attendait… S’infiltrer dans une salle interdite au beau milieu de la nuit sans se faire choper ? Facile ! Essayer d’assassiner tous ses camarades sans même se faire taper sur les doigts ? Apparemment envisageable ! Mais alors grimper à un arbre sans faire ni mal ni tort à qui que ce soit sans qu’on vous mette des bâtons dans les roues, alors là, il ne fallait même pas compter dessus ! Ça avait toujours été comme ça et quelque chose lui disait que ça ne risquait pas de changer de si tôt… C’était dommage, dans le fond. Il aurait mieux valu que les préfets se mettent en tête de chercher les vrais fauteurs de trouble (Shepherd en tête !) plutôt que de s’en prendre à des gamins qui cherchaient seulement à tuer le temps… Dans le pire des cas, il tombait et vu la hauteur pour l’instant, il se ferait peut-être vaguement mal, de quoi aller à l’infirmerie pour un episkey, rien de dramatique. Mais non, Monsieur ne semblait pas décider à se bouger pour autant. D’ici qu’il dégage, il pouvait oublier jusqu’à l’espoir d’apercevoir quelque chose par cette maudite fenêtre ! Son regard se voulait sûrement menaçant alors qu’il se plantait dans le sien… mais s’il croyait lui faire peur, il risquait d’être déçu.

— Je ne suis pas une « baby-sitteuse », je suis un préfet. Donc si je te dis que c’est interdit, ça le sera.

Cameron laissa échapper un ricanement moqueur. Ça allait, il ne se prenait pas trop pour de la bouse celui-là ! Si je te dis que c’est interdit, ça le sera… blablabla… Il avait hâte de raconter ça à sa soeur, il était certain qu’elle trouverait ça aussi drôle que lui. Bientôt, il allait prétendre que c’était lui qui écrivait le règlement, aussi ! C’était à se demander à quoi servait la direction ! Tout le monde savait que c’était à rien, bien sûr, mais inutile de le rappeler pour l’instant.

— Je décide même que tu es monté bien assez haut alors tu vas me faire le plaisir de redescendre tout de suite si tu ne veux pas que j’aille reporter ton insolence et ta désobéissance à ton directeur de maison.
— Ouais, vas-y, fais ça, soupira l’adolescent pas impressionné pour un sou.

Il pouvait même y aller sur le champ, tant qu’à faire ! Le temps qu’il mette la main sur Lindberg, qu’il lui fasse comprendre le problème (ce qui mettrait sûrement une éternité pour un résultat somme toute très moyen) et qu’ils reviennent jusque là, il aurait fini son escalade, regardé ce qu’il y avait à voir et quitté les lieux du crime sans laisser la moindre preuve. Mais encore fallait-il que le rouge se barre…

— Et je te conseille de le faire par toi-même si tu ne veux pas que je me serve de ma baguette.

Faire usage de la magie sur un autre élève était potentiellement interdit par le règlement, non ? Pour un préfet qui en avait écrit les moindres règles, visiblement, c’était moche de faire le contraire ! C’était une vraie blague, ce type. Il ne pouvait pas juste lui foutre la paix ? Au pire, s’il se faisait mal en tombant, il ne balancerait pas qu’il avait été dans le coin et qu’il l’avait laissé faire, c’était promis, mais qu’il lui foute la paix !

— A moins que… Tu ne me dises pas tout et qu’il y ait une bonne raison de rester là-haut ?

Les doigts sur Serdaigle se resserrèrent légèrement sur la branche qu’ils tenaient. Parti comme c’était, il n’y aurait bientôt plus la moindre raison d’y rester… Il était en train de lui faire louper une occasion en or juste pour faire la conversation, c’était parfaitement dégueulasse ! Et vas-y que je me fais mousser sans réaliser qu’il y a peut-être des gens qui avaient un but dans cet après-midi !

— Parc’que t'nir tête à un préfet qu’sent plus pisser, c’pas une bonne raison ? Sérieux, j’sais pas c’qu’i’te faut.

Sur quoi il lui adressa un sourire immense et goguenard, un vrai doigt d’honneur labial. Il n’avait qu’à venir le chercher s’il était si intéressé que ça par sa sécurité ! Lui, en tout cas, il ne descendrait que lorsqu’il l’aurait décidé. Et pour l’instant, ça n’était absolument pas dans ses plans…

ft. @Killian Knight & Cameron Brown

Le sourire qu’afficha le préfet n’inquiéta pas Cameron rien qu’une seconde. D’accord, Monsieur avait décidé de lui courir sur le haricot et de bousiller son après-midi, mais il n’avait strictement rien à lui reprocher. Il était grimpé dans un arbre, oui, et après ? Il y avait sûrement, à ce moment précis, des gens en train de faire des trucs bien plus graves au niveau du règlement, comme préparer un possible attentat contre l’école toute entière, comme tous les ans… Au lieu de l’enquiquiner pour un peu d’escalade, qu’il aille donc voir ailleurs s’il y était ! Et puis, dans le pire des cas, on lui retirerait trois points avant de lui taper sur les doigts, il n’y avait pas de quoi en faire tout un plat… Des gars comme lui, là, qui se prenaient pour les rois du monde seulement parce qu’ils avaient un insigne pourri accroché à leur cape de sorcier, il avait eu l’occasion d’en croiser plus d’un en cinq ans, et il ne doutait pas que les trois prochaines années lui en apporteraient au moins tout autant. Alors qu’il redescende sur Terre trois secondes, ça ferait du bien à tout le monde.

— Non, ce n’est pas suffisant pour moi. Il va me falloir mieux. Et je vais venir chercher les réponses moi-même s’il le faut.

L’adolescent haussa négligemment les épaules alors que son camarade rangeait sa baguette. Fallait avoir un sacré problème pour prétendre qu’un truc était interdit et le faire quand même trois secondes plus tard. La logique, elle était morte et remorte. Enfin… Ça n’était pas comme s’il fallait attendre grand chose d’un bouffon dans son genre. Il commença alors à grimper, offrant au Serdaigle une furieuse envie de lui écraser les doigts pour qu’il se rétame et qu’il lui casse enfin les bonbons pour quelque chose. Il se retint néanmoins. Son regard blasé en disait long sur ce qu’il pouvait bien penser de l’attitude débile du Gryffondor. Il finit par arriver à peu près à sa hauteur et s’installa sur la branche comme s’il y avait été invité, un air de défis pathétique posé sur sa tronche. Il y avait clairement des baffes qui se perdaient et c’était bien dommage de pas pouvoir aider à les donner !

— Et sinon, l’règlement, t’en as que’que chose à s’couer ou…?

Cela dit, il aurait l’air bien débile si un professeur débarquait et lui demandait ce qu’il faisait là. « Il voulait pas descendre » ? Ça flinguerait en un rien de temps l’autorité qu’il n’avait de toute façon visiblement pas ! Un grand préfet comme lui enquiquiné par un môme, ça devait être moche. Ridicule même. Il avait presque hâte de se faire prendre !

— Alors, qu’avons-nous là ?

Se sentir ainsi détaillé, jugé même serait sûrement plus juste, laissa quelques mots picoter sa langue. Quelque chose qui aurait pu ressembler à ta mère, connard s’il ne s’était pas retenu de justesse pour éviter de finir en retenue pour trois fois rien. Il lui semblait faire partie de ces gens qui se croyaient mieux que tout le monde, ceux-là même qui les avaient envoyé moisir aux cachots avec un désintérêt total. Tant que ça ne venait pas déranger leur petite vie merveilleuse, ça n’avait aucune importance. Ces pauvres types prétentieux et hautains qui, sous prétexte qu’ils étaient nés avec une cuillère en argent dans la bouche, posaient sur le reste du monde des yeux dédaigneux au possible. Souvent les mêmes qui ne valaient pas une Noise ! Et celui-ci n’échappait probablement pas à la règle.

— Attends … Est-ce que c’est ce que je pense que c’est ? T'es en train de mater des meufs à poils ?

Cameron leva les yeux au ciel avec exagération. À parce que maintenant c’était pas grave d’être perché à quelques mètres du sol ? C’était autorisé si c’était pour mater ? En tout cas, il n’avait pas l’air de s’offusquer ni d’être particulièrement pressé de descendre.

— Non, j’suis en train d’te faire la conversation parce que t’es pas foutu d’la boucler trois s’condes, répliqua-t-il sèchement, mais t’d’vrais descendre avant qu’un prof t’chope en train d’faire un truc interdit, ça doit pas êt’ bon pour les affaires, ça.

Son regard clair s’attarda un moment sur son aîné. Qu’il reconnaisse au moins qu’il faisait d’la merde depuis le début ! Ou qu’il excuse de lui avoir potentiellement fait louper le spectacle ! Mais il ne fallait sûrement pas en espérer tant d’un gars comme lui… Un haussement d'épaules lui échappa, comme un abandon las, avant qu'il ne reporte son attention sur la fenêtre. On ne voyait malheureusement pas grand chose, pour ne pas dire clairement rien... Des ombres, à peine, des formes qui restaient bien trop vagues pour discerner quoi que ce soit...

— J’crois qu’c’est la meuf Sørensen mais j’suis pas sûr.

Ou du moins, il fallait l’espérer… Si jamais c'était Shepherd, une vie entière ne serait pas suffisante pour échapper à un tel traumatisme...