Un adulte respectable, oui, mais seulement en présence de ses élèves. Vous connaissez le proverbe fait-ce que je dis, mais pas ce que je fais ? Et bien, ça donnait un assez bon résumé de la personne d’Ambroise Erskine. L’âge ne semblait pas l’avoir totalement assagi et il ne doutait pas que cela allait déranger quelques-uns de ses collègues. Au fond, il s’en fichait, tout comme de sa première couche culotte. Il n’était pas là pour plaire, mais pour veiller à transmettre sa passion pour la divination, et s’il pouvait venir changer les regards de quelques sangs-purs sur les né-moldus au passage, il n’allait pas s’en priver. Il donna un petit coup de baguette, verrouillant la porte de son bureau avant de quitter sa tour pour descendre à l’étage de son ancien camarade de Poudlard : Jaimie Alexandre. Il était temps de fêter leur retrouvaille bien qu’il n’avait aucune idée de la dynamique de l’ancien gryffondor face à lui. S’il venait l’envoyer à se faire foutre, ça ne l’étonnerait qu’à moitié. Cependant, s’il s’empêchait d’agir à chaque fois qu’un doute survenait, il ne vivrait plus. Alors haut les cœurs, il était temps.

En déambulant dans les couloirs du château, un goût de nostalgie avait enlacé son cœur. Autrefois, c’était lui qui venait saluer ses professeurs dans les couloirs quand ses derniers passaient. Désormais les bonjour professeur  lui étaient directement dirigé. C’était étrange, mais plaisant à la fois, ironique aussi quand il venait se souvenir du nombre de problèmes qu’il avait causé à son ancien directeur de maison. Les retenues pour commencer, c’est qu’il en avait eu le bougre pendant ses années à Poudlard. Et maintenant, c’était à lui le plaisir d’en donner et de venir retirer des points. Devant Fergal, il avait promis d’être juste, mais une part de lui savait que s’il pouvait valoriser son ancienne maison, il le ferait. Serdaigle devait gagner la coupe. Il avait cru comprendre que le quidditch était une cause perdue, mais en ce qui concernait la coupe des maisons, tout pouvait encore se jouer. Il devrait peut-être songer à contacter le directeur de la maison de Serdaigle pour en discuter avec ce dernier. C’est sur cette pensée en tête qu’il se retrouva devant le bureau du directeur de Gryffondor. Sans prendre la peine de toquer, il poussa la lourde porte, s’habillant de son plus beau sourire. Si une chose n’avait pas changé avec les années, c’était son plaisir de charmer tout ce qui était capable de respirer. « C’est fou, t’as toujours la même tête de con Alexander. » Railla le jeune adulte en venant passer la porte du bureau de son ancien camarade. Il s’installa sans demander à ce dernier s’il le dérangeait et déposa son paquet de cigarette sur le bureau du professeur d’étude des moldus. Il n’allait pas fumer entre ses murs, il n’était pas si mal polie que ça, mais l’avoir dans sa poche de pantalon risquait dès les abîmer. « Quoique… » Il fronça ses sourcils en se penchant par-dessus le bureau pour fixer le visage du jeune homme. « T’as un peu de poil au menton, ça change. Je pensais que tu resterais imberbe toute ta vie. » Si Ambroise n’avait pas décidé de couper contact avec le monde sorcier, peut-être et seulement peut-être seraient-ils restés en contact. Cette pensée lui avait traversé l’esprit à son arrivée quand ses yeux avaient croisé ceux de Jaimie. Étonnement de le croiser ici, après des années, tout comme il l’avait été en retrouvant Myrthilde. Retrouvailles improbables avec un passé lointain, car oui passé dix ans ça semblait très loin pour Ambroise.

Il se réinstalla confortablement dans la chaise qu’il avait prise en otage. Il regarda un instant ses ongles peints de noir. « Dis, tu as sûrement certains de mes élèves en cours, je dois me méfier de qui ? » S’il avait pu interroger sa boule de cristal, Ambroise s’en serait déjà chargé. Toutefois, aussi étrange que cela pouvait sembler, il veillait à utiliser la divination avec précaution. Il était bon dans sa discipline, heureusement pour lui sinon le poste lui aurait été refusé, mais il savait aussi qu’il ne fallait pas l'utiliser à tout-va. Sa mère lui avait enseigné, son ancien professeur de divination à Poudlard aussi, et durant ses études supérieures ont le lui avait trop souvent répété. Une fois avait suffi, les autres l’avaient agacé parce qu’Ambroise détestait qu’on lui rabâche ce qu’il connaissait déjà.  

Il fut ravie de constater que Jaimie ne semblait pas décidé à le foutre à la porte. C’était un premier pas en avant et il ne regrettait pas de l’avoir effectué. Dans le cas contraire, Ambroise n'aurait pas été pour autant vexé ; il se serait simplement contenté de disparaître du bureau et de revenir le lendemain pour insister de nouveau. Il avait la fâcheuse tendance à devenir collant quand quelque chose n'allait pas dans son sens. Ainsi, il les avait toujours à l'usure. Ça n'avait rien de sain, mais s'il l'était, il serait sans doute toujours avec son groupe de musique à faire la tournée des bars.

Pendant une petite seconde, il lança un regard sur ses tatouages visibles sur ses avant-bras, après les mots du professeur face à lui. Il s’attarda un peu plus longtemps sur sa main droite, qu’il fit tournoyer en souriant sous ses yeux. « T’es juste jaloux car je reste le plus beau de nous deux », lâcha-t-il dans un rire qui se mêlait à celui de son ancien camarade d’école. Si une chose n’avait pas changé, c’était son plaisir à s’auto-complimenter. S’installant confortablement, il prit ses aises jusqu’à poser ses pieds contre le bureau. Ambroise secoua la tête négativement. « Non, ne t’en fais pas, je ne vais pas fumer ici. » S'il n'avait jamais réussi à arrêter ses doses de nicotine, le jeune homme veillait à ne pas imposer sa fumée aux autres. N'était-il pas adorable ? Non, le mot était bien trop faible. Détruire sa propre vie était une chose, mais il ne souhaitait pas prendre la responsabilité de celle des autres. Cela générerait trop de culpabilité ensuite à venir accepter et sans façon. Alors que ses yeux étaient fixés sur le paquet de ses meurtrières, il resta absorbé par eux en entendant les mots de Jaimie. C'était parfait pour éviter le regard brûlant de son collègue contre sa peau à cet instant. Ça devait bien finir par arriver cette conversation, il aurait toutefois espéré qu’elle ne viendrait que dans quelque semaine, voire jamais. Il soupira. Que voulait-il qu’il lui dise ? Qu’après sa dernière année à Poudlard, il avait voulu ne plus avoir de contact avec le monde sorcier ? Que ce dernier le dégoûtait autant que cette cicatrice encore bien trop visible sur sa main droite ? Ambroise était de retour, mais ce n’était pas pour parler des raisons de sa disparition. Au fond, il n’avait pas disparu, juste coupé les ponts, et ça lui semblait bien différent. À la place, il tenta de dévier le sujet sur la liste des élèves à se méfier. C’était parfaitement justifiable en tant que nouveau professeur. Puis cela lui permettait de laisser sous-entendre qu’il n’avait aucune envie de parler de ce qui s’était passé. Après la libération de McGonagall, il avait tourné le dos au monde magique, tout comme ce dernier l’avait fait en lui laissant ce N et ce M en guise de souvenir. 

Finalement, un sourire illumina à nouveau son visage, ravi de constater que le professeur Alexander n'allait pas tenter de lui tirer les vers du nez. En le voyant contourner le bureau, Ambroise se leva à son tour pour venir prendre son vieil ami dans une accolade. « Toi aussi, tu m'as manqué », dit-il. Il se recula après quelques secondes, sans cacher le plaisir de ses retrouvailles un peu étrange. Jamais il n’avait pensé revenir ici en quittant le château et le voilà désormais professeur aux côtés d’un vieux camarade. « T’es ici depuis longtemps ? » 

« Ne me tentes pas. » L’envie de fumer étant déjà une corvée qui tournait constamment en rond dans sa tête. Si Jaimie venait sous-entendre qu’il pouvait s’en griller ça n’allait pas l’aider. Pourtant il y tenait à ses convictions et si le professeur n’était pas un fumeur, il ne craquerait pas. Ambroise avait beau être un jeune homme sans gêne, il avait des limites auxquelles il ne devait pas franchir. Et c’était parfois compliqué, comme cette idée de se reprendre en main il y a six, sept ans. Super idée sur le papier, vraiment ça envoyait du rêve à l’époque. Ça n’avait pourtant pas été simple, pas une seule seconde. Il avait dû assumer sa vie de débauche et faire face aux conséquences que ça avait causées sur lui. La dépendance était une conne, douce en apparence mais qui vous marchait dessus quand vous désiriez la quitter. Une saleté de relation toxique, à croire qu’Ambroise les attirait. Ah non, il était lui-même toxique dans ses relations. Il luttait toujours contre les restants de cette ancienne vie, parce que la dépendance ça ne vous quitte jamais. Le professeur de divination n’avait pas besoin de se tirer les cartes pour savoir qu’un écart et il replongeait. Il était foutu à vie, c’était ainsi. Secret précieux qu’il ne comptait pas partager avec ses collègues et avec personne. Puis pour dire quoi ? Prouver que son physique venait coller avec les stéréotypes des camés ? Sans façon. Le jeune adulte idiot qu’il était devait disparaître pour de bon.

Il laissa filer les questions sur sa disparition. C’était bien tenté de la part de son ancien camarade, mais personne, pas même Jaimie ne l’apprendrait. À la place, il accepta l’accolade fraternelle avant de se laisser retomber sur la chaise où son postérieur avait élu domicile. « Depuis trois ans ? Et alors, ça fait quoi de donner les retenues à la place de les recevoir ? » Ambroise ne se souvenait plus vraiment si Jaimie en avait souvent reçu ; après tout, le jeune homme était dans la promotion après lui. Cela dit, pour sa part, il avait assez hâte de pouvoir donner sa première retenue. Ce n’était sans doute pas juste, mais il voulait comprendre le sentiment que ses enseignants ressentaient lorsqu’ils lui en donnaient. Ah, les retenues, qu’est-ce qu’il en avait eu, lui, doux souvenirs pour la plupart. « J’imagine, j’ai vu qu’on avait deux vampires en plus. Dans mon souvenir, ce n’était pas autant peuplé en créatures. » Ambroise n’avait aucune opinion sur les vampires, pour être franc. Du moment que sa carotide restait intacte, il pouvait facilement cohabiter avec eux. Bon, il ne viendrait pas pour autant s’improviser dentiste pour vampire et glisser ses doigts dans leur gosier afin d’observer leurs canines. Heureusement pour lui, il était professeur de divination.

« Je pensais pas revenir ici, mais prof, ça a toujours été dans ma tête, figure-toi. » Il esquissa un petit sourire en venant révéler ce que personne ne savait. À vrai dire, il n’y avait que sa mère et son ancien professeur de Divination qui avaient été mis dans la confidence. La première parce qu’il lui avait toujours tout confié, le second lui avait tiré les vers du nez de force. « J’ai pris un peu de temps avant de le devenir officiellement, mais me voilà. J’espère juste être à la hauteur maintenant. »