Un thé et un roman, agréable programme qu’elle s’était mis en tête pour venir s’enfermer dans une bulle indestructible. L’idée lui était venue dès que les premiers rayons du soleil avaient filtré au travers de sa chambre, soigneusement partagée avec l’adorable Agatha. Rapidement, Isadora avait fui son lit pour se glisser sous la douche. C’était le week-end, il faisait beau, elle n’allait donc pas tourner en rond plus longtemps entre ses draps. Elle se laissait cette occupation pour la nuit. Une fois prête, après avoir enfilée une tenue confortable et un livre dans la main, elle avait pris le chemin menant à Pré-Au-Lard. La douce chaleur du jour avait coloré ses joues légèrement. Il faisait frais et chaud à la fois, parfait pour traîner le pas et profiter de la nature qui s’éveillait depuis quelques jours. Les balades matinales, c’était courant de sa part, pourtant, il était rare de la voir se rendre au village sans son frère ou sa cousine. Pourtant, ce matin, elle passa le panneau du village sans eux, elle n’avait pas envie de les déranger. Et puis la solitude n’était pas sa meilleure amie de toujours ? Au fond, c’était surtout pathétique de voir à quel point elle avait réussi à s’isoler à ce point. Elle soupira, en passant la porte de Piedad. La quiétude du salon de thé et l’odeur du sucre qui foudroya ses narines lui arrachèrent un sourire de satisfaction. Ici, personne ne risquait de la déranger.
Un thé sur place, un cookie chocolat blanc et elle se glissait sur une banquette rosée, collé contre la fenêtre pour se perdre sur l’extérieure si l’envie lui prenait. Elle croqua dans son gâteau, le sucre explosant contre ses papilles gustatives. Isadora n’avait jamais raffolé du sucre, mais parfois, elle devait reconnaître l’aspect réconfortant. C’était comme lorsqu’elle était petite et que sa mère se décidait à lui porter un goûter sous les serres du manoir MacMillan. Une douce époque où Isadora n’avait pas conscience de la pression qui reposait sur ses épaules. Poussant un long soupire, elle posa son roman contre la table avant de venir prendre une gorgée de la boisson brûlante, laissant un feu supportable derrière le liquide. Certains préféraient leur boisson tiède, d’autre et c’était son cas, brûlant. Ce n’était pas tant le goût le réel plaisir, mais de sentir cette agréable brûlure dans sa gorge réchauffer tout son être. Elle posa sa tasse à moitié vide, avant de se saisir de sa tasse. Le salon de thé n’était pas encore très rempli, c’était donc le moment idéal pour se plonger dans ce nouveau livre. Comme à chaque fois qu’elle se lançait dans une nouvelle lecture, son cerveau venait s’immerger pleinement dans l’histoire. C’était une façon agréable de le mettre sur pause et de parvenir à laisser ses problèmes de côtés. Évidement ce n’était qu’une façon de décaler le souci, mais pour la griffonne, il s’agissait de la meilleure solution. N’importe quel abruti aurait pu lui dire qu’elle avait tort. Elle-même s'y elle cessait de se comporter comme une idiote, mais ça semblait être une agréable solution dernièrement. Isadora finirait par le regretter, sans doute, mais pour le moment ça lui convenait alors n’était-ce pas le plus important. Elle laissa ses yeux venir glisser d’un mot à l’autre, découvrant l’histoire qu’elle avait choisi avec soin la veille dans la bibliothèque de Poudlard et très rapidement elle perdit le fil du temps.

’T’avais peut-être raison, Isa.’ Lorsque la voix la préfète l’arracha de sa lecture, la sorcière hésita entre deux options. La première, l’ignorer complètement, prétextant ne pas l’entendre. La seconde, c’est ce qu’elle avait fini par choisir, lui répondre. « Sur quel sujet ? » Elle releva son regard sur la personne d’Azure sans comprendre ce dont sa cadette venait de lui parler. Elle s’en fichait au fond de savoir, mais quitte à être dérangé dans sa lecture, Isadora se semblait légitime d’en apprendre davantage. Elle glissa soigneusement son marque-page brodé main entre les pages de son roman, désireuse de ne pas perdre sa page. Elle le ferme ensuite bruyamment, afin de montrer son déplaisir d’avoir été dérangé. Pourtant, ça ne l’avait pas dérangé la dernière fois quand elle avait décidé de s’immiscer volontairement à la table d’Azure. « Car tu m’excuseras, mais je ne note pas chaque fois que j’ai raison, il y en a beaucoup trop. »

Sa solitude ne serait donc pas pour aujourd’hui. Soupir d’agacement alors qu’elle repoussait son livre, désormais fermé, vers un coin de la table. Elle laissa son regard scruter Azure, attendant qu’elle réponde à sa question, tandis que ses mains venaient s’emparer de sa tasse de thé encore un peu tiède. Elle qui préférait les boissons brûlantes, s’en contenta en avalant une gorgée peu réconfortante. ‘À propos de … mes problèmes de mecs.’ Sa bulle de tranquillité venait d’exploser pour ce sujet insignifiant ? Elle cligna des yeux, deux fois, accusant le coup et pour calmer son agacement qui venait bouillonner en elle de seconde en seconde. Isadora n’était pas d’humeur et pourtant, elle la laissa poursuivre. Elle n’en savait pas assez désormais, et Azure lui devait bien ça pour avoir décidé de s’imposer dans sa quiétude. Il était si rare pour la sorcière de second cycle d’obtenir un peu de temps loin de ses angoisses. Aujourd’hui pourtant tout semblait s’être alignée pour lui offrir un peu de calme, mais on venait de lui piétiner son moment. Toutefois, elle se montra patiente dans ses mots alors que ses gestes venaient la trahir. Mais si la préfète avait décidé de se confier à elle, alors elle n’allait pas se priver de l’écouter. Qui sait, peut-être qu’une information finirait par lui être utile. Dans le cas contraire, elle pourrait toujours s’amuser à l’entraîner dans un brouillard de sentiments. Elle déposa son menton dans le creux de sa main, l’air las. « Et quel est ce choix ? » Elle soupira en posant la question. Devait-elle vraiment tirer les réponses à la Gryffondor face à elle ? Cette dernière ne pouvait-elle pas se contenter de tout lui livrer rapidement ? C’était agaçant de tourner autour du pot sans jamais venir préciser clairement ses pensées. Insupportable et pourtant, elle restait là à attendre, patientant après cette information qui ne semblait pas vouloir venir. Azure et ses peines de cœur semblaient devenir un feuilleton quotidien qu’Isadora devait subir. La première fois, elle l’avait décidé. La sorcière avait imposé sa présence et s’était mêlée des histoires de sa camarade de maison. Une bonne occupation pour fuir ses propres problèmes. Aujourd’hui, elle endurait la présence de la jeune fille et ses histoires.

Trop long. Elle regardait la demoiselle se morfondre sur place en s’emparant d’un cookie. Azure allait-elle vraiment lui imposer cette attente ? La Gryffondor se racla la gorge, elle n’était pas d’humeur à se montrer très joviale. Peut-être que si son livre n’avait pas été si intéressant, elle n’aurait rien dit. « Et tu te retrouves sans rien ? » Avança-t-elle, indifférente. Au fond, elle se fichait bien de voir Azure finir seule, sans Thomas ou sans Shayne. Ça lui était bien égal, tout comme si elle avait su se décider sur l’un des deux garçons. Shayne était un gentil garçon, Isadora commençait à s’en apercevoir. S'il se retrouvait peiné, peut-être qu’elle éprouverait un peu de pitié pour ce dernier. Quant à Thomas, c’était différent, elle ne le connaissait pas, alors elle s’en fichait assez facilement. Toutefois, elle n’avait pas de certitude à ce qu’elle venait avancer, peut-être que les deux avaient fini par faire un choix complètement idiot en la personne d’Azure. Si c’était le cas, ça en serait incompréhensible. Choisir une fillette indécise face à des sentiments, c’était définitivement idiot. Cependant, ça resterait leur choix et elle n’aurait rien à redire, juste à juger. Et juger elle s’en ferait un doux plaisir.

Elle reprit une gorgée de son thé, finissant sa tasse pour éviter de devoir boire à nouveau le liquide tiède devenu désagréable une fois froid. Peut-être devrait-elle en redemander une autre, elle sentait déjà qu’Azure n’allait pas partir de sitôt et la sensation brûlante du liquide dans sa gorge lui manquait. « Tu sais que tu es responsable de tout ? » finit-elle par lâcher, sans quitter la demoiselle des yeux. Elle souhaitait connaître la pensée de la préfète sur ce point, bien qu’elle se doutât déjà qu’elles partageaient ce point de vue. Azure était responsable, entièrement, et personne ne pouvait le nier. Alors Isadora esquissa un petit rictus au coin de ses lèvres ; si Azure désirait se retrouver face à elle, c’était son choix, mais elle n’allait pas pour autant se montrer douce avec elle.

Qui sur cette terre l'avait envoyée subir la préfète de sa maison ? Oui, parfois elle venait mettre son nez dans des histoires qui ne la concernaient pas, mais uniquement quand l'ennui la prenait. Ou dans son cas dernier pour garder son esprit le plus occupé possible. Aujourd'hui elle n'avait rien demandé, elle n'avait souhaité qu'un peu de tranquillité et du thé, mais à la place elle se retrouvait à écouter Azure. C'était exaspérant et elle ne retint pas le soupir qui s'échappa de sa bouche. Si Azure semblait faire les mauvais choix, ou plutôt ne pas en faire du tout, au moins en avait-elle conscience. Elle n'était peut-être pas totalement écervelée, mais bien responsable de ce bordel dans lequel elle semblait se prélasser. Elle appuya son menton dans le creux de la paume de sa main, sans détourner son regard accusateur de la jeune fille. Elle était assise face à elle, alors elle n'allait pas mâcher ses mots, surtout que pour une fois, elle n'avait pas à mentir. Ce n'était ni plaisant, ni désagréable. Au fur et à mesure que la préfète parlait, Isadora fronçait les sourcils. Au final, Thomas semblait se retrouver comme la cinquième roue du carrosse, pauvre enfant. Faute de lui répondre une fois le silence revenu entre elles, Isadora se leva. Elle quitta la table, laissant derrière elle son livre et le reste de son cookie. Elle était détestable, une part d'elle en avait pleinement conscience, mais elle connaissait assez Azure pour savoir qu'elle ne bougerait pas pour autant. Ça l'amusait, grandement même. Peut-être que si elle se montrait généreuse dans ses réponses, elle finirait par obtenir ce qu'elle voulait de la préfète, jusqu'à lui piquer son poste. Car l'objectif était toujours le même. Isadora avait beau posséder une montagne de problèmes, elle n'oubliait pas ce futile titre qu'elle ne possédait pas. Et un jour, elle viendrait la faire tomber.

Debout devant le comptoir du salon de thé, elle attendait sa nouvelle commande. L'après-midi s'annonçait longue, alors un petit réconfort brûlant ne serait pas de trop pour adoucir ses mots. Elle comptait être franche, mais pas méchante, l'idée n'étant pas de la faire fuir définitivement. Une fois sa boisson en main, elle se replaça face à Azure, prenant tout son temps. Elle avait eu le temps de réfléchir à ses questions et à ses mots. Elle prenait sans doute bien trop son temps en prenant une gorgée de sa boisson brûlante avant de reposer sa tasse sur la table. « Et tu ne comptes pas en parler à Thomas ? » avait-elle fini par demander sans cacher le mépris dans sa voix tout en se pinçant les lèvres. Elle ne le connaissait pas, mais une part d'elle se sentait presque désolée pour le garçon qui se retrouvait à subir les émotions instables de la jeune Gryffondor. « Tu sais Azure, c'est à toi de prendre une décision. Ton choix était fait et pour un garçon tu viens tout remettre en question de nouveau. » Isadora laissa son regard glisser un instant sur la fenêtre à côté d'elles alors qu'elle poursuivait : « Tu ne devrais pas changer d'avis parce que l'un se réveille subitement. À vrai dire, tu ne devrais même pas t'embarquer dans deux histoires à la fois. C'est de la tromperie, tu étais déjà en plein dedans, mais c'est de pire en pire. Qu'est-ce qui se passera si un troisième garçon commence à s'intéresser à toi ? » Elle regarda de nouveau la jeune fille avant de prendre une nouvelle gorgée de sa boisson. « Shayne était jusqu'ici indécis sur ce qu'il voulait avec toi, si tu veux lui dire au revoir, tu devrais t'y tenir. »

Un peu de silence s'installa alors qu'elle scrutait le visage de sa camarade afin de percevoir ses réactions. C'était toujours distrayant de découvrir les diverses émotions qui se battaient en duel au fond de ses yeux. « Tu aimes vraiment les deux ? » Ça lui semblait inconcevable, sans doute parce qu'elle n'arrivait pas à aimer sincèrement une seule personne. Ça ne lui était jamais arrivé et ça ne lui arriverait jamais car elle était liée à un parfait inconnu. Toutefois, elle restait ouverte sur ce point, peut-être avait-elle lu beaucoup trop de romans. « Ou est-ce que tu aimes simplement l'idée qu'ils s'intéressent à toi ? »

L’allié face à ce désagrément fâcheux entre ses mains, Isadora venait enfin balancer son opinion sur la situation dans laquelle Azure se noyait. Ses mots n’avaient rien de tendre, elle n’avait aucune raison de l’être avec sa cadette. Si seulement la préfète s’était laissé couler au fond de ses méandres, elle n’aurait pas à la supporter. Las de cette journée qui s’était obscurcie à l’instant où la demoiselle s’était assise en face d’elle, Isadora reprit une gorgée de sa boisson, comme pour minimiser son ennui. Elle jeta un regard sur la couverture de son livre en soupirant légèrement. Elle qui avait désiré une bulle de tranquillité, c'était fichu. À la place, la voilà à jouer les psychologues face à une adolescente inconstante. « Tu vas ? Ça devrait déjà être fait. » Isadora était cependant une très mauvaise psychologue, elle n’était pas de bon conseil, car elle n’était pas purement sincère avec sa camarade. Et puis, faire des reproches était bien plus plaisant. La situation ne la concernait pas, ce n’était pas parce qu’elle s’y était immiscée un jour qu’elle désirait tout savoir de ce trio amoureux. « Vu ton comportement actuel, j’en doute. Si un troisième garçon se pointait et venait te glisser de doux mots à l’oreille, tu vacillerais encore une fois. » Après tout, jamais deux sans trois, alors ça semblait logique à la jeune femme. Si un troisième garçon venait rentrer dans l’histoire, la jeune fille sentirait son cœur battre une fois de plus. Ce n’était que son avis. Elle percevait assez Azure comme un chien qui à la moindre attention viendrait remuer la queue et offrir son amour en couvant ce nouveau avec un certain émerveillement. À la simple différence que la préfète ne possédait pas de poil, ni de queue.

Elle laissa échapper un petit bâillement, qu’elle ne camoufla pas pour autant, avant de venir remuer son thé pour s’occuper. « Et toi ? » S’impatienta-t-elle en dévisageant la demoiselle. Si un jour Isadora souhaitait participer à un concours de miss agaçante, elle pouvait être certaine de remporter en vue de son attitude actuelle avec Azure. Elle roula des yeux avant de secouer son visage de droite à gauche. « Mais tu aurais pu te contenter d’un, maintenant tu joues sur les deux tableaux. » Isadora mentait-elle ? Ce n’était que la vérité si on se penchait sur la situation. La jeune marmotte face à elle se prélassait dans cette situation car si elle lui avait vraiment déplu, n’y aurait-elle pas mis un terme avant ? Pauvre Thomas et pauvre Shayne, ils n’étaient que les dommages collatéraux de la petite histoire de la vie d’Azure. Cela dit, ça pourrait faire un bon roman à l’eau de rose sur lequel le capitaine de Quidditch pourrait venir cracher son venin. La pensée lui arracha un petit sourire en coin.

Le bruit de sa cuillère dans sa tasse de thé semblait devenir agaçant, du moins c'est ce qu'il lui sembla quand le couple derrière Azure se retourna dans sa direction. Cela ne l’empêcha pas pour autant de continuer et même de faire tapoter sa cuillère bruyamment contre le haut de la tasse pour ensuite la reposer sur la table. Le plaisir de déranger était aussi simple que cela. « Tu sais, tu devrais profiter d’aller voir le professeur Erskine. » Lâcha-t-elle finalement sur un ton sérieux. Ce mécréant serait sans doute capable de lui annoncer le bon choix à faire à l’aide d’un tirage de carte ou d’un autre outil divinatoire. Ce dernier avait sûrement bien mieux à faire, mais Azure ne risquait rien à lui demander de l'aide face à cette situation. Et puis ainsi, elle ne risquerait plus de venir la déranger sans raison et surtout sans y être invitée.

Elle n’aurait jamais le luxe d’avoir des saudades de personnes à aimer, alors elle se retrouvait envieuse envers Azure, flottant au milieu d’une ribambelle de sentiments vacillant. Tout était parfaitement dissimulé sous son masque de peste, car elle ne viendrait jamais avouer cette vérité. Et pourtant, ô combien elle avait rêvé petite du prince charmant, de tomber un jour réellement amoureuse. Ça lui avait échappé, au moment où elle était née dans cette famille qui ne vivait qu’à travers des traditions archaïques. Triste sort, et désormais elle se retrouvait à contempler le désastre sentimental dans lequel Azure se noyait. Une part d’elle en était presque jalouse, mais une autre, et cela venait justifier son comportement, trouvait le comportement de la jeune Gryffondor injuste. Cette histoire allait finir mal, il n’y avait pas besoin de voir l’avenir pour le savoir et les conséquences risquaient d’être douloureuses pour les trois compères. Elle soupira, une fois de plus, remettant ça sur son agacement qui camouflait le reste de ses pensées intimes. « Je me demande qui de vous trois va le plus souffrir. » Finit-elle par lâcher avant de venir prendre une gorgée de son thé encore brûlant. Petit réconfort au milieu de ce moment imprévu. Elle fixa Azure, se demandant encore combien de temps la flamme dans ses yeux allait briller sous l’indécision. Isadora était prête à souffler dessus, comme l’on souffle sur une bougie pour l’éteindre éternellement.