Voilà plusieurs jours que le nouveau professeur de potions de Poudlard avait commencé à exercer. S’il prenait lentement ses marques, se réhabituant à cet environnement qu’il avait pourtant côtoyé pendant sept années de sa vie. À vrai dire, cela se passait mieux qu’il ne le pensait pour le moment. Il y avait bien de fortes têtes dans ses classes mais il laissait faire le temps pour prendre confiance. Disons qu’il était dans une phase d’observation pour le moment et aucun d’entre eux ne s’étaient pour le moment montrés belliqueux. Les étudiants le testaient et c’était bien normal. À cet âge, on cherchait à savoir où étaient les limites. Caerwyn les fixerait bientôt. Pour le moment, il y avait une sorte d’appréciation mutuelle, une sorte de calme nerveux entre le nouveau professeur et ses élèves. Cela ne dérangeait nullement l’enseignant. En effet, les cours étaient pour l’instant calmes et se déroulaient sans embûches. Au fil des cours et des jours, Caerwyn se sentait donc moins nerveux, plus en confiance et peut-être que les élèves le ressentaient aussi. Certains avaient tenté de plaisanter avec lui, d’autres osaient lui poser des questions et quelques-un venaient même le trouver à la fin des cours pour lui demander de l’aide.

Ce fut le cas de la jeune Maximilianna Stein, une Poufsouffle de quatrième année, qui était venu à la fin du dernier cours pour lui demander s’il pouvait lui accorder du temps en fin de journée. Quelque peu flatté d’être déjà ainsi sollicité et fier d’accomplir son devoir de professeur, Caerwyn avait accepté sans hésiter. Il lui avait donné rendez-vous vers 18h, avant le dîner. Cela leur laisserait une heure. Cela devrait leur laisser le temps de pouvoir améliorer la compréhension de la jeune Stein sur les potions, domaine qui semblait encore un peu lui résister. Après tout, elle avait inexplicablement raté son Philtre Calmant qui, au lieu d’avoir pris une couleur bleue ou brune, avait viré rose vif et avait commencé à dégager une odeur particulièrement nauséabonde. Quelques dizaines de minutes avant la dix-huitième heure de la journée, Caerwyn avait regroupé ce dont ils auraient besoin pour refaire ce philtre que ce soit les ingrédients ou même le manuel de quatrième année. Il n’en avait pas besoin personnellement mais il voulait savoir l’étape qui avait coincé chez Maximilianna. Trouver l’origine du problème permettrait de le résoudre beaucoup plus facilement. Se rendant compte qu’il lui manquait quelque chose présent dans sa salle de cours, il sortit de son bureau.

Il tomba alors nez à nez avec ladite Maximilianna, visiblement très occupée à installer une improbable panoplie d’instruments sur l’un des bureaux de la salle de cours. S’arrêtant net, surpris, il resta silencieux quelques secondes. Était-ce encore un piège ? L’air tout aussi surpris et embêtée de la jeune Poufsouffle ne lui permit pas d’établir une vraie analyse de la situation. L’élève sembla pourtant se ressaisir bien plus rapidement que lui et s’excusa du bruit qu’elle aurait pu causer. Toujours très intrigué par la situation qu’il essayait de comprendre, le professeur Bevans resta silencieux, happé par l’installation précise et minutieuse d’un condenseur de Liebig par l’adolescente. Il reconnaissait ces instruments en effet car si sa principale activité de ces dernières années avait été de confectionner des potions et de les vendre, son apothicairerie proposait également quelques instruments d’alchimie. Un de ses anciens collègues s’y connaissait un peu dans le domaine par ailleurs. Mais une crainte soudaine l’envahit : est-ce que cette discipline devait faire partie de ses compétences ? Car personne ne le lui avait annoncé et même s’il avait pris l’option durant ses études à Poudlard, tout ceci remontait à bien fort longtemps. La question que lui posa Maximilianna ne fit qu’accroître sa légère anxiété par laquelle il répondit par un franc sourire.

— Et bien…

Il la regarda tenter un Accio sans baguette, ce qui était très téméraire pour une élève si jeune. Peut-être trop, par ailleurs, car les notes ne bougèrent pas d’un pouce. Caerwyn les lui prit et lui donna de mains propres. Il ne connaissait pas encore bien tous ses élèves mais visiblement la jeune Poufsouffle semblait vouloir brûler des étapes. Si la magie sans baguette demandait un niveau de maîtrise assez conséquent, l’alchimie était également enseigné qu’à partir de la sixième année. Mais son installation précise et assurée du matériel sous-entendait que ce n’était pas la première fois qu’elle s’attaquait à cette discipline.

— Je l’ai étudiée il y a longtemps mais je suis loin d’être un expert en la matière je l’avoue. Cela dit, je peux essayer de t’aider. Et puis qui sait, c’est peut-être toi qui va m’apprendre des choses.

Il regarda les divers instruments sur la table, les mains négligemment cachées dans les poches de son sweat à capuche Moldu.

— Alors dis-moi, qu’est-ce que tu essayes de faire au juste ? Quelles sont tes questions, Nicolas Flamel ?

Il se redressa et sourit à l’élève. Ce qu’il craignait, c’était qu’elle l’assaille de termes dont il n’avait aucune connaissance. Mais il devait pas se prendre la tête avec cela. Il était professeur de Potions après tout, pas d’Alchimie.

L’ambiance avait quelque peu changé dans la salle de cours. Maximilianna avait bien pris le toiser de haut en bas comme si elle regrettait finalement d’être venu le voir. Quant à Caerwyn, celui-ci était désormais que l’école toute entière essayait de le piéger. Tant pis, il prouverait qu’il était bien au-dessus tout ceci, qu’on pouvait l’acculer de pièges et de questions en tout genre, il passerait outre. Après tout, il avait toujours appris vite. Il avait été un Serdaigle, non ? Utiliser son cerveau efficacement ne devrait pas lui poser trop de problèmes normalement. La jeune élève ne semblait pourtant pas avoir saisi le petit ton d’humour affectueux que Caerwyn avait utilisé lorsqu’il affublait du surnom de Nicolas Flamel. En découla un cours monologue sur les secrets de l’alchimiste français et de la noble famille des Stein dont, le nouveau professeur devait avouer, n’en avait cure. Les sempiternelles hautes familles de Sang-Purs qui faisaient leur argent depuis des générations avaient quelque chose d’incroyablement redondant. Il continua de sourire jovialement, ne montrant rien de son ennui certain. Il fallait se montrer professionnel et éviter de se mettre au niveau de l’adolescente. C’était lui, le professeur, après tout, malgré ses mains toujours négligemment cachées dans les poches de son sweat.

La petite Poufsouffle voulait donc transformer le plomb en or. Un exercice pour le moins particulièrement difficile même s’il était peut-être le plus connu. C’était ce qui avait rendu ledit Nicolas Flamel célèbre, avec sa pierre philosophale. Les Stein auraient trouvé une autre façon de faire ? Le diagnostic que posa l’héritière de la famille sur les problèmes qu’elle rencontrait était logique. Après tout, l’alchimie était le changement d’une matière en une autre, principalement les métaux. La température de fonte était donc un élément crucial et prédominant à la transmutation. Si la moindre erreur était faite, cela ruinait l’expérience toute entière. Cependant, la petite phrase que Maximilianna dit à la fin de sa courte analyse fit sourire Caerwyn derrière son épaisse barbe. Cette élève, qui venait sciemment lui demander son aide, venait-elle de lui envoyer une pique ? Le silence qui s’ensuivit laissa sous-entendre que oui. Le professeur soutint longuement le regard de la jeune Poufsouffle, se demandant finalement à quel jeu elle jouait. Était-ce toujours un piège, un test ou bien cette jeune fille était tombée sur la tête et se voyait plus grande qu’elle ne l’était ? Il laissa passer, trop peu certains de ses théories légèrement paranoïaques.

Il ne releva pas la nouvelle tentative de la jeune fille pour l’impressionner avec sa magie sans baguette, bien que celle-ci fut enfin couronnée de succès. Il commençait à mieux cerner le personnage qu’il avait en face de lui. Fondue dans la masse de sa classe, Maximilianna montrait un tout nouveau visage. Si elle faisait profil bas en cours de potions où elle ne brillait pas, elle démontrait un tout autre niveau de confiance désormais. Ses notes volant devant ses yeux, la Poufsouffle ne se pria pour lui lancer un nouveau commentaire acerbe. Caerwyn retint de justesse un rire nerveux mais il conserva son grand sourire qui n’avait pas quitté ses lèvres depuis le début de leur entrevue. Il n’avait pas l’impression qu’elle venait lui demander conseil. Elle semblait juste un peu perdue dans la marche à suivre. Si ce n’était complètement. Il resta complètement silencieux pour le moment et finit par détacher ses yeux de son élève avant de regarder à nouveau l’installation des instruments. L’idée de la prendre à son propre jeu était tentante. De toute façon, il ne comptait pas se laisser faire. Il avait encore ses preuves à faire, une crédibilité à instaurer et une autorité à asseoir.

— Déjà, pour avoir de l’aide, il faudrait que tu aies un problème. Or, pour l’instant, à part installer ton barda, je ne t'ai pas vu beaucoup manipuler.

Son sourire avait disparu et il avait repris un visage plus sérieux. Pensif, il passa une main dans sa barbe.

— De plus, tu dois savoir qu’il existe trois étapes primordiales dans l’alchimie, surtout dans la transformation du plomb en or. Le nigredo, l’albedo et le rubedo. Mais je ne t’apprends rien n’est-ce pas ?

Il eut un petit sourire insolant en direction de son élève, lui renvoyant la balle.

— J’ignore où tu rencontres un problème précisément. Cependant, comme quasiment tout est une question de chaleur et de fonte, tu dois calculer la température de fonte du plomb, de l’or et arriver à trouver la corrélation des deux. L’équilibre.

Il marqua une pause, remettant ses mains nonchalamment dans ses poches.

— Tu ne dois pas non plus oublier que la température de tes outils est primordiale. Du verre ou du cuivre trop chaud ou trop froid impactera sur la fusion de tes métaux. C’est aussi le cas en potions. C’est d'ailleurs ce qu’il s’est passé avec ton Philtre Calmant l’autre jour. Tu as fait chauffer ton chaudron bien trop rapidement. Ta préparation a donc bouilli bien trop vite et n’a pas pu macérer comme il le fallait. C’est le même principe en Alchimie.

Il continua d’arborer son grand sourire jovial et un brin provocateur, toujours debout, les mains cachées dans son sweat.

Maximilianna ne semblait pas vouloir des conseils de son professeur. La nervosité de vouloir bien faire avait disparu chez Caerwyn qui maintenant, se retenait plutôt de regarder sa montre pour constater le nombre de minutes qu’il perdait à essayer d’aider une élève qui n’en avait finalement aucune utilité. Il était indéniable que les deux protagonistes commençaient à ressentir de l’agacement vis-à-vis de l’autre. La Poufsouffle prenait certainement son professeur pour un clown et ce dernier trouvait son élève bien trop présomptueuse pour qu’il puisse la conseiller sur quoique ce soit. Il n’était pas un expert en alchimie, il lui avait dit, mais cela ne lui avait vraisemblablement pas suffi. Il la laissa donc commenter ses notes, se tirant une chaise à lui avant de s’affaler dessus, étendant ses jambes de tout son long et croisant les doigts sur son torse. Il n’avait pas grand-chose à faire, après tout. Il la regarda manipuler sans rien ajouter, la laissant dans ses pensées et se concentrer. Caerwyn en venait à la conclusion qu’il était finalement peut-être plus facile de gérer les élèves tous en même temps plutôt qu’individuellement. Étrangement, il trouvait que devoir superviser un groupe, aussi dissipé soit-il, était moins exaspérant qu’une élève qui semblait avoir raison sur tout.

Par ailleurs, il ne put retenir un petit rire désobligeant et nerveux lorsqu’elle tenta de justifier son erreur précédente en cours de potions. Si elle ne daignait pas l’écouter, même lorsque cela concernait sa matière, il n’y avait définitivement rien à en tirer. L’éclat de rire avait été bref et s’était soldé par des yeux levés au ciel mais aucun commentaire ne fut ajouté. Un sourire était de nouveau apparu derrière sa barbe et il reporta son regard sur ses manipulations. Il avait envie de la laisser se débrouiller et ne se sentait plus vraiment concerné par sa présence. Il commença à faire tapoter ses pouces entre eux, nerveusement, l’ennui et l’impression de perdre son temps se faisant déjà poindre. Il parvint à retenir un soupir cependant, tentant de rester le plus professionnel et patient possible mais cela s’avérait compliqué. Il l’observa sortir ses petites fioles de son sac et les poser délicatement sur la table. Son visage était devenu complètement impassible et désintéressé. Il la regardait faire parce que c’était bien la seule chose qu’il avait à faire. Maximilianna déposa trois petites gouttes d’une fiole dans une tubulure et commenta à nouveau une phrase qu’il avait dite un peu plus tôt.

Cette fois-ci cela concernait les Moldus et Caerwyn était plus sensible et susceptible à ce sujet. Un nouveau sourire étira ses lèvres, sans aucune once de bienveillance cette fois-ci. Encore le sempiternel dédain des Sang-Purs face à ceux dépourvus de pouvoirs magiques que le professeur de potions trouvait bien plus imaginatifs que les sorciers. Il s’abstint de faire un commentaire, essayant d’être l’adulte de la salle mais ne put s’empêcher de se sentir quelque peu provoqué. Il se mordit discrètement le bout de sa langue, continuant d’être toujours désobligeamment étendu sur sa chaise. Puis, la jeune Poufsouffle enchaîna sur un autre commentaire. Cette fois-ci, elle l’accusa de vouloir sciemment la piéger. Elle n’avait pas dû apprécier ses commentaires qui avaient pourtant tenté de la mettre sur la voie. Il resta là à la fixer quelques secondes tandis qu’elle lui lança une dernière pique en manipulant une petite fiole verte. D’où il était, Caerwyn ne pouvait lire les étiquettes. Quelque peu impulsif et voulant soigner cet honneur que Maximilianna semblait bafouer allègrement, le professeur de potions s’éclaircit la gorge et arrêta de jouer avec ses pouces. Il se redressa même sur chaise et dit sur un ton froid et dédaigneux :

— Les Moldus sont capables de faire voler des dizaines de tonnes d’acier et même de les envoyer en dehors de notre planète sans la moindre once de magique. Je ne suis pas sûr que les sorciers puissent en prétendre autant.

Il reporta son regard sur elle.

— Et je ne cherche nullement à te piéger. Ce serait idiot dans un tel contexte. Si je devais le faire, ce serait en examen. Pas quand une élève vient me demander de l’aide. Encore faut-il qu’elle accepte cette aide plutôt que de la renvoyer d’un revers de la main comme si elle avait déjà les réponses.

Il marqua une pause.

— Mais dis-moi, si tu dois contester tout ce que je te dis, quel était l’intérêt de venir me trouver ? Si tu veux, on peut essayer de retrouver le portrait du Professeur Van Aken ? Mais crois-moi, il te dira la même chose sur la façon de chauffer tes instruments et tes préparations.

D’un geste sec et brusque, il se leva de sa chaise.

— Je vais me préparer un thé, tu en veux un ? Ou tu as peur que je t’empoisonne également en plus de vouloir te saboter ?

Sa baguette rangée dans la poche de son sweat, il se déplaça lui-même et commença à faire chauffer l’eau et à sortir deux tasses sans utiliser la moindre once de magie. Il n’avait jamais pris l’habitude à vrai dire. Il s’était dit qu’abuser de la sorcellerie pour des choses aussi futiles était une fainéantise exacerbée. Et déjà qu’il n’était pas le plus dynamique des hommes, s’il devait sombrer dans cette paresse pratique, il ne bougerait plus de son bureau. Tandis qu’il attendait que l’eau pour les thés chauffer, il ajouta :

— Maintenant, tu peux très bien essayer de contester tout ce que je dis mais ce serait contre-productif. Comme pour moi en te donnant des conseils grotesques. J’ai autre chose à faire que de pourrir des gamins.

Il plaça deux tasses sur un plateau et prit le pot qui contenait le thé.

— Donc soit tu fais ce pour quoi tu es venue – c’est-à-dire me demander conseil, soit je te regarde faire et je veille juste à ce que tu ne fasses exploser quelque chose. C’est toi qui vois.

Il lui lança un regard froid, sans l’ombre d’un sourire. Peut-être que quelque chose allait bel et bien exploser avant la fin de ce cours particulier. Mais pour l’instant, l’air était aussi chargé en énergie que la future préparation de Maximilianna.

Que le temps allait être long si l’élève et le professeur devaient se lancer dans une guerre d’egos. C’était bien la première grande difficulté que Caerwyn rencontrait depuis qu’il était à Poudlard. À vrai dire, il avait même naïvement commencé à croire que cela ne serait pas si difficile que cela, ceux lui donnant le plus de fil à retordre étant certains adultes. Pour l’instant. Car voilà qu’une adolescente de quinze ans lui prenait inutilement la tête en fin de journée alors qu’elle était sciemment venue lui demander son aide. Mais ce n’était plus cela qui importait désormais. Il continua de préparer leurs thés, y versant l’eau chaude afin de laisser infuser. Son regard se perdit dans le contenu des tasses, essayant de redescendre cet étrange mélange entre la colère puérile d’être pris pour un imbécile et cette crainte d’avoir déjà échoué à sa tâche de professeur. S’il avait souvent paru comme nonchalant et détaché dans la plupart des situations un peu stressantes, il parvenait parfois mal à cacher sa nervosité qui se traduisait de différentes façons. Ce jour-là, fasse à Maximilianna, il avait fallu que ce soit une colère froide qui transparaissait. Était-elle justifiée ? Pas le moins du monde.

Il écouta d’une oreille distraite ce que l’adolescente lui dit. Elle le compara à ses collègues et ne sut dire s’il devait le prendre bien ou mal ? Dans le doute, pour éviter de verser de l’huile sur le feu, il garda le silence, la laissant parler, mais la regardant tout de même, un sourcil arqué. Il se doutait qu’il était bien trop sur la défensive. Que l’être autant face à une élève ne présageait rien de bon sur son autorité et pouvait même porter le doute sur ses compétences. Cette crainte de ne pas être à la hauteur était assez récente et il n’avait pas encore appris à la gérer comme il le fallait. Et il se trouvait d’autant plus stupide car ce n’était pas une angoisse à avoir du haut de son grand âge. Les quelques mots que Maximilianna ajouta sur l’histoire du poison et du Bal de Noël n’améliorèrent pas l’angoisse naissante et frustrée de son professeur qui n’avait jamais eu vent de cette histoire. Il avait voulu faire une blague, d’un humour certes noir et qui semblait n’avoir fait rire que lui, voilà qu’il se retrouvait à être comparé à un fait divers glauque au sein même de cette école.

Mais avant qu’il n’ait eu le temps de se forcer à s’excuser de sa bévue, Maximilianna rajouta quelque chose qui sonna bizarrement dans les oreilles du Gallois. Lui dire de faire attention, était-ce un conseil ? Ou alors, rêvait-il ou cette adolescente venait de le menacer ? Son regard se croisa un peu plus et il croisa les bras sur sa poitrine, préférant garder le silence pour le moment. Il avait trop parlé précédemment, autant essayer de choisir ses mots avec plus de parcimonie désormais. Il la regarda se lever de sa chaise et le rejoindre à côté de la théière et des plateaux. Il se passa nerveusement une main dans barbe hirsute, comme si cela allait avoir pour effet de discipliner les boucles grises qui partaient dans tous les sens. Elle tenta alors d’apaiser l’ambiance, c’était louable, arguant n’avoir aucun grief contre lui, dû à son arrivée récente à Poudlard. Il se sentit bien stupide tout d’un coup, de s’être laissé emporter par ce sentiment d’insécurité qu’il tentait de cacher avec tant d’ardeur. Un peu trop, même, puisque cela le rendait totalement impulsif. Ses yeux avaient fui Maximilianna pour se réfugier sur le thé, sa main jouant toujours nerveusement avec sa barbe. Finalement, d’un ton impassible, sans émotion, il finit enfin par dire :

— C’est une simple infusion à la camomille et au jasmin. J’ai fait simple.

Avec un soupir, il prit le plateau et entreprit de retourner vers l’installation de Maximilianna. Puis, après quelques pas, il finit par s’arrêter net et se tourna finalement vers elle.

— Écoute, je pense que nous nous sommes mal compris depuis le début. Ce n’est pas grave, ça arrive. Reprenons depuis le début, veux-tu bien ?

Il reprit sa marche mais cessa aussitôt.

— Ah une dernière chose : je n’étais pas au courant par rapport à l’empoisonnement du Bal de Noël. C’était juste une blague. De mauvais goût, certes.

Il posa le plateau sur la table, dans un coin qui n’allait pas déranger l’adolescente dans ses expériences. Il s’assit sur une chaise et regarda les différents outils en essayant de se concentrer dessus sans grand succès. Le voilà, humble professeur de potions, à devoir refaire une des caractéristiques les plus célèbres du Grand Œuvre. Il se sentait pris au piège. Soit il parvenait à aider Maximilianna (qui allait certainement s’accréditer tous les mérites de leur réussite commune), soit il allait passer pour un charlatan colérique et antipathique. Ce qui était déjà peut-être déjà le cas. Il prit une gorgée de son thé et montra les notes d’installation de Maximilianna du doigt.

— Puis-je ?

Une fois que l’adolescente lui eut donné son autorisation, Caerwyn emprunta lesdites instructions avec précaution, ayant reposé sa tasse entre temps. Il les feuilleta rapidement et compara au moins le montage avec le schéma sur le parchemin. Sa nervosité ne se tarit pas. L’alchimie remontait à bien trop longtemps pour qu’il soit de reproduire un des exercices les plus difficiles et les plus secrets. Pourtant, il fouilla aussi loin qu’il put dans sa mémoire, usa du plus possible de son esprit logique pour tenter d’arriver à des conclusions sensées. Son regard bleu-gris alternait entre le parchemin et le montage et il commença à y déceler peut-être quelques pistes.

— Peut-être que tu devrais incliner un peu ce tube. C’est par là que tu vas mettre l’un des agents qui va faire réagir ton plomb, non ?

Il souleva la première page, tentant de voir s’il parvenait à bien suivre les nébuleuses étapes.

— Sur le schéma, il a l’air d’être plus à l’horizontal, sûrement pour mettre aux quelques gouttes de mettre plus de temps à entrer en contact avec le métal. Ensuite…

Il revint à la première page. Quelque chose manquait de cohérence cependant entre les pages. Non seulement, il y avait plusieurs écritures, ce qui démontrait que les notes avaient plusieurs auteurs mais également plusieurs temporalités. Si elles n’avaient pas été faites au même moment, cela pouvait engendrer des erreurs.

— Mmh, attends, il te manque un bout dans ton montage.

Il lui montra du doigt un détail sur le croquis.

— Là. La sorte de petite ampoule, d’alcôve, appelle cela comme tu veux. Je ne le vois pas sur ton installation. Sur le parchemin, on dirait presque une sorte de rature, mais cela a l’air d’avoir de l’importance avec les calculs d’à côté. Tu veux qu’on essaye ?

Caerwyn n’était plus trop souriant. Il était concentré certes, mais également relativement frustré et agacé envers lui-même. Son visage était désormais fermé et occuper son esprit à quelque chose de productif était plus efficace que son thé qu’il avait délaissé.

— Tiens, pardon.

Il lui rendit ses notes et regarda pensivement l’installation, jouant nerveusement avec sa barbe. Cela ne faisait même pas un mois qu’il était là, il avait déjà l’impression qu’il allait se faire renvoyer pour incompétence et blagues du mauvais goût.

Le calme semblait être revenu. Du moins, Caerwyn faisait des efforts pour arrêter de penser à ce début puéril de querelle qui avait failli émerger. Se concentrer sur autre chose était certainement la meilleure chose à faire pour se vider la tête. En d’autres circonstances, il aurait pris son carnet et serait certainement allé dessiner un endroit du château. Si le temps avait été dégagé, à cette heure-ci, il pourrait trouver de jolis coins où les rayons argentées de la Lune éclairaient la pierre de l’école. Mais pour le moment, il devait trouver une solution pour l’un des problèmes d’alchimie les plus complexes de la discipline. Ce soudain silence studieux lui convenait. Au moins, il ne dirait rien de stupide à nouveau et cela repousserait le moment où il passerait pour un guignol à nouveau. C’était pas bien grave de toute façon. Perdu pour perdu, autant apprendre quelque chose. Il pourrait au moins se targuer de changer le plomb en or. Si jamais il devait revenir chez les Moldus (ce n’était pas l’envie qui lui manquait), il pourrait se prétendre Midas et s’acheter une jolie maison au bord de mer, du côté de Swansea, certainement. C’était très joli Swansea, en été.

Maximilianna semblait collaborer et ne remettait plus en cause ses observations. Peut-être que oui, le début de ce cours particulier n’avait été qu’un énorme malentendu. Il ignorait si les choses allaient s’améliorer, il avait l’impression que son élève était particulièrement têtue. Il ne pouvait pas plaire à tout le monde de toute façon. Plus dépité qu’autre chose, il continua d’observer le montage, tentant de trouver de nouvelles sources d’incertitudes, de zones d’ombres ou de choses à développer. Il retint certaines valeurs qui lui semblaient importantes dans sa tête. Peut-être aurait-il dû prendre un parchemin pour y griffonner des annotations, lui aussi. Il verrait plus tard. Pour l’instant, il regardait Maximilianna continuait de sortir sempiternellement des tubes en verre de son sac. Il lui avait pourtant sembler que le compte était bon, non ? Il eut soudain un doute mais trop tard, il venait de lui rendre ses notes. Après lui avoir demandé pourquoi il s’excusait, elle lui proposa de manipuler. Lui qui avait pensé qu’il allait seulement superviser, le voilà maintenant en train de jouer les experts alchimistes. Docile, il prit la petite partie manquante du montage et commença à l’installer. Il haussa alors les épaules et finit par dire d’un ton détaché :

— J’ai un peu accaparé tes notes, je te les rends donc.

Précautionneusement, avec des mains qui ne tremblaient nullement malgré les signes d’anxiété qui avaient pu le trahir ces dernières minutes, il installa la petite close au montage. S’il paraissait peu adroit parfois, avec une apparence pataude, se prenant souvent les coins de table dans les jambes, ses doigts, eux, ne faillaient jamais. Dans une autre vie, il aurait sûrement pu être chirurgien, mais il avait préféré l’art et le dessin. Ce fut alors qu’elle lui demanda où il était durant décembre 2025, rappelant l’évènement tragique qui s’était déroulé au sein même de Poudlard. Il soupira un coup et se passa une main dans sa barbe, essayant de regrouper ses souvenirs. Pourquoi lui parlait-elle de ce fait divers ?

— Je devais être chez moi avec ma famille au Pays de Galles, pour Noël, j’imagine.

Il gratta sa joue, le regard perdu sur les dalles froides de son cachot, essayant de calculer les années afin de savoir où il travaillait à ce moment-là.

— Cela devait faire un an que j’avais rejoint l’apothicairerie du Chemin de Traverse ? Quelque chose comme ça ?

Il marqua une pause, continuant de fouiller dans sa mémoire.

— Ah oui, je m’en souviens de cette histoire maintenant. Tout le monde ne parlait que de cela à mon retour des fêtes. Il a été empoisonné à Poudlard ? J’avais oublié vois-tu. Je ne lis pas tellement la Gazette du Sorcier.

Pour ne pas dire qu’il n’en avait cure et qu’il n’avait jamais tourné les pages du quotidien depuis des années. Après tout, il avait une certaine aversion du monde magique qu’il voyait plus dangereux encore que le monde moldu. Il avait l’impression que tout était relativement anarchique, que chaque sorcier un minimum doué, ambitieux et belliqueux pouvait facilement faire un coup d’État et détruire tout sur son passage. Sa première année dans cette communauté lui avait laissé un souvenir amer et quelques traumatismes dont il n’avait peut-être pas assez parlé et qu’il traînait désormais. Il avait juste entendu parler des différentes péripéties à Poudlard, de sa quasi-destruction, des complots en tout genre, etc. Il n’avait pu se résoudre de laisser ses enfants y aller sans avoir un œil sur eux. Il se faisait violence pourtant, à être entre ses murs humides et sombres. En effet, malgré tout ce qu’on disait sur la sécurité de Poudlard, Caerwyn considérait l’école comme l’endroit le moins sûr du monde britannique. Sa propre expérience passée et les récents évènements tendaient à lui donner raison. Il ne changerait certainement pas le lieu ni le monde, là n’était pas ses ambitions, mais s’il pouvait au moins protéger ses enfants, il en serait satisfait et aurait accompli sa mission.

Perdu dans ses pensées, le regard vague et se mâchouillant pensivement l’intérieur de la lèvre, il ne se rendit pas forcément compte que ses pérégrinations mentales commençaient peut-être à se voir. Il émergea alors, chassa l’air soucieux, presque inquiet, de son visage et tenta de se reconcentrer sur l’installation. Finalement, il se leva, repensant aux calculs qu’il avait lus précédemment. Il se dirigea vers le tableau noir à roulettes et essuya les instructions du dernier cours de la journée qu’il avait marquées dessus. Il prit une craie et entreprit de reprendre les formules de changement d’état des métaux. Il y avait quelque chose avec la transformation entre les densités qui n’allait pas. Comme s’il manquait un agent mutateur ou quelque chose dans ce genre-là. Malheureusement, cerné le problème était une chose, le résoudre en était une autre. Mais Caerwyn, malgré les apparences, avait encore l’esprit vif et désireux de comprendre. Peut-être avait-il un livre d’alchimie qui traînait dans la salle de cours ou dans son bureau. Mué par une certaine vivacité que peu lui aurait certainement accordé, il entreprit de mettre la main sur ledit bouquin. Il était persuadé que ce qui manquait à son équation était quelque chose de simple mais de facilement négligeable. Il tira plusieurs tiroirs, parcourut les étagères, omettant complètement Maximilianna restée à sa table et ne lui ayant donné aucune autre explication à cette soudaine agitation.

Il trouva alors le livre en question, qu’il commença à feuilleter précipitamment. Se lancer à corps perdu dans cette énigme lui faisait oublier le reste autour, ce qui ne lui faisait pas vraiment de mal. Il posa alors le doigt sur le page qu’il cherchait et regagna son tableau. Il posa alors le manuel d’alchimie et reprit ses calculs.

— C’est ça qu’il manque.

Il continua de jouer avec sa barbe d’un air pensif et se retourna vers Maximilianna.

— Ce qu’on est en train de faire ne fonctionnera pas. Regarde.

Il rapprocha le tableau de la table et prit le livre avec lui.

— Sur tes notes, il y a d’écrit que la vapeur émise par le plomb en fonte doit atteindre une température de 150°C en moins de trente secondes. Cela permet aux éléments de garder encore leur essence. Or, avec ton installation, il faudra au moins quarante-cinq secondes, peut-être même une minute. Rajouter de la puissance au feu ne changera rien, il manque un agent magique qui permettra de faire rentrer le plomb en ébullition beaucoup plus rapidement. De plus, on doit garder la vapeur dégagée, si je me souviens bien. Je ne sais pas trop à quoi ça va servir mais selon tes notes, ça a l’air d’avoir son importance.

Son regard bleu-gris alternait entre la tubulure et son tableau chaotique. Il se saisit de sa tasse pour en boire une gorgée avant de la reposer tout aussi soudainement. Il passa une main dans sa barbe hirsute qu’il ne parvenait pas à discipliner depuis qu’il était arrivé dans son cachot. Le lieu était beaucoup trop humide pour tenter de lui donner une allure décente, ses boucles ayant décidé de partir dans tous les sens.

— Tu as de quoi faire quelques essais ou non ? Il va peut-être falloir qu’on passe à la pratique parce que je suis à cours d’idées là.

Il n’avait pas étendu la conversation sur sa vie personnelle. Il n’était pas très friand de parler de lui de toute façon. De plus, il n’y avait pas grand-chose à savoir en vrai. Il manquait plus qu’il dise qu’il ait préféré vivre chez les Moldus pendant des années et qu’il y serait sûrement resté si ses enfants n’avaient pas été des sorciers à cause de lui. Maximilianna aurait tout le loisir de lui poser davantage de questions indiscrètes, mais il n’était pas sûr d’être disposé à y répondre à nouveau. Après tout, elle était venu pour transformer le plomb en or et c’était justement ce pour quoi il était en train de s’afférer en ce moment. Il ne passait pas une interview.

Caerwyn se manquait de ce que pensait son élève de lui par rapport à l’actualité du monde sorcier. Il avait trouvé toujours cet environnement hostile, où l’on apprenait à des élèves à faire des poisons mortels dès l’âge de douze ans, à voler à 30m du sol sans la moindre once de protection, à s’envoyer des balles assassines à coup de battes… Non il n’aimait pas vraiment le Quidditch non plus. Il préférait largement le football, capable de sortir les derniers résultats du club d’Arsenal mais incapable de dire quelle équipe dominait la ligue de Quidditch de Grande-Bretagne. Mais là était un peu tout le paradoxe de sa présence ici : malgré son aversion pour la magie (le mot était peut-être un peu fort et Caerwyn ne souhaitait pas le reconnaître, mais c’en était le sentiment le plus proche), il voulait tout de même bien faire et avait le culot d’accepter un poste à haute responsabilité avec pas la moindre once d’expérience. Il avait donc bien autre chose à penser que la petite Maximilianna et ses attitudes de princesse bourgeoise, le petit doigt relevé, ainsi que de ce qu’elle pouvait bien penser de lui. En attendant, les potions, lui, il ne les faisait pas brûler, bien au contraire.

— Cela faisait effectivement partie des directives du Professeur Armitage. Les stocks d’antidotes sont renouvelés régulièrement. Je te remercie de ton inquiétude.

Il avait été sarcastique dans sa réponse, voyant bien que la jeune Poufsouffle doutait fortement de ses capacités pédagogiques. Elle serait la première surprise de voir qu’il était loin du pitre que certains pensaient qu’il était. Oui, il était marginal sur certains aspects, notamment sur sa réticence prudente à la magie, mais heureusement pour lui, sa matière en recommandait peu. La discipline qu’il affectionnait le plus et qu’il enseignait demandait surtout une rigueur aiguë et une concentration à toute épreuve. Il n’avait pas l’occasion de donner énormément de cours à la Maximilanna mais ladite rigueur était ce qui semblait manquer à l’élève : trop pressée, trop sûre d’elle également, cela ne faisait pas bon ménage avec les potions où il fallait parfois être très patient. Caerwyn ne voyait pas les potions comme un art pour les impatients mais plus pour les résilients. Il s’emportait peut-être un peu trop dans sa pensée mais qu’importait. Il était parvenu à faire abstraction de tout ce qui se passait autour de lui et était actuellement très concentré sur l’assemblage alchimique. Malgré son côté pataud et parfois oisif, il n’était jamais contre un petit challenge de l’esprit. La conclusion serait probablement décevante, il le savait, mais peut-être aurait-il appris quelque chose durant cet échange quelque peu houleux avec son élève.

Il la regarda alors sortir tout son petit attirail d’ingrédients de son sac, se demandant si les sortilèges d’Extension étaient appris si jeunes. Sa scolarité remontait à loin et il ne se souvenait pas forcément de l’ordre dans lequel il avait pris tous ses sorts bien pratiques. Il demanderait à Wenceslas, à l’occasion, s’il y pensait. Elle finit par dire qu’ils avaient devant eux trois à quatre essais possibles. Caerwyn hocha la tête, pensif, la main jouant toujours machinalement avec sa barbe. Cela leur permettrait de corriger pas mal de choses en réalité. Il faudrait détailler toutes les réactions étapes par étapes, être ultra vigilants au moindre détail et surtout, ne rien précipiter. Si tout ceci était parfaitement dans le domaine de compétences de Caerwyn, il doutait plus de son élève. Cela dit, c’était son projet à elle, pas le sien. Elle était encore jeune de toute façon et avait beaucoup de temps pour apprendre la patience. Le professeur n’en avait pas assez déployé avec elle au début de cette session insolite. Il le regrettait amèrement et prenait sur lui pour corriger le tir. Pourtant, elle semblait chercher un ingrédient manquant. Des cendres. Il pensa tout de suite aux cendres de phénix, excellent catalyseur lorsqu’il était couplé à de la poudre de carapace de crabe de feu, un élément très rare et réglementé. Tout comme les cendres d’un phénix, cela dit. Il s’accroupit légèrement pour se mettre à hauteur des étiquettes sur les fioles qu’il parcourut du regard et finit par en pointer une.

— Tu auras besoin de ceci aussi, avec tes cendres.

Le fameux flacon de poussière de carapace de crabe de feu. Il était plutôt soulagé qu’elle en ait avec elle car il n’était pas sûr qu’il en ait eu à sa disposition dans sa réserve. Transformer le plomb en or n’était pas chose aisée après tout. Si cela nécessitait des ingrédients aussi faciles à se procurer que pour la Potion Interprète, tout le monde serait devenu un petit Midas en puissance. Ce qui n’était certainement pas une bonne chose pour l’équilibre global du monde entier. Après ce bref interlude de pensées dystopiques, il se reconcentra immédiatement sur ce qu’ils étaient en train de faire. Il reprit à nouveau son petit livre d’alchimie et en feuilleta les pages, essayant de se remémorer les bases. S’ils devaient se lancer, autant savoir par où commencer. Le mélange catalysant des cendres et de la carapace était probablement la phase clef de la troisième étape, le Rubedo. Ils en avaient pas besoin pour le moment.

— Je pense qu’on peut commencer à faire fondre le plomb. Prête à commencer ?

Ils gagneraient ainsi un peu de temps, plutôt que d’attendre que le métal sombre ne devienne liquide en se regardant en chiens de faïence. Il n’avait pas spécialement envie que Maximilanna ne lui pose davantage de questions indiscrètes.

— La première étape va être de détruire le plomb liquéfié dans sa propre consistance. Le Nigredo. Pour cela, il faudra certainement lui ajouter quelque chose de corrosif.

Il réfléchissait plus à voix haute qu’il ne parlait à Maximilianna. Le regard dans le vide, les doigts sempiternellement et vainement en train de brosser sa barbe qui ne se laisserait jamais faire, il assemblait chaque pièce du puzzle. Il jeta un coup d’œil sur la table, essayant de trouver un venin potentiellement capable de venir abîmer en profondeur le métal. Ou alors, il faudrait certainement faire un autre mélange. Il y avait bien deux venins qui pourraient faire l’affaire, mélangés à du souffre.

— As-tu avec toi du venin de Basilic ou d’Accromentule ? C’est extrêmement rare, mais puisque tu as avec toi des carapaces de crabe de feu ainsi que des cendres de phénix, j’imagine que tu dois bien avoir l’un des deux ?

Il marqua une pause et un sourire discret vint brièvement se dessiner sur son visage.

— Tu ne te rends pas compte de la valeur de ce que tu as sur toi.

Il redevint sérieux, continuant de marmonner dans sa barbe :

— Le venin de Basilic serait certainement plus efficace que l’Accromentule, sa concentration en toxines serait largement suffisante pour faire fondre n’importe quoi mais je me demande si cela n’agirait pas trop sur l’essence même du plomb. À moins que l’on isole les vapeurs des résidus du mélange avec le souffre. Dans ce cas, oui, peut-être que cela pourrait le faire…

Le silence le bloquait légèrement dans sa concentration. Il appréciait mettre de la musique à fond, le mettant dans une bulle où peu de gens étaient invités. Surtout que ce qu’il se plaisait à écouter n’était pas pour toutes les oreilles et avait tendance à plus énerver et déconcentrer les badauds peu initiés. Il n’allait pas lui imposer cela. De plus, c’était ses devoirs de maison à elle, pas les siens. Mais il était tellement dans ses pensées qu'il n'y faisait même attention.

Le temps s’égrenait lentement dans la salle de potions où Maximilianna se résolut enfin à démarrer la procédure autour du complexe enchevêtrement de tubes. Bevans, lui, continuait d’établir un cheminement logique dans sa tête, se prêtant à l’exercice même s’il ne savait pas du tout où il allait. Ses bases en alchimie étaient légères. Ce soir-là, il se sentait un peu comme un enfant qui venait d’apprendre les additions et les soustractions et à qui on demandait de résoudre l’équation de la relativité générale. Il voulait bien tenter d’apporter sa pierre à l’édifice, mais il n’était pas certain que ses propositions soient réellement pertinentes. Pourtant, il s’y connaissait suffisamment dans la réaction des différents produits magiques entre eux pour anticiper ce qu’il pouvait se passer ou non. Cependant, les choses n’étaient pas forcément les mêmes en alchimie. Si les potions se contentaient d’ajouts, de remuages et de chaleur, l’alchimie jouait sur des paramètres bien différents. La distillation, l’alternance des températures, l’addition parfois de certains éléments tierces. Caerwyn les connaissait, certes, mais n’en était pas un expert pour autant. Proposer divers ingrédients pour le montage était une chose, savoir si cela allait réellement fonctionner en était une autre. Il retint pourtant un soupir avant de s’asseoir dans la chaise de l’autre côté du bureau.

Il écouta d’une oreille Maximilianna lui rétorquer qu’elle savait sur le bout des doigts le coût de chacun de ses ingrédients. Son professeur déploya un effort surhumain pour ne pas lever les yeux au ciel d’exaspération et préféra fixer d’un regard vide les dalles du sol. Si l’adolescente prétendait tout savoir, pourquoi diable venait-elle l’embêter à cette heure-ci dans son cachot ? Cette enfant n’avait donc pas une once d’humilité en elle ? Il l’écouta avec un visage criant d’indifférence sous-entendre que l’argent n’était pas un problème pour elle et qu’elle pouvait se permettre la meilleure qualité dans les ingrédients. Tant mieux pour elle, avait-il envie de lui répondre mais encore une fois, il préféra garder ses lèvres scellées. Il n’était pas à l’abri de faire une nouvelle gaffe dont il semblait avoir le secret. Se murer dans un silence était la décision la plus sage à faire. Et prendre son mal en patience. Il n’avait pas beaucoup d’espoir sur la réussite du projet de toute façon. À moins que Maximilianna soit aussi douée qu’elle le prétendait, Caerwyn n’avait pas foi en leur dissonant binôme pour être suffisamment productif. Il se fit la promesse de ne plus aider n’importe quel élève juste par bonne volonté et de s’en tenir stricto sensu à sa matière.

La Poufsouffle alluma alors la petite flamme sous l’assemblage en verre et entreprit de commencer sous le regard d’une neutralité froide de son professeur. Il voulait juste retourner dans son trou à une porte de là, corriger les deux trois copies qu’il lui restait à faire, mettre un album quelconque, du Ghost peut-être, et lire un livre ou reprendre l’illustration qu’il avait commencé quelques heures plus tôt. Les films et les séries lui manquaient également. C’était bien ce genre de divertissement dont l’absence se faisait le plus ressentir lors de ces longues soirées d’hiver. Il s’imagina alors avoir tout son petit mobilier moldu, qui nécessitait malheureusement de l’électricité, et se disait que le temps serait certainement moins long à Poudlard, s’il pouvait profiter de son confort d’antan. Il en vint à se demander pourquoi les sorciers étaient à ce point réfractaires à la technologie, vivant tels des Amish qui rejetaient tout ce qui venait de l’extérieur. Trouvant sa soudaine comparaison particulièrement pertinente, il commença à essayer de trouver le plus de points communs possibles entre les sorciers et cette communauté religieuse autarcique. Il en oublia complètement Maximilianna dont il regardait toujours les gestes sans les voir. Ce fut cependant un commentaire sur le mélange entre les cendres et les carapaces qui le tira de sa rêverie.

— Ah ?

L’indifférence était un peu trop ressentie et il se contraint à ramener son esprit sur terre et à se reconcentrer un minimum. Il regarda le carnet ouvert devant elle et haussa les épaules.

— Pourtant c’est un mélange qui fonctionne bien mais peut-être n’en as-tu pas besoin dans le processus. Est-ce que les carapaces sont mentionnées ailleurs ?

C’était bien beau de le pousser à participer à l’expérience mais il fallait qu’elle finisse par comprendre qu’il n’avait rien d’un alchimiste. Si ses observations de cours étaient néanmoins plus que pertinentes, que la jeune fille avait tendance à se précipiter pour tout faire, il ne pouvait pas en faire beaucoup plus pour l’aider. C’était comme demander à un botaniste de faire un cours d’Histoire de la Magie avancée sur le traitait de paix entre les centaures et les vampires dans les Carpates au IXème siècle. Pas de grande utilité à savoir quelque chose d’aussi précis quand on préférait les mandragores aux anciens artefacts. Il tendit la main dans sa direction afin qu’elle lui donne ledit carnet et entreprit d’en feuilleter les pages.

— J’ai l’impression que tu as plus d’ingrédients sur la table qu’il n’y a de mentionnés dans ton journal. C’est normal ?

Il le lui rendit et eut un profond soupir las. Il n’avait aucune foutre idée de pourquoi les carapaces de crabe de feu n’étaient pas mentionnées. Il eut une moue ennuyée et se redressa sur sa chaise, regardant pensivement l’assemblage alchimique.

— Qu’est-ce que tu suggères alors ? De juste mettre les cendres ?

Il fallait bien qu’elle propose des choses elle-aussi. Si elle s’y connaissait si bien, elle n’aurait pas de mal à être force de propositions, à trouver la solution. C’était ce que souhaitait sa famille après tout, non ? Ils seraient sûrement déçus d’elle s’ils venaient à apprendre qu’un pauvre potionniste, un Né-Moldu qui plus est, lui avait mâché tout le travail et qu’elle lui avait dévoilé tous leurs secrets familiaux.

— Je t’avoue je suis à court d’idées. Tu n’as même pas toutes les indications dans ton carnet, c’est ça ?

Il eut un air ennuyé, se demandant si tout ceci était finalement une bonne idée et s’ils n’étaient pas en train de perdre leur temps tous les deux.

La poussière de carapace de crabe de feu n’était pas mentionnée dans le carnet de Maximilianna ? Voilà un élément que Bevans trouva fâcheux. Si cet ingrédient ne figurait pas dans le processus, pourquoi donc la Poufsouffle en avait-elle avec elle ? Se pouvait-il qu’elle ait prit tout ce qu’elle avait par hasard et que tous deux étaient en train d’avancer purement à tâtons ? Cette idée ne le réjouit pas, il eut même une discrète grimace d’agacement. Voilà maintenant qu’elle s’en remettait à son jugement ? Il s’efforça de ne pas se sentir quelque peu irrité par cette remarque. Peut-être qu’il prenait les choses un peu trop à cœur, que ce qu’il prenait pour un culot éhonté n’était qu’une simple maladresse de la part de la cuistre adolescente qui le prenait de haut. Il aurait bien voulu la remettre à sa place mais n’était pas certain que les propos de la Poufsouffle fussent volontairement hautains. Il préféra lui laisser le bénéfice de doute. Cela ne servait rien de perdre son calme à nouveau. C’était lui l’adulte après tout, à lui de se montrer mature, même s’il se montrait bien sensible aux commentaires désobligeants que quelques années auparavant. C’était quelque part un progrès.

— Les cendres de phénix couplés à la poudre de carapace de crabe de feu sont un excellent catalyseur de chaleur. La réaction provoque une forte hausse de la température dans un très petit espace. C’est très pratique lorsque tu veux avoir deux couches de température différentes dans une potion. C’est rare, mais ça arrive dans les cas les plus complexes.

Il ne l’avait même pas regardé en répondant à sa remarque. Après tout, il n’était même pas sûr qu’elle l’ait écouté également ni que cela l’intéresse réellement. De toute façon, elle semblait sceptique, quoiqu’il dise. Il s’en moquait. Lui, il réussissait sans problème ses Philtres Calmants et ses potions Interprètes. Si elle ne lui faisait pas confiance, elle pouvait toujours arrêté son cours après ses BUSE, qu’elle les ait obtenues ou non. Elle tenta alors de justifier le fait d’avoir plusieurs ingrédients en double, que cela était lié aux différents dosages. Si elle le voulait. Il n’allait pas la juger sur méthode d’organisation, qu’il estimait être propre à chacun. Ce qui continuait à l’ennuyer, c’était que certains ingrédients ne figuraient pas dans les instructions qu’on lui avait donnée et qu’elle ne semblait pas s’en soucier plus qu’autre chose. Voilà l’erreur de sa jeunesse arrogante : ne pas se rendre compte du véritable problème et de remettre en cause constamment l’aide de celui à qui on l’a demandé. Son jeune ego lui avait déjà posé des œillères d’assurance qu’elle ne semblait vouloir retirer pour rien au monde. À quoi bon était-il ici, alors ?

Sans rien ajouter, il la laissa manipuler le plomb, l’eau distillée et tout le reste de son attirail. Pendant qu’elle s’afférait à commencer le processus, elle décrivit ce qu’elle était en train de faire. Oui, Maximilianna, c’était effectivement mieux de contrôler la température avec des instruments si tu veux les faire réagir entre eux. Elle donna alors une valeur approximative de ladite température à atteindre et il eut un sourire narquois. Si même en ayant les valeurs notées sous les yeux, elle ne parvenait à les retenir, elle n’allait pas aller bien loin. Il comprenait mieux maintenant ses erreurs en cours de potions mais se demanda s’il s’agissait d’un manque de concentration et de rigueur ou bien d’un énième excès de confiance. Dans les deux cas, cela finirait par lui porter défaut à un moment ou un autre. Dans la discipline familiale ou bien dans sa simple matière de cours. Il secoua négativement la tête et finit par dire d’un ton neutre :

— 327,5°C. Les « et quelques » n’ont pas leur place en potions ou en alchimie.

Les mains dans les poches, il eut un sourire sans joie aucune et n’ajouta rien de plus. Finalement, elle prit le risque de rajouter les cendres dans son mélange expérimental. Il aurait été mentir de dire que Caerwyn était totalement désintéressé de ce qu’il se passait dans son bureau. D’une part, parce que tout le cachot aurait pu exploser et eux avec, de l’autre parce que l’expérience était quand même sacrément intéressante. Mais l’alchimie ne se faisait juste pas entre ce binôme improbable qu’absolument tout opposait. Il fronça doucement les sourcils quand la cendre de phénix rentra en contact avec le venin et le plomb, prêt à se mettre à couvert à tout moment, d’autant plus que Maximilianna n’avait même pas pris la peine de quantifier son échantillon.

— Tu ne pèses pas tes cendres avant de les mettre ?

Néanmoins, rien de dramatique ne sembla se produire. Au contraire, même, les chiffres affichés par les outils étaient même plutôt encourageants. Peut-être qu’ils étaient sur la bonne voie finalement. Ce n’était pas bien si difficile l’alchimie, quand on connaissait sur le bout des doigts les propriétés magiques des ingrédients. Sorti de nulle part, Maximilianna lui demanda alors ce qu’il faisait avant de venir à Poudlard et il se demanda s’il avait vraiment envie de répondre à cette question, surtout à cette élève. Qu’elle reste concentrée sur ses mesures qu’elle omettait de faire, plutôt. De plus, il lui semblait qu’il lui avait également déjà dit, nouvelle preuve qu’elle ne souhaitait vraiment pas l’écouter.

— De projet ? Je te l’ai déjà dit, je travaillais dans une apothicairerie. Après en tant que projet personnel, j’essaye bien de faire une potion. Le reste ne concerne ni la sorcellerie, ni les potions.

Elle n’avait clairement pas besoin d’en savoir plus. À quoi bon lui avouer qu’il espérait se remettre à la batterie prochainement. Qu’il attendait son salaire pour s’en acheter une et demander l’autorisation à Fergal de l’installer dans son bureau. Qu’il commençait à trouver les soirées longues à Poudlard et qu’il se mettrait peut-être à écrire. Écrire quoi, il ne savait pas encore cependant. Qu’il reprendrait le dessin traditionnel voire la peinture également, car chez les Moldus, il avait travaillé longuement sur des supports numériques. Les démarches de création n’étaient pas les mêmes. Mais les sorciers savaient tout juste ce qu’était une ampoule, qu’elle soit à incandescence ou à LED, alors expliquer le fonctionnement d’une tablette graphique était juste une perte de temps. Surtout face à Maximilianna qui ne semblait vraiment pas ouverte à cela. Il désigna du menton le montage.

— C’est quoi la prochaine étape ?

Si leur première tentative était encourageante, autant continuer sur cette lancée. Au fond de lui, Caerwyn se dit qu’il n’était peut-être pas si incompétent ni ignare sur la magie.

L’ambiance ne tendait pas à s’améliorer dans la salle de cours de potions. Caerwyn avait de plus en plus l’impression de perdre son temps et Maximilianna se foutait un peu de sa gueule pour rester poli. Et cela n’alla pas en s’arrangeant : la remarque qu’elle fit sur le fait qu’il avait toujours ses notes lui fit hausser un sourcil quelque peu surpris voire outré. Il y avait d’autres façons de demander non ? L’arrogance éhontée, l’effronterie même de la Poufsouffle commençait sérieusement à lui courir sur le système. Il n’était pas du genre à sévir ni à fâcher les adolescents mais ces quatrièmes années semblaient avoir un don inné pour l’insolence, cela en devenait inquiétant. Le regard froid et inquisiteur planté dans ses yeux, il baissa le menton pour comme par la regarder par-dessus un montant de lunettes qu’il n’avait pas. Elle ne s’était vraiment pas entendu parler il fallait croire. Comment pouvait-on avoir le culot de demander des conseils à quelqu’un qui avait clairement établi qu’il n’était vraiment pas habilité à reproduire la plus grande œuvre de Nicolas Flamel et le juger de la sorte. Certes, leurs premiers échanges dans cette salle avaient été tendus mais un peu d’humilité que diable !

— Sur un autre ton. Je ne suis pas ton pote.

Il lui rendit donc ces notes sans plus de cérémonie, lâchant le carnet assez loin du montage pour éviter de faire un faire un faux mouvement. Quand elle réussirait les potions de son niveau, peut-être qu’elle pourrait la ramener, or c’était encore loin d’être le cas. Comment ça à être passablement agacé, il prit son mal en patience, sentant se désolidariser complètement de ce projet qui n’avait aucun sens. Transformer le plomb en or à quatorze ans… En voilà des idées qu’elles étaient mauvaises. Et pourquoi devenir joueur professionnel de Quidditch à six ans ? Ce genre d’assurance impunie avait le don de l’exaspérer au plus haut point. Mais à quoi bon s’en souciait-il après tout ? Il n’était plus élève depuis bien longtemps. Ce n’était pas son problème si elle se lançait dans des expériences chimériques au détriment de sa scolarité. Papa et Maman s’occuperaient bien de le trouver une place dans l’entreprise familiale, quelle qu’elle soit. Qu’importait si elle savait faire ou non un Philtre Calmant tant qu’elle savait transformer le plomb en or. Qu’elle se déscolarise tout de suite de Poudlard si ses ambitions étaient ailleurs. Au moins cela aurait été le mérite de soulager les pauvres nerfs chahutés du professeur de potions.

Mais peut-être n’aurait-il pas laisser son esprit tergiverser autant. Il la regardait bien faire mais plus l’expérience avançait, moins il se sentait concerné. Le bref éclat de défi qu’il avait ressenti s’était tari, le laissant dans un passivité exaspérée. Pourquoi venait-elle de rajouter « selon votre proposition » comme si cela la dédouanait de toutes conséquences ? Ce n’était pas à lui à qui Papy Stein avait demandé de faire ceci comme travail extrascolaire. Et il avait prévenu Maximilianna que ses connaissances en alchimie étaient limitées. Il n’était pas Merlin, n’avait jamais eu la prétention de l’être et ignorait ce qui avait pu pousser la Poufsouffle à penser cela. Mais au lieu de ruminer ses pensées comme un adolescent aigri, peut-être aurait-il dû faire plus attention à ce qu’était en train de fabriquer la demoiselle. Un demi gramme de poudre de carapace de crabe de feu n’était pas risible, c’était énorme. Surtout couplé avec le reste. Le regard fixant le vide, les bras croisés sur la poitrine, il ne fit pas tellement attention à ce qui était en train de se passer à côté de lui. Ce fut quand des flammes bleues apparurent dans le globe de verre que son attention revint enfin sur ce qu’il se passait. Et ces flammes bleues ne présageaient rien de bon.

— Coupe le feu ! Coupe le feu, maintenant !

Si le mélange s’embrasait de l’intérieur, il donnait pas cher de leur peau. Tant que les flammes ne viraient pas à l’orangée, ils avaient encore un peu de temps sinon, il faudrait se mettre à couvert rapidement. Caerwyn n’avait pas spécialement envie de se retrouver avec des éclaboussures d’un amalgame de plomb en fusion, de venin d’accromentule, de centres de phénix et de poussière de crabe de feu sur le visage. Les conséquences seraient terribles.