♦ C'était comment à et avant Beauxbâtons ?: C’était bien, avant. Mes parents ne savaient pas vraiment si j’aurais la magie ou si je serais une gamine moldue, du coup ils m’ont éduquée de façon à ce que je puisse m’épanouir dans les deux mondes. J’ai même suivi mes cours primaires dans une école moldue, et pas ce truc de quartier où vont souvent les gosses sorciers pour passer inaperçus, non. C’était un institut semi-privé qui préparait les élèves au collège. Très instructif. Puis j’ai balancé des étincelles à la figure d’Heimdall, mon frère aîné, qui a relativement peu apprécié, au passage, et un peu plus de deux ans plus tard, je suis entrée à Beauxbâtons.

Ca a bien commencé, là-bas. Je me suis fait une sacrée bande d’amis malgré mon foutu caractère, j’arrivais à avoir de bonnes notes – rien d’exceptionnel cela dit, j’avais une copine, des ennemis, et des rêves, oui. Des rêves plein la tête et des complexes plein les fesses, comme j’aimais bien l’écrire dans mon journal intime. Je tapais un peu sur les enfoirés qui se moquaient de ma taille, charriais mon frère à propos de sa timidité, embrassais Lucy dès que je le pouvais – elle était vraiment adorable avec son accent anglais et ses grands yeux bruns – bref, j’avais une vie bordel.

Puis il y a eu ce foutu sort. Je sais même plus pourquoi j’étais en colère. Ni ce que j’ai dit. Je me souviens juste de Lucy volant à travers la salle de classe vide où nous nous retrouvions toujours et s’écraser contre le mur. Oh, elle n’est pas morte. Elle a juste été un peu assommée, aucune blessure, bref, rien de grave. Mais moi, j’ai eu peur. Je ne voulais pas lui faire du mal. Entre la peur d’utiliser ma baguette, la rupture évidente et les rumeurs qui ont commencé à courir, j’ai fait une grosse dépression et mes parents ont fini par m’envoyer à Londres, où on a de la famille sorcière. Je pense sincèrement qu’ils ont bien fait.

♦ Et ta baguette, elle est comment ?: Bois de hêtre, cœur en plume de phénix, trente-deux centimètres de long, souple et plutôt caractérielle. J’crois bien qu’on était faites pour s’entendre toutes les deux. Dommage que je la déteste, maintenant.

♦ Et depuis qu'il (elle) en est sorti(e) ? :Je me déçois beaucoup. Ce blocage m’énerve. Ce psy m’énerve. Ce mec, Jesse, il m’énerve aussi, il croit tellement tout savoir et je lui suis reconnaissante bien malgré moi. Heureusement, j’ai trouvé ce job génial dans un refuge pour animaux abandonnés et/ou maltraités. Je crois sincèrement que les animaux sont la clé pour me calmer. D’ailleurs, Murmure, ma petite choupipupucepoupette à moi, elle vient de là. Je l’aime cette petite bordel. C’est un chaton qui a été jeté d’une voiture devant la porte de la vieille ferme que mon employeur a acheté en guise de refuge. Elle était infestée de vers, à demi morte de faim, très faible. Je l’ai soignée avec l’aide de mes collègues, puis je n’ai pas réussi à la laisser partir. En fonction de notre lieu de vie, le boss est d’accord pour que ses employés adoptent un ou plusieurs animaux, à condition qu’un bon feeling ait été observé. Parfois, il nous donne du travail à la maison quand le cas est critique aussi et ces bestioles ont beau être adorables, ça fend le cœur de savoir que des humains leur ont fait ça.

À cause de ou grâce à ma cousine – je ne sais toujours pas – je me remets sur le chemin des ASPICs. Et s’il y a Monsieur Mystère-Pompeux-Je-Suis-Le-Meilleur à supporter… J’ai envie de dire tant pis. Je dois l’avoir, ce diplôme. Même si je vais continuer à taffer au refuge, j’en ai besoin. Histoire d’avoir au moins réussi quelque chose. Et en attendant d’avoir surmonté ma peur de la magie, je compte bien avoir la vie la plus éloignée du monde sorcier qu’il soit possible d’avoir. Ou pas. Non en vrai le Chemin de Traverse est un endroit génial et j’adore aller à la boutique où bossent mon oncle et ma tante, Fleury & Bott. Les livres magiques, c’est juste complètement fabuleux. Par contre s’il faut sortir la baguette, mieux vaut ne pas compter sur moi.

♦ Mari (Femme): Pas avant longtemps si possible. J’adore sortir, coucher, me faire draguer tant que ça reste respectueux, mais la routine d’un couple, c’est pas trop mon truc. Depuis Lucy, j’ai pas souvenir d’être tombée amoureuse, d’un gars ou d’une fille. Je préfère ne pas m’attacher à un partenaire, trop peur de lui faire du mal avec mes colères par la suite. Franchement, ce serait la fin de tout pour moi. Déjà que je suis triste quand je fais du mal à ma famille. J’ose même pas imaginer ce que ce serait de meurtrir encore une fois quelqu’un pour qui j’éprouverais un amour romantique. Non, franchement, pour la romance je préfère me cantonner aux livres. Là, au moins, c’est sans danger pour moi… Et pour l’autre. Cet autre qui selon les pages est censé attendre autour de moi que je le voie et que je lui ouvre mon cœur.

♦ Enfant(s): Murmure compte ? Franchement, je me vois pas du tout porter la vie un jour. Déjà j’ai pas trop envie qu’un gamin hérite de ma petite taille et qu’on se foute de sa gueule à l’école. J’aurais trop envie de tabasser le chiard qui lui ferait ça. Par contre, je m’occupe des chats, chiens, oiseaux et autres qu’on a au refuge comme s’ils étaient de ma chair et je me rends compte que quand on en a envie, la maternité, c’est le pied. Une autre crainte que j’ai aussi, c’est de subir des propos et injonctions sexistes. Parce que je suis féministe, ouais. Nan, pas femen, féministe. Faudrait voir à apprendre la différence entre les deux.

♦ Reste de la famille: C’est mon père le sorcier. Ma mère le savait quand il l’a demandé en mariage. Ils sont géniaux, tous les deux, mais un peu dépassés par … Eh bien, par moi. Je crois bien que je leur ai fait beaucoup de mal. J’adore totalement mon frère, Heimdall. Physiquement, il est tout mon contraire. Il mesure un mètre quatre-vingts-dix alors que j’atteins même pas le mètre cinquante, il a la peau qui bronze hyper-facilement alors que la mienne ne connaît que le statut « pâle » et l’autre, « brûlée, il a de magnifiques yeux noirs là où les miens sont d’un bleu très clair, il a les cheveux blonds, mais les miens étaient noirs avant que je les décolore jusqu’à ce qu’ils aient l’air blancs. Mais mon frère, c’est l’amoureux idéal. Et les filles sont folles de lui. J’essaye de le pousser vers celles qui ont l’air bien, sans succès. Il me rend visite souvent, et avec lui je suis toujours en sécurité.

J’ai aussi des grands-parents, une tante, un oncle, une cousine. Le reste de la famille, le côté moldu, on le connaît pas très bien parce que Maman les a laissés derrière elle quand elle est tombée amoureuse de Papa. Apparemment, ses parents à elle n’aimaient pas leur gendre. Grand bien leur fasse, Papa m’a appris des choses que je n’aurais jamais connues si Maman avait préféré un Moldu. Ils sont très cultivés, mes parents, ils nous ont transmis cet amour pour le savoir. C’est pour ça qu’on porte des noms, mon frère et moi, tirés de deux mythologies différentes. Par contre, c’est avec les parents de Papa que j’ai appris à aimer les animaux. Ils ont une ferme, et quand j’y allais, je m’occupais des bêtes, je les nourrissais, et parfois j’allais même arracher des pommes de terre dans le champ qu’ils cultivent toujours. J’ai appris à monter à cheval là-bas, à conduire un attelage, à diriger des chèvres et des moutons jusqu’à la bonne pâture… Leur maison, elle est éloignée de tout. Elle est parfaite.

J’aime bien ma cousine. Mon oncle et ma tante aussi hein, attention ? Ils sont juste un peu trop sur mon dos à mon goût. Mais je le mérite bien, avec toutes les conneries que je suis capable de faire à la minute. Comme on travaille tous, on se voit surtout pour le repas, sauf quand je fais la soirée au refuge. Ils sont très tolérants au sujet des boules de poils que j’héberge régulièrement, ce pourquoi je les remercie énormément. Je crois même qu’ils sont fiers que j’aie décroché ce taff. Et ça, franchement, c’est juste parfait. Ils sont parfaits, ouais. Je le leur dirais jamais, mais qu’est-ce que je suis reconnaissante…

J’avais pas franchement envie de sortir aujourd’hui. Murmure a la truffe chaude, j’ai peur qu’elle fasse de la fièvre. Enfin bon, y’a le travail qui m’attend, et des bestioles dans un état bien plus pitoyable. Comme Claire ne travaille pas ce matin, je lui ai demandé de veiller sur elle et de me donner des nouvelles.

Quand on travaille environ la moitié du temps dans la crasse, y’a pas vraiment de place pour les considérations vestimentaires, les petites robes et les chaussures à talons. Je garde ça pour les sorties du week-end. Je débarque toujours à la ferme en pantalon d’équitation, bottines de sécurité et débardeur l’été, pull ajusté l’hiver. C’est agréable, mine de rien, de porter ce genre de fringues. Hyper-confortable et pratique au possible. La seule chose qui peut faire chier – et ça arrive souvent – c’est les remarques des gros lourds en rue. Bhen tiens, t’as raison, il est sept heures du matin et j’ai rien de mieux à foutre que de t’écouter me dire que je devrais sourire et m’habiller mieux. Je t’emmerde cordialement, connard, bois mes règles et ferme-la. J’aimerais bien avoir les ovaires assez accrochées pour répondre ce genre de choses. Parfois, je le fais. Et je prie pour ne pas me ramasser un pain, parce que là je pourrais pas contrôler ma colère. Alors, le plus souvent, je baisse la tête et je trace. Et je me sens lâche.

On n’a pas reçu de petit nouveau aujourd’hui. Je peux pas m’empêcher d’être soulagée. Si les maîtres pouvaient être consciencieux un peu plus souvent, ça m’arrangerait franchement. J’en ai vraiment marre des rebus de l’humanité qui lâchent près de chez nous des animaux brisés, traumatisés, qui n’ont rien demandé à personne. Ce matin, je suis affectée aux écuries. Pas de souci pour moi, j’adore ça. Je panse les chevaux les uns après les autres, m’occupe des soins pour un poulain qui a une méchante enflure aux paturons, puis prends ma pause. L’une de mes collèges, Anna, a décidé de prendre avec elle un berger allemand qui peut être adopté, alors on l’aide à préparer son départ. On est toujours à la fois heureux et tristes quand un animal s’en va. Et un peu inquiets aussi. Mais là on sait qu’il est entre de bonnes mains.

L’évènement survient un peu après la pause. Un bruit de dérapage et d’accélération, si fort qu’on l’entend dans toute la ferme. On sait tous ce que ça signifie, mais je suis la première à sortir. Il y a une chienne, là, sur le bas-côté. Elle a manifestement été jetée d’une voiture, dans une caisse où sont aussi blottis cinq chiots. Ils sont maigres. Je serre les poings pour contrôler la foutue magie qui voudrait se manifester. Mes collègues sont tous moldus alors je serais sans doute arrêtée par le Ministère si je perdais le contrôle.

Je me penche et soulève la caisse. La chienne ouvre un oeil, sa queue remue, elle relève la tête et tente de me lécher la joue. Trop faible. Je ferme un instant les yeux pour refuser le droit aux larmes de couler. Les humains sont pitoyables. Voilà un truc que je vais pouvoir raconter à mon imbécile de psy cet après-midi…