Mars. 2030
21:37

Nuit noire, le couvre-feu est proche. Et pourtant elle patiente dans l’ombre, incapable de s’aventurer au-delà de la porte.

Hésitation brûlante, elle avait passé le seuil de l’infirmerie après de longues minutes, peut-être même trop longue pour en arriver à avoir des fourmillements dans ses pieds immobiles. C’était l’embarras qui la clouait sur place, montrant ses failles, les faiblesses d’une jeune femme qui prétendait trop, dont l’apparence était devenue vitale. Sois parfaite. Ça tourbillonnait comme un refrain assourdissant dans sa tête, chaque jour, chaque minute. Ça devenait viscérale, comme si, il lui était interdit d’aller mal, d’être fatigué. Sois parfaite. Pourtant, elle perdait pied ses derniers jours. Il suffisait de noter son altercation avec Silas qui avait bien failli la faire basculer dans les ennuis. Elle, l’erreur impensable la guettait de plus en plus. Isadora devait agir, elle ne pouvait pas tout foutre en l’air. Pas après avoir tant donnée toutes ces années. Il était inconcevable de passé de fierté à échec. Elle devait rester parfaite. Venir jusqu’ici était loin d’être un plaisir pour la jeune étudiante, il lui avait été compliqué d’accepter de se rendre à l’infirmerie, et ce n’était pas pour y croiser l’école entière. C’est pourquoi elle avait attendu si longtemps devant, afin de s’assurer qu’aucun élève ne s’y trouvait, loupant par la même occasion le dîner du soir. Elle serra ses poings dans son dos, discrètement, venant briser le calme qu’elle tentait de maintenir. Le doute avait persisté alors qu’elle s’avançait dans la pièce, découvrant les lits vides qui venaient lui offrir un soulagement perceptible sur son visage. « Madame Wood ? » Demanda-t-elle doucement alors qu’elle s’approchât du bureau de cette dernière. Son regard venait un moment scruter la mandragore sur le bureau de la reine du lieu. Étrange décoration qui lui fit esquisser un sourire. Il était pourtant si las, camouflant la douce agonie. « Auriez-vous quelque chose à me recommander pour dormir ? » L’angoisse qui colle à la peau et vient influencer un sommeil déjà bien trop chaotique, rare. Les cernes qui se creusent et dont le maquillage ne parvient même plus à les dissimuler. Isadora se retrouvait noyée dans le flot incessant de sa tête, jamais un moment de silence. Doute qui venait l’opprimer et la rendre folle. Elle avait besoin d’aide. Non, pas d’une aide réelle, mais d’une dose, n’importe quoi elle prenait, vitamine sur-dosée ou autre elle s’en fichait bien. Tout ce qui comptait, c’était de reprendre le contrôle. Une emprise sur la vie qui n’avait fait que de lui échapper depuis son retour des vacances de Noël. Glissant entre ses doigts, elle voulait reprendre sa place dans l’arène. Elle était prête à faire taire sa tête pour son simple bien être, même si cela n’allait durer qu’un temps. Le futur finirait par la foudroyer, Isadora l’avait compris, mais pour le moment elle voulait le mettre en sourdine. Foutu conversation et saleté famille. Alors elle s’était préparée avant de venir à l’infirmerie, son objectif clairement dessiné dans sa tête.

Le mensonge était prêt lui aussi, bien rodé pour sonner aussi sincère que n’importe quelle autre vérité. Tout était calculé pour obtenir un remède qui couvrirait ses maux. Elle n'avait besoin que d’un petit coup de pouce afin de reprendre le dessus. Un cachet, une potion, elle prenait. « Avec l’approche des ASPIC je n’arrive plus à dormir. » Menteuse, ses défauts venaient surgir sur la ligne de front. Prête au combat, la fuite serait l’ultime arme de la gryffondor qui guettait l’infirmière si cette dernière se montrait trop curieuse. Elle scrutait la femme, en gardant le contrôle de son corps qui menaçait de la trahir à tout moment. La fatigue et l’angoisse se combinant, elle veillait à laisser ses mots refléter avec son apparence. Une simple étudiante, qui risquait de succomber sous le poids des études. La fatigue était vraie, mais le prétexte lui, une vaste blague qui au fond divertissait son esprit malade.

Elle n’avait pas dîner ce soir-là, évitant les questions qui auraient suivis en la voyant prendre la direction inverse de son dortoir. Elle aurait pu mentir, ça n’aurait pas été la première fois, mais l’esprit trop préoccupé, trop brumeux, elle s’était contenter de camper près des portes de l’infirmerie. Comportement idiot, mais n’était-ce pas son quotidien ses derniers jours ? Elle était certaine de saisir le moment opportun pour y rentrer. Ça avait duré des heures, oubliant ainsi le dîner. Son ventre lui-même semblait être en accord avec sa tête pour une fois. Cependant, lorsqu’une camomille lui fut proposée Isadora sentie son ventre se réveiller, chassant le problème de la discussion un peu plus loin dans sa tête. C’était comme si son ventre avait accepté de rester silencieux tout ce temps, tout en espérant une contrepartie, la première chose qui arriverait. La camomille venait lui donner l’espoir de se remplir un peu et il le prenait. « Je veux bien, merci. » Elle ne refusa pas, ça ne pouvait pas lui faire de mal, bien au contraire. Elle connaissait les propriétés apaisantes de cette plante. Alors elle accepta la proposition de l’infirmière, prenant place sur la chaise qui l’attendait. Puis le problème principal reprit la place sur le devant de la scène. Discuter. Grinçant des dents elle sait qu’elle n’a pas d’autres choix. Ça l’agace pour diverse raison, la première étant qu’elle n’est une fois de plus pas maîtresse de la situation. Et elle n’aime pas cette sensation. Un effort de plus, elle qui pensait en finir rapidement, s’enfuir et dormir enfin. N’était-ce pas possible de lui donner un cachet, une potion, peu importe quoi, puis la renvoyer dans son dortoir ? Alors, ok, ce n’était pas la solution la plus rationnelle, la plus saine même, mais ce n'était pas possible de faire une exception, juste pour cette fois ? Ça restait une solution, de rapidité avant qu’elles ne puissent toutes les deux retourner à leurs occupations. Si seulement il lui était possible de manipuler d’un claquement de doigts, tout serait déjà réglé. Tant pis, s’il fallait mentir un peu plus, Isadora allait sortir le grand jeu. Elle était prête, que les questions commencent.

L’angoisse se tenait finement derrière la barrière qu’elle tentait de maintenir, solidement, pour ne pas montrer la faille. Elle tenait à rester sur cette version, le stresse des études, rien d’autre. Ça devrait être monnaie courante pour l’infirmière. À part si avant Poudlard, elle n’avait jamais travaillé avec des étudiants. Une possibilité qu’elle gardait à l’esprit et dont la réponse la laissait indifférente. Elle inspira doucement, croisant ses jambes, un rapide regard vers la porte pour s’assurer que personne n’arrive. Ça aussi, c’était un autre problème et si quelqu’un décidait d’arriver ? Que pourrait-elle dire ? Que les études l’épuisaient ? Elle ne voulait rien faire ébruiter, non pas que les avis de ses camarades l’intéresse, mais celui de son frère et sa cousine, oui. Puis elle ne voulait pas les inquiéter, ni même leur mentir sur ce sujet. C’était déjà assez compliqué pour elle de les fuir. Sa jambe s’agita inconsciemment, pendant que son regard fini par atterrir sur la mandragore. Elle se tenait fièrement sur le bureau de Madame Wood et fit glisser la pression que la jeune adolescente ressentait. Un sourire sincère, rare, glissa sur son visage, illuminant au passage ses yeux cernés que le maquillage n’aidait en rien à les camoufler. « C’est particulier dites-moi. » Fit-elle sans lâcher la mandragore des yeux, s’adoucissant un peu. Les plantes avaient le don de calmer les nerfs de la jeune femme, raison du pourquoi elle traînait souvent dans les serres du professeur Griffith. « Elle est mignonne, vous lui avez donné un nom ? » Intérêt sincère et désire de retarder les questions de l’infirmière. La fuite dans n’importe quelle situation, elle tourne en rond. Gamine apeurée, c’est au final son vrai visage, qu'elle camouflait face aux yeux du monde. Ça lui avait pris du temps à venir jusqu’ici et voilà qu’elle faisait tout pour reculer le moment fatidique. Elle avait peur, peur de perdre le contrôle face à la pression mentale qu’elle ressentait, face à la fatigue qui est présente depuis janvier dernier. Sa jambe ne bougeait plus, mais son pied lui prit le relais, trahissant le visage qu’elle aborde.

« Elle peut ? » Ses yeux venaient passer de la mandragore à l’infirmière, de nombreuses fois. Une plante pouvait vraiment rougir ? Elle connaissait les mandragores pour les avoir étudiées en cours et pour les cours de potion, mais jamais elle n’avait prêté plus attention. Intriguée par la réponse autant que par la plante sur le bureau, son regard resta finalement accroché sur cette dernière. Une mandragore de compagnie, c’était tout de même assez particulier, mais ça collait bien avec le personnage de Madame Wood. L’infirmière semblait différente de ces prédécesseurs. Elle était douce et n’imposait pas un interrogatoire rapide pour expédier ses patients. Dans d’autres circonstances, cela aurait plus à Isadora, mais ce soir, c’était différent. Agacement certain pour la jeune femme qui pensait pouvoir regagner son dortoir hâtivement. La tasse arriva dans son champ de vision et Isadora lâcha la mandragore pour venir reporter son attention sur la femme face à elle. Ça ne dura qu’un moment, le temps d’attraper sa camomille fumante. « Merci. » Elle souffla sur le liquide jaunâtre, doucement, avant d’oser une première gorgée. Douceur brûlante qui réveilla sa gorge et laissa sa langue légèrement engourdie sur le dessus. Ça n’en restait pas moins réconfortant et appréciable pour son estomac vide. « Non, c’est parfait. » Isadora était adepte des boissons brûlantes depuis son enfance. Elle reporta son attention sur Ivy, la mandragore quand cette dernière se mit à gigoter sur le bureau. L’amusement brilla dans le creux de ses yeux, prouvant qu’elle n’était au fond encore qu’une enfant, une jeune adolescente. Ivy. Ivy. Elle répéta son prénom dans sa tête, c’était mignon, simple et joli. Une nouvelle gorgée de camomille avant qu’elle n’acquiesce du menton à la question. « Il est vrai. » Ce n’était pas faux, il y avait un côté apaisant dans cette petite créature silencieuse qui gesticulait sur le bureau. L’image désagréable des mandragores criarde venait presque d'être remplacée pour lui laisser un doux souvenir. Ce n’était pas plus mal.

Cependant, elle n’était pas venue ici pour boire une camomille et discuter sur une mandragore. Elle était loin de détester ce moment, mais il fallait qu’elle s’échappe rapidement avant d’effectuer la moindre erreur qui la trahirait. Alors elle se racla doucement la gorge en venant poser sa tasse sur le bord du bureau. « Qu’avez-vous besoin de savoir exactement ? » Elle se retint d’ajouter qu’elle devait retourner réviser, c’était sans doute trop et elle savait que tout bon mensonge devait être dosé. Alors elle parla prudemment en scrutant l’infirmière. Elle se sentait à l’aise, mais pourtant, son cerveau lui rappela qu’elle devait rester sur ses gardes. Il était hors de question qu’elle vienne avouer une vérité de trop, une vérité qu’elle n’était elle-même pas prête à entendre. Alors elle croisa ses jambes, appuya ses mains entrelacées sur ses genoux. La pression l’aida à tenir ses jambes en place et son pied qui semblait avoir la bougeotte elle le coinça entre le pied de la chaise et son tibia. Elle ne devait pas flancher, pas maintenant. « Je dois vous expliquer mes nuits ? Ou mon rythme de révision ? » La douceur dans sa voix, ses camarades seraient sans doute mal à l’aise en l’entendant parler ainsi. Car ça ne lui ressemblait pas, peut-être que si ? Au fond, tout était toujours une question d’apparence. Désireuse de ressembler à une gentille petite gryffondor aux yeux de Madame Wood. Elle était prête à se battre pour obtenir sa délivrance de la soirée. Le sommeil. C’était ce dont elle rêvait le plus. Pas une seconde ne passait sans qu’elle n’y songe et ses cernes démontraient sa fatigue. Elle ne cherchait pas à mentir sur ce point, c’était impossible. Toutefois, elle restait prête à utiliser ses mots pour prétexter au mieux une vérité modifiée.

Isadora passait ses nuits entre angoisse et insomnie, parfois clouée dans son lit, les yeux ouverts à chercher un sommeil qui refusait de venir. Ces nuits-là, elle pouvait rester des heures à fixer son plafond, la fatigue mordant son âme sans pour autant s’installer. Rejeté par Morphée, retenue par l’angoisse, trop souvent, les rayons du soleil avaient fini par éclairer le dortoir qu’elle partageait avec Agatha, sans qu’elle ne parvienne à dormir. Puis il y avait ces autres nuits, ou à bout, elle s’écroulait de fatigue bercée par ses peurs qui resurgissaient lors de ses cauchemars. Au petit matin, la fatigue était toujours là, le corps allait mieux, mais la tête, elle, non. Le plus dur, c’était ensuite, la journée. La journée, il fallait prétendre, prétendre que tout allait bien que la fatigue n’était que passagère et que sa tête n’était pas obstruée par une bataille intérieure. L’excuse avait été bêtement trouvée, acceptée par tous, car songer qu’Isadora avait une raison d’aller mal, c’était stupide. Petite sang pur, princesse choyée sa vie était parfaite, elle n’avait pas le droit de se plaindre, zéro raison. Pourtant, beaucoup avaient tort, beaucoup lui collait une étiquette — qui bien que l’amusant— ne lui correspondait pas. Et c’était de sa faute, elle avait trop souvent voulu paraître être une personne différente de qui elle était réellement, se laissant manger par des idéaux familiaux alors que son avis personnel diverge. Peut-être qu’elle aurait dû suivre les pas d’Azraël et non d’Ozwald. Au moins, parviendrait-elle à s’ouvrir plus facilement, à faire part du problème ? Conflit personnel qu’elle refusait de confier même aux personnes en qui elle avait une confiance aveugle. — Désolée Azraël — Parce qu’en parler ça revenait à rendre l’idée réelle, lui donner de l’importance. Elle ne pouvait pas l’accepter, et le désir que tout soit faux restait malgré tout logée dans sa tête. Après tout elle n’avait qu’entendu une conversation à travers une porte, rien n’était officielle. Alors elle se terrait dans un mutisme, prétendant, souriant, mentant pour ne pas alerter. Isadora avait donc besoin d’une roue de secours, un petit coup de pouce qui lui permettrait d’aller mieux, même un temps elle acceptait. Juste le temps d’ouvrir cette lettre ou de trouver le courage de la brûler. Si la lettre n’existe plus, la vérité aussi ? Pensée idiote d’une adolescente perdue qui se perds dans son chaos intérieur.

Une nouvelle gorgée pour se donner de la force et parce que la camomille était un petit réconfort qui venait calmer ses pensées lentement. Elle délaissa Ivy la mandragore du regard pour venir hocher la tête aux mots de l’infirmière. « Avant, je dormais sans problème 6 à 7 heures par nuit... » Elle prit un temps de pause, réfléchissant aux informations intéressante à donner. « J’étais en forme aux réveils. Je me levais sans soucis. » Elle reprit une gorgée du liquide tout en se remémorant du plaisir qu’elle ressentait à dormir autrefois. Utopie lointaine d’un repos sans problème. Ça serait mentir que de dire qu’Isadora n’avait jamais eu des soucis de sommeil, la pression familiale avait toujours eu un poids certain sur elle. Les mots de sa mère avant sa rentrée avaient eux aussi perturbé son sommeil en début d’année, mais rien à voir avec ce qu’elle vivait aujourd’hui. « Après les vacances de Noël. » Vérité. Après tout, les meilleurs mensonges se basaient toujours sur une part de sincérité. « Je pense que c’est à ce moment que ça a commencé. J’ai commencé par réviser quelques heures de plus au départ. » Pensive, elle venait imaginer de quelle façon les ASPIC pourraient impacter le sommeil d’un étudiant. Au fond, peut-être qu’ils jouaient aussi sur ses soucis de sommeil. Après tout, si Isadora apprenait que la pression familiale venait se lier à eux, elle n’en serait pas étonné. Toutefois, elle savait que le fond du problème, c’étaient les mots échangés entre son père et son grand-père, désireux de lier une alliance par son biais. N’était-elle qu’un pion pour sa famille ?

Plusieurs choix s’offraient à Isadora face aux douces questions de l’infirmière. Des choix qui la laissèrent étrangement hésitante, ça ne lui ressemblait pas. Madame Wood semblait ne pas vouloir lui porter de jugement, contrairement à ce que d’autres se seraient empressées de faire, ou même des conseils déplacés. Il y avait comme une sensation apaisante, de bien-être, comme si l’infirmière serait prête à entendre sa vérité, celle qu’elle tenait sceller en elle. La vraie vérité, la vraie raison de sa venue ce soir. Elle avait cette impression que si elle décidait de prendre cette direction elle ne lui offrirait pas de jugement juste une écoute. Au fond, c’était peut-être tout ce dont elle avait besoin, une réelle écoute, loin de la peur. Laissant le paraître au tapis pour se dévoiler nue sans artifice. Pourtant, sa tête n’était pas prête de craquer, parce que tout serait trop simple, parce qu’Isadora avait cette manie de se saboter et garder constamment ses problèmes pour elle. Elle fonctionnait ainsi et n’était pas prête de changer. Ça remettait tout en question, et ça brisait son habitude. Elle refusait, c’était ainsi. Le choix fut donc celui de la peur, de la fuite, l’obéissance. Car fuir était devenu une de ses spécialités, fuir les problèmes, rester docile et obéissante quoi qu’il en coûte. « Un peu, je pensais qu’à défaut de pouvoir dormir, je ne perdais pas bêtement du temps à ne rien faire. » Mensonge, voilà sa porte de sortie, voilà son meilleur allié. Ce n’était pas entièrement faux, car bien que le manque de sommeil n’eût rien à voir avec ses études, elle passait tout de même beaucoup plus de temps à étudier. C’était une occupation propice où elle parvenait à contrôler ses pensées chaotiques. Ça lui évitait aussi de se retrouver seule ou à faire des idioties. Car ça aussi elle l’avait remarqué, sa stupidité à s’attirer des ennui ne lui avait jamais ressembler. Un an en arrière, elle ne serait pas venue chercher le conflit envers Silas. Elle n’aurait pas non plus cuisiné autant Azure. Le début lui ressemblait, mais les aboutissements sonnaient contraire à sa personne. Si calme habituellement, agissant dans l’ombre, tout avait doucement changé. Parce que chaque occupation devenait la parfaite excuse pour qu’elle vienne faire taire ce qui tournait en rond dans sa tête. Stupide. Elle n’avait rien d’une adulte, elle restait une adolescente en pleine construction qui peinait à suivre son avenir écrit depuis déjà bien longtemps.

Un trop-plein de salive. Elle déglutit tout en buvant une gorgée du thé plus tiède que chaud, masquant ainsi le malaise grandissant dont elle camouflait l’apparence. La conversation devenait dangereuse, une mauvaise réponse et son mensonge pouvait basculer. Conscient, son cerveau venait fuser à chercher les mots juste, à croire que malgré tout ce qui se trouvait dans sa tête, il était en accord pour l’aider à ne rien révéler. « D’échouer ? » Murmure bas alors que ses yeux venaient observer le fond de sa tasse. Elle agissait prudemment, mêlant la vérité qui la terrifiait. Isadora n’avait pourtant aucune raison de l’être, elle se montait la tête seule car rien ne lui avait été officiellement annoncé. Toutefois, le pressentiment lui était bien présent et venait lui glacer le sang. Elle devait vraiment en parler à Azraël, après tout, peut-être savait-il lui quelque chose. L’angoisse montant dans son corps elle en tira profit pour parler hâtivement. « J’ai lu de nombreuses études d’étudiant modèle qui perde pied à l’approche d’examens importants. Si ça m’arrivait aussi ? » Ses yeux se relevèrent sur l’infirmière, brillante de l’angoisse qu’elle camouflait trop souvent. Persuadé d’effectuer, un coup de maître en profitant de son chaos. Elle était si proche du but alors elle ne pouvait pas échouer maintenant, elle ne pouvait pas lâcher son mensonge. « Jamais. À la rigueur des tisanes, mais rien d’autre. » Elle hocha son menton en venant resserrer ses doigts autour de sa tache. Restant entre demi-vérité et demi-mensonge. Un désir de se protéger et par peur de ne pas pouvoir affronter ce que l’impact de ses mots à voix haute pourrait effectuer sur elle. C’était sûrement pour ça qu’elle n’avait rien dit à son frère ou à sa cousine.

Tout semblait fonctionner parfaitement, comme si chaque mot qui venait sortir de sa bouche ne laissait aucun doute. Elle s’en félicitait, mais le temps, lui, il pressait et elle avait grandement besoin de dormir. Une nuit, c’est tout ce dont elle avait besoin, elle ne ferait pas la gourmande à en demander plus. Juste une nuit. Ou alors, peut-être deux, mais pas plus. Elle ce l’était personnellement promis. Parce qu’Isadora se sentait bien trop au bord du gouffre pour accueillir une quelconque dépendance qui pourrait lui coûter. L’adolescente ne savait pas si elle était sujette aux tendances addictives et elle ne désirait pas le savoir. Ou plutôt elle préférait nier ce défaut qui pourrait venir entacher son apparence. C’était pourquoi elle avait fait le choix de se rendre à l’infirmerie. Afin de ne pas faire entièrement n’importe quoi, afin de ne pas prendre la première chose qui venait de lui passer sous la main. Elle inspira longuement, continuant de jouer sa carte d’élève angoissé. « J’ai confiance, mais le doute, lui, il persiste. » Elle venait s’enfouir dans son mensonge alors que derrière, la barrière dans sa tête manquait de s’effriter et les pensées venaient affluer. Elles étaient prêtes, prêtes à envahir sa tête de nouveau. Toutefois, c’était sa solution, sa carte joker.

« Ici ? » Incrédules, ses yeux papillonnèrent un instant, comme un mauvais tic, comme si elle venait d’avoir une hallucination. Peut-être avait-elle juste mal entendu. Pourtant l’air sérieux de Madame Wood lui confirma le contraire. Elle chuta. Bourrasque d’angoisse qui prit le dessus et fit basculer les dernières traces de tranquillité qu’elle avait veillé jusqu’ici à tenir. Sa jambe reprit sa cadence de battement pendant que sa mâchoire venait se contracter. Il était temps de fuir. Un petit regard vers la porte, elle jaugeait la distance avec la sortie avant de se retourner vers l’infirmière. Et la pensée idiote pointa son nez, elle s’imagina se lever précipitamment et s’enfuir dans les couloirs du château. Pensée primaire, d’un animal qui se sent soudain pris au piège, jamais elle n’aurait été aussi peu subtile, bien consciente qu’agir de la sorte viendrait à révéler plus que ses silences. Elle resta donc droite sur sa chaise, préférant ne pas se trahir totalement. « Je pourrais les prévenir avant de me mettre au lit, vous savez. » Commença-t-elle, les lèvres pincer tout en venant déposer sa tasse, vide, sur le bureau. Agatha filait souvent bien avant qu’elle ne se lève, elle ne craignait pas de l’effrayer. Puis, ce n’était pas dans son attention de se faire remarquer. « Et puis ça me gène, je n’ai pas mes affaires avec moi. » Elle savait que son excuse était minable, mais elle était prise au dépourvus. Isadora regrettait d’avoir pris le courage de venir jusqu’ici. Elle aurait mieux fait d’écouter cette voix dans sa tête qui lui avait intimé l’idée de faire demi-tour. Cette maudite voix qu’elle savait néfaste pour elle et qui pourtant continuer de revenir à la charge.

Elle comprenait et c’était sans doute ce qu’il y avait de plus rageant dans cette histoire. Les solutions de l’infirmière venaient tomber, désamorçant, une a une ses idées de fuite. Toutefois, celle de partir en courant restait bien loger dans un coin de sa tête, mais n’était-ce pas la pire des solutions pour venir ruiner le mensonge si bien confectionné. Elle garda le silence, écoutant sans vraiment réagir aux mots de l’infirmière. Elle était obligée de prendre sur elle, car à cet instant, elle ne pouvait faire que ça. La demoiselle pinça ses lèvres en prenant une profonde inspiration. Une bouffée d’air pour se donner du courage, une pour se donner une contenance alors qu’elle sentait le monde tanguer autour d’elle. Isadora, c’était donné beaucoup de mal jusqu’ici et elle ne voulait pas que ses excuses parfaitement trouvées soient remises en question. Alors, elle devait s’y plier, docilement. Elle était si proche de savourer un peu de calme dans sa tête, elle ne pouvait plus reculer. Un soupir glissa de ses lèvres alors qu’elle s’avouait vaincue. Ce n’était que pour cette nuit.

« Non, excusez mes manières. » Elle se fendit d’excuses, écarquillant ses yeux comme si elle venait de remarquer son oubli fâcheux. Si jamais l’infirmière en venait à lire son dossier médical, elle ne serait sans doute pas étonnée d’une telle réaction de sa part. Après tout, elle venait reprendre les reines, se montrant comme une sang-pur bien élevée qui malheureusement avait fauté dans ses bonnes manières. « Une simple habitude avec l’ancien infirmier. Je suis Isadora, Isadora MacMillan. » Demi-vérité, elle n’était plus habitué à se présenter en venant dans ce lieu, mais la part de mensonge était les soupçons de l’infirmière. Toutefois, lui donner son nom ne l’effrayait qu’à moitié, son dossier médical ne devait pas être bien énorme. C’était la première fois qu’elle venait réclamer une telle demande, tandis que ses anciennes présences, à l’infirmerie étaient pour accompagner son frère, ou parce qu’elle avait attrapé un mauvais rhume. Jamais rien de grave, car elle n’avait jamais été prise face à une telle vague d’émotion.

Moteur... Elle baissa son visage vers le sol alors qu’elle s’était mise à triturer d’un geste qui se voulait nerveux ses doigts. Et… Action ! « Votre elfe pourra vraiment me rapporter mes affaires... ? » Un murmure à peine audible s’échappe de sa bouche alors que l’adolescente vient jouer la comédie, le grand acte approche. « Je... Tout restera entre nous, pas vrai ? » Ses yeux viennent se glisser dans ceux de la femme alors que son regard laisse briller une certaine inquiétude au fin fond de ses pupilles. Isadora vient puiser dans sa propre angoisse pour paraître crédible, tout en veillant à contrôler chaque mot qui dépasse la barrière de sa bouche. « Je ne veux pas inquiéter ma famille... Surtout, mon frère » Soigneusement choisit pour sonner vrai, car au fond, Isadora tient éloigner à Azraël pour cette seule et unique raison. « Et si mes camarades l’apprennent, vous imaginez les bruits de couloir… » Sa voix tend vers les aigus, elle attaque, la panique est la carte maîtresse de son dernier acte. Elle ne lâche pas Madame Wood des yeux, comme si elle attendait que cette dernière lui assure, la rassure, que rien ne sortirait d’ici. Car au fond, c’est bien tout ce qu’elle recherchait, ne pas éveiller les moindres soupçons. Cette fois, il était définitivement trop tard pour fuir.

Fille de bonne famille, soucieuse de ne pas les inquiéter, c’était sa dernière carte. La pièce maîtresse qui pouvait tout conclure. N’était-ce pas un beau geste de sa part ? Ne pas alerter sur son état de fatigue, alors qu’au fond, c’était pour son propre bien être à elle. Isadora hocha le menton aux mots de l’infirmière, elle s’en fichait bien qu’elle lui en tienne rigueur ou non. Tout ce qui l’intéressait, c’était cette solution de facilité qui l’éloignerait un moment de ses pensées. Une gorgée pour oublier, une gorgée pour s’offrir un répit qu’elle désir depuis bien trop longtemps. « Je comprends, normalement, je n’ai pas d’allergie, ou je ne m’en souviens pas. » Se contenta-t-elle de dire en venant esquisser un petit sourire de politesse. Elle n’en a pas le souvenir, sûrement, car elle n’en a tout simplement pas. Isadora a beaucoup de travers, peut-être que si elle venait a consulter elle s’apercevrait que tout ne fonctionne pas aussi bien chez elle qu’elle aime le croire. Mais pour ça, il faudrait qu’elle accepte de demander de l’aide et d’aller voir un professionnel, une personne capable de lire en elle. Le problème restant qu’elle n’était pas prête elle-même à accepter ce qui ne tournait pas rond chez elle. La solution évidente si vous lui demandiez et qu’elle se montrait sincère serait qu’elle n’était pas venue au monde dans le bon sens, comme si le bien, le mal, c’étaient deux points qui venaient par moment s’inverser. Il y avait une limite, elle n’était pas totalement mauvaise, c’était l’image pourtant qu’elle veillait à ce que ses camarades portent sur elle. Au fond, c’était une idiote, une petite fille perdue.

Innocente, au milieu d’un champ de paraître, elle aurait pu se confier à l’infirmière. Poppy Wood dégageait une aura agréable et propice à la confidence. Cependant, elle n’était pas habituée à partager ses problèmes, à soulager ses pensées envers une tierce personne. Un souci d’éducation qui la poussait à tout garder pour elle afin de ne jamais paraître faible. Peut-être que si elle avait eu la chance d’avoir d’autres parents tout serait différent. Après tout, si elle n’était pas née dans cette famille, jamais elle ne se trouverait dans cette angoisse qui lui bouffait ses nuits, tout serait tellement différemment. Elle en rêvait tout comme cela l’effrayait, car si elle n’était pas une MacMillan, Azräel ne serait plus son frère. Un point qui l’empêchait de le vouloir vraiment. Elle nota dans un coin de sa tête l’information sur le secret médical que lui confiait la femme face à elle. Inconsciemment, ça venait se graver dans les tréfonds de son esprit, lui offrant une possible échappatoire pour son futur. Seul le temps lui dirait.

Son regard se fit vague à mesure que les mots venaient glisser dans ses oreilles. Une partie d’elle avait échoué aujourd’hui. L’obligeant à accepter la proposition de l’infirmière, à savoir dormir sur place, loin de son dortoir. Elle inspira longuement par mécanisme alors que sa salive glissait avec difficulté dans sa gorge. « Peu m’importe la chambre, si je peux me reposer enfin, j’accepte. » Sincérité qui venait enfin quitter sa bouche, sans forcer. La fatigue, c’est tout ce qui était vrai sur son état alors elle n’allait pas le cacher à cet instant. « Vous avez besoin d’autres informations ? » Son regard vient glisser sur l’elfe qui s’avança vers le bureau pour y déposer un document, sûrement le sien ? Isadora ne put s’empêcher de se demander ce qui y était inscrit. Elle pinça ses lèvres entre elles, pensive. Encore quelques minutes et bientôt elle ne finirait pas pouvoir rejoindre Morphée.

Elle n’avait plus le choix, la boule au fond de son estomac venait peser à mesure qu’elle se retrouvait confrontée à la pensée de dormir à l’infirmerie. « Très bien. » Elle attrapa la plume et le papier afin de venir rédiger une petite liste de ce dont elle avait besoin. Ce fut banal, tout ce qui était nécessaire à une jeune adolescente de son âge. Isadora ne supportait pas s’endormir le visage encore plein de maquillage. Il y avait cet aspect désagréable qui venait tirailler sa peau. Ce fut donc le premier mot qui se retrouva inscrit sur la liste - démaquillant. Puis le nécessaire pour dormir et pour affronter sa journée de demain, le visage parfaitement camouflé. Ainsi, personne ne pourrait douter de quoi que ce soit. Le seul souci restant sa camarade de dortoir, Agatha, elle espérait sincèrement que cette dernière ne poserait aucune question. C’était dans ses habitudes après tout de tout enquêter et ça avait parfois le don d’agacer Isadora. Elle reposa la plume sur le bureau avant de faire suivre la note de près. « C’est bon, je pense qu’il y a tout. » Il n’y avait définitivement pas tout, mais c’était trop risquer de faire venir son carnet auprès d’elle ici. Elle se recula dans sa chaise en venant croiser ses bras contre son buste. Désagréable annonce qui suivit et fini par chatouiller ses tympans. Elle qui voulait que personne ne soit au courant, voilà que son directeur de maison allait tout de même être informé. « Mais je pensais que… » Elle décida de se taire, du moins essaya, elle savait pertinemment que peu importe ses mots, Jaimie Alexander serait avertit. Elle ferma ses yeux pour maintenir l’agacement qui venait tapoter dans sa tête et s’insinuer dans chaque parcelle de son corps. Ça bouillonnait en elle, bien trop désagréable sentiment et ça n’aidait en rien avec les couches de fatigues qui s’entassaient depuis des semaines. « Je ne suis pas certaine qu’il saura gérer ça. » Sarcasme, un ton désagréable qu’elle ne prit pas la peine de cacher. Ça ne lui aurait pourtant pas été si compliqué, mais elle n’en avait aucune envie. Elle n’appréciait pas son directeur de maison et ce n’était nouveau pour personne. Ce n’était pas son jeune âge le souci pour Isadora, mais il semblait vouloir faire tout trop bien et ça avait le don de l’énerver. Alors plus il restait loin de ses problèmes, mieux se portait-elle.

« Il y a tout. J’en suis certaine. » Affirmait-elle en venant prendre le temps de regarder les différents lits de l’infirmerie. Peut importe lequel ils feraient tous l’affaire pour l’accueillir cette nuit. « Cette potion, elle a des effets secondaires ? » Curiosité pour combler le silence qui commençait à venir remplir la pièce alors qu’elle s’était mise à se dégourdir les jambes en se relevant de sa chaise. Pour ça, et pour sa propre information personnelle. Après tout, si elle devait au petit matin souffrir d’un quelconque effet, elle méritait bien de le savoir. Elle attrapa l’élastique un peu trop serré autour de son poignet pour attacher ses cheveux en une queue-de-cheval. Puis elle ajouta en laissant son regard glisser d’un lit à l’autre. « Je peux prendre n’importe lequel donc ? » Elle n’attendit pas de réponse pour s’avancer vers celui le plus au fond de la pièce et au plus proche d’une fenêtre. Satisfaction, sensation de protection loin de la porte d’entrée et des regards curieux. Désormais, elle n’avait plus qu’à attendre ses effets personnels et son médicament. Isadora avait l’espoir de pouvoir en quémander d’autre pour l’avenir, d’autre qu’elle pourrait pendre cette fois-ci de son dortoir.

Sur la liste des effets secondaires, - pourtant très courte - elle ne releva que les rêves en rime. C’était ce qui avait réussi à venir faire redresser l’un de ses sourcils. Sans doute, car c’était un indésirable assez étonnant et qui dans un autre contexte aurait pu l’amuser. Cependant, aujourd’hui, c’était différent, soucieuse de ce que cet effet pourrait venir causer à ses rêves avec ses récents cauchemars, Isadora ne put réprimer une grimace. Elle n’était pas certaine que cette retombée de la potion avait une réelle aide pour ceux en quête de repos. Plus exténuant que réparateur, elle ne comprenait pas pourquoi les potionniste n’avait pas tenté de trouver une recette différente pour éviter d’offrir des rêves en rime. Ça devait rendre fous les patients. Toutefois, elle nota qu’elle n’aurait pas la plaisante joie d’y être confronté. Poppy Wood ajouterait quelques gouttes de sommeil sans rêve et c’est après ses mots qu’elle sentit un poids se retirer de ses épaules bien frêles. Étonnement, jusqu’ici elle n’avait même pas remarqué que cela lui pesait tant, elle se sentit pourtant soulagé alors que ses pensées incapables, de rester silencieuse venaient s'agiter continuer dans sa tête. L’expérience ne la dérangeait pas, mais si pour une nuit elle pouvait se détacher de ses pensées et de son subconscient Isadora signait sans attendre. L’heure de la fermeture approchait. Douceur infime d’un repos tant attendu. « C’est sans doute mieux. » Il y avait quelque chose de satisfaisant dans cette histoire bien que la situation ne tournait pas totalement dans son sens. Bientôt, elle dormirait, c’était une demi-récompense. Elle s’arrêta face à un lit, celui qui lui semblait être le bon, bien qu’en réalité, ils se ressemblaient tous et ne lui offraient aucune envie de s’y jeter dedans. Elle avait retenu un soupir de lui échapper. L’adolescente sentait l’infirmière dans son dos alors qu’elle scrutait les draps trop rêches à vue d’œil. Ce n’était qu’un détail, un détail de plus qu’elle venait graver dans sa tête alors que d’autres informations s’y ajoutaient. Cinq minutes. Juste cinq petites minutes après la potion et elle tomberait aussi facilement dans un sommeil lourd. Ça lui semblait presque impossible, non pas, car elle venait douter de l’infirmière et de la potion, mais parce qu’elle avait été privée d’un vrai sommeil depuis bien trop longtemps. Idiote. Il ne lui aurait fallu que de venir passer les portes de l’infirmerie pour que l’un de ses problèmes vienne finalement disparaître d’un claquement de doigts.

« Très bien. » Son regard se tourna sur Poppy Wood lorsqu’elle s’éloigna. Bientôt. Elle sentait son cœur s’emporter sous sa poitrine alors qu’elle se laissa tomber sur le lit, assise bien droite, car même à l’abri des regards, elle ne voulait pas fléchir. C’était bête, sans aucun doute, mais ça lui donnait cette impression futile qu’elle n’avait pas l’air si mal. Il lui suffirait pourtant de parler, rien qu’à ses parents pour venir lever le voile incertain qu’elle avait placé elle-même. Une question, et la vérité pouvait lui éclater au visage tout comme venir retirer toute cette angoisse qu’elle, c’était auto infligée dans l’ombre.

L’elfe de l’infirmière apparut quelques minutes plus tard face à elle avec tous ses effets personnels. Isadora le remercia, d’un mot et d’un sourire. Elle n’était pas contre l’utilisation des elfes de maison, mais elle ne, c’était jamais comporté sans reconnaissance à leur égard. Après tout, ils aident pour un grand nombre énormément le quotidien des sorciers. Profitant de l’absence de l’infirmière et de la disparition de l’elfe, Isadora troqua ses vêtements du jour pour une tenue de nuit. Le moment approchait et une nouvelle palpitation se fit ressentir en elle, c’était une douce impatiente. Elle attrapa ses effets pour se démaquiller et venir retirer son masque de maquillage qui venait camoufler ses cernes marquants. C’était assez pour venir garder son esprit occuper le temps que l’infirmière la rejoigne avec son médicament.

Hésitation brûlante, autrefois, elle se retrouvait désormais prise au piège dans les murs de cette pièce. Rien ne s’était déroulé comme prévu, à l’exception de la potion qui coulerait bientôt dans sa gorge. Incapable de calmer l’orage dans sa tête, la sorcière revivait leur conversation, réfléchissant à l'endroit où elle avait pu échouer. C'était toujours mieux que de se morfondre dans cette vérité incertaine qui avait réveillé l'angoisse d'un futur. Mais cela ne tarderait pas avant que le problème principal ne remonte à la surface. Elle glissa sa main pour s’emparer du miroir gentiment apporté par l’elfe de l’infirmière, contemplant les dégâts de son sommeil qui transparaissaient sous son maquillage. Déglutissant difficilement à l’idée de devoir se montrer à nu face à cette inconnue qui l'avait piégée ici. Isadora n’était pas stupide, bien consciente du travail de l’infirmière, mais cela restait déplaisant. D'autant plus que le fait de savoir que son directeur de maison serait informé de sa présence à l’infirmerie l'énervait. Si au début elle avait apprécié la douceur et la sympathie de la jeune femme, c'en était fini. Elle enterrait profondément sous terre la vérité sous ses insomnies.

Le masque tombait à mesure que les cotons retiraient l’épaisse masse d’anti-cerne et de fond de teint qui couvrait son visage jusqu’alors. Elle faisait peine à voir, Agatha lui avait souvent fait remarquer, et elle ne pouvait qu’acquiescer à ses mots. Deux, trois… six cotons furent suffisants avant que son visage soit parfaitement propre de toute substance. Elle observa un instant son reflet à l’aide du petit miroir : elle était pâle et fatiguée. Soupir. Isadora n’était plus qu’un reflet d’elle-même et il était grand temps d'y remédier. Elle veilla à jeter les cotons dans la poubelle proche du lit et à reposer le miroir sur la table de chevet. Puis, pieds nus, elle s’approcha de la fenêtre, observant les arbres bouger au rythme du vent. Elle n’avait plus qu’à patienter. Elle bailla. La fatigue était présente, une ennemie redoutable qui ne lui permettait pas de rejoindre les bras de Morphée, mais ce soir c'en était fini. Isadora n’avait pas grand espoir, c’était juste une question d’une nuit avant que tout revienne à nouveau. Cependant, cette pause, elle l’acceptait.

Patienter, elle savait faire, toute sa vie on lui avait appris. Puis, elle n’était plus à cinq minutes près pour tomber dans un sommeil artificiel. Les pas de l’infirmière résonnèrent dans ses oreilles et Isadora patienta encore un peu. Elle se délaissa du spectacle que le vent lui avait offert avant de venir s’installer dans le lit. Glissant sous les draps, rêches contre sa peau, mais suffisants pour cette nuit. « Je suis prête », déclara-t-elle avec une étrange détermination qui pointait le bout de son nez. Elle semblait presque pressée de déconnecter son cerveau pour une nuit.

La tasse dans son champ de vision, elle faillit presque oublier l’endroit qui la tenait captive pour la nuit. Elle s’en empara, curieuse d'y goûter. « La tasse, puis la fiole ? » demanda-t-elle alors qu’elle reniflait le contenu de la tasse. Elle se fichait bien de l’odeur ; elle aurait avalé même si cela venait la répugner. Elle désirait dormir, ce n’était pas si compliqué, non ? Elle regarda l’infirmière une dernière fois avant d’avaler d’une traite le contenu de la tasse.