@Saige Billington

J'pourrais me saigner pour un peu de toi
@Saige Billington et Teddy

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Quelques semaines plus tôt.

La dernière sortie à Pré’O n’avait pas été la meilleure de sa vie. La poufsouffle avait cru apercevoir son père, c’était éloignée un peu du groupe. Mais elle avait dû rêver, cauchemarder plus tôt. Pour rejoindre ses camarades, elle avait voulu couper par une ruelle peu empruntée quand elle avait entendu son nom. Ou tout du moins quelque chose qui y ressemblait.
« Théa ? Thelma ? »
Elle ne se retourna pas vraiment vers la voix masculine, trop âgée pour être un de ses camarades, et s’apprêta à tracer sa route. « OH VON MEISSEN, me snobe pas ! » Par réflexe, elle tourna sa tête. Elle jeta un regard suspicieux vers l’homme qui se tenait là. Il était plus âgé qu’elle, sûrement un peu plus que Jocasta aussi. Mais son visage lui était familier.

Teddy pouvait ne pas apprécier son héritage familial, l’éducation qu’elle avait reçue au coven lui avait tout de même appris quelques petites choses… Comme retenir les visages et les noms pour éviter les impairs. Tentant de garder un semblant de calme, elle fit défiler les événements auxquels elle avait participé récemment en dehors de Poudlard. Elle fit pause. « Mmmh… Vous travaillez pour madame Hawthorne ? Sur le marché ? » Elle ne se souvenait pas de son prénom, mais l’avait déjà vu charger des caisses et aider l’ébéniste avec son matériel. Il avait l’air plutôt sympa. Le type lui sourit, partagé entre être fiérot d’avoir été reconnu et emmerdé que ce soit avec le nom de son employeur. « T’as qu’à m’appeler Connor plutôt. » Elle acquiesça. « T’es toute seule ? » Je te présente Tic et Tac, mes amis invisibles du Con’nor. Ok, il avait l’air sympa, mais pas très futé. « Non, je rejoins mes potes là-bas. » dit-elle en désignant un groupe qui n’était pas vraiment le sien mais quelle importance ? Dashiell devait être avec Selene, et elle espérait que Saige et Silas n’étaient pas très loin. Et puis Teddy n’était pas farouche, elle était pote avec tout le monde de toute façon, même avec Tic et tac.
« C’était cool ton concert. » Le regard de la jeune fille s’illumine, il est si facile de la flatter. « Dis-voir, je crois que t’es pas la dernière à t’amuser non ? » Teddy ne sait pas trop quoi répondre… Elle lève un sourcil méfiant, hésitant à répondre. « Non mais, t’inquiètes meuf, c’est pas ta mère qui m’envoie. » Teddy s’amuse de la réponse… « Ok ouais, le fun, c’est un peu ma matière préf’. » fanfaronne-t-elle. « C’est bien ce que je me disais. Tu veux pas tester ça ? C’est fun et ça pue moins que le joint. » Elle regarde le buvard que tient Connor entre ses doigts.
« - J’ai pas de thunes.
- Nan mais t’inquiètes, c’est juste pour tester. On s’arrangera sur le tarif si t’as kiffé ! T’oublieras pas d’en parler à tes potes. »
Elle n’a pas vraiment le temps de réfléchir à la question, que le buvard se trouve dans sa main, puis dans sa poche. Et Connor disparaît comme il est apparu. Elle rejoint son groupe d’amis, songeuse.

*** ^ ^ ^ ***

Réveil difficile. Elle a un peu la boule au ventre. Est-ce l’approche du mois de décembre ? Du concert, de l’audition, du retour de son père et d’un Noël sans magie ? Ou bien une solitude qui parfois la prend aux tripes sans qu’elle ne puisse rien y faire, la certitude de ne pas être ce qu’il faudrait. De ne pas valoir la peine. Elle traîne au lit. Tant pis, elle sautera le petit déj. Elle n’a pas vraiment faim. Elle dit à Max qu’elle la rejoindra plus tard.

Douche chaude. Bouillante. Elle n’a pas envie d’affronter la journée. En tout cas, pas comme ça. Elle fouille ses poches à la recherche d’un peu d’herbe, de tabac, sans succès. Ses doigts finissent par rencontrer le buvard. Elle regarde… Est-ce que c’est vraiment fun ? L’alcool, l’herbe, elle connaît, mais ça ? Et puis d’habitude, elle s’arrange avec des gens qu’elle connaît. Ceci dit…Hawthorne c’est quand même une dame sérieuse, elle n’emploierait pas un gros connard si ? Elle hésite un peu. Décide de couper la dose en quatre, pour faire de plus petits carrés. Après tout, il y a cours quand même. Faudrait pas décoller trop loin non plus. Et si c’est cool, elle pourra partager.

Elle laisse fondre le papier sur sa langue. Instantanément, elle sent ses pupilles se dilater. Un sentiment de puissance la prend aux tripes. C’est étrange cette euphorie. Elle pourrait…prendre le micro dans un concert les yeux fermés, conquérir le monde et embrasser le premier venu. Non plus que ça, l’engloutir tout entier, c’est puissant comme le désir. Elle enfile des vêtements avec empressement, attrape sa baguette et son sac pour retrouver ses amis.

Alors qu’elle longe le couloir, il lui semble voir des particules voleter autour d’elle, comme des papillons, ou comme la magie du cours de Grant et Aylmer. Elle se laisse distraire à les suivre, à les attraper du bout des doigts. Est-ce qu’elle peut voir au-delà des apparences? Est-ce que ces paillettes sont réelles? Tout brille un peu plus, les couleurs sont chatoyantes, il lui semble que ses pas résonnent comme autant de tambours. Elle marque le rythme en sautant sur les dalles. “Whoohoo”. Elle allait où déjà?

Ah oui, en cours. Elle prend la direction du parc… Ils ont vol aujourd’hui? C’est bien ça? L’air frais fait redescendre un peu l’euphorie. Mais pas les hallucinations. Le ciel bas lui crève les yeux, elle a l’impression d’entendre tout ce qu’il se passe du brin d’herbe sous ses semelles au vent contre les capes de ses camarades. Les particules se transforment en volute de fumée jaune, et en ruban qui se déroulent devant elle. Elle n’est pas capable de les quitter des yeux et les suit, les caressant du bout des doigts, comme on essaie d’attraper le vent dans sa main par la vitre d’une voiture - du moins quand on est moldu.

Elle aperçoit sa camarade au loin, et court vers elle. Ce n’est pas très agréable de courir, les tambours à ses chevilles lui martèle le crâne, son sang se déverse en cascade dans ses tempes. “Hey Saige! Marche pas si vite!” lance-t-elle à son amie, les yeux écarquillés et les joues rougies. Le terrain lui paraît encore loin, très loin, comme si soudain, les distances s’étiraient devant elle comme un long tunnel, un tunnel en chewing-gum. Elle titube un peu, désorientée par la géographie de ce lieu qu’elle connaît pourtant si bien.

L’air se resserre autour d’elle, les rubans jaunes se font agressifs, meurtriers. Ils s’enroulent autour d’elle, de son cou, de ses yeux. Elle est aveuglée et pourtant elle voit, mais c’est comme si son cerveau refusait de traduire les couleurs en des concepts. Elle a l’impression d’être si lente alors que le monde va si vite. Que son coeur va exploser, étreint par mille rubans. “Je crois que ça va pas”. dit-elle d’une voix blanche. “Faut que j’aille à l’infirmerie. Tu peux me déposer?”demande-t-elle faiblement, honteusement. Elle cherche fébrilement le reste de buvard pour donner à l’infirmière. “J’aurais pas dû prendre ça.”. Elle ne veut pas qu'on l'accompagne à l'infirmerie, sauf pour sécher les cours en boulottant des chocogrenouilles. Quand ça ne va vraiment pas, elle aime autant qu'il n'y ait pas de témoin. Mais il faut être réaliste. Toute seule, autant qu'elle s'allonge par terre et attende que le ruban finisse de l'étrangler.

Elle s’agrippe au bras de Saige, dans un brouillard percutant, peinant à respirer. Elle ne se souvient pas vraiment de son arrivée à l’infirmerie. Si ce n’est le soupir méprisant et la voix qui claque de la soignante : “Ne revenez pas avant demain. Et ça vaut pour tout le monde, même Jorgensen, s'il a soudainement mal à la jambe, il se contentera de regarder sa porte close.”.

***

L’infirmière est fâchée, mais soulagée aussi que Teodora ait simplement dit la vérité, sans fard. Si elle avait dû chercher d’elle-même ce que la gamine avait ingurgité, elle aurait perdu un temps précieux. Elle dissout d’un coup de baguette les composants. Beaucoup de merde. Mais rien de bien grave. Merlin soit remerciée, la poufsouffle n’a pas pris la dose complète, la crise devrait vite passer avec un peu d’aide.
“Je vous mets dans une salle seule, vous allez vomir en continu et perdre beaucoup d’eau. Mais ça ira mieux après. Buvez ça.”
Teodora ne proteste pas, elle avale le breuvage. S’installe sur le lit avec la bassine, sans un mot.
Est-ce qu’elle est trop mal pour parler? L’infirmière l’ignore. Elle laisse l’élève purger le mal par le mal.
Lorsqu’elle revient quelques minutes plus tard, elle la trouve sur le sol en chien de fusil. Demande si ça va. La jeune fille acquiesce. ça tangue moins allongée sur le sol dur, il fait moins chaud. Elle demande timidement un élastique pour ses cheveux.

Et ce sera tout. L’infirmière hésite… Doit-elle demander à son amie de revenir? Doit-elle lui tenir la main quelques instants? Elle a rarement vu une élève si jeune affronter ce genre de potion sans appeler à l’aide, une mère, un ami, l’infirmière. Non, elle tremble et verse ses larmes seules. C’est une dure à cuire. La soignante hésite à lui trouver une potion qui calme un peu les brûlures d’estomac qu’elle doit ressentir. Mais se ravise. Elle n’a pas l’air en détresse, autant que l’expérience ne lui laisse pas un bon souvenir.

L’infirmière prélève quelques larmes, les dissout. Il ne reste plus grand chose. Elle laisse un repas léger, à Teodora. Beaucoup de liquide, de minéraux. La jeune fille n’a pas faim. L’infirmière fronce les sourcils : “Votre coeur a été mis à rude épreuve, tout votre corps d’ailleurs. Allez prendre une douche, et buvez-moi ça.” Teodora se lève chancelante, se traîne jusqu’à la salle de bain de l’infirmerie, où un elfe lui tend une serviette et une hideuse chemise de nuit. Retour au lit. Elle boit. Elle a l’impression que tout le liquide veut rejoindre la bassine. Mais comme par magie, le repas reste littéralement collé à son estomac. Elle finit par sombrer.

L’infirmière est à son chevet quand elle se réveille.
“ - Comment vous sentez-vous?
- Normale, merci. Désolée pour…le travail.
- Vous devriez être désolée pour vous-même, faites-vous un concours de stupidité Von Meissen?
-C’était pour rire!
-Et c’était drôle?
-Non.
- Est-ce que vous avez une idée de ce qu’il y a là-dedans? Du sang de malédictus! Vous avez dû vous sentir plus grande que le monde entier, l’espace d’une seconde, avant que le reste des ingrédients détestables de ce poison vous mette à terre. Comment croyez-vous qu’on l’obtient ce sang? En demandant la permission?! Si vous ne le faites pas pour vous, éviter de contribuer à l’exploitation de ces pauvres gens.
-Je ne recommencerai pas.
-J’espère bien.
-Vous allez prévenir mes parents?
-A votre avis Von Meissen? Vous êtes passée à deux doigts de la crise cardiaque en prenant de la drogue. Bien sûr que je vais informer vos parents.
-C’est possible de … juste écrire à ma mère? mon père n'est pas souvent là de toute façon.”
L’air résigné de la jeune fille touche l’infirmière. La petite n’a pas négocié, et le regard éteint qu’elle lui offre l’inquiète un peu. Elle connaît Van Meissen comme un de ses petits crampons impertinents qui n’ont pas froid aux yeux et vous arnaquent en vous regardant droit dans les yeux. Le contraste est saisissant. L’infirmière ne répond pas. Elle n’écrira qu’un courrier et avec un peu de chance, il atterrira chez le parent disponible. Un petit savon option inquiétudes parentales, ça ne lui fera pas de mal.
“- J’ai demandé à Miss Billigton de venir vous chercher. Buvez beaucoup d’eau. Vous serez sûrement convoquée pour…déterminer la provenance du buvard.”

*** ^ ^ ^ ***

Teddy se sent honteuse…Une petite cuite ou un mauvais joint, c’est une chose. Mais là c’était vraiment ridicule. Et dangereux. Pas fun du tout. Elle espère que sa copine n’en n’a pas parlé à tout le monde. C’est pas glorieux. “Trop désolée Saige. Si j’avais su, je me serais abstenue t’sais. C’est gentil d’être venue me chercher quand même!” N’importe quoi était plus palpitant que ça. Si ça n’avait tenu qu’à elle, elle aurait été se planquer sous les couvertures en se composant une mine un peu moins cadavérique. Mais l’infirmière avait choisi pour elle…

Les jours filaient et ne se ressemblaient pas. Chaque matin commençait pourtant presque de la même manière, cette petite routine faignante, ce grognement déjà épuisé à l’idée de s’extirper de son lit pour aller crapahuter toute la journée en cours... Azure est déjà levée, plus alerte, les cheveux un peu en bataille, mais en avance sur Saige qui est, de toute façon, très en retard. Toute la journée, elle court après le temps, mais ça n’est pas plus mal. Elle s’amuse avec certains camarades, rit comme une idiote devant une nouvelle connerie de Kenneth avant de rejoindre Teddy pour flâner, d’apercevoir Silas au bras de Dash – bon, peut-être pas au bras, mais franchement ça ne l’étonnerait pas trop – de profiter des rares cours commun qu’elle a avec la poufsouffle pour faire ce qu’elle fait de mieux, à savoir buller pendant que le prof raconte sa vie. Ou sa matière, pour ce que ça change. Et de temps en temps, quelques répétitions de rock s’intercalent dans cet emploi du temps, des entraînements de quidditch aussi, des transformations plus ou moins appréciables... des sorties à Pré-au-Lard, des retenues parce qu’elle a rendu son devoir en retard – encore – et finalement, aucune journée n’est comme la précédente. C’est sans doute ça, la belle vie. Se lever et être à la fois bercée par la familiarité tout en découvrant après chaque aube un scenario un peu nouveau. Mais tous ne sont pas très plaisants.

Tout avait pourtant bien commencé et en entendant la voix de Teddy la héler peut-être un peu trop exagérément pour la distance qui les séparait et la vitesse effective de Saige, cette dernière s’était retournée vers elle, un grand sourire aux lèvres. La rousse titubait plus qu’elle ne marchait et ses joues juraient un peu avec la couleur de ses cheveux... il n’en fallut pas beaucoup plus pour que la gryffondor ne fronce légèrement les sourcils.

- Meuf, on dirait que tu sors d’un cours de potion et que t’as bu l’intégralité de mon chaudron raté, lâcha-t-elle malgré tout, un sourire aux lèvres, plutôt amusé par l’allure de son amie qui semblait toute joyeuse.

Son rictus se mua vite en une expression plus inquiète. Teddy n’avait vraiment pas l’air bien ; elle semblait presque vouloir faire concurrence à Silas et Saige réunis dans leurs pires moments. Avec peut-être un soupçon de Dash après sa rencontre avec l’hippogriffe.

- Tu crois ? rétorqua-t-elle d’un ton sarcastique... et inquiet. Elle lui tendit son bras, agrippant la main de sa camarade pour s’assurer qu’elle ne tombe pas. La blonde lorgna un instant sur le buvard, l’air suspicieuse. Elle ne s’y connaissait pas suffisamment en substance en tout genre pour reconnaître ce dont il s’agissait, mais nul besoin d’être douée en botanique ou en potions pour savoir que ça ne devait pas être bon.

Précautionneusement, elle prit la direction de l’infirmerie, sa malade sous le bras. Le trajet fut sans doute plus lent que ce qu’il aurait dû leur demander en temps normal, mais la poufsouffle était si agile et réactive qu’elle n’était pas sûre de parier sur elle si elle avait dû faire une course avec le vieux van Aken, lorsqu’il était encore en vie. L’infirmière sembla d’ailleurs partager son point de vue, récupérant la malade avant même que Saige n’ait le temps d’aligner deux mots avant de l’expulser aussi sec d’un ton chargé de menaces.

C’était terriblement frustrant. Elle n’avait pas le droit d’aller voir son amie et, pire encore si seulement c’était possible, ne pouvait même pas confier ses inquiétudes à qui que ce soit, par discrétion pour la pauvre poufsouffle. Jamais encore elle ne l’avait vu dans pareil état ; elle l’avait pourtant déjà vu après une soirée trop arrosée ou un peu défoncée, mais jamais à ce point-là. Jamais au point d’être escortée jusqu’à l’infirmerie, faute d’être capable de s’y rendre par ses propres moyens. Aussi quand l’infirmière lui avait envoyé un mot pour l’inviter à venir retrouver Teddy, cela avait été comme une délivrance. Elle avait filé si vite dans le couloir qu’elle était prête à parier que certains pensaient qu’elle courait après un vif d’or – et franchement, elle se sentait capable de l’attraper, aujourd’hui – pour retrouver la rousse à l’infirmerie, encore un peu groggy mais en meilleur état qu’à l’arrivée.

- T’inquiètes, on s’en fout de moi, tant que tu vas mieux, c’est l’essentiel ! fit-elle en balayant les excuses de son amie d’un geste de la main, comme si elle chassait une mouche.

Saige se hissa sur un lit libre, juste à côté de celui où était assise la musicienne, croisant les jambes en tailleur. Si l’infirmière passait à côté, elle se ferait sûrement houspiller pour oser mettre ses chaussures sur la couette propre, mais la gryffondor était à mille lieux de se préoccuper de ça.

- Qu’est-ce qui s’est passé ? Je t’ai jamais vu comme ça, c’était hyper bizarre... demanda-t-elle finalement.

Elle était souvent allée à l’hôpital et avait vu des dizaines de personnes dans des états peu envieux, mais lorsqu’il s’agissait de proches, c’était toujours plus marquant. Avec Silas, c’était un peu différent... ils s’amusaient tous deux de leurs soucis, profitant de cet humour noir des gens déjà condamnés, mais Teddy, c’était une première.

Retrouver Saige à l’infirmerie n’était pas aussi amusant que leurs rendez-vous habituels. Pourtant, la jeune fille était immensément reconnaissante de la trouver à ses côtés. Teddy sourit, penaude à la remarque de sa camarade. « Allez pire, c’est difficile, j’ai cru que j’allais crever. » dit-elle en faisant une grimace langue pendue. Elle en plaisantait, mais ce n’était clairement pas un euphémisme. Elle fit un peu de place à sa camarade sur le lit et s’assit à côté d’elle.

La question était légitime… La pauvre Saige avait dû bien flipper en la voyant zombifiée. Par où commencer. « Meuf je me sens TELLEMENT DEBILE. » En même temps, elle avait réellement brillé par sa naïveté confondante. La curiosité était clairement un vilain défaut. « J’ai croisé un type, Connor, à Pré-au-Lard, la dernière fois. T’sais quand je suis partie aux toilettes et que j’ai un peu galérer à vous rejoindre après. Je le connais vite fait, il aide parfois sur le marché où je travaille à décharger, à faire du montage. On a un peu discuté, il a parlé de mon concert, il m’a filé un truc qui ressemble à de l’acide pour que je puisse tester… J’ai trouvé ça un peu chelou mais bon, après tout… Généralement les gens qui bossent pour le Coven sont fréquentables. » dit-elle plus très convaincue par cette affirmation.

Elle soupira : « Et hier matin, je sais pas, j’étais… pas très motivée. Je me suis dit que ça rajouterait peut être un peu de fun dans ma journée. » Elle ricana : « ah bah j’ai été servie, franchement les dix premières minutes c’était troooop bien, genre le monde comme une fête foraine, les couleurs, l’adrénaline, l’impression d’être surpuissante. » Elle désigna le lit et l’infirmerie : « et après j’ai c’était genre, au secours je vais crever. Le cœur qui se sert à exploser, la vue qui se rétrécit tout noir à part une petite tête d’épingle, l’impression de plus rien comprendre. Vraiment naze. 0/10 ne recommande pas. » Par égard pour sa camarade, elle se garda bien d’évoquer la purge effectuée par l’infirmière. Teddy ignorait qu’il était possible de vomir et de suer autant. Elle devait s’être lavée au moins 10 fois depuis la fin de l’épreuve, mais avait le sentiment que ça ne suffirait jamais à faire partir la sensation de saleté.

« Apparemment, l’infirmière dit que c’était de la grosse daube. Qu’il mettait du sang de malédictus parce que ça à de supers effets et que ça masque les trucs de merde qu’ils rajoutent. Et qu’en plus c’est issu du traffic et tout. Et que si j’avais pris la pastille en entier j’aurais vraiment pu clamser, c’était pas qu’une impression. Trop la honte je te jure. Heureusement que j’ai pas partagé avec vous ! » Bon évidemment, l'infirmière n'avait pas dit que les effets du sang de malédictus étaient supers mais il fallait avouer que ça décoiffait et qu'elle aurait aimé se sentir comme ça plus souvent. Mais pas à ce tarif. La jeune fille était assez lucide sur son cas, elle n'était pas plus gentille ou généreuse qu'une autre, égocentrée, mais pas au point de vouloir qu'on pompe le sang de qui que ce soit. Ni de finir à moitié morte dans un coin. Il valait mieux se sentir médiocre 80% du temps.

Se rendre ridicule parce qu’on ne supportait pas une drogue un peu plus forte que d’habitude, s’attirer une masse d’ennuis, c’était une chose. Mais s’il était arrivé quelque chose à ses amis, elle ne se le serait jamais pardonné. Elle avait dit à Connor le connard que le fun était sa deuxième nature, pas les comportements suicidaires ou le meurtre organisé.

Après s’être fait un sang d’encre pour son amie, revoir Teddy en forme – ou en un seul morceau, à tout le moins – était rassurant. Elle avait encore une pâleur un peu maladive, ses taches de rousseur se détachant plus que d’accoutumée sur ses joues, mais elle semblait avoir repris suffisamment du poil de la bête – un lion, à n’en point douter – pour marquer d’un trait d’humour sa situation. Cela faisait du bien, non pas de savoir qu’elle s’était sentie mourir, mais de la voir suffisamment alerte pour ajouter un peu de comique, comme si ce qui lui était arrivée n’était qu’un vague malaise sans importance.

Un peu soulagée, Saige s’installa sur un bout du lit pour écouter l’histoire de la poufsouffle, comme un enfant se préparant à entendre un conte fait d’espionnage et de belle romance, opinant du chef lorsqu’elle évoqua la précédente excursion à Pré-au-Lard. Elle situait l’évènement, sans totalement voire encore où la jeune fille voulait en venir, mais se tint bien de la couper dans ses explications.

Petit à petit, l’adolescente commençait à comprendre ce qu’il s’était passé, mais jamais elle ne vit venir la conclusion finale. Une overdose, c’était une chose... et pas si surprenante que ça, à vrai dire. Teddy n’était pas la plus réticente des élèves pour s’essayer à quelque drogue qui circulait parfois entre les mains de certains. La gryffondor n’allait pas la blâmer pour ça, d’ailleurs ; elle n’était pas toujours irréprochable, quoiqu’elle n’ait encore jamais abusé au point de se sentir si mal qu’il faille être escortée manu militari à l’infirmerie... la dernière fois qu’elle s’y était rendue pour autre chose que sa malédiction, c’était pour avoir trop abusé de la bolognaise au repas, et encore, c’était pour avoir une bonne excuse afin de louper le cours de potions !

- La vache, t’as vraiment dû prendre de la merde pour en arriver à ça... lâcha-t-elle en imaginant ses symptômes. Elle n’avait pas simplement été défoncée.

Ça expliquait aussi pourquoi l’infirmière avait tant rudoyé les malheureux qui envisageaient l’idée de venir voir la convalescence de la rouquine.

- Apparemment, l’infirmière dit que c’était de la grosse daube. Qu’il mettait du sang de malédictus parce que ça à de supers effets et...

Elle n’entendit pas la suite, ou plutôt les paroles de Teddy ne parvinrent pas suffisamment à imprimer son esprit pour qu’elle y prête son attention. Celle dernière s’était focalisée sur la mention du sang de malédictus ; le cœur de Saige s’était soudainement noué d’anxiété et son visage se teinta d’une pâleur similaire à celle de sa camarade. Machinalement, ses doigts se mirent à jouer un peu avec ses chaussettes pour masquer cette tension qui l’étreignait peu à peu. Était-ce pour ça que la tenancière des lieux l’avait regardé un peu étrangement, lorsqu’elle était arrivée ? Elle avait initialement pensé que le coup d’œil était un reproche silencieux pour avoir buté dans le porte-parapluie en entrant, mais peut-être était-ce de savoir que l’une s’était droguée avec le sang des semblables de l’autre.

Il fallut quelques secondes à la gryffondor pour reprendre ses esprits et chasser tout un tas de pensées tantôt idiotes, tantôt angoissées. Elle posa finalement un regard sur son amie, articulant une question – la première qui vint à ses lèvres, quoique peut-être pas la plus pertinente :

- Depuis quand le sang de malédictus est une drogue ? Genre... c’est vraiment une drogue ou un truc marketing pour faire genre que c’est quelque chose de cool fait pour vendre encore plus de trucs ?

Son sang était une drogue. Elle ne l’avait pas vu venir, celle-là. Pourquoi personne ne lui avait jamais dit ? Pourquoi ne lui expliquait-on pas le peu de choses connues au sujet des gens comme... elle ? Sa mère avait-elle su ? Certainement pas... connaissant sa mère, elle n’aurait eu aucun scrupule à vendre son propre sang si cela lui permettait de s’offrir, à elle et sa fille, une meilleure condition de vie.

- ‘tain cette histoire est dingue... ce connard t’as quand même filé de la merde qui aurait pu te tuer, comme ça, juste pour le plaisir de te faire risquer la mort ?

Saige bouillonnait intérieurement contre cet homme, non parce qu’il distribuait des pastilles issues qu’un quelconque trafic – elle ne savait même pas si l’idée la gênait ou non – mais parce qu’il avait donné à son amie cette chose potentiellement mortelle. Elle lui en voulait d’autant plus en sachant que des hémoglobines semblables aux siennes avaient contribuées à la création de cette drogue qui aurait pu lui ravir Teddy.

En plus de s’être senti mal à en crever, la poufsouffle se sentait maintenant complètement honteuse et stupide. Ce qui d’un certain point de vue n’était peut être pas plus mal : ça avait le mérite de lui rappeler que ce n’est pas parce que le vendeur te dit que c’est amusant que ça l’est vraiment. A force de se lancer sans réfléchir, il lui arrivait des bricoles et celle-ci aurait pu être de taille. Elle acquiesça lorsque Saige s’inquiéta de la qualité de ce qu’elle avait ingurgité. C’était vraiment de la grosse saloperie oui.
Au point où elle en était, elle expliqua ce que l’infirmière lui avait dit. Après tout…Bien malgré elle, il était sûrement utile que Saige ait l’information…pour sa sécurité ? A part Zola, Silas et elle, Teddy ignorait si beaucoup d’élèves connaissaient sa condition particulière. Mais il valait mieux, enfin … ne pas trop l’ébruiter visiblement.

« Depuis quand, je sais pas. Mais l’infirmière a bien dit que c’était une drogue. Ou en tout cas que ça a les mêmes effets que la cocaïne d’après ce que j’ai compris. C'est juste que c'est coupé pour pas que ça coûte trop cher à faire j'imagine.» La jeune fille haussa les épaules : « mais tu te doutes bien qu’elle m’a pas fait la promo du truc hein. » Et à raison, il valait mieux éviter que ça ait l’air trop cool pour elle ou qui que ce soit d’ailleurs. « Elle avait pas l’air de plaisanter sur la manière de l’obtenir en tout cas. D’après elle…enfin, les malédictus ne sont pas vraiment d’accord. » Elle frissonna à l’idée qu’il puisse arriver quelque chose à Saige : « Elle a parlé d’exploitationet tout. »

Son regard c’était fait plus grave. « Honnêtement, je pense pas qu’il ce serait risqué à filer un truc volontairement mal dosé alors que enfin je sais pas il connaît plus ou moins ma mère ? » Ce serait complètement pété comme manière de faire : « Je crois que c’était juste l’échantillon gratuit dans l’espoir que je rapporte des clients. » Teddy ricana : « Il risque d’être déçu des recommandations. » Elle avait écrit à Kenneth et Caelan à peine avait-elle été en état de le faire. Et c’était mort pour lui, Connor le connard, si elle n’avait pas balancé le nom à l’infirmière et qu’elle n’en dirait pas plus au directeur, verrait son nom circulé chez tous les fêtards de Poudlard comme le mec pas fiable à qui acheter des trucs. « Mais va falloir faire attention. Et pas seulement à ce que je teste. Ça m’emmerderait qu’on te vampirise. »
Elle enlaça l’épaule de son amie et posa sa tête contre la sienne. « Enfin, là, t’inquiète, je suis au régime tisane de grand-mère pour un moment. Je vais être convoquée chez le Dirlo, mes parents prévenus. Je pense que ça va pas être la fête tout de suite, tout de suite. » Et pour la première fois probablement depuis qu’elle connaissait Saige, Teddy le disait sans regrets. Le souvenir de cette journée laisserait des traces. Peut-être pas pour très longtemps, mais suffisamment pour l’instant.

Saige laissa l’information maturer dans son esprit, encore abasourdi par ce qu’elle apprenait sur son propre sang. Cela lui paraissait irréel. Ça n’était pas faute d’avoir accepté l’inconnu qui planait sur sa malédiction... mais apprendre aujourd’hui que ce qui coulait entre ses veines, et qui pourrissait sa vie, était également une drogue très forte avait de quoi laisser pantois et ce d’autant plus que ça avait l’air d’être une chose connue suffisamment parmi les dealeurs pour en faire un business autour.

- Ouais, tu m’étonnes. J’aurais apprécié qu’elle me le dise n’empêche. Genre « attention, vous êtes littéralement une mule de drogue », ça aurait été sympa.

Surtout si une exploitation clandestine était faite sur le dos des premiers concernés... personne n’avait jamais envisagé l’hypothèse que ça pourrait être dangereux pour elle ?

- Ah bah ouais, qu’ils soient pas trop d’accord ça fait sens. Ça court pas les rues non plus, les malédictus, et on a pas une longévité de dingue, ça limite les sources de production.

Son esprit, gorgé de l’imaginaire glauque des Dark souls, la gratifiait de tout un tas d’images qui feraient sans doute fureur dans un jeu-vidéo, à grand renfort de dons de sang mortels de maledictus. L’idée la fit frissonner. Il en fallait pourtant beaucoup pour la dégouter, abreuvée qu’elle était depuis sa tendre enfance par des jeux et des films tous plus sanguinaires les uns que les autres. C’était là l’avantage d’une mère absente ; elle n’avait eu que peu de contrôle sur ce qu’elle regardait.

- Bah il a pas fait une école de commerce, ton dealeur.

Il aurait mieux fait de tester la marchandise lui-même avant de la distribuer au premier venu... surtout si le premier venu en question était son amie.

- Ça m’emmerderait aussi, répondit-elle en riant. « Surtout si c’est pour que t’y passe dans le processus. Mais fous plus jamais de trouille comme ça. »

Elle se laissa enlaça, refermant sa main sur celle de sa camarade, comme pour vérifier qu’elle était toujours là, en un seul morceau et bien vivante. Sa peau n’avait pas encore la fraîcheur cadavérique, c’était déjà un début. Les conséquences pour Teddy ne faisaient pourtant que commencer : les professeurs les attrapaient rarement quand ils fumaient ou buvaient quelque chose d’un peu douteux, mais lorsque cela arrivait, ça n’était jamais un moment plaisant. Sous Sørensen, cela lui aurait valu sûrement beaucoup plus de soucis qu’avec Armitage, mais elle n’échapperait sûrement pas à un bon gros sermon.

- Ça va aller avec tes parents ? demanda-t-elle d’un ton préoccupé.

Saige avait eu une mère qui lui pardonnait beaucoup de choses et les Shaw étaient également très compréhensibles, quoiqu’elle ne doutât pas qu’ils seraient très préoccupés s’il lui arrivait pareille mésaventure. En revanche, elle savait que Teddy venait d’un milieu relativement différent du sien et que son père pouvait être très strict, en plus d’être plutôt traditionnel. Une fille rockeuse, c’était une chose, mais frôler la mort à cause d’une drogue de mauvaise qualité, c’en était une autre infiniment plus difficile à excuser.

La poufsouffle acquiesça a la remarque désabusée de sa camarade. La jeune fille n’était pas une amatrice de théorie du complot, ni même du genre à faire des plans dans la comète. Elle ne réfléchissait pas plus loin que le bout de son nez, en témoignait la situation dans laquelle elle s’était trouvée la veille. Néanmoins, la plupart du temps, elle faisait preuve d’un certain instinct de conservation. Entendre son père frapper sa mère avait probablement aidé à ce qu’elle apprenne à décrypter plus rapidement le changement d’air dans une pièce. Avant cela, elle se doutait que ce n’était pas drôle et se méfiait. Une fois qu’elle avait su… Elle savait à quoi s’en tenir. Ne pas donner ce genre d’information à Saige, c’était risquer un peu de méfiance et pas assez de fuite.
« J’avoue que ça peut être super dangereux. Genre imagine t’as un médecin chelou qui te demande un peu trop souvent des prises de sang ou je sais pas quoi, bah même pas tu te méfies ! »
Elle fit la grimace en entendant parler de la mort programmée de Saige et de ses congénères. On pouvait transformer des théières en pot de chambre, mais faire des trucs utiles…La magie c’était pas encore ça. Une solution pour lever la malédiction plutôt que pour en faire de la drogue par exemple. Juste une idée qui passait par là.
«J’imagine même pas l’horreur de se faire attaquer et pomper le sang. Je préfère encore imaginer un truc un peu héroïque genre ‘’olalal j’ai pas de thunes je vais mourir, il faut que je nourrisse ma famille, prenez mon sang’’. C’est horrible aussi hein, mais au moins… ça fait moins psychopathe à tous les coins de rue. A deux doigts nous inscrire au club de duel meuf. »
La rousse n’aimait pas vraiment ce genre de discussion déprimante et sérieuse, mais on ne pouvait pas toujours y couper. Néanmoins elle se permit d’ajouter : « mais bon, à part en mettant la baguette directement dans l’œil de notre adversaire, je pense qu’on peut en venir directement aux mains plutôt que de perdre du temps avec les sortilèges. » Billington et Van Meissen n’étaient certainement pas les noms les plus doux aux oreilles du professeur Aylmer.

Teddy ricana en entendant Saige imaginer Connor en école de commerce, quoi qu’elle veuille dire par-là : « Le mec décharge des caisses sur les marchés, clairement, c’est pas lui qui tiens la caisse. » Mais sur ce coup-là, elle avait quand même été plus con que lui.
La jeune fille serra son amie contre elle. Faire la fête et des conneries c’était une chose, risquer d’en crever ce n’était pas vraiment au programme. Teddy n’avait pas vraiment d’envie suicidaire, explorer les limites devait rester amusant. Et elle était sincère en disant qu’elle se mettrait au vert un moment. Le fun la rattraperait plus tard.
Au moins le temps de se faire oublier quelques temps de tous les adultes du coin. « Hmmpf. Je pense que ma mère ça ira. Enfin, elle va pas me féliciter pour le performance mais bon, elle sera juste déçue une fois de plus quoi. » La jeune fille n’était même pas persuadée que sa mère soit réellement déçue de son comportement, simplement… obligée de faire comme si elle devait s’en préoccuper. « Brules un cierge pour que mon père l’apprenne pas. J’ai demandé à l’infirmière si elle pouvait juste prévenir ma mère mais visiblement faut que ce soit absoooolument au nom des deux responsables. »
Avec un peu de chance Igor ignorerait tout de cela, parce que Juniper n’aurait absolument pas envie de devoir en discuter avec lui et prendre des mesures. Pas envie de se faire reprocher d’être incapable de dresser leur enfant. Tout ce qui intéressait son père, c’était qu’elle parle un allemand correct. En cela, elle n’avait pas démérité.

Quand on savait dès son plus jeune âge que les probabilités de disparaître à un âge relativement jeune étaient très élevées, la vie prenait aisément une allure un peu différente de celles d’autres adolescents. Saige ne percevait pas son existence sur le long terme et ne s’inquiétait guère des risques qu’elle pouvait prendre au jour le jour, se disant qu’il valait pour elle profiter au maximum de ce qu’elle avait avant que le destin ne lui arrache, quitte à se le voir ravir un peu plus tôt qu’escompté par accident. Au moins aurait-elle vécu pleinement le temps qui lui était donné. Sa notion de danger était nécessairement biaisée et elle ne s’inquiétait pas outre mesure de mourir – ou au moins le croyait-elle – mais elle appréciait moins l’idée de se voir prélever du sang par un drogué en manque... cela ressemblait beaucoup trop à quelque chose de désagréable.

- Oh purée, je vais flipper d’aller à Sainte-Mangouste, maintenant ! rigola-t-elle, quoiqu’un peu sérieuse. Ils ne lui avaient rien dit alors qu’ils le savaient forcément et pour ça, ils allaient l’entendre !

L’hypothèse de Teddy la fit sourire, mais elle resta un instant suspendu dans son esprit, comme une idée qu’elle savait d’ores et déjà très mauvaise mais aussi plutôt séduisante. Son sang avait de la valeur... c’était bien la seule chose qui avait du prix qu’elle possédait par ailleurs. N’y avait-il pas là un bénéfice à tirer ? Une maigre consolation pour une malédiction qu’elle subissait depuis son plus jeune âge. Elle méritait au moins de pouvoir faire ce qu’elle souhaitait de son corps, de son sang... la gryffondor s’évertua pourtant à se chasser l’idée de la tête. Ça n’était pas le moment d’y penser – encore moins alors que son amie avait failli passer l’arme à gauche en partie à cause de la drogue – et elle avait beau être bornée, elle n’était pas assez idiote pour agir en ce sens sur un coup de tête.

- Mouais, t’as raison, le club de duel, c’est pas pour nous ! Elle haussa des épaules. « J’propose plutôt des armes moldues, genre un fusil ! Ça c’est efficace. Ou des cours d’arts martiaux ? Faudrait un club de boxe dans cette école. »

Elle marqua une pause, juste le temps pour qu’une image traverse son esprit et ne la fasse s’exclamer :

- Oh mais non, je sais ! Faut se défendre à grand coup de guitare dans la gueule. Si quelqu’un nous fait chier, j’suis sûre que je peux l’assommer avec ma basse. Ça, c’est metal, comme moyen de défense !

Elle dressa son index et son auriculaire pour faire le signe des rockers. C’était très certainement aussi efficace qu’un coup de cognard dans les omoplates, en tout cas. À ceci près qu’elle ne risquait pas d’emporter son instrument à plusieurs mètres de hauteur.

La suggestion revira vers le vendeur de Teddy, un type que Saige avait décidé de détester et qu’elle espérait bien croiser un jour pour expérimenter sur lui son tout nouvel art martial à grand coup de basse. Avec ça, il ne risquait pas d’oublier la leçon de sitôt.

- Bah s’il décharge les caisses, j’espère bien qu’il les tient à un moment, si, répondit-elle dans un grand sourire, très fière de cette blague.

Elle en riait, mais elle n’oubliait pas qu’il aurait pu tuer sa meilleure amie et que même si la jeune fille s’en était sortie indemne physiquement, elle allait au-devant de quelques problèmes avec l’école. Ou sa famille. Elle n’était sûrement pas la première à terminer à l’infirmerie pour une bêtise de ce genre et Poudlard avait connu bien pire, mais ses parents risquaient de ne pas partager la philosophie de Saige. De ce qu’elle en avait compris, les parents normaux s’énervaient facilement pour ce genre de choses... mais à vrai dire, elle-même n’avait jamais trop connu ça. Sa mère avait eu bien d’autres préoccupations et à l’instar de Silas, elle s’était très rapidement construite seule. Teddy, en revanche, c’était une autre affaire. Pas forcément mieux d’ailleurs, d’autant qu’elle était malgré tout issu d’un milieu un peu huppé chez les sorciers. Une sang-pur fauchée et cool, mais une sang-pur malgré tout. Ces gens n’étaient pas les plus sympas du monde, en général. À se demander si elle n’avait pas été adoptée.

- Ils sont chiants, dans cette école. Pourquoi faut toujours qu’ils en fassent qu’à leur sauce ? C’est ta mère qui gère tout, de toute façon, c’est elle qui signe tes autorisations de l’école, mais nan faut que monsieur soit prévenu...

Elle soupira.

- Pfff, j’te jure, ça me désespère.

Au début de sa scolarité, on lui avait à plusieurs reprises demandés des informations sur son père, son contact d’urgence... ils envoyaient même son bulletin scolaire en deux exemplaires, pour le transmettre à « monsieur Billington ». Il avait fallu du temps pour qu’ils finissent par comprendre que si un monsieur Billington existait bel et bien quelque part dans ce pays, il n’avait aucun lien de sang avec elle.

- J’suis sûre qu’en plus, c’est encore un truc idéologique de vouloir absolument prévenir le père. Genre, c’est le chef de famille, ou je-ne-sais-quelle-connerie ! acheva-t-elle d’un ton presque parodique. Silas commençait sérieusement à déteindre sur elle.

La révélation quant au sang de Malédictus entraînait son lot de questionnement. Tout cela était incroyablement dérangeant et potentiellement dangereux. Teddy avait le sentiment de plus en plus diffus qu’il était vraiment difficile et peu souhaitable de faire confiance aux adultes. Ils étaient toujours prompt à donner des leçons de morale, à expliquer des enjeux plus grands que l’humanité tout en entière et à la fois incapable de fournir des informations susceptibles d’aider des ados à survivre. Bon ok, ne pas prendre de la drogue et encore moins donnée par un inconnu, n’était pas un mauvais conseil. Mais elle n’aurait probablement jamais essayé ça si on lui avait d’emblée dit ‘’ hey tu sais qu’on trafique des humains pour l’obtenir’’. Elle était stupide mais pas dénuée d’empathie. Et il lui paraissait encore plus dingue que malgré tout le suivi dont Saige bénéficiait personne ne lui ait expliqué d’éviter d’aller au don du sang avec des types chelous. Merde quoi. Les trucs utiles, il fallait toujours qu’elles les apprennent toute seule. Alors pourquoi pas la boxe ou le tir à la carabine, au point où elles en était :

« Un fusil ? OUAH trop cool. Je crois que j’ai entendu dire que le garde chasse a un truc du genre. » Est-ce que c’était vrai, elle l’ignorait. Thomas ne s’était-il pas vanter d’avoir une arme pour se défendre ? Elle ignorait si elle avait vraiment envie d’aller fureter près de la cabane pour vérifier. Ce n’était pas une petite bêtise, même si elle ne faisait que de regarder. Et elle allait déjà prendre suffisamment cher dans l’immédiat sans en rajouter une couche. Aylmer trouverait sûrement ce genre de pensées déplorables, alors qu’elle possédait tout ce qu’il fallait sous forme d’une baguette. Mais elle était tout aussi déplorable quand il s’agissait de l’utiliser.
L’idée d’utiliser sa basse comme une massue fit ricaner la poufsouffle. Saige pouvait bien faire ce qu’elle voulait de son instrument, mais pour sa part, la guitare était sacrée.
« Je salis pas ma guitare sur la tête de n’importe qui t’es ouf toi. Elle est sacrée, du jus de cervelle dégueu de Connor le connard non merci, pauvre chouchoute. » C’était répugnant d’imaginer des fluides étrangers sur sa précieuse. Mais bon, peut être qu’en tout dernier recours, elle saurait passer outre ? Néanmoins, elle rendit son signe à Saige. « Un bon pogo des familles, et hop on l’assomme. » dit-elle avec un amusement évident. Il lui semblait reprendre un peu vie, elle ignorait si les couleurs avaient de nouveau rejoint ses joues, mais au moins n’avait-elle pu l’impression de revenir d’entre les morts.

Elle gloussa de manière fort peu élégante à la blague de sa camarade. C’était beaucoup plus drôle en tout cas que les histoires de responsabilités parentales. Teddy évitait de trop s’en plaindre à Saige. La poufsouffle n’était pas la plus délicate, mais au moins avait elle la décence de ne pas râler sur les disputes parentales auprès de quelqu’un dont la mère était un faucon et où l’arrivée en famille d’accueil ne s’était pas faite sans heurts. Ça allait un peu mieux maintenant mais… Teddy avait ses deux parents, des parents certes nazes, mais quel adolescent étaient en adoration devant sa famille ?
« Ouais. L’infirmière a du se dire que ça me ferait les pieds de me faire engueuler comme il se doit va. » Bon l’infirmière ignorait que sa mère avait pris des coups, que Teddy avait reçu une beuglante assez glaçante en début d’année la menaçant d’une visite à Pré au Lard. Mais elle ne se voyait pas expliquer ça à une parfaite inconnue qui aurait dû comprendre le message. Ce n’est pas comme si Teddy avait déjà craint de se faire punir au château. Elle avait l’habitude. « Je dirais bien qu’avec un peu de chance il sera je sais pas où et ne verra jamais la lettre, mais la chance fonctionne pas comme ça. » Teddy ne se faisait pas d’illusions. Peut être même que l’infirmière avait fait deux courriers séparés pour être sûrs qu’ils arrivent. Tant pis pour elle, la jeune fille aviserait une fois devant les darons.

La colère de Saige la fit sourire. Sûrement oui. Un bon vieux truc patriarcal. Tout comme ce château. Et si Juniper n’était pas la dernière à fustiger les hommes, elle était aussi la première à se soumettre à la volonté d’Igor…
«C’est pas ma mère qui va leur donner tort. Elle vit sa vie quand il n’est pas là, mais si mon père dit un truc, elle fait et elle se pose pas de question. »
C’était sûrement une question de survie. Mais Teddy avait du mal à ne pas lui en vouloir pour ça. Elle n’était jamais vraiment de son côté. Juniper n’était d’ailleurs d’aucun côté et semblait se contenter d’exister. « M’enfin… On verra bien, peut être que je suis comme les chats, que j’ai 9 vies et que du coup, on trouvera pas ma tête sur la porte d’entrée à Noël ! » dit-elle en plaisantant.

Un jour sans doute, ce que Saige venait d’apprendre sur son propre sang ferait l’objet de réflexions et de questionnements, mais ce moment n’était pas encore venu. Elle était trop inquiète pour son amie dont le visage n’avait pas encore retrouvé toutes ses couleurs ; elle souriait et riait facilement, mais la gryffondor savait combien Teddy était plus forte qu’elle n’en avait l’air et pouvait garder pour elle son mal. Si ça ne tenait qu’à elle, la malédictus irait régler quelques comptes avec le malotru qui avait osé mettre dans la main de la poufsouffle sa came de mauvaise qualité... mais sans doute n’était-elle pas très effrayante avec ses petits muscles d’adolescente et ses qualités douteuses en magie.

- Le garde-chasse a un fusil ? La classe. Je commence à comprendre ce qu’Azure trouve à l’apprenti, en fait.

Pour Shayne, elle saisissait : il était un joueur de quidditch, capitaine qui plus était, cela avait de quoi attirer les regards langoureux – même si le garçon n’était pas tout à fait le genre de Saige, elle pouvait comprendre l’attrait qu’il suscitait – mais pour le cracmol, elle était moins convaincue. Non pas parce qu’il n’avait pas de pouvoirs, ça elle s’en moquait à peu près autant que de sa première plume, mais parce qu’il n’était pas tout à fait un prince charmant. Sans doute était-il très gentil... mais la gentillesse ne faisait pas tout. La preuve en était qu’il n’était pas suffisant pour satisfaire la préfète.

- Du jus de cervelle ? T’es sûre qu’il en a une de cervelle, au moins ? J’suis sûre que si je tape sur sa tête avec ma basse, ça résonne mieux que la grosse caisse de la batterie de Salem.

La gryffondor ne prétendait pas avoir grand-chose dans sa cervelle d’oiseau, mais abaisser et critiquer l’ennemi désigné ne faisait pas de mal ; et puis, elle n’était peut-être pas la plus futée des filles, mais elle savait au moins s’entourer de personnes plus malines qu’elle, c’était déjà une forme d’intelligence !

- Mais ouais, t'as raison : ça serait du gâchis vu l'type. Il mérite pas d'approcher de nos instruments. Va pour le pogo, concéda-t-elle. « C'est pas comme si je pouvais prendre le risque de devoir me racheter une basse ! »

Déjà qu'elle économisait pour un balai qui soit un peu plus qualitatif que celui de Poudlard... quoiqu'il en soit, elle doutait que même lui soit assez bête pour recroiser Teddy. Après ce qu'il avait fait, il escomptait sûrement l'éviter. Il devait bien savoir que sa drogue était mauvaise et dangereuse, non ? Il valait mieux, en tout cas, que plus jamais elle ne le croise dans le coin de Pré-au-Lard, sinon il risquait de réaliser que les faucons avaient des serres et qu’elle les gardait bien aiguisées juste pour ce genre d’occasions. Saige n’avait encore jamais essayé de les planter dans la peau de quelqu’un, il ferait un parfait cobaye. Qui touchait à ses amis tâtait de ses armes naturelles ! Ça valait bien le fusil du garde-chasse, non ?

Un sentiment d’injustice grandissait progressivement dans le cœur de la gryffondor et le petit personnel de l’école en prenait également pour le grade, à tort ou à raison. Elle aurait aimé pouvoir dire à son amie qu’elle était certaine qu’ils n’allaient pas prévenir son père, que tout allait se passer pour le mieux... mais elle n’y croyait pas vraiment, elle non plus.

- T’as une tignasse de lionne. Lion et chat, c’presque la même chose, bien sûr que t’as 9 vies ! répondit-elle sur le même ton... quoiqu’elle commençait sérieusement à s’inquiéter de ce que pouvait cacher les propos de la poufsouffle. « De toute façon, personne n’a le droit de toucher à un seul de tes cheveux, avec qui j’fais mes conneries, moi sinon ? »

Et puis après tout, c’était elle la victime de l’histoire ! C’était l’autre connard de Connor dont il fallait s’occuper.

- J’imagine que c’est pas négociable de rester à Poudlard pendant les vacances, le temps que ça se tasse ?

Son père n’avait pas l’air d’être du genre à oublier ce genre de choses facilement, mais ça se tentait.

Teddy secoua affirmativement ses boucles rousses : « Tu crois qu’elle veut prendre une cartouche ? » La blague était mauvaise, mais au moins permettait-elle d’oublier un peu la violence de ce qu’elle venait de vire. Azure pouvait bien trouver que Thomas était le plus beau et le plus valeureux des gardes-chasses pour toutes les raisons qu’elle voulait. Teddy n’avait pas vraiment d’avis sur le garçon, son statut d’apprenti faisait qu’elle s’en méfiait un peu…Après tout il pouvait facilement balancer à ses collègues. Et de l’autre, elle n’avait pas vraiment de raisons de le prendre au sérieux, en tout cas pas plus qu’un préfet. Elle ne le fréquentait pas assez pour envisager de s’en faire un pote.
La poufsouffle gloussa en entendant la réplique de sa camarade. Connor n’était probablement pas calebasse la plus juteuse du panier certes. « Franchement, un bon passage à tabac franco, des fois, c’est encore le mieux. Quasiment sûre que Maximilianna peut nous faire des ongles qui ressemblent à des serres. » Il fallait se battre avec les armes qu’on avait. Et si Saige et Teddy étaient de petits formats, il suffisait de se rappeler du bonheur de passer une nuit coincé avec un moustique assoiffé : petit mais nuisible. Et puis Saige savait déjà s’en servir. Teddy était persuadée qu’elle apprendrait sûrement très vite.

Avec un grand sourire, la jeune fille serra son amie contre elle. « T’inquiètes, il va rien m’arriver. On a trop de choses à faire pour rendre ce château moins chiant. Je peux pas laisser tomber un projet pareil. Ni une amie pareille. » Teddy n’était pas une de ces adorables petites filles qui se laissaient marcher sur les pieds. Et elle était encore moins du genre à laisser quiconque blesser ses amis, maintenant qu’elle savait pour cette histoire de traffic de sang, elle ouvrirait les deux yeux bien grands, et sortirait les griffes si quiconque venait à reluquer trop prêt de la gryffondor. Peu de gens connaissaient sa particularité mais le monde magique recelait d’un millier de moyen d’être une sale fouine.
Teddy haussa les épaules fatalistes : « Non… Et puis de toute façon, avec l’audition pour Aurora et le concert qui paye bien : c’est plus rentable de se prendre une tempête que de rester à Poudlard. Mes parents ont l’habitude d’être déçus. Pas Aurora. » Et si d’autres auraient pu s’offusquer que Teddy montre plus de respect à sa professeur de solfège qu’à l’avis de ses parents, Saige connaissait suffisamment la jeune fille pour savoir qu’Aurora avait également probablement bien plus de considération pour la poufsouffle que sa propre famille. « T’es contente de rentrer chez Zola toi ? » Saige semblait mieux s’entendre avec la fille de ses tuteurs à présent, mais les débuts avaient été laborieux… et Noël était une période propice à la nostalgie. Du moins Teddy supposait que c’était le cas quand on avait passé des fêtes chaleureuses en famille.

Saige se fendit d’un sourire amusé, mimant avec ses mains un jeu de batterie :

- Badum tss ! Et reprenant un peu son sérieux, ajouta : « C’est ça ou son attrait pour l’autorité. Depuis qu’elle est préfète, elle doit se dire qu’il lui faut au moins un autre préfet ou un bébé membre du personnel. »

Est-ce qu’elle avait essayé de faire des avances à August ? Rien qu’à l’idée qu’Azure ne vienne discuter de ses déboires amoureux avec son co-préfet, elle se mit à grimacer. Ce serait si étrange... Remarque, au moins, la malédictus était bien placée pour lui prodiguer des conseils en la matière.

Mais trêves de grivoiseries, aussi distrayantes pouvaient-elles être : l’infirmerie n’était pas vraiment le lieu pour ça, encore moins alors que Teddy se remettait toujours d’un mauvais trip à base de sang maudit.

- Oh les ongles serres, je valide ! répondit-elle en éclatant de rire, les imaginant toutes deux avec des armes vernies au bout des doigts, prête à attaquer le trafiquant amateur.

Si seulement tous leurs problèmes pouvaient être réglés ainsi : quelques coups par ci, quelques moqueries par là... leurs vies seraient infiniment plus simples. Plus d’ennemis, pas de parents trop de stricts ou de malédiction menaçante. La gryffondor rendit à sa camarade un sourire tendre : sans véritable famille sur qui compter, certains de ses proches représentaient tout ce à quoi elle tenait dans sa vie... et Teddy était indéniablement de ceux-là. Elle n’imaginait pas une vie sans elle.

- À la vie à la mort ! Pour jouer des mauvais tours et préserver Poudlard de l’ennui.

Elle aurait bien chanté le générique de la Team Rocket, mais elle était pratiquement certaine que la poufsouffle n’avait pas la référence : un jour, il lui faudrait vraiment lui proposer une grosse session rattrapage... mais elles avaient des choses plus pressantes.

- Ouais, j’avoue... t’as une carrière à entretenir, ça serait con de passer à côté à cause d’une merde en sachet. Et puis quand tu seras une célébrité, tes parents seront obligés de reconnaître que tu gères la fougère.

Et tant pis si rockeuse n’était pas une carrière qu’ils rêvaient pour une parfaite fille au sang pur. Si les parents de l’adolescente ne l’encourageaient pas dans cette voie, les autres le feraient à leur place : Aurora, Salem, Silas, Ash ou elle... ils étaient tous là pour y croire à la place de deux personnes qui n’avaient d’autre réussite que la procréation de leur fille.

Saige ne répondit pas immédiatement à la question de son amie, haussant des épaules d’un air détaché. Les débuts chez les Shaw n’avaient pas toujours été simples, mais plus le temps passait mieux les choses allaient et Noël la laissait relativement indifférente. Oh c’était sympa, mais elle n’avait toujours été qu’habituée à des soirées en tête à tête avec sa mère – dans le meilleur des cas – où elles se permettaient un repas un poil plus luxueux et sortaient en ville pour profiter des éclairages. Ça n’était pas nécessairement le moment de l’année qui lui paraissait le plus important.

- En vrai, ouais. Ça se passe beaucoup mieux avec Zola et Noël avec Lucy et Ed, c’est cool. Ils ne risquent pas de disparaître dans un tourbillon de plumes, eux, franchement c’est reposant ! termina-t-elle en gloussant.

Les années aidant, elle pouvait désormais rire des aléas de la malédiction ; lorsqu’elle était petite, sa mère avait toujours fait au mieux pour qu’elle ne voit pas trop ses transformations mais il y avait inévitablement quelquefois où cela arrivait et cette possibilité restait imprégné dans son esprit comme une épée de Damoclès. À présent, elle devait s’accoutumer avec ses propres métamorphoses : l’adolescence les avait rendues plus fréquentes, là où enfant elles demeuraient relativement rares. Mais... eh bien, ça n’était pas comme si elle y pouvait grand-chose aussi préférait-elle y penser le moins possible.

Si Teddy pouvait compter sur une personne pour la faire se sentir mieux, c’était bien Saige. Elle était là depuis le premier jour à Poudlard et elle serait encore là au dernier, les deux jeunes filles, c’était à la vie à la mort : la poufsouffle n’en doutait pas un instant. Qu’il s’agisse de plaisanter, de pourfendre un ennemi commun ou de sujet sérieux, elle pouvait compter sur la gryffonne. Saige et elle n’en faisait jamais trop, se connaissant suffisamment pour entendre les non-dits et ne pas remuer le couteau dans la plaie de l’absence, mais sans contourner les problèmes pour autant. Elles pouvaient parler à cœur ouvert. Même si par pudeur, Teddy évitait de trop se plaindre de sa mère, si c’était Saige qui commençait, elle ne voyait pas le mal de continuer sur sa lancée. Chacune avait des jours avec et sans, il suffisait de s’adapter. Et Teddy était nulle pour beaucoup de chose, mais pas pour ça.

Elle regarda avec sérieux sa camarade : « Pas un sachet. Un truc comme une feuille de papier un peu épais, comme la déco des gâteaux. Où on écrirait ‘’reste loin de moi’’ plutôt que joyeux anniv’ quoi.» Si Teddy prenait la peine de corriger sa camarade, c’était pour lui éviter de retomber dessus, pas vraiment pour la typologie des saloperies à consommer. Elle aurait été bien en peine de toute façon, elle n’avait jamais rien essayer en poudre, et sa récente expérience ne lui faisait pas vraiment envie de plus d’exploration dans le domaine. « Ah bah, ça tu penses bien qu’ils sauront se féliciter d’avoir engendré un génie ! » dit-elle en levant les yeux au ciel, néanmoins amusée.

En vérité, ses parents avaient été moins impressionnés qu’elle ne l’avait espéré par sa victoire au concours. Peut-être sa mère avait-elle été un tout petit fière ? Son père…attendait probablement de trouver une utilité à son talent. Elle voyait dans ses yeux qu’il attendait plus, différemment, instinctivement, elle savait qu’il n’était pas vraiment intéressé par elle au final. Elle ferait sans eux, comme toujours. Du moins si le coup d’éclat de l’infirmière ne l’obligeait pas à faire un peu trop avec eux.
Elle sourit avec chaleur à son amie : « Oh c’est trop chouette ! J’espère que t’en profitera bien ! Moi ça va être le rush comme d’hab jusqu’au 26 et puis plus calme après. » Mais ce n’était jamais une vraie fête de famille. Si ce n’était pour se faire de l’argent de poche, elle était quasiment sûre que l’ambiance aurait été plus chaleureuse en tête à tête avec un tableau de la grande salle.

La drogue c’est mal. Les deux filles pourraient en faire leur slogan en cet instant présent, affalé sur un lit d’infirmerie en scandant d’âpres paroles à destination de celui qui en avait vendu à Teddy. Mais au fond, Saige n’était pas vraiment en colère. Pas encore à tout le moins. Elle était à la fois soulagée et inquiète pour son amie, qui n’en avait pas terminée avec les problèmes. La gryffondor ne pouvait pas tout à fait comprendre ce qu’elle encourait avec ses parents – elles venaient de familles bien trop différentes pour ça – mais elle se doutait bien que la rousse devait garder pour elle une partie de ses tourments. Alors elle n’insistait pas, par pudeur et soucieuse de ne pas la mettre mal à l’aise, préférant s’aventurer sur un sujet qui promettait un avenir plus lumineux. La musique. Elle n’avait peut-être pas le soutien de ses géniteurs mais elle avait celui indéfectible de Saige ; ça n’était pas pareil, bien sûr, mais elle compensait au mieux avec ses encouragements et en étant sa plus grande fan – rien que ça !

La maledictus opina du chef face au descriptif de l’objet litigieux qui se présentait sous un aspect perfide. Elle pouvait se révéler un peu casse-cou mais elle ne courait pas pour autant après les ennuis comme ceux-ci ; la drogue, à vrai dire, ne l’avait jamais particulièrement attiré. Un joint en soirée, peut-être, mais à défaut d’être toute blanche, elle ne tombait pas pour autant dans des excès.

- Qu’ils s’en félicitent, mais j’reste ta fan numéro 1, donc ils attendront derrière moi pour l’autographe, conclut-elle en riant, soucieuse de désamorcer un peu ce sujet qui ne semblait pas beaucoup enjouer la poufsouffle.

Définitivement chassés de la discussion – bien que l’ombre des parents de Teddy planait encore sur elles – c’était au tour de la famille d’accueil de Saige d’être évoquée. Mine de rien, elle avait eu beaucoup de chance en tombant sur eux : ils étaient prévenants, et même si Zola et elle avaient connu des moments compliqués, le temps aidait à apaiser leur relation. Noël promettait donc d’être plus tranquille que ce qu’elle avait connu par le passé. Quelque chose de sûrement assez simple et reposant, loin de l’effervescence constante de Poudlard ou de ce qui attendait son amie.

- T’as des trucs de prévus pendant les vacances, à part le bordel annuel au coven ?

La poufsouffle fréquentait quotidiennement beaucoup plus de monde qu’elle – dont l’emploi du temps principal était de jouer sur sa console – aussi était-elle toujours assez impressionnée par l’effervescence qui semblait grandir lors de grands évènements... mais à bien y réfléchir, elle était bien contente de ne pas vivre là-dedans ! Elle préférait la tranquillité de sa chambre aux mobilisations continues avec les adultes.

Teddy sourit avec chaleur à sa camarade. « Tu parles, t’auras pas besoin d’attendre, tu seras dans les backstages ou aux premières loges. T’en aurais ras le bol de mes signatures à force ! » dit-elle avec un sourire amusé. Elle n’imaginait pas vraiment sa vie sans Saige, et pourtant elle savait bien que rien n’était garanti. Peu importe tous ses voyages à Sainte Mangouste. C’était peut-être aussi pour cela qu’elle avait l’instinct immédiat de chérir cette amitié. Teddy et Saige étaient inséparables jusqu’à ce qu’il n’y ait pas d’autres choix.
Elle était contente d’entendre que Saige était maintenant bien intégrée dans sa famille d’accueil. Ça ne devait pas être facile de devoir se trouver un nouveau foyer et d’y faire son trou, surtout quand un autre enfant était déjà là. Et quel enfant ! Zola était si différente de Saige qu’il était difficilement imaginable qu’elles puissent s’entendre en un clin d’œil. Zola pouvait figurer aux clubs des meufs chiantes de l’école, toujours dans un livre et jamais à s’amuser. Mais la présence de la gryffondor semblait l’avoir ouverte un peu aux autres… Peut être que comme Selene, elle finirait par sortir un peu de son dortoir et à s’autoriser des folies qui n’impliquent pas une nuit blanche sur un roman.
« Non pas vraiment, je crois pas que je sois trop en position de faire des plans alors je verrais bien. » dit-elle en haussant les épaules. Il valait mieux ne pas demander quoi que ce soit vu sa prouesse du jour. Elle naviguerait en fonction de l’humeur parentale, ce serait suffisant. Elle trouverait toujours le temps d’écrire à Saige, peut être qu’elle pourrait négocier une sortie sur le chemin de traverse… Mais autant ne pas se faire de film pour l’instant.
Elle frissonna soudainement de fatigue et posa sa tête sur l’épaule de Saige : « Tu me raccompagnes ? Je crois que c’est l’heure de ma sieste. » Elle se sentait malgré tout beaucoup plus légère de ce temps passé en bonne compagnie.

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J'pourrais me saigner pour un peu de toi @Saige Billington et Teddy

Quelques semaines plus tôt.

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