Apprendre que Teddy avait embrassé des filles à leur soirée lui avait fait un électrochoc. Immédiatement, il avait voulu lui en parler, mais les mots n’avaient pas franchi la barrière de ses lèvres. Il se souvenait des paroles du dirlo au sujet des soirées ; au sujet de ces expériences propices aux confidences. C’était exactement ça, non ? C’était le moment de tenter quelque chose, pas vrai ? Et puis, il avait confiance en elle. Peut-être pas pour être la plus délicate, mais en tout cas pour garder le secret. Les deux adolescents avaient partagé une intimité crue et chaude sur le balcon du monde, une de ces intimités pourtant dénuées d’ambiguïté qui incitaient à l’abandon, à l’amitié solidaire. Silas n’était pas plus amoureux de Teddy que Teddy de lui ; ils étaient amis, et le fait qu’il n’existe aucun doute à ce sujet rendait leur relation solide comme du titane aux yeux du Serdaigle. C’était une vraie bouffée d’air frais en comparaison de cette tension étrange qui s’étirait entre Dash et lui depuis l’épisode du placard. Si ce dernier n’avait pas été concerné directement par son coming-out, si cette révélation ne mettait pas en péril leur relation, c’était évidemment vers lui qu’il se serait tourné. C’était son meilleur ami ; mais pour qu’il le reste, il avait dû enfouir cette partie de lui loin, très loin sous les sables du déni et de la honte. D’autant plus depuis ces mots qu’il avait prononcés dans le Poudlard Express. Il ne voulait pas le perdre, c’était tout. Et sans doute que la Poufsouffle serait la plus à même de comprendre ça, elle qui semblait également réceptive au charme du Gryffondor sans pour autant l’exprimer clairement.

Alors, Silas s’était résolu à écrire un mot léger à Teddy ; un peu tard par rapport à la fête, un peu à rebours comme s’il avait été mis au courant tardivement. Il ne voulait pas se fendre d’un mot grave, d’un « Il faut que je te parle » inquiétant. Un coming-out, ce n’était pas censé être inquiétant, si ? Il avait tourné ça de façon amusante, sans lui poser de question sur son orientation sexuelle. Et c’était tout ; ils établiraient une liste débile dans la salle inutilisée que Silas squattait habituellement. Peut-être que ce serait l’occasion de lui adresser une interrogation hésitante, de suggérer sa propre sexualité. Peut-être qu’il n’y parviendrait pas plus que les derniers mois écoulés, mais au moins était-il débarrassé du poids de l’obligation. Il ne s’était engagé à rien, sinon à passer un bon moment avec une amie.

Pourtant, il ne pouvait pas s’empêcher d’être nerveux. Tripotant fébrilement les oreilles de Bane, qui se laissait étonnamment faire, Silas était allongé sur la montagne de coussins apportés par Saige pour rendre la pièce confortable. Sa mauvaise jambe était artisanalement surélevée par son manteau roulé en boule sous son genou, et ses yeux perçants fixaient pensivement le plafond, voilés d’une appréhension qui ne lui ressemblait pas. Allongé en sphinx sur son torse, le ronronroulant battait de la queue d’un air agacé en laissant son maître torturer ses oreilles, sans toutefois faire mine de se dégager.

C’est sur ce drôle de spectacle que tomba la jeune fille lorsqu’elle poussa la porte de la salle inutilisée réquisitionnée par son ami. Silas se redressa sur un coude, grimaça, et se hissa sur les fesses pour se caler le dos contre les coussins alignés le long du mur, alors que Bane sautait de son torse dans un « miaou » indigné. Il l’accueillit d’un large sourire, tout de suite plus léger à la vue de cette crinière flamboyante familière.

— Hey ! Bienvenue dans mon antre pouilleuse, la salua-t-il en désignant les coussins à côté de lui pour l’inviter à le rejoindre. J’ai tout ce qu’il faut, ajouta le Serdaigle en tapotant du parchemin et une plume autoencreuse à côté du matelas improvisé de bric et de broc.

Il attendit que Teddy s’asseye à ses côtés pour lui donner un petit coup d’épaule joueur, non sans un regard par en dessous et un petit sourire mutin. Il aimait le fait que ça pouvait déraper à tout moment ; qu’ils pouvaient s’amuser à sauter de la case amitié à flirt sans que ce ne soit jamais un problème. C’était simple, c’était naturel et c’était excitant. Il aurait voulu plus de cette simplicité dans son quotidien. Mais il doutait de la sincérité de Dash quant au fait qu’il se fichait qu’il la fréquente, et la dernière chose qu’il voulait était de le blesser ; alors, tant pis, il se contenterait de ces entrevues volées.

Bane s’installa sur un meuble à l’opposé de la pièce, ostensiblement agacé par ce qu’il avait sous les yeux, sans pour autant être décidé à dissuader quiconque de faire quoi que ce soit. Le chat-qui-n’était-pas-un-chat se contenta donc de se coucher d’un air digne et d’attendre que le cirque soit terminé.

— Alors, on fait comment, du coup ? On fait une liste appréciative des personnes qu’on a galochées ou, tant qu’à faire, on se fait notre petit classement perso des beaux gosses et des belles gosses de Poudlard ? proposa le jeune homme en haussant un sourcil amusé.

Il lui fut difficile d’ignorer la bataille de regards entre le ronronroulant et la jeune fille lorsqu’elle pénétra dans son antre. Un discret sourire ourla ses lèvres malicieuses, mais il n’en dit pas un mot. À croire qu’ils se battaient pour son cœur ; la réalité était tout autre, mais elle n’en demeurait pas moins délicieusement comique. Le Serdaigle était à peu près persuadé que Teddy n’avait aucun besoin de se sentir menacée par Bane, qui était toujours très sensible à l’affection que son maître portait aux gens. Il faisait sa mauvaise tête parce qu’il n’était pas habitué à être chassé à la faveur de quelqu’un, voilà tout. Mais il y avait certaines choses que Silas ne souhaitait pas partager ; il les voulait pour lui tout seul et il voulait surtout les savourer à l’abri des regards, pour que jamais rien ne souille le souvenir de ces moments.

Pour son plus grand plaisir, Teddy se lova directement contre lui ; aussi ne se priva-t-il pas d’étendre un bras autour de ses épaules pour enfouir ses longs doigts de pianiste dans sa crinière bouclée, dont la texture et l’odeur lui rappelaient d’aussi doux que brûlants souvenirs. Oui, vraiment, il adorait la simplicité de son contact.

— Merci pour l’invit, c’est cosy et moelleux, tout ce que j’aime, glissa-t-elle en rencontrant ses yeux perçants tout aussi souriants que sa salutation.

— Ravi de t’accueillir, alors, ronronna-t-il, avant de virer de bord pour entrer dans le vif du sujet.

À présent qu’elle était dans ses bras et qu’ils se charriaient, sa décision lui paraissait beaucoup moins anxiogène. L’appréhension le quitta petit à petit, alors qu’il dessinait son idée aux allures de jeu à la jeune fille. L’adolescent fut toutefois déstabilisé par la Teddy qui lui fit soudain face, silencieuse et hésitante. Si la facette qu’elle lui avait dévoilée sur le balcon du monde l’avait déjà surpris, celle-ci le laissa sans voix. Il lui arrivait donc d’être démunie ou de ne pas toujours savoir quoi dire ? C’était presque choquant, pour lui – et, quelque part, à la fois inquiétant et attendrissant. Elle qui ne faisait jamais part de ses doutes lui ferait-elle donc suffisamment confiance pour se lancer ?

Suspendu à ses lèvres, il ne chercha pas à lui ravir la parole ou à la presser de questions, attendant que ses yeux retrouvent les siens. Que sa bouche s’ouvre sur une étonnante demande de réassurance, qu’elle s’empressa de saupoudrer d’autodérision en levant les yeux au ciel après s’être mordu la lèvre. Enfin, elle précisa sa pensée par des mots un peu maladroitement esquissés, cherchant d’un sourire celui de Silas qu’il avait laissé tomber sans chercher à le ramasser.

— Teddy…, soupira-t-il, avant de secouer la tête d’un air affligé.

Sa main qui, jusqu’ici, se promenait dans ses cheveux, glissa jusqu’à sa joue tachée de son pour lui faire tourner légèrement la tête ; juste ce qu’il fallait pour que leurs lèvres se trouvent un bref, mais sincère moment. Leurs nez s’effleurèrent, puis il se redressa en reprenant finalement ce sourire oublié pour dissiper son anxiété.

— Tu es incomparable, lâcha-t-il du bout des lèvres – pas à contrecœur ou par répugnance, mais parce qu’il s’agissait d’un mot d’affection qui ne se disait pas tout haut.

Et il était sincère. Au même titre qu’il n’avait jamais songé une seule seconde à inclure sérieusement ses amis dans cette liste purement plastique, prétexte pour gratter le vernis d’une vérité trop longtemps enfouie. Dash, évidemment, caracolait en tête – mais Silas était encore suffisamment lucide pour savoir que cela tenait à ses sentiments et non à son apparence. Son apparence, il l’aimait parce qu’il était Dash ; il ne voudrait jamais d’une silhouette différente, car sa familiarité faisait tout autant partie du feu qui couvait dans sa poitrine que le reste de cet amour étincelant de soleil.

— C’est juste pour le fun, cette liste. C’est, genre… drôle, exposa-t-il en cherchant ses mots. Mais je compare pas vraiment les gens entre eux, tu vois ? Si je passe du temps avec toi, c’est parce que tu es toi et que personne d’autre peut me donner ça. Donc non, je comptais pas nous inclure dans ce classement débile, conclut-il en haussant une épaule et une lippe boudeuse.

Il se sentait contrarié que Teddy ait pu penser ça une seconde – qu’elle ait ressassé, qu’elle ait envisagé qu’il s’agisse d’une compétition cruelle qu’il organisait en huis clos pour fragiliser son ego. Il avait déjà entendu de sales histoires de mecs qui faisaient des trucs comme ça, et jamais de la vie il ne voulait être associé à ces connards. Il espérait donc qu’elle était rassurée par ses mots, ses gestes, ce regard pas en reste qu’il soutenait sans faillir. Tout ça parut néanmoins suffisant, car elle bifurqua vers la liste à proprement dite en commençant à égrener des noms qui lui arrachèrent des « oh », des « ah » et des rires – enfin, sauf Ashton. Chipperfield, ça le faisait moyen marrer de l’imaginer toucher Teddy.

— Mmmmh, alors on est d’accord que pour les gens qu’on a embrassés on reste sur ce qui valait vraiment le coup ? l’avait-elle interrogé en préambule de cette liste, ce à quoi il avait aussitôt acquiescé.

— Bien évidemment. Zéro intérêt, sinon, avait-il souri de toutes ses dents dans ce sourire de chat qui lui allait comme un gant.

Il ne se priva pas de pousser un « Eurk » exagéré en l’entendant affirmer que Chipperfield embrassait bien, en plus de mimer l’acte de vomir pour en rajouter une couche. Que ce soit le mec le plus canon de l’école, bon, passe encore, mais qu’elle l’ait embrassé et qu’elle ait aimé ça… ! Silas dissimula mal son mécontentement, outré que cette triple buse d’Ashton qui jouait avec les émotions des gens comme avec les cordes de sa guitare lui ait laissé un quelconque souvenir positif de cet ordre-là. Il devait avouer qu’il se serait amplement satisfait de savoir qu’il était oubliable. Sa bouderie se dilua cependant à l’écoute des deux autres noms, abondant dans son sens lorsqu’elle complimenta Amelia avant d’éclater de rire à l’évocation de son admiration pour Agatha.

— Maintenant que t’y penses ? Parce qu’avant de l’embrasser tu l’avais pas remarqué, genre ? la taquina-t-il pour tenter de discerner les formes que prendrait le virage de cette discussion. Et… Agatha ? explosa-t-il de rire à nouveau. Ouais, OK, elle est charismatique, mais chais pas… Je la trouve un peu insipide dans son genre, genre mannequin sur papier glacé, exposa-t-il après un instant de réflexion. Mais t’es trop choue à t’exciter parce qu’elle t’a fait un compliment, rigola-t-il en coulant un regard vers les traces de ce rose qui n’avait pas encore tout à fait disparu sur les joues de la jeune fille. Tu la kiffes un peu, en vrai, hein ? la taquina le Serdaigle avec un grand sourire insupportable.

Leur échange se mua cependant en silence, alors que la discussion s’étirait d’une virgule au goût fruité. Teddy perdit une main dans ses cheveux, puis sur sa joue, puis ses lèvres sur les siennes. C’était tout doux et tout rond, comme une pêche bien mûre à la peau de velours. Ils ne se séparèrent que pour embrayer sur la suite de cette débilité sans nom, mais qui avait au moins le mérite de les faire bien marrer.

Silas ne se priva pas de lever les yeux au ciel à son petit défi, quoiqu’en dodelinant de la tête pour admettre qu’elle n’avait pas tort – inutile de préciser que la guitare était superflue dans l’équation s’il s’agissait de baver sur le torse nu d’Ashton. Saige et Azraël s’invitèrent dans la conversation, ce qu’il considéra tour à tour en levant un regard pensif vers le plafond.

— J’avoue que Saige c’est un peu comme une frangine donc bon, je la mettrais pas sur ce genre de liste. Même si ouais, objectivement, elle est super canon – et j’pense que je casserais la gueule au premier con qui dirait le contraire. Azraël est mignon, ajouta-t-il après une légère hésitation, comme on trempe un orteil dans l’eau pour la goûter, guettant la réaction de son amie, mais c’est pas trop mon genre.

Toutefois, une nouvelle hésitation se glissa dans la discussion, ennuagea le regard de Teddy d’une drôle de façon. Silas se sentit troublé de la voir arborer ces yeux qu’il lui avait si peu vus, mais se laissa surprendre par le numéro un de sa liste tandis qu’elle relevait ses prunelles sans mot dire vers lui, avant d’enfouir sa tête dans le premier coussin après avoir ri en le suppliant de l’arrêter.

— Ok je dis plus rien j’en ai assez fait. À toi maintenant. Et balance-moi cette feuille à la cheminée, lance-t-elle d’une voix étouffée par l’oreiller, vraisemblablement un peu honteuse de ce choix aux allures de confession.

Mais si Silas ne s’attendait pas à ce qu’elle aborde d’elle-même ce crush qu’il devinait sans peine depuis qu’il les avait vus ensemble, sa seule réaction fut d’étirer un petit sourire attendri par la vulnérabilité dont elle venait de faire preuve ; par la confiance qu’elle lui accordait par le biais de cet aveu – peut-être de faiblesse, à ses yeux. Alors, ses lèvres formèrent des mots rassurants, qui se voulaient dégagés, mais il n’était pas préparé à se montrer si brutalement honnête :

— Moi aussi, je mettrais Dash au-dessus de tout le monde.

Malgré sa gorge désormais nouée, il ne put s’empêcher de dispenser une caresse légère dans les cheveux qui dissimulaient son amie ; en geste d’apaisement et de paix, sans doute, mais surtout par affection.

Il n’était pas préparé à lire autant de vulnérabilité sur le visage désormais familier de la jeune fille. La rassurer lui avait paru aussi évident que naturel, puisqu’il n’était certainement pas question d’instaurer une quelconque rivalité avec le moindre de ses amis ; ce n’était ni son genre ni son objectif. Et Silas n’était pas davantage le type de garçon qui jouait avec les fragilités de son entourage. Il ne comptait déjà que peu de personnes, dans ce fameux entourage ! Il devait en prendre soin – au moins un peu – s’il ne voulait pas se retrouver seul comme un abruti fini. Peut-être que c’était ce qu’il méritait, au fond, mais il n’en avait pas envie ; du moins, pour le moment. Il voulait encore profiter de ses amis, aussi longtemps qu’ils s’infligeraient sa présence désagréable, le poids qu’il représentait sans aucun doute sur leurs poitrines. Après tout, n’avait-il pas collectionné les emmerdes depuis son retour ? Ils en avaient tous bavé, par sa faute. Le mieux qu’il pouvait faire, c’était devenir tout petit et faire de son mieux pour les soutenir – que ses desideratas passent après les leurs, pour une fois. Et puis, ce n’était pas dur de complimenter Teddy ; elle avait des défauts faciles à identifier, mais tout autant de qualités qui sautaient aux yeux. Elle seule n’en était pas consciente.

La voir rougir lui fit un drôle d’effet ; à peu près aussi drôle que de sentir son regard fuir, de constater la faille dans l’aplomb de cette personnalité flamboyante. Un chuchotis reconnaissant lui répondit ; il ne rebondit pas sur celui-ci, se fendant plutôt d’un sourire à la mention du fun à venir. Teddy n’était certainement pas le genre de fille à vouloir s’attarder sur ses moments de vulnérabilité – et il n’était personne pour les disséquer.

Tandis que les noms défilaient sur la liste superficielle, Teddy s’étonna de sa réaction à la mention de Chipperfield.

— Tu serais notre exception pour confirmer la règle ? l’interrogea-t-elle, rieuse.

Une épaule molle s’agita, un peu hésitante, tandis que ses lèvres s’étiraient en un rictus désabusé.

— Nan mais… Je sais qu’il est canon, grogna-t-il. J’ai des yeux, hein. Mais j’peux pas me l’voir, c’est tout.

La conclusion était sans appel, quoiqu’elle taise le jugement qui l’y avait mené. L’adolescent n’avait aucune envie d’aborder son coming-out par le biais d’Ashton – vraiment, vraiment pas. Il y avait toujours quelque chose qui clochait chez lui, quelque chose qui clochait dans cette attirance irrépressible qui ne paraissait souffrir aucune comparaison ; c’était bien mystérieux, quand on mesurait la force des sentiments qu’il nourrissait pour Dash. Mais cette énigme-là attendrait bien la prochaine occasion pour être résolue, car le présent accaparait trop son attention.

La conversation dériva vers des horizons plus féminins, moins définis aussi. Amelia, Agatha… Teddy faisait le pitre, évoquait son attirance comme une évidence – rien ne semblait la troubler dans ses dires, dans ce désir dont elle dessinait les contours du bout des lèvres. Était-elle réellement attirée par les filles ? Était-ce aussi simple que ça ? Silas pouvait-il parler de sa propre bisexualité avec autant de nonchalance ? La perplexité se lisait sans doute sur le visage du garçon, dont le rire se fit un peu pâle en réponse aux bêtises chantonnées de sa camarade. D’une voix un peu enrouée, il l’interrogea :

— Et, genre… Tu sortirais avec l’une d’elles si elle te demandait sérieusement ?

C’était timide, un peu pataud, mais la curiosité qui ourlait les guillemets de cette question était suffisamment sincère pour apparaître relativement innocente. De toute façon, les mots se perdirent bientôt dans un baiser doux qui lui réchauffa les côtes et adoucit son cœur ; il aimait vraiment la simplicité de leur complicité et de leur alchimie. Peut-être qu’elle était vraiment le remède à l’écueil de ses sentiments pour son meilleur ami ; peut-être qu’elle réussirait à noyer cet espoir dans une eau douce et chaude qui nettoierait ses plaies. Et puis, même si elle ne l’était pas, il n’avait pas envie qu’elle lui file entre les doigts. Il tenait à elle maintenant, c’était trop tard.

Le ballet des noms reprit, émaillé de sourires et de malice, ainsi que d’une petite pique gentillette dont se fendit Teddy sans se cacher :

— Ok, pas ton genre, je note. Mais pour l’instant, tu commentes plus ma liste que de balancer la tienne très cher, c’est qui ton genre alors ?

Prenant une discrète inspiration qu’il maquilla en soupir faussement agacé, il fit mine de réfléchir – quand bien même il n’y avait rien à réfléchir. Dans une petite grimace indécise, il lâcha :

— Willow, Hayden… Ce genre-là.

Il fallait avoir de la merde dans les yeux pour pas les trouver super canon, non ?

Et il fallait surtout avoir de la merde dans les yeux pour ne pas voir le crush réciproque de Teddy pour Dash. Et apparemment, c’était également le cas concernant l’attirance de Silas pour son meilleur ami… Il déglutit difficilement, un instant choqué, sonné de prendre conscience que c’était peut-être si facile de voir dans son regard toutes les étoiles que Dash y allumait. Seule la caresse très légère sur sa cuisse lui assura qu’elle n’émettait aucun jugement sur ce constat, tandis que ses mots déroulaient des paroles aussi légères alors qu’elle se blottissait contre lui dans ce naufrage qu’ils partageaient vraisemblablement. Deux idiots sur un bateau sans gourvernail, perdus en haute mer.

— Imprenable ? répéta-t-il en clignant des yeux, de lointains carillons assaillant ses oreilles.

Qu’est-ce que ça voulait dire ? Qu’est-ce qu’elle désignait par cette métaphore ?

— Ça se voit tant que ça ? finit-il par demander, l’air soudain très vulnérable.

Est-ce que tout le monde le voit ?

Est-ce qu’ils pourraient s’en servir contre lui ? Est-ce que les moqueries s’intensifieraient lorsqu’il assumerait un coming-out au-delà de la sphère intime ?

— Je te dirais bien que le meilleur gagne, mais je crois que t’as une longueur d’avance de toute façon, alors je ferai la pom-pom-girl, acheva-t-elle d’un ton qu’elle voulait sans doute dégagé, mais dont les accents sonnaient résolument tristes aux oreilles de Silas.

Le Serdaigle fronça les sourcils et secoua lentement la tête, refermant ses bras autour d’elle – comme pour affirmer qu’il ne la lâcherait pas.

— J’ai pas de longueur d’avance. Chuis dans la friendzone et j’vais y rester. Déjà, il aime pas les mecs, et puis hors de question de tout gâcher, affirma-t-il d’un ton sans appel. Toi, par contre… S’il arrêtait de se mettre en tête que t’es ma meuf, j’pense qu’y aurait moyen, glissa-t-il l’air de rien.

Il se sentait un peu coincé. S’il ne disait rien, il était un mauvais ami – à la fois pour Teddy et pour Dash ; s’il en disait trop, il trahissait Dash. Silas était réduit aux insinuations et à faire mine de s’approprier cette réflexion, quand bien même il savait pertinemment que s’il n’avait jamais embrassé Teddy, son meilleur ami filerait probablement le parfait amour avec elle. Et sans doute Teddy préférerait-elle mille fois que Dash soit à sa place, après tout. Il fallait admettre que si tout gâcher en permanence avait été un métier, il serait riche depuis très longtemps. Gagné par l’amertume, le jeune homme se laissa glisser le long du mur invisible que dressaient ses peurs et ses angoisses les plus intimes ; celles qui se rejoignaient à la croisée des chemins et cristallisaient la terreur de perdre encore davantage de proches.

— Mais si vous vous mettez ensemble, vous me lâchez pas, hein ?

Le point d’interrogation tremblait, sonnait presque davantage comme une supplication plutôt qu’une question. Parce que Silas était persuadé que lorsqu’il cesserait de se mettre entre eux, ils prendraient conscience qu’il ne leur apportait que des emmerdes ; et il serait seul.

Le moins qu’on puisse dire, c’était que Silas ne s’attendait pas le moins du monde à cette réponse lorsqu’il avait posé la question de sortir avec une fille. Lui qui pensait trouver des clés, peut-être une esquisse de camaraderie queer au sortir de cette interrogation hésitante, se surprit à écouter ses doutes et ses craintes quant au simple fait de s’engager avec qui que ce soit – fille ou garçon. La moue qu’elle avait esquissée au tout début avait présagé une nouvelle réplique surprenante, pour lui qui n’était pas habitué à ce que la jeune fille s’ouvre autant à lui, mais la façon dont elle se racla la gorge pour achever sa tirade le plongea dans un abîme de perplexité qui faisait douloureusement écho au sien. Il ne se voyait pas davantage qu’elle sortir avec quelqu’un. Bien sûr, il y avait Dash dans la balance ; inévitablement, il n’avait aucune envie de faire croire à qui que ce soit que c’était sérieux entre eux alors qu’il était aussi éperdument amoureux de son meilleur ami. Il pouvait se montrer cruel dans ses pires moments de douleur, mais faire subir ça à quelqu’un, ça n’était pas lui. Mais il n’y avait pas que ça : le regard des autres, il ne le voulait ni sur lui ni sur la personne qu’il fréquentait. Ça le mettait mal à l’aise. Il le subissait déjà trop au quotidien avec sa jambe, il n’avait pas envie de faire subir les moqueries dont il était victime à son ou sa malheureuse partenaire. Quand on s’acoquinait avec un paria, on en devenait soi-même un, c’était comme ça.

D’un geste doux, il dégagea le visage de son amie.

— OK, je vois. J’pense que je comprends un peu. Mais t’sais, tu mérites quelqu’un qui voudra ni te faire changer ni t’embrouiller pour rien. T’es parfaite comme t’es, je t’échangerai contre personne – et surtout pas Agatha, eurk, acheva-t-il avec une moue théâtralement écœurée. J’préfère les filles qui jurent et qui suent à celles qui pètent plus haut que leur cul, déso pas déso.

Teddy, c’était probablement la fille parfaite selon ses propres standards, en fait. Flamboyante, bruyante, pleine d’audace, franc du collier, qui met les mains dans le cambouis et casse les couilles de tout le monde avec sa passion ; ouais, c’était sûrement la fille rêvée sur le papier. Y aurait pas eu Dash… Peut-être… Mais en vrai, qu’est-ce qu’il en savait ? Peut-être qu’au contraire, c’était depuis le début l’amie du tonnerre qui lui manquait ? Mais est-ce qu’elle méritait un ami aussi boiteux que lui ? Ça, c’était vraiment pas sûr. Il lui souhaitait mieux.

— Hayden ok, Willow… je sais pas, je le sens pas trop mais il est pas mal ouais, admit-elle en réponse à l’énumération de son propre genre de mecs.

Le Serdaigle haussa une épaule pas très convaincue, étirant une lippe songeuse.

— En vrai, je parle vraiment que de leur plastique. Je les connais pas, ni l’un ni l’autre.

Il avait juste eu son premier crush sur Hayden en troisième année et Willow était clairement rentré dans ton top des plus beaux mecs de Poudlard dès l’instant où il l’avait vu, c’était tout ce qu’il savait. Et tout ça n’eut bientôt plus aucune importance lorsque Dash arriva sur le tapis ; lorsque ses propres sentiments furent exposés aussi simplement que s’ils avaient toujours été évidents, provoquant un emballement angoissé de son cœur abîmé. Son angoisse était d’ailleurs probablement visible sur ses traits soudain tirés, car Teddy s’empressa de le rassurer :

— Je voulais pas dire que ça se voyait à fond qu’il te plaisait. Enfin, maintenant oui, c’est évident que c’est pas juste pour le fun, admit-elle ensuite. Mais par contre, ce qui est évident, c’est que vous n’avez besoin de personne d’autre quand vous êtes tous les deux. Y a juste pas la place. On ne peut pas vraiment s’insérer dans la conversation, y a pas d’espace sur le canapé, c’est vous deux et c’est tout, exposa-t-elle sans aucune trace de reproche dans la voix.

Silas cilla d’un air aussi étonné que dépité, penchant la tête pour mieux scruter l’expression de sa camarade qui avait refait surface pour se blottir contre lui.

— J’ai pas cette impression. Chuis désolé si tu l’as et qu’on t’a pas assez inclue, s’excusa-t-il d’abord, un pincement piquant sa poitrine à l’idée qu’elle se soit sentie de trop alors que Dash et lui l’appréciaient tout autant. Puis t’sais, c’est pas juste que…, ajouta-t-il péniblement, la gorge soudain asséchée comme un putain de désert, c’est pas juste qu’il me plaît, tu vois, lâcha-t-il avec un trémolo dans la voix.

Est-ce qu’il avait vraiment besoin d’en dire plus ?

Un rire désabusé passa le barrage de ses lèvres tremblantes.

— C’est la merde, conclut-il d’une voix rocailleuse, effritée.

Mais si son cas était désespéré, celui de Teddy ne l’était pas forcément. Pourtant, contre toute attente, le récit de la dernière entrevue en tête-à-tête avec Dash lui fit l’effet d’un seau d’eau froide. Son visage se décomposa à mesure que le récit avançait ; à mesure qu’il comprenait que si Dash agissait de la sorte, c’était parce qu’il était persuadé que son meilleur pote sortait avec cette fille sur laquelle il crushait pourtant. Silas avait autant envie de l’insulter d’avoir gâché sa chance de cette façon et fait de la peine à Teddy que de se punir à coups de lame furieux pour noyer dans l’hémoglobine sa rage de n’exister que par la ruine et le chaos qu’il dispensait sur son chemin.

D’un geste enveloppant, il serra la jeune fille contre lui de ses deux bras nerveux en signe de réconfort.

— T’sais, il est persuadé qu’on sort ensemble donc chuis sûr qu’il voulait pas, genre, me trahir ou une merde du genre tu vois ? C’était vraiment pas contre toi, c’est pas son genre du tout, ça j’en suis sûr, déclara-t-il – autant pour apaiser la peine qui brillait dans ses yeux et qu’il aurait voulu chasser d’un baiser sur ses paupières que pour défendre son crétin de meilleur ami.

La tête de la Poufsouffle se nicha contre son épaule, ses mots se hissant jusqu’à ses oreilles pour tenter de le rassurer à son tour ; émiettant au passage des restes de ses propres insécurités, des priorités qu’avait dessinées Dash en refusant ou en repoussant. Parfois, il avait du mal à comprendre ce qui bourdonnait dans la tête de son ami pour le mettre dans des situations pareilles. Peut-être que c’était tout simplement sa faute, au fond, s’il devait marcher sur des charbons ardents en permanence. L’année qu’il avait passée sans lui semblait bien mieux se dérouler que ce retour catastrophique. Peut-être que Dash devrait arrêter de le choisir, lui, alors que d’autres auraient mille fois mieux mérité son attention et sa gentillesse.

— On est amis, non ? Avec ou sans roulage de pelle ? l’interrogea Teddy, dans un sourire qui lui brisa le cœur.

— Bah ouais ! s’écria-t-il un peu trop fort, un peu trop spontanément. Le roulage de pelle, c’est du bonus. Mais le reste, par contre, je l’échangerai contre rien au monde, assura-t-il avec la puissance absolue de l’adolescence convaincue que les liens tissés étaient indestructibles. T’es la seule avec Dash, à qui j’ai dit ce qu’il s’est passé, ajouta-t-il, sentant qu’il était nécessaire de souligner la confiance rare qu’il lui accordait.

Saige savait aussi, mais parce qu’elle en avait été témoin ; ce n’était pas une histoire de confiance, tandis que ce qui les liait Teddy et lui, à cet instant, avait davantage à voir avec la foi qu’on pouvait accorder à ceux qu’on aimait. Avec un sérieux inhabituel, il abaissa ses longs cils vers elle pour chercher ses yeux ; son regard, à lui, était chargé d’orage et de tempête ; de ces éclairs qu’il ne réservait qu’aux promesses courroucées de fidélité qu’il ne décernait qu’à ses proches.

Silas n’avait pas vraiment anticipé que l’élaboration de cette liste débile les emmènerait vers des chemins aussi sérieux que le couple et l’engagement. Bien sûr, il avait depuis le début une idée derrière la tête, mais il ne s’attendait pas à ce que Teddy se livre un peu plus ; lui donne davantage de petits bouts d’elle, qu’il avait glanés jusqu’ici – pensait-il – par accident. Lui faisait-elle vraiment confiance au point de lui détailler ce malaise qu’elle entretenait vis-à-vis des relations ? Il fallait croire. Bien qu’il ait toujours éprouvé quelques difficultés à comprendre où elle voulait en venir, ce n’était ni une menteuse ni une hypocrite. Il lui faisait confiance, en tout cas, et il aimait son tempérament de cheval sauvage ; insaisissable et indépendante jusqu’au bout de la crinière. Ce n’était pas un animal qu’on domptait, mais qu’on apprivoisait petit à petit ; avec beaucoup de patience et d’investissement. En tout cas, il était inenvisageable de lui passer un mors ou une selle ; il fallait marcher à ses côtés ou rebrousser chemin.

— Je t’échangerai jamais non plus, assura-t-elle avec cette force vibrante qui la caractérisait, proposant ensuite gaiement qu’ils paradent sur Bane pour exhiber leur singularité.

Un rire secoua l’adolescent, suspendant un instant les longs doigts de pianiste qui caressaient pensivement ses cheveux.

— Ça leur foutrait clairement le seum que tu choisisses d’être avec moi plutôt qu’avec eux, ricana-t-il en imaginant les yeux horrifiés d’Appleton.

Ils ne jouaient pas dans la même cour, tous les deux. Parfois, Teddy ne semblait plus en avoir conscience, mais le Serdaigle ne lui en tenait pas rigueur. C’était plutôt agréable d’être davantage que l’intello, l’éclopé de service ou le bolosse du collège. Même si ça signifiait que ses yeux à elle voyaient au-delà, bien au-delà de ces facettes-là pour percer les sentiments qui tambourinaient contre ses côtes à chaque fois qu’il posait le regard sur Dash. Il eut la brève sensation de chanceler et de perdre pied dans cette conversation qu’il pensait plus ou moins maîtriser, mais il fut heureusement vite rattrapé par la brutalité sèche et sans fard de son amie.

— Hey Chouinou, arrête ça tout de suite. C’est pas du tout ce que je voulais dire, l’interrompit-elle avec autorité, manquant de le faire tressaillir.

Il en riait, mais au fond, ce surnom lui remuait des restes visqueux dans les tripes. Souvenir de ce début d’année catastrophique, souvenir de la façon dont il ne manquait jamais de tout gâcher, souvenir du sentiment de se faire gifler en lisant les trop longues lettres que lui avait envoyées la Poufsouffle durant leur dispute. Il le ramenait au mépris dans les yeux de Rowle, aux quolibets de tous ces autres dont il finissait par confondre les visages et qui pensaient sans l’ombre d’un doute que ce n’était qu’un chouineur creux, sans autre intérêt que d’être ponctuellement moqué. Cependant, Silas était trop fier pour admettre une seule de ces choses, alors il préférait serrer les dents et encaisser sans moufter. Lorsqu’elle lui ébouriffa les cheveux, il tressaillit vraiment, cette fois ; perdu dans sa lutte intérieure pour diluer l’image pathétique qu’elle avait de lui et que tous ces autres s’échangeaient en riant à gueule ouverte sur crocs luisants. Il aurait voulu être plus fort que ça, mais il ne l’était pas. Alors, il se contenta d’acquiescer sans mot dire, un peu rassuré au fond qu’elle ne se sente pas mise à l’écart – une connerie de moins sur son ardoise.

Le simple « Je sais » qu’elle souffla toutefois en réponse à son aveu tremblant adoucit les frémissements de ce cœur traître qui lui échappait sans cesse. Du bout de lèvres appuyées, elle laissa un baiser marqué sur sa joue en guise de réconfort ; bizarrement, ce simple geste d’affection lui allégea plus sûrement la poitrine que mille beaux discours. Il n’était pas tout seul ; même si le monde s’acharnait à le lui cracher à la figure, même si Dash ne lui retournerait jamais son amour, même si ces imbéciles du foyer venaient le mois prochain le traîner par la peau du cou pour le placer. Silas se contenta de lui retourner un sourire doux, la laissant lui conter ce rendez-vous catastrophique avec son meilleur ami. Il eut beau tomber des nues et tenter de justifier son comportement, Teddy l’arrêta immédiatement avec un bon sens qui sonnait étrange ; comme s’il y avait trop d’années dans cette bouche immature.

— T’as raison, reconnut-il dans un soupir défait, son nez piquant vers le sol sans être capable de retenir la tristesse qui transpirait de son regard. J’aimerais bien avoir ton pragmatisme.

Parce que la poésie qui lui agitait le cœur, ça le butait.

Encore une fois (une dernière fois ?), Teddy s’aventura sur ce domaine qui lui faisait horreur ; royaume des sentiments et des effusions, mais également des blessures et des abandons.

— J’ai pas l’habitude, j’aime pas, lâcha-t-elle, dansant avec les mots comme un bambin faisant ses premiers pas.

— Sans dec, la charia-t-il gentiment, haussant un sourcil taquin.

Cependant, elle lui fit ravaler sa dérision ; pas à coups de reproches, d’indignation ou de colère ; mais à force de sincérité, d’efforts et d’affection. Il n’ouvrit pas plus la bouche qu’il n’esquissa un geste durant toute la durée de son petit discours cahotant, son regard ancré dans le sien même dans les moments de doute et de pause. Il la regardait avec des yeux qui disaient « Je te crois ». Plutôt que de répondre comme il savait si bien le faire avec esprit et quelques cabrioles stylistiques, il se redressa légèrement, prit son visage entre ses mains et l’embrassa. Pas comme il pouvait l’embrasser lorsque son ventre battait la mesure du désir, pas comme il effleurait ses lèvres pour demander la permission de dessiner une transition vers ces caresses qui servaient d’entractes ; mais comme on embrasse quelqu’un qu’on aime. S’il n’avait jamais été avare de douceur dans ses lèvres, il délivrait très peu de tendresse ; les baisers qu’il avait échangés jusqu’ici étaient esclaves de ses envies adolescentes, mais celui-là était particulier. Il disait toute l’affection qu’il lui portait et qu’aucun mot ne pouvait mieux transmettre que ceux qu’il avait sur le bout de la langue – qui effleura la sienne un bref instant. Un bref instant, il eut le sentiment déplaisant que personne n’avait suffisamment couvert Teodora Von Meissen de tendresse, mais la seconde d’après, il se fit la promesse farouche d’y remédier.