Un lien vaut mieux que deuil tu l'auras (Caelan & Dmitri)

Dmitri lâcha le bout de fusain sur la feuille dans un profond soupir de lassitude, le laissant rouler quelques secondes dessus, des grains sombres tachant l’insatisfaisante ébauche de dessin. Ses doigts étaient recouverts de la même matière noire, comme pour mieux faire écho à l’uniforme qu’il portait chaque fois qu’il devait se rendre en cours de potions, depuis le décès de son aïeul. Dessiner et peindre avait toujours été réconfortant et agréable jusqu’à présent, mais aujourd’hui, il ne parvenait tout simplement pas à faire quoi que ce soit dont il soit satisfait. Il n’avait rien d’un Pygmalion tombant amoureux de son œuvre ; seule la frustration et le dégoût naissaient lorsqu’il regardait ses coups de fusain qui lui semblaient tous plus hasardeux et maladroits les uns que les autres, le plongeant dans une neurasthénie dont il peinait à s’extraire.

L’aiglon regarda l’heure sur sa montre et lentement se mit à ranger ses affaires, enveloppant le morceau de bois dans un tissu, soufflant sur son carnet pour en enlever les quelques résidus avant de tout glisser dans son sac. Il n’avait pas envie de travailler et même faire quelques croquis ne l’aidait pas à se changer les esprits... rester en salle d’étude n’amenait à rien, il valait mieux pour lui d’aller se changer les idées ailleurs. Il hissa son sac sur les épaules et quitta la grande salle pour traverser des couloirs vides, si silencieux que l’on entendrait une mouche voler. À cette heure de la journée, tout le monde était en cours, en étude ou dans les salles communes ; peut-être y avait-il quelques personnes dans le parc ou dans les pièces les plus agréables du château, mais nul ne s’attardait dans les longs corridors en proie aux courants d’airs. Le Tchèque hâta son pas qui résonnait contre la pierre, traversant l’espace qui le séparait des escaliers en quelques foulées, sans s’arrêter devant le panneau d’affichage qui arboraient quelques annonces de clubs ou sur une quelconque invitation à participer à une œuvre philanthrope ; une à une, il grimpa les marches, passa devant la bibliothèque sans s’y attarder, peu désireux de pénétrer dans l’antres des érudits pour s’y sentir agresser par la foule qu’elle devait accueillir à cette heure de la journée. Au lieu de ça, il laissa ses pas le porter vers les étages supérieurs mais ralentit le pas en arrivant au troisième étage ; un instant, il fut tenté de remonter encore un peu pour rejoindre sa salle commune et son dortoir, mais Silas lui avait laissé sous-entendre qu’il risquait d’y passer avec Dashiell et l’idée de les y surprendre maintenant ne l’enchantait pas plus que cela. Finalement, la solution vint à lui, si évidente qu’il s’en voulait de ne pas y avoir pensé ; le balcon du monde était à quelques couloirs de là. Il passait toutes les semaines devant, en quittant la salle d’histoire de la magie pour rejoindre sa salle commune, mais ne s’y attardait que trop rarement... la pièce ensorcelée avait pourtant de quoi réchauffer les cœurs et c’était tout ce dont il avait besoin aujourd’hui !

Décidé, il en prit la direction, ne freinant l’allure qu’en arrivant dans la classe du professeur Grant d’où une horde d’élèves s’échappaient avec joie, comme tant de prisonniers libérés du joug tyrannique de l’enseignante. Quel manque de goût de leur part ; elle enseignait l’une des disciplines les plus intéressantes et était, avec Alexander, le meilleur professeur qu’il connaisse... chassant cette pensée, teintée de tristesse, de son esprit, il évita quelques adolescents dont il reconnut quelques têtes. Des troisièmes années. Il ne les fréquentait pas beaucoup, passant plus de temps avec ses aînés qu’avec ses cadets, mais il reconnut quelques visages, de-ci de-là ; Jun Woo était vraisemblablement parti dans les premiers, mais la silhouette de Caelan surgit dans son champ de vision sans crier gare, ou plutôt fut-ce Dmitri qui manqua de le percuter en tournant à l’angle du couloir.

- Oh ! Pardon, Caelan s’excusa-t-il dans un demi sourire de politesse.

Peut-être qu’avec quelqu’un d’autre, il ne se serait guère attardé à exprimer le moindre pardon, d’autant qu’il n’avait guère l’esprit à ça, mais il nourrissait une certaine sympathie à l’égard du benjamin Hunter ; il y avait indéniablement quelque chose chez lui qui le rendait appréciable aux yeux du Tchèque, sans doute parce qu’il se reconnaissait parfois chez lui. Deux sang-purs qui, plus ou moins consciemment, étaient encore en quête de leurs identités respectives.

- Je pensais que la horde de troisième année était déjà passée, ajouta-t-il en haussant des épaules. « Ils se ruent tous comme des sauvages vers les escaliers, j’imagine que ça signifie que c’était votre dernier cours ? »

Personne ne marchait si vite pour rejoindre une autre salle et un autre professeur, même lorsqu’il fallait traverser tout le château. Il ne lui restait plus qu’à espérer qu’aucun groupe d’adolescents enfin libérés de classe ne se soit mis en tête d’utiliser le balcon du monde, juste à côté, et que tous aient préférés terminer leur après-midi dans le parc ou dans les salles communes.

@Caelan E. Hunter

**Invité** Invité À SAVOIR DETAILS EN PLUS

Caelan avait laissé ses camarades sortir de la salle de Madame Grant. Les cohues et les bousculades à la fin des cours, très peu pour lui. Tandis que certains se disputaient l'accès au couloir comme s'ils participaient à une épreuve des Olympiades, lui était sagement resté assis et avait relu les dernières phrases qu'il venait d'écrire sur son parchemin, s'assurant de n'avoir commis aucune faute ni bavure. Puis il avait rangé toutes ses affaires de manière bien ordonnée dans son sac.

"Au revoir, Professeur Grant".

Il l'avait dit sans emphase en cheminant vers la porte, sans s'attendre à une réponse. De toute manière, il essayait de ne pas trop la regarder les jours où elle avait son serpent avec elle, ou plutôt sur elle. Ca lui faisait irrémédiablement perdre sa concentration et il ne pouvait pas se le permettre. Ses notes en Histoire de la Magie devaient être meilleures. En fin de Seconde Année, il n'était arrivé que troisième de sa 'promotion'.

Dans le couloir, un courant d'air le saisit. Le Serdaigle rabattit un pan de sa robe contre sa poitrine et entreprit de suivre à bonne distance le troupeau devant lui, la tête baissée. Depuis peu, une question le taraudait à chaque fin de cours : est-ce que tout ce qu'il venait d'apprendre allait lui servir à quelque-chose plus tard ? Etait-ce bien nécessaire, par exemple, de comprendre le fonctionnement du gouvernement magique italien ? Ah, et est-ce qu'il devait prendre des nouvelles d'Irvin avant de rejoindre sa Salle Commune ? Ca faisait bien deux jours que son grand-frère n'avait pas fait parler de lui. C'était louche ! Qu'est-ce qu'il pouvait bien-

"Hmph." Machinalement, ses pieds s'étaient arrêtés. Par réflexe, tout son corps se tendait. Dans sa poitrine, son coeur battait plus vite. Il y avait soudain une masse devant lui, plus massive et plus grande que lui. Quand il reconnut la voix, il détendit ses muscles, souffla par le nez et releva la tête vers son camarade de maison. "Pardon, Dmitri."

Profitant du court moment de silence qui s'ensuivit, le jeune Hunter nota plusieurs choses : sur l'uniforme de Von Aken, la cravate et le blason de Serdaigle étaient noirs. Associer deux et deux, c'était dans les cordes de Caelan, il se doutait bien de pourquoi. Dmitri avait les mains noires aussi, il avait dessiné ou il avait peint. Et pourquoi était-il au Troisième Etage à cette heure-ci ? Il était malade ?

"Je pensais que la horde de troisième année était déjà passée. Ils se ruent tous comme des sauvages vers les escaliers, j’imagine que ça signifie que c’était votre dernier cours ?"

"Hm-hm", approuva Caelan en fixant de nouveau le visage de son interlocuteur. Les réparties bien senties, c'était plus le domaine de Silas. Une réponse lui venait quand même, et vu que c'était Dmitri en face de lui, il la partagea : "Mais ce n'est pas la peine de se presser quand on sait où on va." C'était dit de la manière la plus neutre possible. Un Von Aken, comme un Hunter, n'avait pas forcément le choix du chemin à emprunter.

Caelan s'adossa au mur et rajusta la bandoulière de son sac sur son épaule, les yeux toujours rivés sur son camarade. Un pan de sa chemise était défait et dépassait de son pantalon mais il ne l'avait pas vu. "Tu attendais quelqu'un ?" Un court instant, l'idée un peu saugrenue que Dmitri soit venu le chercher lui traversa l'esprit - mais c'était bête, pourquoi par Merlin ferait-il ça ? Ils n'étaient pas vraiment amis. Après deux années de cotoiement forcé par leurs parents respectifs, ils avaient certes fini par se tolérer et même par s'apprécier, mais comme deux membres de grandes familles sorcières différentes pouvaient s'apprécier. Avec précaution. Chacun avec ses secrets et ses états d'âme, jalousement gardés.

N'étaient-ils pas le futur de la société sorcière ?

Et puis Dmitri se faisait vraiment trop remarquer ! Bon, par contre, il était très bon en Potions. Même meilleur que lui mais c'était normal avec une année de plus. "Oh, au fait," s'exclama doucement Caelan en se détachant du mur. Mais il s'y remit aussitôt et secoua doucement la tête. "Non, c'est rien, oublie-ça." Proposer à Dmitri de l'aider pour le devoir que le remplaçant de son grand-oncle avait donné, ce n'était pas la chose la plus intelligente à faire. Dommage, en d'autres circonstances, ça aurait constitué une bonne excuse.

La lente remontée que Dmitri avait entreprise jusqu’au balcon du monde prit fin face à un Caelan qui semblait avoir l’esprit ailleurs, sortant un peu plus tard que bon nombre de ses camarades d’un pas plus lent, celui de ceux qui n’avaient nul projet pressant et de ceux, surtout, qui savaient consacrer un peu de temps à la contemplation et au calme. Le benjamin n’était pas un garçon très loquace ; il l’apercevait souvent dans un coin de la salle commune en train de travailler en silence, ou parfois pour dessiner un peu – ce qui l’avait très vite rendu sympathique aux yeux du Tchèque. Une expression curieuse passa un instant sur le visage du plus jeune, et il lui sembla que ses iris s’attardaient quelques secondes sur ses mains tâchées de fusain, mais finalement il lui accorda une vraie réponse.

- Mais ce n'est pas la peine de se presser quand on sait où on va.

Le sous-entendu titilla les oreilles de Dmitri d’une façon presque désagréable qui lui rappelait cet héritage laissé par son grand-oncle, ces objectifs qui minaient son avenir à court autant qu’à long terme mais qu’il se sentait incapables de réaliser.

- Si seulement c’était aussi simple... répondit-il d’un ton las.

S’il savait où il allait, il ne connaissait que la destination finale sans en connaître le trajet ; il était coincé dans un satané labyrinthe, perdu et condamné à tourner en rond sans en trouver la sortie.
L’aiglon se força à chasser ces pensées de son esprit, regardant distraitement Caelan s’accouder avec nonchalance contre le mur, la chemise sortant légèrement de son pantalon, pour lui demander s’il attendait quelqu’un.

- Pas vraiment, dit-il en haussant légèrement des épaules.

Ce qu’il voulait ou attendait demeurait encore un mystère... il n’aspirait qu’à trouver une occupation, de quoi le distraire de ce qui le taraudait depuis son retour des Hébrides. La peinture ou le dessin ne faisant plus leurs œuvres, sans doute trop marqués par les apprentissages de son défunt aïeul pour qu’il puisse en faire abstraction, il se sentait vide. D’ordinaire, le jeune van Aken ne s’ennuyait jamais, mais aujourd’hui, chaque tentative pour s’occuper lui valait de faire face à une déception certaine. Finalement, s’attarder là à écouter le benjamin Hunter, c’était encore la meilleure distraction qu’il ait eue depuis la fin de ses cours.

- Oh, au fait... Le garçon se détacha de son mur, surprenant un peu Dmitri qui ne s’était pas attendu à cette soudaine réaction. « Non, c'est rien, oublie-ça. »

Le Tchèque posa un regard inquisiteur sur son camarade, curieux et sans doute un peu frustré par ce revirement soudain. Qu’est-ce qui avait bien pu lui passer par l’esprit avant qu’il ne se ravise de la sorte ? Ces choses-là avaient le don d’éveiller l’attention du plus âgé ; à vrai dire, il n’appréciait guère ce sentiment d’incompréhension qui l’habitait et l’impression qu’on lui cache quelque chose titillait plus que tout son avide quête de réponses. Il la musela pourtant, au prix d’un effort qui lui parut incommensurable.

- Euh... d’accord fit-il d’un ton traînant.

N’empêche qu’à présent, l’hésitation de son cadet allait lui tourner dans la tête un certain temps. Peut-être n’était-ce pas plus mal ; au moins, il ne repensait pas aux ultimes paroles de son grand-oncle ou aux sous-entendus de son père, qui semblait envisager que ses frères et sa sœur encore à Durmstrang puissent venir réchauffer les bancs de Poudlard.
À cette idée, il avisa un instant Caelan. Quelque part, il comprenait le tourment que pouvait provoquer la présence de frères aînés dans l’école, quoique les relations que Hunter entretenait avec ses aînés semblaient relativement différentes de celles que lui-même avait avec les siens... mais il avait vu leur influence jouer sur le troisième année, l’inquiétude ou la crainte de ce que leurs agissements pouvaient avoir comme conséquences. Les deux garçons avaient des caractères différents mais ils avaient également, sans aucun doute, beaucoup de points communs.

- En fait, je comptais aller au balcon du monde... lança-t-il finalement, sans trop savoir ce qui lui passait par l’esprit mais convaincu, au fond, qu’il n’avait pas envie de rester seul... et beaucoup de ses proches n’étaient en fin de compte pas de bons compagnons à ce moment précis, alors que le poids du décès l’irritait tout particulièrement. « Pour me changer les idées, trouver un peu de calme... il y a un monde fou dans la salle commune, je vais finir par tuer quelqu’un si j’y reste trop longtemps. »

En réalité, il était bien incapable de dire s’il y avait tant de personnes dans l’antre des serdaigles, mais à cette heure de la journée, il ne prenait pas grand risque à supposer que ce soit le cas... et Silas y était sûrement avec Dashiell, ce qui était une raison valable pour fuir l’endroit et requérir un lieu plus reposant.

- Tu veux venir ? hasarda-t-il après quelques secondes d'hésitation.

**Invité** Invité À SAVOIR DETAILS EN PLUS

- Si seulement c’était aussi simple...

Caelan fronça légèrement les sourcils à cette remarque de Dmitri. En quoi c'était compliqué de suivre bêtement le chemin qu'on nous avait tracé ? Il suffisait simplement de ne pas trop s'écouter, même si, c'était vrai, ça devenait un peu plus dur pour lui ces derniers temps. Pour le coup, il ressentit soudain l'envie de demander une explication à son camarade, chose qu'il se retint bien entendu de faire. C'était un coup à remettre en cause bien trop de choses tacitement admises et ça n'allait à terme causer que des problèmes, à lui comme à Dmitri.

Quand le blond aux mains noires lui confirma que non, il n'était pas venu pour lui, Caelan hocha simplement la tête. Sa question avait été bien trop égocentrée et pour le coup, la réponse ne lui apportait rien, il ne savait toujours pas ce que Dmitri pouvait faire ici au troisième étage. S'ensuivit l'échange malaisant que le jeune Hunter avait lui-même initié et pour lequel il se morigénea une nouvelle fois intérieurement : on n'ouvrait pas la bouche avant d'être sûr de ce qu'on disait. Heureusement, son camarade accepta tout simplement le fait qu'il n'en saurait pas plus.

C'était quand même étonnant. Dmitri n'était pas du genre à abandonner si facilement. C'était un éruptif. Combien de fois il l'avait entendu dans la salle commune se prendre la tête et monter dans les tours pour rien avec d'autres Serdaigle, Silas en particulier ? Comme aucun des deux ne voulait admettre de défaite, même verbale, ça pouvait durer des heures. Caelan ne savait pas encore si ces deux-là étaient 'amis' ou pas. Ils s'insultaient à mots couverts, parfois avec une subtilité dans les propos dont le petit Hunter se sentait bien incapable, et ils avaient l'air d'aimer ça. Etrange... et fatiguant, à la longue. Généralement, quand ça durait plus de cinq minutes, Caelan se lançait un Bulla Silentium pour avoir enfin du silence et se concentrer sur ses devoirs.

Parfois, il avait eu envie de les interrompre en demandant à Dmitri de l'aider sur tel ou tel exercice, mais il n'en avait jamais rien fait. Il se contentait d'apprécier les rares moments où son camarade décidait de lui-même de venir travailler dans ce petit coin de la salle commune où Caelan avait pris ses aises depuis sa Première Année. C'était un peu leur coin réservé rien qu'à eux, même si le petit Hunter ne l'avait jamais appelé comme ça à voix haute.

Tout à ses pensées, il supporta le regard inquisiteur de Dmitri sans flancher ni ciller. Ce n'était pas difficile tant c'était devenu un automatisme chez lui. Comme approuver discrètement et docilement de la tête à ce qu'on lui disait, quoi que ça pouvait être. Ok, Dmitri allait donc au balcon du monde, il avait sa réponse. Il avait même droit à une explication qu'il n'avait pas demandée et ça aussi, ça lui laissait une impression bizarre qui lui donnait envie de se gratter la nuque. Son aîné n'avait vraiment pas l'habitude de s'épancher avec lui sur ce qui lui traversait la tête.

"Il y a un monde fou dans la salle commune, je vais finir par tuer quelqu’un si j’y reste trop longtemps."

"D'accord" répondit simplement Caelan avant de se mordiller la lèvre. Quelques mois plus tôt, avant les vacances, il n'aurait pas vraiment compris ce désir d'être seul. Mais depuis le début de cette année, ce n'était pas l'envie qui lui manquait et il se surprenait à attendre avec impatience le vendredi matin, un des rares moments de la semaine où il pouvait faire à peu près ce qu'il voulait sans qu'on ne vienne l'embêter. Quant à la pulsion excessive qu'avait Dmitri d'occire carrément ses camarades, Caelan n'y répondit que par un haussement subtil de sourcil. Il avait envie de lui suggérer des méthodes moins extrêmes sur un ton pince-sans-rire mais se méfiait un peu de ce que le plus grand pouvait répéter dans son dos. Alors, comme souvent, il garda la bouche close.

Ce qui menait assurément cette conversation, comme la plupart qu'ils avaient ensemble, vers une impasse. Dmitri partait pour le balcon du monde et lui, il allait sûrement traquer Irvin. C'était bien comme ça même si, à chaque fois, Caelan s'en voulait un petit peu de ne pas avoir osé insister.

Aussi, alors qu'il s'apprêtait à lancer un laconique "A plus tard, alors", la proposition de Dmitri le prit carrément par surprise.

- Tu veux venir ?

Caelan releva le menton. Dmitri préférait largement la compagnie des aussi ou plus grands que lui, et c'était bien normal. Ils avaient bien plus de répondant et de mordant. Qu'est-ce qui lui prenait, tout à coup, de l'inviter lui à lui tenir compagnie ? Ce n'était pas pour faire une bêtise, au moins, l'embriguader dans un de ces coups dont il avait le secret et qui attirait bien trop l'attention du personnel sur lui ?

"Hm-hm", répondit-il lentement en scrutant le visage du blond, à la recherche d'un petit indice trahissant que Dmitri avait, malgré tout ce qu'il avait dit, une autre idée derrière la tête. Oh, et puis mince. Ce serait toujours plus intéressant que tout ce qu'il avait prévu de faire maintenant. Au moins, c'était nouveau. Alors Caelan se fendit d'un maigre sourire en coin et se détacha une nouvelle fois du mur sur lequel il s'était appuyé : "Ok, je te suis. Je veux bien du calme aussi."

Sur le chemin, il chercha un sujet à aborder. Bon sang que ce n'était pas facile. A chaque fois qu'il avait une bonne idée, il se disait que finalement non. Qu'est ce qu'il avait dessiné juste avant ? Non mais de quoi je me mêle. Il avait vu sa prestation pendant les sélections de Quidditch, il en pensait quoi ? Est-ce qu'il ferait un bon poursuiveur ? Depuis quand t'as besoin de son avis ? Offrir ses condoléances pour le décès de son grand-oncle ? S'il ne le prend pas bien, ça peut mener à une crise diplomatique entre nos deux familles et j'en entendrai parler pendant des semaines. Il fait beau pour un mois d'octobre, non ? Pitié, arrête.

Ils continuaient de cheminer presque côte à côte en silence. C'était un peu gênant, quand même. Heureusement, Caelan finit par trouver un sujet à aborder, pratique parce qu'il ne les concernait pas à titre personnel, et moins neuneu que pointer du doigt la météo du jour. "Je ne suis jamais allé au balcon du monde. C'est quoi, au juste ?" Bon, il allait passer pour un ingénu aux yeux de Dmitri mais le risque était calculé. Il n'y était certes jamais allé mais il savait très bien ce que c'était. Au moins avait-il réussi à dire un truc, quelque-chose de juste moyennement embêtant. Et ça ne le gênait vraiment pas qu'on le sous-estime. En générant un tel sentiment à son égard, il faisait même honneur à sa famille.

**Contenu sponsorisé** À SAVOIR DETAILS EN PLUS