Dure transition pour un enfant des Highlands dont l’horizon se composait d’herbes rases et d’un ciel immensément blanc, qui se retrouvait par 30°C sous un soleil de plomb et une immensité bleue, de ciel comme de mer. Les yeux plissés malgré ses lunettes de soleil, Thomas s’épongea le front du dos de la main.
Après avoir exploré la jungle profonde de l’îlot végétalisé les jours précédents, force était de reconnaître que celui d’aujourd’hui était plus décevant. Quasi désert, il fallait s’aventurer à mi-chemin dans l’eau pour observer l’étonnante faune sous-marine de la région et, lui avait-on dit, des êtres de l’eau typiques de ces mers. Fort de son expérience avec ceux du lac noir, Thomas avait été curieux de voir quelles différences ces eaux chaudes auraient sur leur habitat, mais il fallait plonger pour espérer les apercevoir, et plonger profond, ce qui ne se faisait pas sans un sortilège de têtembulle, ou bien un tubas.

Sur le moment, le jeune homme s’était résigné à devoir attendre son tour pour la plongée sous-marine un peu déçu mais, une fois allongé sur la plage et enduit de crème solaire, il lui avait semblé que ce n’était finalement pas si urgent.

D’habitude, une espèce d’insécurité patente vis-à-vis de sa place à Poudlard le ramenait un peu toujours vers le boulot et ses responsabilités, aussi, quand il avait découvert les îlots et leurs sanctuaires animaliers, un réflexe de garde-chasse l’avait saisi, comme s’il était, ici aussi, de son devoir de veiller sur le respect des lieux et d’en découvrir la faune.

Sauf qu’à se retrouver perdu au milieu de rien, sur cet espèce de banc de sable vide où les seuls animaux à la ronde étaient des poissons inaccessibles, Thomas avait fini par se résigner et s’était senti étrangement détendu. Aussi, comme ils se trouvaient en dehors de Poudlard, personne hormis les adultes qui les encadraient n’était autorisé à faire de la magie sur les îles. Le temps d’un mois, dès lors, tous se trouvaient à égalité et si le jeune homme aimait bien voir ses camarades lancer des sorts, se fondre dans la normalité du groupe sans être sans cesse ramené à son absence de magie n’était pas désagréable pour une fois. Il irait laver son assiette à la main comme tout le monde, et pas question de régler ses problèmes avec un sortilège, il faudrait s’y coller manuellement sans ressentir l’habituelle insatisfaction de se dire qu’avec une formule, tout aurait pu être réglé bien plus rapidement.


@Azure Zinnia

Les yeux fermés, la seule image qui venait en tête à Thomas était celle d’un rôti en train de cuir au four. Il se sentait étrangement empathique avec ces viandes grésillantes sous la chaleur, alors qu’il lui semblait à cet instant éprouver un sort comparable pour lui-même. L’idée que tout cela n’était pas très malin, et que malgré la crème solaire indice 50 dont il s’était badigeonné une fois ce matin et une seconde fois après manger sa peau n’allait pas résister, l’appréhension se disputait à la flemme de bouger le moindre muscle à cet instant précis.

C’était sans compter Azure qu’il avait à peine entendu arriver, mais dont il sentit distinctement la volée de sable lui fouetter le visage.

- Ah mais putain..., geignit il en se redressant pour se frotter les yeux. Merci les lunettes de soleil, on avait évité le pire.

Sans trop se soucier de l’avoir à moitié ensablé, la jeune fille étendit sa serviette à ses côtés tout en s’enquérant de la chaleur. Il grimaça.

- Bof… Il y a des animaux qui changent de peau quand les températures montent trop, expliqua-t-il histoire de causer.

Pas sûr que peler soit très bon signe, cependant. Comme Azure semblait ne pas s’en sortir avec sa serviette, et continuer à balancer du sable partout par la même occasion, il se protégea le visage avec la main tout en apercevant effectivement l’oiseau un peu plus loin. Drôle de bête, aucune idée de ce que c’était que cette espèce-là et Thomas écarquilla un peu les yeux en le voyant, s’emblait-il, s’avaler lui-même ?

- Çà doit être une créature fantastique du coin, tenta-t-il de rationaliser tout en continuant de se frotter les yeux. « Si tu es la première à le découvrir tu peux lui donner un nom. »

Il savait que beaucoup d’espèces magiques n’avaient pas encore été découvertes par les sorciers – certains magizoologistes y consacraient d’ailleurs toute leur carrière – aussi n’était-il pas impossible qu’ils se soient trouvés véritablement devant une espèce inconnue. Néanmoins, il fallait être honnête, c’était peu probable et sans doute que les habitants du village de l’autre île sauraient à quoi ils avaient affaire.

Ses lunettes à peu près nettoyée du sable, il y voyait déjà mieux et pu observer plus attentivement l’animal qui continuait ses contorsions étranges, et un peu dérangeantes par un certain aspect. Thomas avait déjà vu des créatures fantastiques se rouler en boule jusqu’à disparaître, ou changer de forme brutalement, mais se manger elle-même, bon.

- C’est le plus probable, répondit-il d’un air de connaisseur. « On peut jamais savoir avec les animaux fantastiques, il y a des trucs super mignons qui sont hyper dangereux et d’autres qui ont l’air inoffensifs mais non… »

Manifestement, ça n’avait pas l’air de refroidir Azure qui, non content de le baptiser « zinzin », fila dans la direction de l’animal en abandonnant ses affaires derrière elle. Thomas soupira. Il était bien, là, à juste se laisser cuire au soleil… de vraies vacances, ça, il avait rarement eut aussi chaud. Mais sa conscience de garde-chasse lui faisait malgré tout garder à l’œil l’étonnant oiseau et il se retint de juste se rallonger et fermer les yeux de nouveaux.
Il aurait l’air fin à son réveil si Azure avait été gobée par la bestiole…

Cette dernière semblait en tout cas assez insouciante, à la voir patauger dans la mer à quelques mètres de l’animal. Thomas, lui, s’était redressé et observait la scène, les bras cerclant ses genoux, partagé entre la flemme et la prudence. Il ne croyait pas réellement que l’oiseau puisse être dangereux, mais on les avait bien prévenues que certains îlots avaient leurs lots de menaces et si celui-ci était désert, un minimum de bon sens s’imposait malgré tout.
Azure lui faisait signe de la rejoindre et il était encore à se demander si la chaleur et le soleil ne lui avaient pas aspiré toute son énergie quand l’oiseau bâtit des ailes et pris son envol fort peu gracieusement, le bec rempli d’eau de mer. Thomas l’observa s’éloigner mais bientôt le soleil l’éblouit et il le perdit de vue.

Bon, c’était pas tout ça, mais sorti de son demi-sommeil et de la langueur de la sieste il se sentait bien cramer et se laissa convaincre d’aller se rafraîchir dans l’eau. Cela aurait en plus le mérite de le nettoyer du sable qu’il avait encore pas mal sur le visage et le haut du torse. Avec la lenteur d’un vieillard en souffrance il se redressa et parcouru la vingtaine de mètres qui le séparait de l’eau, retrouvant Azure au passage.

- Ton zinzin a filé, énonça-t-il comme une évidence. « Finalement il avait juste la peau du bec hyper souple. On demandera en rentrant. »

L’eau faisait du bien, contrastant agréablement avec la fournaise extérieure. Il s’y laissa glisser avec plaisir à plat ventre, profitant de ce qu’on y voyait clairement à travers pour plonger la tête sous l’eau et la ressortir avant de passer sur le dos façon planche. Agréable façon de poursuivre sa sieste, il ferma les paupières en se laissant flotter.

- Tu me réveilles s’il y a un autre oiseau mangeur d’homme d’accord ? Ou un requin aussi. Ou un être de l’eau, j’aimerai bien les voir.

Parce que c’était les vacances, Thomas était farouchement décidé à ne rien faire du tout. Le soleil et la mer, combinés à cet instant présent l’un de chaque côté de lui, aidaient en cela à tout oublier. C’était seulement quand le corps ralentissait – et l’esprit en remorque – qu’on réalisait vraiment quelle tension cela représentait d’être au monde en permanence, en particulier avec cet esprit adolescent, c’est-à-dire agité, stimulé en permanence, stimulé jusque dans l’ennui, toujours fébrile, toujours dégringolant faute des appuis solides qu’on se forge par l’expérience et la bonne connaissance de soi, et aussi surtout d’ailleurs, sur des convictions arbitraires, arrêtées par facilité.

Aussi se laissa-t-il flotter-là, porté par le sel de la mer et une respiration lente, profonde, pour toujours garder un peu d’air dans les poumons. Les oreilles plongées dans l’eau, il grommela vaguement comme réponse à Azure, pas certain de ce qu’elle avait dit, mais devinant au ton de sa voix que c’était bienveillant, pas de quoi s’alarmer, en somme.

Peut-être aurait-il dû le faire d’avantage lorsque, prenant sa respiration encore une fois, il ne trouva dans ses narines que de l’eau de mer et soudain balancé par la vague, cul par-dessus tête et de ressortir de l’eau tout crachotant, il avait avalé de travers…

- J’en ai dans le nez, gémit-il en reprenant ses esprits. Chassée la tranquillité, la paix et le calme, la vague les avait balayés d’un coup, comme on se lave le visage d’une giclée d’eau froid au sortir du lit.

Tout éberlué, il adressa un regard ahuris à Azure alors que d’eux se rapprochaient de nouveaux rouleaux… qui semblaient venir de la plage.

- Mais… ? cela défiait assurément les lois de la physique et il y vit de la magie.

Une nouvelle vague le fit décoller du sable et s’élever dans l’eau comme s’il n’avait pas pesé plus lourd qu’une plume, pour le redéposer gracieusement quelques mètres plus loin. Azure n’était pas mieux lotie que lui en l’occurrence, dégoulinante d’eau salée qui trempait son haut et ses cheveux.

Il haussa un sourcil, soupçonneux, à l’approche d’une nouvelle vague.

- T’as utilisé la magie ? Comment t’as fait ?

Les vacances d’été étaient pour certains de ses camarades un déchirement, la promesse de deux longs mois privés de leurs baguettes et de leurs sortilèges. Pour Thomas – qui ne le disait pas ouvertement – c’était l’occasion d’un tout petit peu plus de normalité car on en faisait guère la différence entre un sorcier privé de ses pouvoirs ou un cracmol qui n’en avait jamais eu. Il était assez suspect donc que son amie puisse faire démonstration de ses dons, d’autant qu’elle n’avait pas de baguette sur elle. L’autre alternative qui vint en tête à Thomas, la présence d’une créature marine capable de commander aux flots, lui arracha un frisson et comme la prochaine vague arrivait sur lui, il se laissa disparaître sous l’eau pour la laisser passer par-dessus lui et ressurgit en secouant la tête avant d’entamer quelques mouvements de brasse en direction d’Azure, et de la plage.

D’abord mécontent de voir sa « sieste » interrompue brutalement par une vague d’eau salée, Thomas n’eut pas besoin de longtemps pour réaliser que quelque chose n’allait pas du côté d’Azure. Enfant des Highlands il avait eu de nombreuses fois l’occasion de profiter de la mer pendant ses étés chez ses grands-parents et si les rouleaux pouvaient se montrer impressionnant, il suffisait en général de les éviter par-dessous, c’est-à-dire de s’immerger complétement pour laisser passer la vague et celle-ci ne vous faisait aucun mal. Vague souvenir de ses cours de physique au collège moldu, la vague n’était qu’une onde largement atténuée dès lors qu’on plongeait la tête sous l’eau.
Le tout était de ne pas céder à la panique, les vagues vous ramenant toujours vers la plage. Mais pas cette fois. Pour une raison qu’il avait encore du mal à comprendre, les tonneaux semblaient venir du sable et il y avait de la magie là-dessous ou il ne s’y connaissait pas, ce qui compliquait un peu les choses.

S’il avait d’abord cru que, comme lui, Azure se remettait de la première vague en crachotant l’eau salée avalée par mégarde, il devint très vite clair que la jeune fille perdait pied, assez littéralement. Elle avait perdu son pareo qui flottait à présent entre eux et, tandis qu’il laissait passer une nouvelle vague, Thomas la découvrit flottant à son tour sur le dos en position planche, quoique que sans laisser voir la moindre trace de sérénité.
Il fallut encore que, le dépassant, elle lui avoue ne pas savoir nager pour que le jeune homme réalise que sa posture tenait plus du réflexe de tétanie que d’une stratégie pour se maintenir hors de l’eau.

Une sueur froide lui parcouru l’échine, faisant presque oublier l’un peu d’eau avalée de travers qui lui irritait encore le fond de la gorge.

- Mais… tu nages là ! lança-t-il d’une voix haute pour couvrir le bruit des rouleaux qui s’écrasaient autour d’eux.

Si l’on pouvait appeler cela nager, cependant, mais c’était toujours mieux que de couler à pic. Autour d’eux la mer se faisait de plus en plus agitée cependant et à mesure qu’ils s’éloignaient, mètres par mètres, du rivage, les rouleaux avaient le temps et la place de s’élargir pour devenir comme des petites collines qui chaque fois les soulevaient plus haut.
Comme il ne se sentait lui-même tout d’un coup plus si serein, il engagea quelques brasses pour se rapprocher d’Azure qui continuait de flotter sur le dos, ballottée au gré des courants.

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➤ 1 ; 2 = Thomas garde son calme et nage sereinement.
3 ; 4 = Thomas garde son calme mais n’arrive pas à atteindre Azure.
5 ; 6 = l’intensité des vagues lui fait à son tour perdre ses moyens.
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Par chance ou peut-être par quelque chose qui ressemblait à du devoir, il parvint à prendre sur lui pour ne pas se laisser gagner par la panique. C'est à dire que si vraiment Azure ne savait pas nager, il était d'eux deux le seul à pouvoir assurer à peu près la situation. Des situations "tendues" il en avait déjà connu quelques unes, dans la forêt interdite, mais presque toujours en compagnie d'un adulte. Ça n'empêchait pas d'être sollicité pour assumer certaines responsabilités, et alors il y avait intérêt à ne pas déconner sinon quelqu'un pouvait sérieusement être blessé.

En quelques brasses, il atteignit Azure qui flottait encore. La plage s'était passablement éloignée à présent et les rouleaux gonflaient hauts, ce qui, à intervalles réguliers, les obligeaient à fermer les yeux et se boucher le nez pour ne pas être rejetés cul par dessus tête et perdre leurs repères.
Essoufflé par la brasse, Thomas la héla pour attirer son attention.

- Azure faut qu'on se rapproche de la plage...

Parole purement performative, mais il n'était pas maître nageur, lui. Le souvenir de sa plongée avec Dmitri lui revint vivement en mémoire, comme un mauvais souvenir. Décidément, les loups et l'eau ne faisaient pas bon ménage.

- Ecoute ! cria-t-il après qu'une nouvelle vague leur soit passés dessus, les rouleaux sont dangereux que si tu restes à la surface, mets toi sous l'eau pour les éviter !!

La mer aux alentours était devenue une succession de vallées et de collines, et les deux adolescents s’élevant et s’abaissant au rythme des vagues, résolus par sagesse ou résignation à ne pas lutter contre ces courants.
Quoique clairement pas serein, la priorité de Thomas à ce moment là était surtout de parvenir à convaincre Azure de ne pas paniquer. La mer pouvait être impressionnante mais ce n’était pas encore la tempête et pour peu qu’elle consente à nager – il réalisait mal qu’on puisse ne pas savoir comment faire – il leur serait facile de rejoindre la plage à force de quelques mouvements de brasse – si du moins les courants le leur permettaient, mais on verrait ça après.

La jeune fille semblait vraiment paniquée, ça se sentait au ton de sa voix et à la tétanie de son corps, résolument tourné vers le ciel comme si en décrocher les yeux allait la faire couler à pic d’un seul coup. Pour crétin que puisse être Thomas par moment, il était à présent en capacité de mesurer l’état de détresse dans lequel se trouvait son amie, sans toutefois savoir comment y répondre convenablement. Et ces foutus rouleaux qui continuaient à s’écraser autour d’eux, les soulevant à l’occasion mais aussi parfois qui creusaient la mer sur eux et les plongeaient à moitié dans l’écume.

- Oui oui ! fut tout ce qu’il trouva à dire pour la rassurer, promettre qu’il pouvait jouer les maîtres-nageurs quand bien même il n’ait aucune idée de comment s’y prendre. S’il le fallait il tenterait bien quelque chose mais pour le moment il préférait encore qu’Azure ne coule juste pas. « Je vais pas me noyer t’inquiète ! Toi non plus ! »

C’était toutefois un demi-mensonge si elle persistait à rester ainsi tétanisée au milieu des vagues. Tant qu’Azure restait en position de planche, théoriquement elle ne pouvait pas vraiment couler, mais il suffisait d’une vague traître ou d’une respiration au mauvais moment pour boire la tasse. La panique pouvait alors vous submerger rapidement, le souffler manquer, les forces diminuer en quelques mouvements frénétiques et peu importait alors que la plage soit à dix mètres ou au diable, on se noyait tout aussi facilement.
Incapable de distinguer les larmes de l’irritation des yeux dans l’eau salée et prenant conscience qu’il y avait bien de la magie derrière tout ça, Thomas chercha d’un côté et de l’autre un moyen de les tirer de ce mauvais pas.

- Peut-être que si je te tire par le pied… ? cela sonna comme une idée foireuse au moment même où il l’énonça. Nager avec une seule main au milieu des rouleaux, il ne s’en sentait pas capable. Des vacances à la mer ne faisait pas de vous un expert en natation et Thomas avait depuis longtemps appris à prendre la mesure de ses limites. En cela, Poudlard avait été une sacrée leçon d’humilité.

Il se déporta malgré tout à ses côtés en position verticale, battant simplement des pieds et des mains pour rester à la surface en position stationnaire. Ça ne servait pas à grand-chose mais au moins Azure aurait quelque chose à quoi se tenir.

- Tant que t’es sur le dos tu flottes en fait, expliqua-t-il toujours en haussant le ton pour couvrir le bruit des vagues. Puis lui vint une idée : « Passes ton bras autour de mes épaules je vais nager vers la plage ! »

Si c’était Azure qui s’accrochait, lui aurait les bras libres pour se maintenir hors de l’eau. Ca promettait d’être rapidement crevant, en revanche, surtout s’il fallait lutter de front contre le courant et alors qu’il pivotait pour se placer face aux vagues, il prit la mesure de la difficulté de l’opération…

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Arrive-t-il à nager comme ça ?
➤ 1 ; 2 ; 3 = oui
4 ; 5  6 = non

Si oui, combien de mètres environ ?* (lien)
➤ 1 ; 2 ; 3 ; 4 ; 5 mètres
6 = il atteint la plage
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Au moins ne coulèrent-ils pas. En ce qui concernait l'efficacité de la nage, en revanche, il fallu bien se rendre à l'évidence : Thomas n'était pas compétent en la matière. Barboter dans la mer d'Ecosse, même agitée, cela allait encore, mais pas charrier une camarade tétanisée de terreur à contre-courant.

Il s'escrima deux longues minutes contre les vagues, sans avoir l'impression de gagner du terrain. Sentant les forces lui manquer et la panique le gagner à son tour face à cet échec, le miracle se produisit finalement juste à temps.

Alors qu'il allait renoncer, les vagues disparurent comme elles étaient apparues et avec stupéfaction, en l'espace de quelques secondes, ils se trouvèrent au milieu d'une mer calme, plate et douillette comme un bain chaud, la plage à quelques mètres d'eux et lui tout essoufflé se tourna vers Azure les yeux ronds.

- C'est fini.

Il n'y avait plus de danger maintenant.

Brutales lui étaient tombé dessus les vagues, et tout aussi brutalement celles-ci avaient cessé de se déchaîner soudain, les abandonnant, nigauds et essoufflés au milieu d’une mer d’huile et à quelques mètres à peine de brasse de la plage. Le temps d’une respiration, constater avec stupeur le retour au calme, puis réaliser qu’Azure se tient toujours solidement cramponné à lui et comprendre que, le souffle court, se maintenir la tête en dehors de l’eau est en train de devenir de plus en plus éprouvant. L’occasion aussi de prendre un peu plus la mesure de l’état émotionnel de sa camarade dont le premier réflexe est de fermer les yeux comme pour échapper à la mer.

Partagé entre le besoin pressant de reposer les pieds sur quelque chose de dur et le constat qu’Azure n’allait pas bien, Thomas ne trouva rien de plus malin à dire que « on va retourner sur la plage ». Ça semblait déjà une bonne première étape. Heureusement, les vagues – bien plus douces – allaient à présent dans le bon sens, les poussant vers le rivage et il n’y eut qu’à se laisser porter un peu pour atteindre finalement une profondeur où ils purent sentir le sable sous eux et cesser de nager pour se tenir debout dans l’eau.

Thomas posa ses mains sur les bras d’Azure, l’invitant doucement à relâcher sa prise qui lui pressait assez durement les épaules et l’empêchait à moitié de respirer, puis hocha la tête, touché par l’émotion de son amie.

- Je savais pas que tu savais pas nager.

Pour lui ça semblait bizarre, dans son collège et au centre de loisir où il allait pendant les vacances scolaires les sorties à la piscine étaient régulières, sans compter la mer chez ses grands-parents. Mais peut-être que les sorciers ne suivaient pas le même programme, ou qu’Azure n’avait pas eu la chance de grandir près des côtes, ou qu’elle en était phobique, enfin, beaucoup de choses étaient possibles à vrai dire.

C’était maintenant assez évident qu’elle avait pleuré, au moins un peu, à voir son air et ses yeux, enfin, Thomas se fit la réflexion qu’il voyait beaucoup de gens pleurer ces-derniers temps, quoique pour des raisons très différentes. Mais l’expérience n’en disait pas plus sur la façon de répondre et il se sentit gêné à nouveau.

- Je ne suis pas un super nageur, trouva-t-il important de préciser d’une petite voix, comme si la timidité de son amie avait déteint sur lui, et c’était vrai par ailleurs, assez bon pour lutter contre les vagues, mais que ces-dernières aient duré quelques minutes de plus et il s’épuisait lui aussi, sans compter qu’il avait été bien incapable de les ramener vers la plage sans l’aide du courant. Comme son esprit allait à cent à l’heure maintenant il trouva le temps de se faire la réflexion que s’il devait être un vrai garde-chasse, passer une formation de secouriste ne serait pas du luxe.
Il l’attira néanmoins vers le sable qui remontait, diminuant le niveau de l’eau à chaque pas.

- T'as perdu ton pareo désolé…  comme si ça avait la moindre importance.

C’est une Azure mutique et tremblante qu’il ramena, pas après pas, vers la plage et qu’il fallut délicatement détacher de son torse sans quoi elle l’aurait assurément tenu encore serré, à voir la panique évidente qui l’avait saisie. Une situation qui laissait Thomas bien démuni. Il n’était pas plus psychologue que maître-nageur, et assez maladroit en tant qu’ami, surtout face à Azure d’habitude si exubérante qu’il se retrouvait un peu à suivre ses initiatives sans bien en comprendre les tenants et aboutissants. Cela lui rappela leur rencontre dans la forêt interdite, où il avait fallu la ramener à l’orée du bois, sans quoi – il en était certain – elle s’y serait aventurée plus profondément au mépris de toute prudence. Et cette fois où elle avait tenté de grimper à l’arbre et manqué de tomber ? La jeune fille avait une sorte d’imprudence chevillée au corps, mais toujours animée par une forme de légèreté naïve et franche qui rendait, cette après-midi, son silence inquiétant. Jamais il n’avait souvenir de l’avoir vu dans cet état.

Le niveau de l’eau baisse et avec lui, la parole se libère, un peu, alors qu’elle avoue n’avoir jamais appris à nager. Que faire d’autre à part hocher la tête d’un air compréhensif. « Bof c’est pas grave, cherche-t-il à relativiser, mais en vrai c’est marrant quand on sait. » Parole maladroite, comme souvent, le mot marrant sonne déplacé après les derniers événements. Comment trouver amusant ce qui a bien failli vous noyer quelques minutes plus tôt ?
Ils sont sortis de l’eau à présent et Thomas ne serait pas contre s’envelopper dans une serviette, d’ailleurs ça ferait peut-être du bien à Azure aussi, lointaine réminiscence de série policière où les victimes de drame se glisse sous une couverture de survie avec une boisson chaude. Pas de boisson chaude ici, mais il doit lui rester un fond d’eau tiède dans sa gourde.

Ses excuses, inattendues, l’embarrasse et il va pour l’assurer qu’il n’y a pas de raison mais les larmes de la jeune fille coupe son élan, lui tirant une sorte de tétanie qui retient toute parole et tout geste. Encore des pleurs, et encore il ne sait pas quoi faire, comment gérer ? Une tape sur l’épaule, la prendre dans ses bras, dire quelques mots ? Aucun ne lui vient, sa tête est vide, il se sent tout idiot. Rire, blaguer, philosopher, oui, c’est facile, mais la peur et la détresse, qu’en faire ? On ne nous apprend pas à réagir, c’est toujours de l’impro ce truc-là. Alors il reste quelques secondes les bras ballants à juste la regarder qui se frotte les yeux d’où coulent d’épaisses larmes, et le buste tremblotant traversé d’un sanglot silencieux.
La deuxième fournée d’excuse lui fait reprendre ses esprits. « T’inquiète » qu’il souffle, en espérant que la suite viendra, qu’il trouvera que dire, que faire, évidement non, ce serait trop facile.

Sauf que t’inquiète ne semble de toute façon pas être la bonne réponse et pris par surprise, Azure détale soudain sous son nez, en direction de la plage, sans même avoir croisé son regard. « Eh ! » pas tant pour la retenir qu’exprimer son désarroi. Pff, quel nul, faute de savoir quoi faire il lui emboîte le pas comme il peut, tout clapotant dans la mer « Azure attends ! ».
Sans doute parce qu’elle ne pouvait pas courir indéfiniment il finit par la rattraper toutefois, essoufflé par la course après la nage et tout irrité de sel marin. « Arrête… » respiration « c’était un accident » respiration et puis : « je savais pas que tu pouvais faire de la magie sans baguette ! »

Une espèce de sourire penaud lui éclot sur le visage, ok ça aurait pu mal se passer, mais finalement plus de peur que de mal, c’est ça qui compte, non ? « De toute façon si j’avais su que tu pouvais c’est moi qui t’aurais demandé de montrer. » et ça, c’est vrai.

La situation ne s’améliorait guère pour Thomas – et que dire d’Azure alors ? – qui voyait son amie s’enfuir, submergée par ses émotions. Rien d’autre à faire que de lui emboîter le pas, lui demander de l’attendre, enfin, tout ce qu’un ami était censé faire en somme et à quoi il s’appliquait maintenant parce qu’enfin, il ne pouvait tout de même pas l’abandonner sans rien faire dans un tel état de panique.
Il la retrouva finalement à quelques dizaines de mètres de la rive, assise sous un (le seul ?) arbre à la ronde.

Un bref regard aux alentours lui confirme qu’ils sont toujours seuls, les autres adolescents ayant sans doute préféré d’autres parties de la plage, plus ombragées. Silencieusement, il prend place aux côtés d’Azure, la tête toujours ramassée au creux de ses bras et genoux, avant de tenter quelques paroles de réconfort.
Ces-dernières semblent trouver une forme d’écho chez la jeune fille qui relève la tête, yeux bouffis et cheveux cassants à cause du sel.

Au grand soulagement de Thomas, Azure accepte la discussion lui faisant hocher la tête plus pour l’encourager qu’abonder à ses paroles. De fait, ces-dernières lui font froncer les sourcils, de soucis et d’incompréhension. Lui n’a pas le sentiment que les choses tournent mal avec Azure, au pire qu’elle a tendance à faire preuve d’un peu trop d’inconséquence, parfois, mais qui est-il pour donner des leçons ?
Il la laisse néanmoins développer sa pensée, allant jusqu’à évoquer la chute d’une noix de coco qui… tombe effectivement ?! Echange de regards interloqués.

- Tu fais de la divination ? demanda-t-il premier degré. Certains sorciers en font de manière involontairement, il le sait, ce n’est donc pas improbable…

Puis, avec un soupire : « Les choses tournent pas mal avec toi c’est juste la magie qui est dangereuse de base. »

Franchement, il pourrait citer de tête vingt-cinq situations où, à cause d’un sortilège ou d’une créature, il s’est retrouvé en danger, ou au moins dans une situation périlleuse.

Et de continuer : « C’est pas pour rien qu’on… que vous allez à l’école. Et puis franchement t’es pas la pire du tout, tu connais une fille qui s’appelle Murphy ? »

Ah ça il aurait à en dire ! Mais ses pensées allèrent ailleurs et il poursuivit d’un ton plus calme.

- On sait toujours pas ce qui a tué Michaela, je crois que le monde des sorciers est juste… plus dangereux. Dans la forêt interdite ça se sent, aucune école normale devrait avoir ça juste à côté du parc alors…

Il haussa les épaules. « Faut faire avec ? C'est toujours mieux que le monde moldu en tout cas. »