Blaze ne pensait pas grand-chose du professeur de sortilège. Il aimait cette matière où il était plutôt doué, mais Aylmer était arrivé trop tard dans la vie scolaire de Blaze, à une époque où le regard des enseignants lui importait moins. Plus jeune, il aurait fait des pieds et des mains pour s’attirer les faveurs et l’intérêt du froid et taiseux enseignant, désormais il se contentait de prendre tout ce qu’on voulait bien lui donner, et de réclamer ce qu’il jugeait manquer, ou ce que sa curiosité le poussait à approfondir.

C’était pour ça qu’il toquait aujourd’hui à la porte du magicien. Deux ans auparavant, la professeure Thorstein lui avait appris à s’extirper des souvenirs du crâne. Il s’en était servi pour faire un cadeau à Skyler, puis pour apprivoiser une peinture en compagnie de Dmitri. Cette fois, il voulait savoir comment faire ressurgir des sortilèges passés, les extirper d’une baguette magique comme on consulte l’historique d’un ordinateur. Sa quête n’était pas innocente, il était sur la trace d’un sortilège impardonnable, ni plus ni moins.

Mais ça, il ne pouvait pas en parler à l’enseignant. Pas encore.

Ses phalanges heurtèrent le bois de la porte à deux reprises, attendant qu’on lui donne l’autorisation d’entrer. Sans doute que forcer la serrure du bureau d’un ex-langue-de-plomb aurait été un défi stimulant pour lui, mais il avait d’autres chats à fouetter, et un peu la flemme de se retaper une punition en cas d’échec. Le temps était compté désormais.

S’étant vu invité à pénétrer dans la pièce, il en poussa la porte et trouva l’enseignant derrière son bureau.

- Bonjour professeur Aylmer.

Entrée en matière toute en sobriété le temps de refermer l’huis sur lui et de faire quelques pas plus en avant.

- Vous allez bien ?

Certes on n’était pas ici pour parler de ça, mais ça ne coûtait pas grand-chose de demander, et le jeune homme était de bonne humeur ces derniers temps.

- Comme je vous l’ai expliqué dans ma lettre, j’aimerai savoir comment « remonter » les sorts lancés par une baguette.

Conscient que l’enseignant se montrerait forcément suspicieux quant aux raisons de ses intentions, il développa sans se faire prier.

- Dans le cadre de ma mission de préfet, j’aimerai montrer à certains élèves de ma maison que les sorts qu’ils lancent peuvent avoir des conséquences, et les surprendre en leur faisant une démonstration pour révéler leurs derniers sortilèges.

De son point de vue, c’était crédible, il ajouta cependant : « Je préfèrerai ne pas donner de noms si ça ne vous dérange pas. Mais il y en a un ou deux qui font les malins en pensant que je ne pourrai jamais avoir de preuves de leurs méfaits. J’aimerai les en détromper. »

Au pire, si vraiment l'enseignant se montrer insistant, Blaze était tout à fait disposé à accuser quelques premières années agaçants pour justifier son mensonge.


@Professeur W. Aylmer

« Entrez. » se contenta de clamer Wenceslas d’une voix assez forte pour que son invité du jour parvienne à l’entendre. Avec le temps, les élèves connaissaient les horaires auxquelles il était disposé à recevoir : le professeur de sortilèges se montrait plutôt généreux en la matière, particulièrement depuis qu’il avait remarqué les appétences de certains pour les expérimentations un peu hasardeuses, et il se plaisait à être surpris par leurs questions parfois atypiques. Il enseignait une discipline large qui couvrait bien des domaines, si bien même qu’il était parfois difficile de savoir s’il valait mieux se tourner vers lui ou ses collègues de métamorphoses ou de défense contre les forces du mal. Un bureau souvent ouvert incitait donc plus à venir s’enquérir des conseils, ce qui n’était pas plus mal dans une école déjà bien trop habituée aux explosions en tout genre. Il n’était donc pas particulièrement surpris d’être dérangé à cette heure de la journée, encore moins par l’identité de celui qui pénétra dans son antre, puisqu’après tout il avait déjà annoncé avoir quelques questions par courrier. « Bonjour monsieur Mansfield. » Le préfet de serdaigle était un bon élève, sans doute parmi les meilleurs de sa classe, capable la plupart du temps de se faire remarquer pour de bonnes raisons... du moins quand il ne menait pas un combat de coq avec Sherwin, mais c’était de leur âge, après tout. « Bien, je vous remercie, et vous ? » répondit-il en lui proposant d’un signe de la main un fauteuil, devant son bureau.

Ce qui était appréciable avec les élèves de son âge était qu’ils n’allaient pas par quatre chemins. Les plus jeunes avaient parfois tendance à se perdre dans des détails peu pertinents et à omettre ceux qui, en revanche, aurait nécessité de s’y attarder plus longtemps. Mansfield alla droit au but, prenant par la même occasion les devants quant à ce qui le motivait. « Si je comprends bien, vous me demandez de vous apprendre un sort dans le but de mettre en porte-à-faux vos jeunes camarades de serdaigle ? » Cela avait le mérite d’être audacieux. « Cela dépasse de quelque peu les attributions de votre rôle de préfet, je le crains. » Il n’était pas habituel que le garçon lui cause du souci durant ses cours, mais il avait vu à l’œuvre son caractère parfois directif et son égo. Cela ajouté aux quelques échos qu’il avait pu avoir dans la salle des professeurs, il était sain de se poser des questions quant aux réelles motivations du jeune homme. Les préfets n’avaient qu’un rôle très secondaire : ça n’était pas à des élèves, même triés sur le volet, de faire la discipline dans les salles communes. « S’il ne s’agit que de quelques méfaits de vos camarades, pourquoi ne pas en avertir votre directrice de maison, qui sera à même de vérifier la véracité de vos propos ? »

En confiance, Blaze s’installe. La fin de l’année qui s’approche et le fait qu’il soit auditeur libre au cours de Aylmer ont rendu leurs rapports particuliers. Pas cordiaux, l’enseignant n’a pas l’air d’être le genre de personne avec qui on fait aisément ami-ami, mais disons que ça se passe bien. Et Blaze respecte l’expertise, il ne se montre donc pas chiant.

Surtout, Aylmer est un mec du ministère. Auror ? Un truc du genre, non ? Enfin comme Thorstein, et même s’il n’arrive pas à la cheville de l’ancienne professeure de défense contre les forces du mal, l’ombre de cette dernière suffit à auréoler l’enseignant d’une certaine aura.

Sans se démonter, il hocha la tête à ses paroles. Ce n’était pas la première fois que Blaze venait réclamer un apprentissage hors du stricte cadre des cours et jusqu’ici il pouvait se vanter qu’aucun ne lui avait jamais été refusé. Même ce sort qui permettait de s’extraire des souvenirs de l’esprit, et pourtant c’en était un compliqué !

- Je ne l’aurai pas formulé comme ça, mais dans le fond oui.

Des fois, l’honnêteté payait plus qu’un mensonge fébrile.

- Je n’entends pas me substituer aux enseignants, loin de là. Ma démarche est purement pédagogique : il s’agit juste de donner la preuve que lancer un sortilège n’est pas quelque chose d’anodin.

Baratin baratine.

- Libre à ma directrice de faire la police, distribuer des punitions ne m’intéresse pas, par contre je pense que le message sera mieux reçu s’il est porté par un élève de leur âge que par un adulte. Sur le ton de la connivence, vous voyez, comme un conseil d’aîné.

Il eut lui aussi un sourire de connivence à l’égard de l’enseignant, estimant son petit discours délicieusement ironique. Blaze était quelqu’un qui s’aimait beaucoup.

- Vous savez que certaines leçons sont plus facilement acceptées quand elles ne sont pas dites comme une réprimande. Ça peut braquer les plus fortes têtes, je le sais j'ai été comme ça, et je pense que si les préfets doivent servir à quelque chose, c’est justement à accompagner.

Il adressa à Aylmer son plus pur regard d’ange. Comment ne pas lui donner Merlin sans confession ?