Le premier décor qui se dessine sous mes yeux dès lors que j’apparais instantanément sur les terres d’Ecosse est celui du château de Poudlard. Baignant dans la splendeur de ses innombrables lumières, l’école se montre pleine de vie alors même que le firmament sans étoiles se perd dans l’obscurité. Il n’est guère possible de transplaner dans l’enceinte de Poudlard au vu des systèmes de sécurité mis en place et c’est donc à quelques kilomètres du lieu que mes yeux contemplent l’immense bâtisse qui a été, autrefois, le lieu de mon apprentissage en tant que sorcière. Il est étrange de revenir sur place presque trente ans plus tard et jamais je n’aurais cru cela possible. Dans quel monde me serais-je destinée à devenir professeur ? Aucun. Si je suis ici aujourd’hui, c’est dans le but d’accomplir une mission que m’a confiée le Ministre de la magie. Ces dernières années, je dois avouer m’être beaucoup plaint de la façon dont les choses ont été gérées à Poudlard. Incendies, menaces, créature étrange, mangemorts aux portes de l’école… beaucoup trop d’événements tragiques ont eu lieu par ici alors que nous sommes pourtant censés promettre aux parents d’être le garant de la sécurité et de l’éducation de leurs jeunes enfants. Je me demande parfois si ces mêmes parents hésitent à les transférer vers d’autres académies qui n’ont jamais fait de vagues. En ce qui concerne Callum et Cleo, mes propres enfants, j’ai longtemps réfléchi à cette possibilité. Avec un tel conseil d’administration à la tête de l’organisation de Poudlard, je dois dire que ma confiance envers cette structure s’est effritée avec le temps. Ils n’ont jamais voulu écouter mes conseils et n’en font qu’à leur tête quant à la nomination des nouveaux directeurs. Mes préoccupations vis-à-vis de cette école ont dû faire écho aux oreilles du ministre pour que celui-ci ait enfin décidé d’agir en me mettant sur le coup. Je n’en suis pas vraiment mécontente puisque je vais pouvoir saisir cette occasion d’en savoir plus sur ce qu’il se trame à l’intérieur de ces murs. Se rendre directement sur le terrain après des années de quotidien au cabinet ministériel ne peut pas me faire de mal, bien que les hautes responsabilités vont me manquer. En compensation, ma rémunération sera maintenue et c’est d’ailleurs une condition que j’ai imposée au ministre dans le cadre de l’acceptation de cette mission. Il n’est pas question que je me contente du maigre salaire qui attendent les malheureux sorciers souhaitant faire carrière dans l’enseignement.
Cela fait plus de dix minutes que j’entreprends une marche rapide au coeur des vastes collines qui entourent Poudlard. Lorsque l’on lève les yeux vers le château, nous n’avons pas l’impression que le chemin est si long et tortueux alors qu’en vérité, vous rêvez que l’on fasse exception pour vous en ôtant la sécurité afin de vous permettre d’y accéder sans le moindre effort. Je n’ai jamais été friande des forêts ou des terres sauvages et je dois admettre que la sérénité n’est jamais complètement au rendez-vous. Je peux cependant compter sur l’escorte que le ministère a bien voulu m’accorder ; un auror, Wilhelm Morton que je connais très bien et avec qui les échanges sont toujours intéressants.
— Ca ne va pas trop te manquer de faire des circulaires, des notes de service ? Fliquer les subalternes comme de pauvres petites souris ? Les cafés toutes les heures avec tes copains du cabinet ? Me demande Wilhelm sur un ton ironique dont il a le talent.
Je laisse échapper un doux rire alors qu’il m’aide à franchir une pente abrupte et glissante de neige entre plusieurs arbres. Bientôt, nous parviendrons jusqu’aux portes de Poudlard si nous conservons ce rythme.
— Tu exagères, nous n’avons pas tant que cela de pauses là-bas, dis-je avec amusement avant de reprendre plus sérieusement. Mais effectivement, je pense que mon quotidien au Ministère me manquera et en même temps, un peu de nouveauté ne peut pas faire de mal.
— Ouais, puis s’occuper de morveux, c’est pas bien différent que de devoir collaborer avec des adultes immatures ou incompétents. T’inquiète pas, tu seras en terrain connu, j’en suis certain ! Répond-t-il dans un éclat de rire.
Je me demande si derrière l’humour de ses propos ne se dégage pas un brin de vérité. L’une des plus grandes désillusions de ma vie est d’avoir compris, au cours de mes études, que les adultes peuvent se comporter comme des enfants et qu’ils ne sont pas toujours aussi responsables et efficaces qu’on ne le pense. Le monde se porterait bien mieux dans le cas contraire et c’est pourquoi on ne met pas n’importe qui à la tête de n’importe quelle structure.
Nous continuons de rire ensemble à ce sujet alors que nous approchons de notre destination. Après être passé à côté de ce qui était autrefois la cabane de Hagrid, nous remontons une autre pente en direction d’un grand pont qui permet le passage vers l’école. Les souvenirs reviennent et la nostalgie se mêle aux diverses émotions qui me traversent à cet instant. Cela fait presque trente ans que je n’ai pas mis les pieds ici et pourtant, certaines choses n’ont point changé. C’est ce qui fait sans nul doute l’une des forces de cet endroit : son côté historique, son caractère inébranlable malgré la force du temps.
Tout en traversant le pont, j’ose un regard en direction des profondeurs du fameux lac qui a inspiré tant d’histoires, belles comme mauvaises, aux différents élèves ayant un jour été admis ici. En première année, on nous a raconté énormément de sottises dans le but de nous effrayer et de calmer nos ardeurs. Cela ne marche uniquement que sur les esprits les plus influençables mais quand on cultive suffisamment sa science, on sait que la plupart des rumeurs sont fausses.
Quelques instants plus tard, nous sommes face aux lourdes portes de chênes, encore ouvertes à dix-neuf heures trente, qui forment l’entrée de Poudlard. Notre marche s’arrête et nos regards se croisent à nouveau.
— Nous y sommes, dit Wilhelm. C’est ici que nos chemins se séparent, Melania, et je ne doute pas que tu parviendras à transmettre ta passion pour la métamorphose à tes élèves. Bon courage à toi, prends soin de toi et à la revoyure !
— Je te remercie pour tout. A la prochaine et prends soin de toi également !
Des sourires réciproques se dessinent avant qu’il ne tourne les talons et ne s’enfonce au loin, en reprenant le chemin inverse. Je rajuste mon manteau d’hiver, vérifie l’état de ma robe et de mes chaussures avant de pénétrer dans le hall d’entrée où la chaleur contraste terriblement avec le froid de l’extérieur.
(c) princessecapricieuse