Ce professeur nous fait suer. Je ne sais pas d’où il sort ses idées pour nous faire cours mais je suis fatigué après chacun d’eux et je suis bien content de n’avoir rien après la fin de celui-là. La fin du cours sonne et c’est avec peu de conviction que je range mes affaires et met mon sac sur l’épaule avant de sortir du cours de sortilèges. Je ne sais pas si je déteste ce professeur ou si au contraire je l’apprécie plus que d'ordinaire. Surtout après la séance privée qu’il m’a fait subir un samedi matin pour connaître mon niveau actuel. C’est perturbant.

Je descends les marches une à une, jusqu'à rejoindre le hall d'entrée, sans porter d'attention aux autres autour de moi - sauf à celui qui, par malchance, a rencontré mon épaule ainsi que mon regard noir - . Cette école accepte bien trop d'idiots à mon goût. Les mains dans les poches de ma robe de sorcier, je m’arrête plusieurs secondes dans le hall, pensif. Le repas ne commencera que dans une demie heure au mieux mais je n’ai aucune envie de rejoindre ma salle commune lugubre pour devoir la quitter quelques minutes après. D’un pas lent, je m’approche de la porte de la Grande Salle qui laisse apercevoir ce qui se passe à l’intérieur. Il n’y a pas grand monde autour des différentes tables et le peu d’élèves présents est surtout entrain d’étudier ou bavarder en petits groupes. Alors que je m’apprête à faire demi-tour, mon regard accroche une silhouette un peu à l’écart à la table qu’occupe les blaireaux. Celle-ci ne m’est pas inconnue, pour avoir été à ses côtés lors du premier repas où nous avons été répartis puis pour avoir passé quelques repas avec lui dans les premiers mois. Moi qui pensais être le seul nouveau, avec mes frères et sœurs, cette année, j’ai été plutôt surpris d’en voir d’autres se retrouver dans la même situation. Au moins nous étions pas les seuls bêtes de foires ce soir là. Je pense même que nous sommes plutôt passés inaperçus après les nouvelles qui ont suivies. Mahoutokoro m’a immédiatement manqué. Il n'y a pas d'annonce mortuaire dès les premières heures de l'année scolaire là bas.

Décidé, je pénètre dans la Grande Salle et m’avance dans sa direction. Il me faut quelques secondes pour le rejoindre et poser mes affaires à côté de lui. Salut Baby - c’est comme ça qu’il se fait appeler - semble concentrer sur des parchemins devant lui. J’arque un sourcil en y jetant un bref coup d'œil avant de moi-même sortir un bout de parchemin et une plume afin de griffonner quelques mots à une de mes connaissances coréennes. Autant dire que personne ne pouvait comprendre ce que je coucherai sur ce parchemin à moins de connaître la langue.

Tu lis le courrier de tes fans ou de celles qui te demandent comme cavalier ? Je lance un sourire en coin sans même lever les yeux de ma tâche. Après tout Baby semble célèbre. Bien que venant de Séoul, j’ai déjà entendu son nom de famille lors d’une soirée dédiée au quidditch. Ma mère étant une ancienne joueuse, il n’était pas rare qu’elle y soit invitée et sa famille avec. Et quelques fois, un autre sport y était mentionné, le Quodpot. Et le nom des Gillespie y était souvent mentionné.

La Grande Salle n’est pas spécialement remplie à cette heure et c’est sans un regard pour les autres présents que je me dirige vers le Poufsouffle bien trop concentré sur ce qu’il fait pour remarquer ma venue. Sans gêne, je m’installe à ses côtés, posant mes affaires sur la table, un regard rapide au-dessus de son épaule pour voir ce qu’il est entrain de faire. Je m’y désintéresse rapidement et sort à mon tour un parchemin pour y griffonner quelques mots en coréen. Pas besoin d’être discret, ici, à part ma famille, personne ne peut comprendre ce que je couche sur le papier. Je pourrai insulter n’importe qui dessus que cela passerait totalement inaperçu. Le coude sur la table, un sourire en coin, je demande avec un brin d’humour ce qu’il est entrain de faire. Il faut dire que le jeune homme est quelqu’un de célèbre. J’ai déjà entendu son nom de famille, même en Corée, lors de soirée dédiée au Quidditch et où le sport qu’il pratiquait était quelquefois mentionné.

Je ricane légèrement à sa remarque, toujours en griffonnant sur mon parchemin. Il n’a pas tort, les filles d’ici ne sont pas des plus audacieuses. En Corée non plus, mais certaines sortaient tout de même du lot. Personnellement, je ne m'y suis jamais vraiment intéressé, ignorant toutes les tentatives de celles qui ont tenté de m’approcher, mais certains de mes amis, là bas, en profitaient bien et jouaient le jeu. Tu es en manque de gloussement autour de toi ? Je lance d’un ton moqueur ? Moi ça me convient de ne pas avoir ce genre de son dans les oreilles. C’est vraiment insupportable.

Je suis du regard le manège de Baby avec les différents courriers qui s’étalent devant lui. J’ai vite compris qu’il s’agissait de lettres de fan. Que cela doit-être chiant de devoir répondre à chaque. Je relève mon regard sombre sur lui alors qu’il m’informe avoir invité une fille pour le bal. Bluebell… Ha, Oui je vois. Donc ton type est le genre reine des glaces. Je ne la connais pas spécialement, je sais simplement qu’elle est à Serpentard et qu’elle n’est pas comme les autres. C’est le genre qui attire le regard lorsqu’on la croise mais qui est d’un glacial. L’hypothèse qu’elle puisse proposer à Baby d’aller se faire enterrer est plutôt raccord. Au moins ça rajoute du piment et ça change de celles qui te regardent derrière leur bouquin en s’imaginant être discrètes. Je me redresse tout en jetant un regard circulaire autour de nous, m’attardant sur un duo de filles, un peu plus sur notre droite qui cherchent désespérément à se cacher derrière leur bouquin pour mater dans notre direction. Elles ne sont vraiment pas discrètes. Pathétique. Je les oublie rapidement et je repose mon coude sur la table, reprenant ma tâche avec lassitude.  

Oui, j’ai demandé à une Serdaigle de m’accompagner. Je crois qu’elle s’appelle Violet. Faire l’ermite dans la salle commune durant ce genre d’évènement n’est pas spécialement une possibilité. C’est bien durant ce genre de soirée qu’il faut se faire remarquer et surtout observer les autres. Poudlard regorge de pas mal d’abrutis et de personnes inintéressantes mais il y a sûrement une poignée d’élèves qui méritent mon attention et que je m’intéresse à eux. Comme Baby ou même Violet. Bon, cette fille est aussi la seule d'à peu près mon âge qui ne fait clairement pas pitié et qui correspond à mes critères aussi.

L’ennui prend souvent le dessus à Poudlard. Là où à Mahoukotoro, j’avais un groupe d’amis avec qui passer le temps et montrer au reste de l’école qui était au-dessus du lot, à Poudlard c’est une tout autre affaire. Depuis Tae Min, je me suis promis de ne plus faire confiance à qui que ce soit de la même manière. Laisser autant de place à quelqu’un m’a amené à baisser ma garde et croire que c’était ma personne et non mon nom qui était important. Alors, en Angleterre, je passe mon temps à ignorer les autres ou à ne répondre que le strict minimum. Rare sont ceux avec qui je prend le temps de me poser et d'avoir un semblant de relation amicale. C’était le cas avec Baby, au départ. Parce que nous venions d’arriver en même temps à Poudlard, que nous nous sommes retrouvés côte à côte à attendre que notre nom soit appelé et que nous n’avions aucune envie de manger seul dans cette grande salle lors des déjeuners, nous avons fini par nous côtoyer alors que rien ne nous rapprochait au premier coup d’oeil. Pas le même âge, pas la même maison, pas les mêmes intérêts. Et pourtant, au fil des semaines, c’est devenu une habitude au point où même aujourd’hui, alors que l’ennui me prend, le fait de voir Baby dans la salle, m’a donné une raison de ne pas rejoindre ma salle commune. Amis ? Je ne saurai dire. Trop tôt pour le dire même.

Je roule des yeux alors que sans discrétion aucune il me montre aux deux glousseuses de service en murmurant que je cherche une cavalière. Information éronnée, cette place étant déjà prise. Je n’ai pas besoin d’entremetteur pour trouver quelqu’un de mon standing. Il faut dire qu’il n’y a pas grand monde dans cette école qui l’a, alors il a été plutôt facile de trouver Violet. Baby se tourne vers moi, supris que de mon “je crois”. Je hausse les épaules, bien peu touché par sa remarque. C’est mal me connaître que de croire que je prend la première venue pour me rendre au bal.

Bien au contraire. Je fais attention avec qui je m’affiche. J’ai des critères. J’ai juste encore du mal avec les prénoms. Un mensonge. C’est surtout que je m’en moque du nom de ceux qui ne m’intéressent pas. Pour Violet, je ne la connais pas spécialement et il me faut quelques instants pour m’en rappeler. C’est surtout son nom de famille qui me parle le plus. Celui d’une famille de Sang-Pur.

Pas de plan de secours en cas de proposition d’enterrement ?

Je relance la discussion sur lui, cloturant celle sur le fait que je ne sois pas certain du prénom de ma cavalière. Tant que je le suis le jour J, je ne vois pas où est le soucis. Et si elle s’avère finalement intéressante, il est certain que je m’en souviendrai.

A moins qu’au fond, tu en meurs d’envie.

Coude posé sur la table, le dépose ma plume à côté de mon parchemin. Missive terminée. Je jette un regard rapide au tas face au Poufousffle. Pour rien au monde je voudrai être à sa place. Ce n’est pas ce genre de popularité que je cherche. Je me redresse, observant une nouvelle fois ce qui se passe dans la grande salle. Là où se tenaient les deux fans de Baby, s'est ajouté un groupe de garçons. Sourcil levé, je regarde le manège que l’un d’eux fait. Ca se voit à dix kilomètres qu’il angoisse lorsqu'il tente de prendre son courage à deux mains pour, semblerait-il, inviter l’une d'entre elles.

Tu risques de ne plus avoir de prétendantes libres bientôt.