Depuis quelques jours, tout Poudlard ne parlait plus que d’une seule chose, ou presque : halloween. C’était une vieille tradition, presque aussi ancestrale que l’école elle-même, et malgré le lot de drames qui avaient frappés l’établissement, rien ne parvenait à ôter aux jeunes gens l’envie de festoyer comme il se devait en ce dernier jour d’octobre. Sans doute était-ce un peu dû auxdits évènements traumatiques auxquels l’on ne semblait pouvoir échapper : il fallait apprendre à vivre avec, respecter le deuil et les épreuves tout en continuant d’être des adolescents joyeux et parfois insouciants.

Haley ne dérogeait pas à la règle. Une camarade de classe était peut-être morte – et ça l’avait un peu perturbé, sûrement plus à cause de la tristesse de Rosalie que pour Michaela elle-même – mais il était temps de tourner la page. Même ses parents l’encourageaient dans ce sens, sûrement préoccupés par l’idée que leur fille unique puisse retrouver ce vague à l’âme qui les avait tant inquiétés durant ses jeunes années. Il n’était plus question de se laisser abattre et, si l’on en oubliait les explosions et autres meurtres, rien dans la vie de la poufsouffle n’était prétexte à de trop grandes angoisses. Bien au contraire. Elle avait bien craint de se faire recaler de l’équipe de quidditch après ses résultats désastreux aux sélections, mais Misha gardait confiance en elle et l’attrapeuse lui rendait bien en s’entraînant de son côté. En fait, elle était sur un petit nuage avec le russe ; depuis que sa meilleure amie l’avait poussée à l’inviter au bal, ils étaient passés de vague camarades de maisons à quelque chose d’un peu plus... intime. Elle ne boudait pas son plaisir, toujours un peu fébrile lorsqu’elle reconnaissait l’écriture du garçon sur un mot, quand bien même la déception suivait parfois en constatant qu’il ne s’agissait rien de plus qu’un rappel du prochain entraînement de l’équipe.

Mais cette fois-ci, elle n’avait pas eu le moindre doute en ouvrant le petit parchemin : halloween approchait, l’on n’avait plus que ça sur les lèvres – même l’annonce de l’ouverture de la saison de quidditch peinait à se frayer un chemin dans l’esprit des gens – et des festivités étaient déjà annoncées à Pré-au-Lard ! Tout était réuni pour qu’elle se permette de rêver qu’il l’invite. Et ça n’avait pas loupé. Elle s’en voulait un peu d’abandonner Artemis un jour où Rosalie ne pouvait pas être présente, mais le serpentard ne semblait pas trop lui en tenir rigueur. En compensation, elle avait tout de même mis un point d’honneur à trouver un costume qui faisait écho au sien... on ne changeait pas une bonne tradition ! C’était ainsi qu’elle se retrouvait affublé d’un costume de femme pirate vaguement fantomatique, avec aux poignets des chaînes qui rappelaient des fers de galère. Elle avait ensorcelé – non sans mal, il lui avait fallu plusieurs essais – son poignet afin qu’il soit recouvert par un crochet de pirate. Son meilleur ami était borgne, elle serait manchote.

Plutôt fière du résultat, elle avait donc rejoint son agent de police favori dans la salle commune. « Le tien aussi est super, je n’ai jamais vu de flic plus convaincant que toi. » Son costume de prisonnier Dalton aurait été fort à propos, mais elle rechignait trop à recycler deux fois le même déguisement. Et puis, son moignon de pirate valait le détour, ç’eut été dommage de ne pas l’arborer fièrement.

Les élèves commençant à s’accumuler dans la pièce, ils finirent par descendre vers le rez-de-chaussée tout en bavassant de choses et d’autres, jusqu’à ce qu’ils arrivent finalement vers le village bordant Poudlard. La décoration était, comme toujours, parfaite et les festivités s’annonçaient prometteuse. Pas de drames, pas de vrais cadavres... rien ne pouvait mal se passer, elle en était certaine. « Allons voir les boutiques. Avec tout le monde qu’il y a, aujourd’hui, il faut bien que la police fasse son travail et assure notre sécurité à tous. » fit-elle en ponctua sa proposition d’un clin d’œil espiègle. Au bout d’un certain temps, ils furent alpagués, comme beaucoup d’entre eux auparavant, par un homme drôlement vêtu et à l’accent fort. Une petite animation d’halloween, ça ne se refusait pas, comme proposition ! Le seul bémol était qu’ils ne pouvaient pas choisir leur table et Haley se retrouva, pour son plus grand malheur, à tirer un numéro différent de celui de son cavalier. « Ne t’inquiètes pas, quand j’en aurais fini avec mes boîtes, je viendrais te donner un coup de main ! » Et elle remua d’un sourire son crochet avant de rejoindre la table numéro 12.

Il ne fallut pas très longtemps avant que son binôme ne vienne la rejoindre, en la personne de... Noah. C’était toujours un peu tendu entre eux, depuis leur rencontre dans la salle de bain des préfets. Devoir collaborer pour résoudre le mystère du directeur Armitage n’avait pas beaucoup aidé à briser la glace gênée qui s’était installée. « Salut Noah. Sympa ton... costume. » La poufsouffle rapprocha sa chaise de la table, regardant non sans méfiance les boîtes devant elle. Dommage pour elle, son moignon ensorcelé n’était qu’une illusion : si elle plongeait le crochet dedans, elle aurait exactement les mêmes sensations qu’avec sa main droite. De toute façon, elle ne voulait pas prendre le risque de voir le sort lâcher, ça gâcherait tout son déguisement ! « Bon, quand faut y aller ! »

Pair. Ses doigts pénétrèrent dans la première boîte, touchant une masse froide et désagréable. Heureusement, son esprit n’eut pas le temps d’avoir des images écœurantes en tête ; par chance, la pièce se trouvait pile à l’endroit où elle avait enfoncé sa main. « J’ai quelque chose ! » cria-t-elle d’un air victorieux et brandissant sous les yeux de son camarade le petit objet.

Spoiler:

Noah était manifestement plus gênée qu’elle, ce qui n’était pas peu dire. Il avait été facile de faire fi de leur altercation dans la salle de bains des préfets lorsqu’ils étaient avec Artemis et la gamine de gryffondor – quel était son nom déjà ? Ah oui, Azure ! – mais seule face à lui, les images de l’année dernière lui revenaient en souvenirs parfois tronqués par le temps. Et ça n’était pas pour améliorer les choses. En fait, plus elle y réfléchissait, plus elle était gênée.

Les joues un peu roses – et parce qu’il lui avait rendu son compliment – elle préféra mettre toute son attention dans sa boîte. Ainsi, elle n’avait pas besoin de le regarder et la quête de sa pièce était suffisamment prenante pour qu’elle puisse penser un peu à autre chose. Lui non plus, d’ailleurs, n’était pas particulièrement attiré par l’idée de discuter de ce qu’il s’était passé ou même des cordes de l’énigme du directeur Armitage. Il n’avait jamais été un garçon très bavard, en sa présence tout du moins, mais il n’allait pas en s’améliorant. Sans doute le départ de Daria n'était-il pas étranger à son comportement.

Finalement, lui aussi parvint à trouver une pièce dans sa boîte ; s’ils continuaient comme ça, au moins ça ne devrait pas durer trop longtemps et ils n’auraient pas à supporter leurs gênes respectives. Machinalement, la préfète se tourna vers une autre table, au loin, où se trouvaient son meilleur ami et Misha ; ce dernier et elle avaient un petit paris, alors si elle pouvait le remporter et se voir offrir la première tournée, ça n’était pas plus mal. D’autant qu’elle ne voulait pas se priver de le narguer. « Félicitations. » Maladroitement, elle essayait d’être un peu sympathique avec le serdaigle ; elle n’aimait pas les silences gênants comme celui-ci et se sentait toujours obligée de les combler. « Tu... as des nouvelles de Daria ? Ça fait bizarre de ne plus la voir en cours. » Après tout, il lui avait semblé qu’ils étaient plutôt proches, ces deux-là.

Pendant qu’elle cherchait vainement à rompre le malaise qui régnait en maître entre eux, elle n’avait tout de même pas abandonné son objectif principal et attaquait donc avec courage et hargne – enfin c’était l’image qu’elle s’en faisait, mais en réalité elle était infiniment moins assurée – la seconde boîte.

1 & 2. Par chance – et parce qu’elle était extrêmement talentueuse, bien sûr – il ne lui fallut pas longtemps avant de trouver une nouvelle pièce, non sans un soupir de soulagement. Le simple fait de plonger la main et de sentir que quelque chose la piquait lui avait hérissé les poils. Elle détestait ne pas savoir ce que c’était ! « J'en ai une autre ! » Plus qu'une boîte !

Spoiler:

Il fallait bien des évènements indépendants de leur volonté pour réunir Noah et Haley. Camarades de classe, et pourtant si ignorants l’un de l’autre ; ç’avait toujours été ainsi, entre eux. Ils ne se parlaient que peu, et lorsqu’ils en avaient réellement besoin, et ne se fréquentaient pas. Ça n’était pas faute d’avoir quelques relations communes, comme Daria ou Alexander... mais entre le serdaigle et elle, il semblait qu’une barrière infranchissable s’était progressivement formée, au fil des ans. Non que la préfète ait vraiment cherché à mieux le connaître. Elle le trouvait trop timide et effacé ; ça la rebutait, elle qui avait besoin de se sentir entourée de caractères plus exubérants et assurés.

Sans la meilleure amie du garçon, les rares liens qu’ils avaient pu nouer s’étaient rapidement détériorés. Ils n’avaient plus que son jumeau comme point commun, et ce dernier n’était guère très efficace en la matière... et il fallait reconnaître qu’Artemis n’aidait pas beaucoup non plus. « Sûrement, oui... il ne doit pas y avoir autant de drames à Beauxbâtons qu’à Poudlard. » Moins de meurtres, moins de grades infâmants. « Je crois que mes parents avaient envisagé de m’y envoyer. » Mais c’était trop compliqué et cela impliquait trop de sacrifices professionnels pour eux... puis peu à peu, les changements de direction et la reprise en main en main de l’école avaient finis par les convaincre de rester en Grande-Bretagne.

Ce bref instant de nostalgie et de camaraderie n’avait pas ôté à la jeune fille la volonté de terminer rapidement le défis des boîtes. Elle avait un pari à gagner, contre Misha, et ne serait pas peu fâché de le retrouver au plus vite. Heureusement, la chance – et le talent, nul n’en doutait – était avec elle. Les deux premières pièces furent presque trop faciles à obtenir. « Merci. » fit-elle en s’empourprant légèrement aux félicitations de Noah. Elle était une bonne attrapeuse, c’était un fait... mais elle avait encore beaucoup à prouver et ses derniers entraînements n’avaient pas été des plus prometteurs. « Tu t’en sors, avec ton équipe ? J’ai cru entendre dire que serdaigle avait perdu quelques membres... » Le pauvre, elle compatissait un peu ; il avait connu une très mauvaise saison, l’année dernière, ça ne devait pas être simple d’endosser une nouvelle fois le rôle de capitaine dans ces conditions.

Prête à s’attaquer à son dernier récipient mystérieux, Haley manqua de sursauter en entendant l’exclamation de son camarade. « Ça va ? Tu n’as rien ? » Sa main semblait relativement intacte, mais pour avoir déjà plongé la sienne dans la boîte, elle savait qu’il y avait de quoi surprendre... tout ne devait pas être identique, sûrement avait-elle eu plus de chance dans le positionnement des... pics ? Ou qu’importe ce que ça pouvait être.

Puisqu’il n’avait rien de grave, elle put se pencher à nouveau sur son objectif. Désormais plus sûre d’elle – les deux précédentes épreuves n’avaient pas été très dures, après tout – elle plongea sans hésiter ses doigts... et poussa un petit cri apeuré, proche du couinement, presque aussitôt. « Il y a des bestioles, là-dedans ! » Une infinie de nuance de dégouts passa sur son visage. C’était pire que de découper les cafards, pour préparer les ingrédients de potions. Mais paradoxalement, c’était aussi plus simple de trouver la pièce, une fois l’envie de vomir évacuée... Lorsque ses doigts frôlèrent l’objet dur et immobile, ce fut un cri de victoire qui s’échappa de sa bouche. « Je l’ai !! » Elle brandissait fièrement sa dernière trouvaille, les joues roses et le cœur qui battait à un rythme un peu plus effréné.

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