Prends garde à la lueur qui avance (Jasper & Dmitri)

Garçon toujours connu pour sa nature profondément colérique et râleuse, Dmitri n’en était pas à sa première envie de tout détruire sur son passage mais il avait le sentiment que ce désir de violence se faisait plus fréquent, plus répétitif que jamais. Et c’était si simple de toujours se trouver une excuse, arguant pour lui-même que les décès qui avaient jalonné ces derniers mois étaient une cause évidente de ses humeurs. La réalité était qu’il n’avait pas attendu de porter le deuil pour laisser libre court à sa hargne mais que l’adolescence, bien que mêlée aux trépas passés, était la plus vive des provocations. Il grandissait un peu, se cherchait constamment sans jamais trouver qu’un enfant tiré vers des préoccupations qui n’étaient pas tout à fait de son âge. L’absence de Caleb le laissait pourtant plus vulnérable qu’il ne l’avait imaginé ; il n’avait plus ce regard un peu réprobateur, mais toujours gentil, qui était si rafraîchissant. Il lui manquait. Et soudainement, il avait réellement compris à quel point les projets qui se tairaient au sous-sol du manoir des van Aken étaient importants. Il ne pouvait imaginer que si jeune, le serpentard n’était déjà plus que poussières et Alexander lui faisait miroiter une possibilité d’y remédier. C’était lointain, encore irréalisable, mais si seulement il se montrait un peu utile, peut-être que le vieil homme y parviendrait. Tant de générations s’étaient succédé pour qu’ils avancent vers ce projet fou, à présent que le temps était venu pour lui d’y contribuer il ne comptait pas se contenter d’être le dernier né perturbateur et inutile.

En fin de compte, le trépas de son cousin éloigné n’était pas tant ce qui contribuait à le rendre hargneux que ce qui le motivait à mettre plus d’assiduité dans les tâches – quelles qu’elles soient – que lui donnait son grand-oncle. Il prenait avec un sérieux tout particulier celle qui consistait à nourrir de ses souvenirs la pousse d’arbre magique dont il avait hérité, allant jusqu’à faire des croquis de sa croissance, notant minutieusement les moments – et les souvenirs – qui semblaient être plus propices à le faire pousser. Il lui semblait que la branche était plus friande des souvenirs habités de forts sentiments. La peur et la colère alimentaient infiniment mieux les racines que ces calmes et doux instants passés à dessiner à côté du feu. Et puis, il s’intéressait à la magie telle qu’on ne lui apprenait pas à Poudlard ; celle qui tournoyait dans la peinture qu’il utilisait, ou celle des runes que l’on gravait. Ou peignait ? L’idée – pourtant loin d’être révolutionnaire – avait germé dans son esprit et il ne pensait à présent qu’à ce qu’il pourrait en tirer. Le liquide dont il se servait pour peindre était atypique et ensorcelé, un secret de sa famille qui avait bien des propriétés et qui était voué à en développer toujours plus.

Mais tout était trop lent, dans l’école anglo-saxonne, à commencer par les cours de runes qui constituaient encore majoritairement à apprendre par cœur l’alphabet runique sans réellement avoir l’occasion de toucher du doigt la réelle utilité de celui-ci. Frustré par le l’aspect si minimaliste des enseignements et ce manque de profondeur – et parce qu’il préférait s’adonner à de la pratique plutôt que de rabâcher une théorie ennuyante – il s’était finalement adonné à des objectifs personnels. Ceux-ci avaient pour mérite de l’occuper assez pour museler un peu ses accès de colère si bien que depuis quelques temps, il n’avait plus eu de réel accrochage avec un camarade. C’était un début. Ça ne le rendait pas plus sage, bien au contraire, mais il se montrait plus discret, parfois un peu mutique et ses infractions demeuraient pour l’heure de l’ordre du privé.

Comme celle qui l’avait menée à pousser la porte de la réserve. C’était si simple de s’y introduire, alors même qu’un élève de troisième année n’aurait en temps normal pas le droit de s’y rendre. Encore moins après le couvre-feu. À croire que Poudlard les incitait à braver cette interdiction, clamant qu’il ne fallait pas s’y rendre et qu’il était nécessaire d’avoir une autorisation pour consulter les livres qui s’y trouvaient, mais ne se contentant que de verrouiller mollement la porte. N’importe quel enfant venu serait capable de l’ouvrir.

Dmitri arpentait les étagères du lieu proscrit à la lumière de sa baguette, sans trop se méfier de ce qui pouvait arriver. La première fois, il avait été excessivement prudent, mais il n’avait pas vu quiconque patrouiller de ce côté de l’école ; sans doute que la plupart des préfets se contentaient de jeter un coup d’œil dans la bibliothèque et n’allaient pas plus loin. Après tout, la porte était fermée. Quant aux professeurs... eh bien, il avait l’impression qu’ils ne faisaient pas encore de ronde à cette heure-ci. C’était la raison pour laquelle il n’avait pas attendu très longtemps : peu de temps avant le couvre-feu, il se cachait dans un coin de l’étage. Il avait repéré voilà bien longtemps une petite alcôve à l’écart du couloir et surtout à l’ombre de toute lumière, une grande armure le protégeant. Puis il restait sagement là jusqu’à ce que tout le monde soit rentré dans son dortoir et qu’il aperçoive la bibliothécaire prendre la direction de ses appartements.

Quand il était certain d’être tranquille, il filait vers son objectif et ne s’inquiétait plus de grand-chose sinon de trouver des ouvrages intéressants. Il voulait en savoir plus sur certaines runes, celles que l’on évoquait moins en cours de troisième année ou selon des aspects trop théoriques pour les créations qu’il avait en tête. Et surtout, il voulait comprendre comment les utiliser dans ou avec des peintures. Sans doute son aïeul était capable de répondre à des questions qu’il n’était pas encore à même de se poser, mais il était habité de ce désir de trouver seul, sans aide. Il avait besoin de montrer qu’il en était capable.

Sa première expédition dans la réserve n’avait pas été très fructueuse, mais il sentait qu’avec un peu de persévérance, il trouverait de quoi se mettre sous la dent. Il en était d’autant plus certain qu’il connaissait désormais mieux les lieux et qu’il perdait moins de temps à faire attention que la lueur de sa baguette ne soit pas trop visible, sous la porte. La fois précédente, il l’avait parfois éteinte, profitant de la lueur rose que dardait la lune à travers l’une des vitres teintées, mais ce soir, il favorisait l’efficacité à la prudence.

En fait, il aurait été prêt à parier que rien ne pouvait ralentir son avancée ce soir. Il se sentait presque comme l’élu de la divinité des bravades : toutes les étoiles étaient alignées pour qu’il n’ait pas de soucis. Après tout, le mois de septembre touchait presque à sa fin et il n’avait toujours pas été inquiété pour ses frasques, ce qui était une première depuis son arrivée en Grande Bretagne. Rien ne pouvait mal se passer, si ?

@Jasper S. Bellingham

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Ce n’était pas le début d’année scolaire le plus joyeux que Jasper avait vécu. Même après avoir dû reconstruire intégralement le château durant l’été après sa première année, lui et beaucoup d’autres élèves avaient été soulagés de retrouver l’école. A la fois pour le fruit de leur travail et pour le fait qu’ils puissent y retourner, retrouver les camarades, apprendre de nouveau à se servir de leur baguette, poursuivre leur apprentissage. Là, le premier soir le directeur leur avait rappelé le décès de deux leurs camarades au cours de l’été, pire que cela, il avait été interrompu pendant son discours de bienvenue pour qu’on lui annonce le meurtre d’une élève dans le train qu’ils avaient tous emprunté pour venir jusqu’à Poudlard. Cette annonce avait jeté un froid dans toute la salle pourtant plutôt enthousiaste en ce début d’année avec un nouveau directeur qu’ils connaissaient pour la plupart. Les élèves avaient plus ou moins été impactés en fonction de leur degré de proximité avec les défunts. Jasper l’avait été à sa manière, ayant surtout peur pour ses sœurs et triste que des camarades puissent perdre leur vie, surtout dans des circonstances aussi affreuses que le décès de Michaela. Quelques élèves de sa maison en étaient venus à s’accrocher après cette annonce et il avait essayé d’intervenir comme il le pouvait, mais il n’avait fait qu’être transparent. Son intervention avait été aussi utile que s’il était resté assis à continuer à regarder son assiette comme depuis l’annonce du Directeur. Preuve s’il lui en fallait qu’il n’était pas fait pour un rôle d’autorité.

Seulement, si les choses avaient été fortement positives pour lui en fin d’année dernière, ce n’était pas toujours le cas pour cette année. Du moins, pas de la manière dont il aimerait que cela se passe. Il avait dû intégrer l’équipe de Quidditch de sa maison, faute d’un nombre suffisant de joueurs alors qu’il ne se trouvait vraiment pas très doué sur un balai même s’il aimait beaucoup voler et continuait de suivre les cours pour s’améliorer. Son temps libre se voyait drastiquement réduit avec les entraînements collectifs et les matchs qui s’étaient greffés à son planning. Alors qu’il aurait nettement préféré passer ce temps à réviser pour ses BUSE et à flâner pour se reposer.
En plus du Quidditch, du moins, avant qu’ils ne se retrouve embarqué dans l’équipe, Jasper avait monté un club de lecture dont il était le président pendant au moins le premier trimestre. Cela prenait du temps d’organiser les sessions mensuelles du club. Trouver un nouveau livre pour contenter les goûts de tous les élèves participants n’était pas une mince affaire. Bien qu’il avait de la chance, beaucoup de goûts se rejoignaient lui permettant d’avoir tout de même quelques pistes intéressantes. Il fallait ensuite trouver un lieu, l’aménager, le réserver au moment prévu et préparer quelques douceurs pour passer un moment encore meilleur. Pour quelqu’un comme Jasper qui n’avait pas du tout l’habitude de faire tout ce genre de choses, cela ne se faisait pas en un claquement de doigt. Mais cela avait au moins le mérite de lui apprendre de nouvelles choses, c’était un temps bien investi.

Pour couronner ce début d’année merveilleux, Blaze le préfet des Serdaigle avait décidé de faire du Blaze. A savoir organiser une soirée dont tout le monde pouvait se passer. Encore plus avec ce qu’il avait prévu pour les élèves de sa maison. Les enfermer dans leur salle commune était probablement l’une des pires idées qu’il ait pu avoir. Surtout en les privant chacun d’un sens le tout dans un brouillard épais puis en y ajoutant quelques intempéries. Comme si les élèves de Poudlard avaient besoin de ce genre d’idiotie de la part de leur préfet. Ce dernier avait clamé la nécessité de se serrer les coudes, comme si cela allait changer quoi que ce soit. Hormis se serrer les coudes pour qu’il soit viré de l’école, ou au moins qu’il ne soit plus préfet histoire que tout un chacun soit tranquille.
Comme Blaze avait usurpé l’identité du Directeur en faisant en croire aux Serdaigles qu’il organiserait la soirée de rentrée de la maison, Jasper n’avait pas perdu de temps pour aller dénoncer ses agissements au principal intéressé. Cependant, là où la sanction rendue par Monsieur Armitage était plaisante, quoiqu’un peu légère au goût du garçon, il ne s’attendait pas à ce que cela lui retombe dessus. En aucun cas il ne se sentait prêt à être préfet. Et il devait remplacer celui-ci pendant tout un mois. Autant dire qu’il pouvait dire adieu au peu de temps libre dont il disposait encore. Devoir passer ses soirées à patrouiller pour faire la chasse aux élèves ne respectant pas le couvre-feu ne l’enchantait guère. Et puis en quoi il était mieux placé pour faire fasse au danger s’il se présentait à lui ? Et si vraiment il s’agissait de faire la chasse aux couche-tard pour éviter qu’ils ne soient en retard pour les cours du lendemain, c’étaient les préfets qui risquaient ce retard. Jasper était quelqu’un qui se couchait tôt de sorte à être en forme en classe pour étudier. Toutes ses habitudes étaient bouleversées.

Néanmoins, cela lui donna un privilège non négligeable : pouvoir se rendre partout dans Poudlard, ou presque. Cela incluait notamment la fameuse réserve de la bibliothèque, un endroit convoité par de nombreux élèves parfois aux desseins douteux. Les premières semaines il n’avait pas osé y patrouiller de peur qu’on lui reproche de profiter de son statut pour s’y rendre. Déjà que ce remplacement n’était pas des plus officiels étant donné qu’il n’avait pas pris l’insigne de Blaze, heureusement d’ailleurs, alors s’il commençait à mettre les pieds dans des endroits interdits directement, il risquait de se faire sanctionner à son tour et il n'en avait pas vraiment envie.
L’occasion rêvée lui fut donnée de s’y rendre au cours de la dernière semaine de son remplacement. Alors qu’il arpentait les rayons de la bibliothèque assez distraitement, son regard fut attiré par une lumière sous la porte de la réserve. Chose parfaitement anormale à cette heure de la soirée, la bibliothécaire était déjà partie. En s’approchant de la porte il se rendit compte qu’elle n’était pas verrouillée comme elle est censée l’être. Le néo-préfet ouvrit assez timidement la porte, le cœur battant la chamade. C’était la première fois de tout ce remplacement qu’il faisait face à quelqu’un ne respectant potentiellement pas le règlement. Il ne savait même pas comment gérer la situation. Guidé par la lumière émanant d’une lanterne ou d’une baguette qu’il suivit en essayant de ne pas faire trop de bruit, imaginant tout un tas de de scénarios dans sa tête. Il finit par tomber sur un élève qui lui tournait le dos et ne semblait même pas l’avoir remarqué, trop occupé par ses recherches semblait-il. L’élève semblait un peu plus petit, probablement un peu plus jeune. Cela le rassura quelque peu et lui permit de prendre la parole.
« Hum hum. » s’éclaircissait-il la gorge pour se faire entendre. « Je peux t’aider peut-être ? » Il gardait la main sur sa baguette, prêt à la brandir en cas d’attaqua, après tout, le meurtrier était toujours en liberté et rien n’indiquait qu’il ne faisait pas partie des élèves.

Dmitri n’avait rien entendu. Ou du moins, n’avait-il pas prêté attention aux bruits qui cherchaient à l’avertir du danger. Tous les indices étaient là, mais il était tellement absorbé par sa quête d’ouvrages intéressants et un peu obscurs – il y avait là une certaine forme d’intérêt singulier pour tout ce qui touchait au prohibé – qu’il ne les avait pas perçus.

Au bout de quelques minutes de recherche, ses doigts avaient caressé la reliure d’un livre plutôt prometteur au titre énigmatique, mais qui l’attirait sans qu’il ne sache trop pourquoi. Des runes étaient inscrites dessus, seul argument matériel en faveur de l’ouvrage. Après quelques secondes à le contempler sans le tirer de l’étagère, il l’attrapa entre son pouce et son index, et le tira. Il n’était pas bien épais, un peu poussiéreux et manifestement vieux. Sous sa peau, la couverture semblait... trembler. Comme si elle frissonnait, de froid ou de satisfaction à l’idée que quelqu’un puisse en parcourir les pages. C’était étrange, mais pas assez pour que l’aiglon le repose et s’en éloigne. Il avait glissé sa baguette, toujours allumé, entre son auriculaire et la couverture du livre et l’ouvrit à l’instant même où un raclement de gorge retentissait dans le silence de la pièce, à sa gauche. Le bruit semblait être répercuté par chacun des manuels, chaque page l’amplifiant pour mieux surprendre le garçon, qui ne s’était pas attendu à être dérangé en pareil moment.

Brusquement, le tchèque se retourna vers ce qui lui semblait être la source du bruit, pointant sa baguette droit devant lui. Un peu ébloui par sa propre lumière, il mit quelques secondes à distinguer la personne à l’origine du dérangement. Un jeune homme, plus grand que lui, plus trapus aussi, arborant un uniforme bleuté comme celui qu’il avait lui-même laissé dans son dortoir. Il le connaissait. Jasper, celui qui avait gagné à l’atelier de tir, l’année dernière. Celui-là même qui avait tenté d’intervenir pendant les conflits naissants du banquet, laissant une marque de rancune amère dans le cœur du benjamin. « Je m’en sors très bien tout seul, merci. » rétorqua-t-il d’un ton acerbe et peu avenant, la voix sans doute un peu plus rauque que d’accoutumée. Jusqu’assez récemment, il n’avait rien de particulier à lui reprocher, si ce n’était d’avoir eu l’outrecuidance de remporter leur duel de tir, mais la rentrée avait redistribué un certain nombre de cartes et l’enfant était ces temps-ci d’une humeur générale qui n’aidait pas à le rendre sympathique avec autrui. « Tu peux retourner dans la salle commune, j’étais mieux tout seul. » Il avait peut-être vaguement entendu parler d’une sanction à l’égard de Blaze, qui rejaillissait sur son camarade un peu plus jeune, mais il ne s’y était guère intéressé et ne le percevait en rien comme un préfet ou quelqu’un ayant une quelconque forme d’autorité. Il était un élève comme lui, qui n’avait pas de légitimité plus grande que lui à se retrouver ici, si ce n’était que le benjamin pouvait toujours jouer de son patronyme pour inciter d’autres personnes un peu trop naïves à le laisser en paix sans discuter.

Il ne s’était toutefois pas détourné de lui – il n’était pas idiot – et n’avait pas fait mine de baisser sa baguette. Quiconque avait été à Poudlard ces dernières savait qu’il ne rechignait en général pas à en faire usage et que la menace d’une punition n’était pas suffisante pour calmer ses ardeurs.

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Jasper n’était pas spécialement un adolescent habitué à représenter une forme d’autorité. S’il essayait d’être un modèle pour sa petite sœur et de la garder dans le droit chemin. Mais cela s’arrêtait à la pousser à faire ses devoirs et lui montrer qu’en étant sérieux et appliqué on peut avoir de bonnes notes et du temps libre. Il suffit d’un peu d’organisation et de concentration et le tour est joué. Cela permettait à Jasper de faire régulièrement autre chose que travailler ou faire ses devoirs. En plus, comparé à d’autres élèves, il se couchait plus tôt de manière générale.
Aussi se retrouver dans cette position de préfet par intérim le mettait assez peu à l’aise. Le Serdaigle était bien content de n’avoir eu aucune action à entreprendre jusqu’alors et ce remplacement touchait à sa fin, Blaze reprendrait son rôle et ce serait très bien ainsi, du moins ce serait très bien que cette tâche ne lui incombe plus. N’importe qui d’autre que Blaze ou lui-même ferait l’affaire, il en était convaincu.
Seulement, en s’aventurant jusque dans la bibliothèque, il ne s’attendait à ce que pour la première fois il doive intervenir. S’il ne manquait pas de confiance en lui, il ne savait pas pour autant ce qu’il devait dire ou faire. D’ailleurs, il pouvait très bien s’agir d’un professeur qui aurait parfaitement le droit de se trouver là où il est. Rien ne l’assurait qu’il s’agissait d’un élève. La situation le rendait quelque peu mal à l’aise.
Quand il se manifesta auprès de la personne dos à lui, qu’il dominait par la taille, il ne s’attendait pas à ce que la personne se retourne aussi brusquement, la lumière de son Lumos pointée droit vers lui. Comme dans un réflexe il sortit à son tour sa baguette pour la pointer en direction du plus jeune. S’il était mal intentionné il ne pouvait pas rester baguette rangée, il devait être prêt à réagir, plus jeune ou non, il pouvait très bien s’agir du fameux meurtrier recherché depuis la rentrée. Une fois que ses yeux se furent habitués à la brusque luminosité, il reconnut Dmitri, un Serdaigle un peu plus jeune que lui. Avec qui il avait partagé une activité lors du camp de vacances et qu’il avait remporté. En apparence, il ne représentait aucun danger. Néanmoins, il ne semblait pas enclin à baisser sa baguette et le ton avec lequel il lui répondait ne lui plaisait pas tellement. Outre le fait qu’il soit préfet par intérim, il était plus âgé que lui et ce dernier devait lui témoigner un minimum de respect, cela ne semblait pas être le cas après ses propos qui laissaient Jasper quelque peu pantois, surpris qu’il lui réponde de cette manière. Après un instant à sortir de son état de surprise, il rétorquait :

« Je te rappelles que tu enfreins le règlement Dmitri, à cet égard je ne peux pas te laisser ici. En outre, je te remercierai de baisser ta baguette rapidement, il ne me semble pas nécessaire de se pointer ainsi entre camarades. »

Il essayait d’être le plus avenant possible mais la situation lui était inédite, il en restait très froid, glacial même. C’était sa carapace qui se manifestait pour l’aider à gérer la situation. L’objectif de Jasper n’était pas de prendre de haut son camarade même si sa manière d’être pouvait le laisser penser.

Pendant deux ans, Dmitri n’avait jamais parlé à son aîné ; c’était tout juste s’il le croisait dans la salle commune et y prêtait attention, ce qu’une était d’une grande banalité. Tous les serdaigles ne se fréquentaient pas assidument et cela semblait être plus vrai chez eux que dans les autres maisons. Le tchèque n’avait su mettre un nom sur ce visage qu’à la faveur des vacances d’été, et d’une compétition qu’il avait perdue, ce qui n’était pas pour le mettre dans de bonnes conditions. Il était assez mauvais perdant, ou tout du moins ne supportait-il pas de rester sur une défaite sans chercher à obtenir une revanche, qu’elle soit obtenue à la loyale ou par des alternatives plus fourbes. Et si jusque-là, il n’avait pas trop eu l’occasion d’avancer ses pions pour montrer au vainqueur ce dont il était capable, il n’avait pas renoncé à sa vendetta. « Bien sûr, je vais baisser la mienne pendant que tu me menaces toujours avec la tienne. » ricana-t-il sans faire le moindre geste qui pourrait laisser à penser qu’il comptait arrêter de le viser. Jasper était plus âgé, un peu plus expérimenté que Dmitri – quand bien même celui-ci avait une parfaite confiance en ses propres capacités – aussi serait-il parfaitement idiot de lui laisser un avantage supplémentaire, celui de l’avoir en ligne de mire pendant que le plus jeune baissait la garde. Il avait suffisamment d’expérience avec ses frères pour ne pas faire pareille erreur. « As-tu conscience que je me fiche complètement de ce que tu peux clamer au sujet du règlement ? Je ne reconnais déjà pas beaucoup d’autorité à Blaze, ce n’est pas pour t’en donner plus, toi qui n’en as aucune. Fais-toi passer pour un préfet devant les autres si ça t’amuse, mais n’attends pas de moi que je rentre dans ton jeu. » Un sourire perfide fendit son visage, témoignant de l’assurance excessive qui habitait si souvent ce garçon impétueux et têtu. Enivré par tout cet aplomb, il se laissait facilement aller à des actions parfois insensées que seule la rudesse de l’échec parvenait à vaincre. L’aiglon n’était pas de nature à se laisser dominer sans protester ardemment.

Oh, il n’était pas dupe au point de croire que son aîné finirait par abandonner et retourner dans son dortoir pour demander son reste : chacun avait sa fierté et voir le peu d’autorité, dont il bénéficiait pendant encore quelques jours, bafouée avec tant de dédain devait être réellement frustrant. Avait-il pour autant une once de compassion ou de sympathie à son égard ? Pas le moins du monde. Au contraire, il n’avait pour l’heure qu’un mélange de mépris, de colère et de cette frustration d’avoir été dérangé alors qu’il approchait de son objectif. « De toute façon, que comptes-tu faire ? Si je refuse de retourner dans mon dortoir, tu ne peux rien y faire. Tu n’as pas le pouvoir de me donner une retenue, et même si tu avais celui de me retirer des points, c’est à ta propre maison que tu vas causer du tort... une seconde fois, puisque tu t’amuses déjà à dénoncer tes camarades, il paraît. » Qu’importe où se trouvait la vérité dans les sous-entendus du véritable préfet, Dmitri l’avait trouvé assez convaincant pour le croire lui plutôt que son usurpateur et parce qu’on l’avait lui-même accusé d’être du côté des balances, il avait besoin de montrer l’inverse en faisant peser sur Jasper la même vindicte que celle qui l’avait autrefois frappé.

Il haussa les épaules, l’air de dire que rien de tout ceci n’avait d’importance. « De toute façon, je n’aurais qu’à demander à mon oncle de faire sauter les sanctions. » À quoi bon continuer de calmer à cor et à cri qu’il n’était pas l’élève favorisé par son aïeul de professeur quand de toute façon tous demeuraient persuadé qu’il l’était ? Il pouvait difficilement le contraire depuis l’année dernière, alors il avait décidé d’en jouer, quand ça l’arrangeait.

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Dmitri et Jasper ne se connaissaient pour ainsi dire pas. Hormis lors de l’été où ils avaient partagé la même cible pendant quelques dizaines de minutes, sinon l’un et l’autre ne connaissaient pas vraiment le caractère de l’autre. Au-delà de jouer son rôle de préfet, Jasper était quelqu’un qui suivait de près le règlement. Bon, là il profitait un peu de ce privilège qui lui avait été accordé pour s’accorder cette balade nocturne dans la bibliothèque, mais il ne pouvait pas le révéler à Dmitri, il fallait qu’il montre un bon visage face à lui, se disait-il. Apparemment, il ne semblait pas très enclin à vouloir baisser sa baguette. Jasper n’avait sorti la sienne que lorsque son cadet avait commencé à le pointer avec la sienne, il était sur la défensive. A ses yeux c’était au plus jeune de commencer à la baisser, mais il allait être diplomate et le faire, tout en restant méfiant pour éviter de se faire surprendre, rien n’innocentait complètement le jeune Serdaigle. En revanche, le ton ricanant qu’il employait ne plaisait pas tellement à Jasper. Ce dernier traitait son camarade avec respect, cela ne semblait pas réciproque.

« Très bien, je peux baisser la mienne tant que tu ne tentes rien d’incensé. J’ai levé la mienne après que tu en aies fait autant, je n’ai aucune intention de te lancer un sort… » Joignant les gestes à la parole, Bellingham baissa sa baguette vers le sol, sans la ranger tant que le garçon face à lui n’en ferait pas autant.

Se faire passer pour un préfet ? Ce n’était pas vraiment le cas, on lui avait demandé d’aider Judith, pas d’être préfet. Pour preuve, il n’avait aucun insigne, certains professeurs au début de ce remplacement avaient même demandé à Jasper ce qu’il faisait dans les couloirs, n’étant pas encore au courant. Que Dmitri ne reconnaisse pas l’autorité de Blaze à ce niveau-là ils étaient au moins deux.

« Je ne lui reconnais pas plus d’autorité tu sais. Ce n’est qu’un idiot narcissique. En ce qui concerne mon autorité je te confirmes que je n’en ai aucune, et que je ne joues aucun jeu. Tu m’as vu te crier dessus ou t’ordonner quelque chose en dehors de baisser ta baguette ? Non, je t’ai dit que tu enfreignais le règlement et que je ne pouvais pas laisser là, je ne t’ai pas ordonné de quitter les lieux. En outre, je ne me fais pas passer pour un préfet, je n’en suis pas un et n’ai aucune envie d’en être un, on m’a demandé d’aider Judith je le fais, comme tu le peux le voir je n’ai pas d’insigne sur ma cape. » il désignait le tissu autour de l’insigne de Serdaigle pour appuyer ses dires. « Je ne compte pas me battre avec toi pour que tu quittes les lieux, tu ne veux, tant pis, tu auras été prévenu si tu tombes sur quelqu’un qui dispose de cette autorité. »

Jasper se trouvait déstabilisé par le comportement de Dmitri, ce sourire qu’il affichait, cette assurance, il n’était pas taillé pour y faire face. Ou plutôt, il s’en fichait en fait. Jamais il n’avait eu cette notion d’appartenance à une maison, c’était un solitaire, que Serdaigle gagne ou perde la coupe des quatre maisons il s’en fichait complètement. Tout ce à quoi il pensait était sa réussite scolaire personnelle.
Quand il mentionna le fait de dénoncer ses camarades, Jasper fronçait les sourcils, un air d’incompréhension, ne percutant pas où voulait en venir Dmitri, alors il ne feignait même pas de faire l’innocent. Tout en haussant les épaules, il répondait.

« Je ne sais pas de quoi tu parles, mais comme je t’ai dit, tu ne veux pas partir alors soit, j’ai fait ce qu’on m’a demandé en t’avertissant. En ce qui concerne enlever des points, si tu crois que cela m’atteints… Cela ne me fait ni chaud ni froid, je dirai même que je serai satisfait de voir Blaze perdre cette coupe histoire de lui montrer à quel point ce n’est pas grâce à lui que nous la remportons. Mais je ne crois pas non plus avoir l’autorité de t’en retirer et n’ai pas l’intention d’essayer. »

Dmitri termina en ajoutant qu’il pouvait faire annuler les sanctions comme on claquait des doigts, Jasper soupirait d’un air résigné.

« Raison de plus pour ne pas me battre avec toi à coup de sanctions, restes-là si ça te chante. Fais perdre des points à Serdaigle si ça te chantes, moi tant que je réussi mes examens le reste et les autres je n’en ai absolument rien à faire. » terminait-il sur un ton cinglant.

Sa baguette toujours pointée sur l’intrus, l’enfant haussa un sourcil irrité en le voyant baisser la sienne, non sans clamer qu’il n’était pas celui qui avait lancé les hostilités. « Ne retourne pas la situation. C’est toi qui m’as pris par surprise en débarquant dans mon dos. » Il avait levé la sienne dans un réflexe autant défensif qu’agressif. Finalement, il la baissa légèrement, le bras toujours tendu, comme s’il était prêt à la relever à la moindre contrariété... ce qui n’était pas tout à fait faux.

Dmitri avait écouté tout le laïus de son camarade plus âgé sans broncher, ni faire mine de riposter verbalement. En fait, il fallait le reconnaître, il était plutôt surpris par sa réaction. À sa place, il se serait sans doute énervé plus tôt, mais lui gardait un dégagement qui forçait le respect... ou l’irritation. Le tchèque n’avait jamais été d’un grand talent pour se mettre à la place des autres, pour essayer de les comprendre. Il aurait bien pu l’ignorer et continuer de faire comme s’il n’existait pas, puisqu’après tout il clamait ne pas être là pour jouir d’une fausse autorité il ne risquait rien, mais le simple fait que son aîné prétendre ne pas comprendre ses allusions suffisait à susciter chez lui une envie de riposte. « Oh arrête, il n’y a pas besoin d’être particulièrement futé pour comprendre que si Blaze joue les concierges, c’est parce que quelqu’un l’a dénoncé à Armitage. » Il n’avait pas encore totalement intégré l’idée qu’il soit le directeur ; à jamais, cet homme était voué à passer le balai et courir après les garnements, dans l’esprit du garçon. De toute façon, ce poste n’était jamais occupé bien longtemps par la même personne, d’ici un an il allait sans doute quitter le navire, comme les autres. « Et je ne vois pas qui d’autre ça pourrait être, sinon toi. Tu accours tout raconter aux profs et tu récupères l’interim aux côtés de Judith. » Les sous-entendus du détenteur original du titre avaient été assez limpides. « Toi, tu n’as pas été grade acier, tu ne sais pas ce que c’est que d’avoir à faire le sale boulot sur ton temps libre. Non, toi tu veux juste réussir tes examens, les autres tu t’en moques. » Il ricana, un peu amer. Ça n’était pas tant pour Blaze qu’il parlait que parce qu’il gardait une certaine rancune pour l’année précédente. Lui avait été forcé d’aider le personnel et avait en prime été mis en porte-à-faux par ceux-là même qui partageaient une peine identique à la sienne. Ça n’était pas juste que Jasper y gagne sur tous les plans en dénonçant leur préfet dans l’indifférence la plus totale.

Au fond, il se moquait bien de ses camarades et de la coupe des quatre maisons. L’aiglon n’avait jamais été très porté sur l’intérêt commun de serdaigle, et leur faire perdre des points ne représentait pas une très grande déception à ses yeux. Pour autant, une forme de d’hypocrisie inconsciente le poussait à se scandaliser d’entendre le cinquième année clamer qu’il se réjouirait presque de constater leur défaite, en fin d’année. Un sourire moqueur fendit ses lèvres. « Tu donnes beaucoup d’importance à un idiot narcissique. » Mais qu’importe, il n’était pas là pour défendre l’honneur de Mansfield, lui-même ne se donnerait sûrement pas la peine de le faire dans une situation semblable. « Si ton seul intérêt, c’est de réussir tes examens, retourne réviser et fous-moi la paix. » Pour la première fois, il n’eut plus l’air le moins du monde menaçant avec sa baguette, se détournant de son aîné pour s’intéresser à nouveau au livre qu’il tenait et aux runes qui y étaient gravées.

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