Le soleil lambine encore alors que je me réveille : l’été touche à sa fin. C’est généralement la période où j’essaie de reprendre un rythme nocturne pour préparer les rondes de la rentrée. Mais cette année, ce sera différent. Ma gorge se tend, et il devient difficile de déglutir. Cela fait bien longtemps que je n’avais pas ressenti cette angoisse sourde qui précède la rentrée des classes. Il faut dire qu’il y a ‘’quelques’’ changements qui se profilent. Tout d’abord, c’est aussi la rentrée de Moritz, qui est aussi un peu mon problème, il va falloir trouver la bonne distance pour être une oreille attentive si besoin tout en lui foutant la paix comme le reste des parents qui ne connaissent pas grand-chose de la vie Poudlardienne de leurs enfants. Ensuite, le poste de Directeur. Ceci dit cela facilitera sûrement le point numéro 1 : j’aurais vraisemblablement moins l’occasion d’arpenter les couloirs et de surveiller directement les élèves. Mais j’ai accepté la proposition du Conseil d’Administration de Poudlard. J’ai été très surpris de recevoir une convocation de sa part, je les ai bien croisés quelques fois au château lors de réunion, mais je me suis demandé ce que j’avais bien pu faire. Quand ils ont évoqué la raison de ma présence, j’ai failli en tomber de ma chaise. Passer de concierge à Directeur… autant apprendre à faire le grand écart. Mais le Conseil d’Administration a souligné mon investissement en tant que concierge, ma prise d’initiative alors que je n’y étais pas obligé, l’intérim réussie quant à la Direction de Gryffondor et la déception qui s’en est suivie pour les élèves quand j’ai repris mon poste de concierge. Et que leur référent a démissionné assez rapidement. Visiblement ce sont des choses qui arrivent jusqu’aux oreilles des parents. Et surtout, ils ont apprécié que j’essaie de porter la voix des élèves lors de la conférence, qui n’a pourtant pas été ne serait-ce que le début d’une réussite, afin d’apaiser le climat dans l’école. Devant ma réticence, nous avons convenu que ça ne coûtait rien si ce n’est un peu de temps de passer les entretiens. Evidemment, je me suis pris au jeu. A force de répondre à des questions sur ma vision de l’école, de l’éducation, sur ce que je ferais dans telle ou telle situation, je me suis dit que finalement, peut être que…

Et c’est ainsi que je regarde ma tasse de café avec nervosité ce matin. Heureusement, le programme de la journée devrait me détendre un peu. J’accompagne Moritz au Chemin de Traverse et y rejoint également Siwan. Il me paraît important que ces deux là aient connaissance l’un de l’autre avant la rentrée. J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer l’existence de Siwan lorsque j’ai fait les présentations du pêle-mêle de photos ou quand ma délicate sœur ne s’est pas gênée pour déballer toute sa curiosité pour ‘’l’avancée de mes affaires de cœur’’ alors que nous lui rendions visite. Je perpétue la tradition de clôture des vacances avec l’achat des fournitures, fini les promenades à l’écurie, les voyages en France et le bricolage dans le jardin. Et les quelques fuites matinales pour saluer Siwan. Je suis reconnaissant d’avoir reçu l’agrément à cette période de l’année, et d’avoir pu faire connaissance avec Moritz en dehors de l’école. Mais les affaires reprennent. Je m’installe sur la grande table du salon avec des dossiers – bon sang, j’espère que je vais avoir l’opportunité de ne pas faire que de la paperasse sinon je vais devenir fou – et compile rapidement les réponses des coupons pour le banquet. Je les envoie au fur et à mesure aux elfes de maison pour le banquet, et au disquaire de Glen Coe qui se charge de m’ensorceler la playlist de rentrée. Quand j’entends Moritz descendre les escaliers, je range mon bazar pour l’accueillir et la journée peut commencer.

***
Nous rejoignons Siwan vers 14h, dans un café un peu à l’écart du passage de la rue, même si l’adolescent n’en dit rien, je crois qu’il aimerait bien passer inaperçu alors nous allons éviter le Chaudron Baveur. « Nous allons prendre la poudre de cheminette pour rejoindre au café du Kelpie où nous retrouvons la professeur Kendrick. Promis, tu n’auras pas à subir notre compagnie trop longtemps : si tu veux faire tes achats de rentrée tout seul ou rejoindre des camarades, tu n’auras qu’à me dire qu’il est l’heure que tu y ailles. Je crois que tu as rencontré des gens au village ? Je prends mon téléphone, comme ça je peux te rejoindre si tu as besoin ! » Si Moritz et moi avions passé du temps ensemble, je l’avais aussi laissé libre d’explorer les environs et de rencontrer les habitants ou les passants à Pré-au-Lard. Nous habitons un peu à l’écart, mais je lui avais assez rapidement fourni un vélo et un balai pour qu’il puisse se débrouiller sans m’avoir dans les pattes quand il n’en avait pas envie, du moment qu’il m’informait de ce qu’il faisait. Et nous avons un avantage sur les sorciers pur jus : je ne suis qu’à un sms de lui. Et jusque-là, il s’est montré raisonnable, pas de raison de ne pas le laisser explorer un peu le chemin de traverse s’il le souhaite. Je m’installe dans la cheminée, et j’attends qu’il m’y rejoigne. Nous avions déjà pris ce moyen de transport pour rejoindre ma sœur, alors je lui tends la poudre de cheminette pour qu’il nous y envoie. Il n’y a qu’à la jeter et à dire le nom du café.

Une fois sur place, je cherche des yeux la chevelure flamboyante de Siwan et la rejoint à sa table. « Salut Siwan ! Ça va ? » dis-je en lui passant un bras autour des épaules avant de prendre ma place. « Siwan je te présente Moritz Lazarus, Moritz, Siwan Kendrick. » Le serveur vient prendre notre commande, interrompant quelques instants les présentations, ce n’est pas plus mal, si l’on pouvait éviter d’être trop formels… « Qu’est-ce que tu as fait ces dernières semaines ? » Je demande à ma compagne, certain qu’elle saurait bien nous dénicher un sujet de conversation.

C’était bientôt la fin d’un été qui avait était assez déroutant. Rien ne serait plus comme avant désormais. Fini Portchester, fini la vie tranquille chez Latifa et Tanja… J’avais changé de maison, de tuteur, d’école. J’avais appris, bien malgré moi, que j’étais un sorcier. J’avais dû m’habituer à ce fait, à ce qu’il impliquait. Accepter de vivre avec la culpabilité de l’état de Latifa. Heureusement Fergal était gentil. Il faisait de son mieux, se souciait de moi. Les quelques semaines dans le foyer londonien n’était plus qu’un mauvais et lointain souvenir. J’avais une nouvelle famille, de nouveaux repères. Alors bien sûr, ce n’était pas toujours simple. Je n’étais pas toujours à l’aise. Avec Fergal, je pouvais dire que ça allait. Quoiqu’un nouvel évènement avait perturbé au cours de l’été le fragile équilibre que je croyais pouvoir construire. Il aurait dû être simple concierge de mon futur établissement. Il venait finalement d’être nommé directeur. Par anticipation, j’appréhendais un peu ce fait. Je craignais que cela ne devienne un obstacle supplémentaire à mon intégration, une différence de plus. Mais cela, je verrais à la rentrée. D’abord, il fallait que j’affronte les proches de Fergal.
Sa sœur d’abord, en France, pays à la langue barbare, pire que l’Angleterre. Moïra était très gentille pourtant mais je n’étais pas parvenu à me sentir à l’aise. Elle semblait pourtant ravie de me rencontrer, Fergal ne m’avait pas menti à ce sujet. Mais j’avais encore du mal à admettre que j’avais une nouvelle famille, dont elle faisait lointainement partie désormais. Et aujourd’hui, j’étais encore plus nerveux qu’avant de partir en France. Pourtant, désormais, je connaissais le principe de la poudre de cheminette, je n’allais pas hurler comme la première fois. Mais la rencontre n’était pas lointaine cette fois-ci. Elle concernait quelqu’un que j’allais croiser tout au long de l’année, même si je n’assisterais pas à ses cours. L’amie de Fergal, Siwan de son prénom. Jusque là, j’en avais vu une photo dans l’entrée. Aujourd’hui, quelques jours avant la rentrée, au moment de faire mes courses, j’allais pouvoir échanger avec elle. Et admettre que je passerais l’année entre une professeur et un directeur. Pas simple comme situation.
Heureusement, Fergal a choisi un café un peu discret, de celui qui n’attire pas les foules d’élèves. Je hoche la tête en écoutant Fergal. Oui, je pourrais faire mes achats seul, j’ai la liste dans ma poche. Et surtout j’ai un nouveau sujet d’excitation. En la relisant ce matin, j’ai compris que je pourrais avoir un hibou, un vrai, qui vole. Ce n’est pas aussi bien qu’un avion mais c’est déjà pas mal.
« Je pourrais acheter un hibou ? »
Quelques semaines auparavant, ma question m’aurait paru incongru. Mais entre le manuel de potions et la baguette magique, le volatile n’est pas l’élément le plus étrange de la liste.
Siwan était déjà installée quand nous entrâmes. Nous nous asseyions, je fus très fier de commander un jus de citrouille maintenant que je savais grâce à Maxwell que c’était ce que buvaient les sorciers.
Je n’osai pas parlé et ce fut Siwan qui rompit mon silence en me demandant si je connaissais le pays de Galle. Je n’avais aucune idée d’où cela se situait. La géographie britannique me semblait encore nébuleuse.
« Non, je suis en Angleterre depuis pas longtemps. Et avant, je ne bougeais pas de Portchester. »
Et sans en dire plus, je pris un gâteau commandé par la professeur.

Je suis content de voir que Moritz se détend petit à petit, et qu’il se fait un peu à notre monde. Pour avoir côtoyé l’un comme l’autre, je mesure à quel point certaines choses sont différentes. Et puis, il y a tout le tumulte autour de ma prise de poste. Je sens bien que le sujet n’est pas source d’inquiétude uniquement pour moi. Je suis agréablement surpris que le garçon me demande quelque chose. Un hibou, toujours pratique pour envoyer ses courriers discrètement. J’accepte avec plaisir : « Un hibou ? Oui bien sûr, à condition de l’acheter chez Eeylops, au Royaume du Hibou. L’autre animalerie est moins … regardante sur la qualité de vie des animaux. » Je n’ai pas de hibou moi-même, et il vrai
que faire le chemin jusqu’à la poste a été un peu fastidieux cet été. Mais ça me fait mon sport.
Je laisse Moritz nous guider à travers la cheminée, et nous rejoignons Siwan au café. Elle semble être là depuis un moment à en juger le nombre de tasses devant elle. Je ris quant à sa remarque sur la température. « Oui par exemple ! Je suppose que tu n’es pas allé retrouver le soleil aux Seychelles ou ailleurs pour te remettre de l’humidité écossaise ? » Siwan était du genre à ne pas sortir de son antre de tout l’été, tel les ours en hibernation. Un principe qui me dépassait un peu, n’étant que peu attaché à ma maison. Bien entendu, j’y étais resté plus que d’habitude, puisqu’il y avait Moritz dans l’équation. Mais cela ne nous avait pas empêché de bouger à droite à gauche. Néanmoins, je m’étais fait à cet aspect de la personnalité de Siwan, non sans tenter de temps à autres de l’emmener voir d’autres verts pâturages.

Je jette un regard amusé à Moritz : « Ne l’écoute pas, c’est très bien l’Ecosse, une langue et un accent mélodieux, et les plus beaux élevages de chevaux magiques du secteur. » Sans vouloir critiquer le pays de Galle, bien entendu. C’est sympa aussi : les filles y sont flamboyantes. Surtout celle-ci. « Mais après la France cet été, on peut laisser une chance au pays de Galle : ils ont des dragons. » dis-je sur le ton de la confidence. C’est un argument de vente qui séduirait la plupart des petits sorciers… Mais je ne sais pas encore si les créatures magiques de cette envergure inspirent le garçon ou si elles font partie des choses encore un peu effrayantes du monde des sorciers. Quant à Siwan, elle avait ramassé des bouses de dragons comme tout à chacun pendant le voyage scolaire l’année dernière, elle devrait survivre à l’épreuve. D’ailleurs, ça fait du bon combustible pour les cheminées.

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HS : désolée pour le délai et la qualité je fais mieux au prochain tour