Une nouvelle sentence était tombée : ce soir, c’était nuit d’errance dans la forêt interdite. Il ne s’agissait pas de chercher un intérêt pédagogique à cette retenue, il ne s’agissait pas plus de se préoccuper d’une quelconque équité. Nous étions grades aciers, nous devions le payer, voilà sans doute ce que se disait la direction. Je n’avais aucune idée de comment Sorensen le justifierait au Ministère, ni même s’il aurait à le faire. Il utiliserait peut-être les mêmes explications que ce soir lors du repas. En tout cas, je n'avais pas prévu de me dérober, la perspective d'un renvoi ne m'attirait guère. Je n'étais pas prête à abandonner le combat quand bien même la forêt interdite, même quand il s'agissait simplement d'en traverser une petite partie pour le cours de soins aux créatures magiques, me terrorisait.
Le concierge nous accompagna jusqu’à l’orée de la forêt et m’attribua mon groupe de retenue, deux filles que je connaissais plutôt bien à force de fomenter des révolutions : Michaela et Skyler. Si je commençais à accepter de travailler main dans la main avec la dernière, dans un semblant de confiance mutuelle, je gardais une certaine défiance envers la première. Ses doutes lors de la réunion des indignés avaient laissés des traces et elle restait encore dans mon esprit celle qui avait tenté d’expliquer que le directeur n’était peut-être pas si cruel. Aujourd’hui était une preuve du contraire sans doute plus directe que les cicatrices que j’avais dû exposer aux yeux de tous.
Mais pour l’heure, il n’était pas question de régler nos comptes. Cette nuit, et peut-être au-delà si nous voulions sortir de ce dortoir où on nous avait relégué, nous devions coopérer. Et la forêt semblait plus menaçante que jamais, maintenant qu’on savait qu’on risquait d’y passer la nuit. Nous n’étions pas encore entrées que le moindre bruissement de feuille me faisait sursauter. Je n’avais rien d’une aventurière.
« C’est quoi un veaudelune ? »
Ma question était sincère, je n’en avais pas la moindre idée. Et pourtant, ce n’était pas la première que j’aurais voulu poser à mes deux acolytes. Maintenant que nos courriers étaient surveillés, les occasions d’échanger librement se ferait sans doute rares et j’étais bien décidée à en profiter ce soir. Mais je n’étais pas téméraire non plus. Le concierge était encore dans les parages, ce n’était pas spécialement le moment de se faire remarquer en demandant aux autres comment préparer l’insurrection. Alors, autant commencer par des questions banales et marcher d’un pas presque assurés dans les profondeurs de la forêt.