Heureusement qu’elle était seule dans le corridor en ce moment. Son va-et-vient incessant était ridicule. Elle avançait de quelques pas dans le couloir, cherchant à se convaincre, puis changeait d’avis soudainement et faisait volte-face. Elle secouait ensuite la tête et se tournait pour reprendre sa route initiale avant de faire demi-tour à nouveau. Continuellement, une danse hésitante. Elle tournait sur elle-même, s’étourdissant au passage. Au bout de plusieurs trop longues minutes, elle s’immobilisa complètement. Ses mains trouvèrent sa tête avec énervement et ses doigts glissèrent dans ses mèches dans un espoir de vider son esprit. Elle lâcha ce qui ressemblait à un soupir furieux mêlé d’un grognement fatigué. Elle n’arrivait pas à se décider. Devait-elle aller voir le conseiller ? Peut-être que ça pourrait l’aider. Mais en même temps, elle ne savait pas exactement quoi lui dire et comment s’exprimer. C’était quand même rare pour elle de réfléchir trop longtemps à ce qu’elle voulait dire ou faire. Ça ne lui ressemblait pas beaucoup. C’était peut-être l’une des raisons pour lesquelles cela la mettait d’une humeur irritable. Elle se sentait un peu perdue dans tout ça, elle détestait tellement cette sensation. Elle ne voulait plus y réfléchir. Mais plus elle repoussait toutes ces questions et plus elle se sentait étouffée. Un nouveau soupir quitta ses lèvres, cette fois plus résignée et triste.

Alors qu’elle se retournait pour ce qui devait être une centième fois, son regard tomba sur la silhouette qui avançait au bout du couloir. Les formes se dessinèrent peu à peu pour laisser apparaitre le concierge. Il marchait dans sa direction. Les yeux pâles de la Gryffondor se fixèrent sur lui un moment et elle l’observa approcher en silence. Toujours immobile au milieu du couloir. Une idée se frayant lentement un chemin dans son esprit. Et cette fois, elle fut convaincue. Sans hésitation, sans gêne, elle se posa dans le chemin face au concierge, pour l’empêcher de la contourner facilement. Son regard était déterminé. Elle était décidée. Dès qu’il fut assez proche pour l’entendre sans qu’elle ait à crier dans le corridor, elle s’exprima sans attendre :

– M. Armitage ! Est-ce que vous avez du temps, là, tout de suite, pour discuter ? Vous êtes pas pressé ? Je peux vous parler ?

Ce n’était pas une mauvaise idée après tout ! Pourquoi n’y avait-elle pas pensé avant ? Elle se sentait à l’aise de discuter avec le concierge. Peut-être parce qu’elle était habituée de le voir dans l’école et qu’ils avaient pu faire connaissance en retenue. C’était peut-être aussi parce que ça semblait moins sérieux, moins recherche d’orientation et véritable question sur le futur. Moins à propos d’elle-même aussi. Car après tout, elle ne voulait pas réellement se perdre dans les dédales de son esprit. Essayer de comprendre ce qui lui plairait, ce qu’elle voudrait, ce qu’elle devrait faire pour y arriver. Elle n’avait pas envie de faire un choix tout de suite, de sceller son destin. C’était trop pour elle. Il lui semblait qu’elle avait encore tant à expérimenter, à explorer. Pourquoi devait-elle choisir un chemin dès maintenant ? Les années passaient trop vite… Et elle n’était pas prête à tout ça. Mais elle ne pouvait pas fermer les yeux indéfiniment. Elle devrait donner une réponse à un moment. Faire un choix. Comment les choses pouvaient-elles être aussi ardues ? Elle se sentait prise, obligée à décider d’un avenir dont elle n’avait aucune idée. Et elle ne voulait pas vraiment en parler, même si elle essayait de se convaincre que c’était la bonne solution. Mais peut-être pourrait-elle écouter ? Avoir un point de vue différent. Celui d’un adulte qui avait bien plus d’expérience qu’elle dans la vie. Qui pourrait peut-être lui dire si elle devait réellement décider sa vie dès l’année prochaine.  

– Si vous avez du temps, on pourrait marcher vers la cour. Il fait doux aujourd’hui.

Et peut-être que l’air frais lui ferait grand bien. Calmeraient ses pensées folles et son anxiété nouvelle.