Dmitri n’aimait pas le quidditch et voler sur un balai. Ça n’était pas agréable et encore moins confortable, et il y avait de biens meilleurs moyens de locomotion, comme transplaner. C’était peut-être un peu difficile pour l’estomac, les premières fois, mais à faire de transplanage d’escorte, il commençait par s’y accoutumer. Mais allez savoir pourquoi, sa trop grande fierté l’avait poussé à garder cette discipline infernale pour sa deuxième année : s’il ne persévérait pas, il savait qu’il subirait les quolibets de ses frères. Il en avait trop eu, lorsque petit, ils s’acharnaient à le faire tomber du balai. En l’absence d’autres van Aken pour handicaper sa progression, il se sentait infiniment plus serein dans cette discipline... même s’il gardait en une sainte aversion.

Le sport préféré des sorciers n’avait jamais été le sien. Il préférait rester à l’intérieur, à l’abris du vent, pour dessiner, que d’aller assister à des matchs à mètres de hauteur. Quant à l’idée d’y participer, c’était aussi absurde que l’étaient les règles du quidditch. Mais puisqu’il n’était plus à une idiotie près, il avait fallu qu’il se rendre sur le terrain le jour des sélections de son équipe. Sans doute devait-il être malade, ce jour-là, pour se dire que narguer ses frères était une ambition suffisamment importante pour qu’il perde du temps dans le froid et le bout des entraînements. Le pire, dans tout ça, c’est qu’il n’était pas vraiment mauvais. Après plusieurs années à jouer avec une fratrie aussi violente au sol que dans les airs, il avait fini par en tirer une certaine expérience. Il ne deviendra jamais joueur professionnel et il ne lui viendrait pas à l’esprit de se penser capable d’être le meilleur dans la discipline, mais il se défendait plutôt bien pour quelqu’un qui détestait ce qu’il faisait. Aussi lorsqu’il avait vu que le cours de vol des deuxième année était jumelé avec les première année, il avait vu rouge. Les plus jeunes de l’école n’avaient pour beaucoup d’entre eux jamais enfourché un balai, et il devait supporter leur lenteur ? Quelle perte de temps idiote !

Ce fut assez énervé par ce constat qu’il se joignit à ses camarades, après avoir enfilé une tenue plus appropriée à la pratique d’un sport, sans pour autant se départir des couleurs de sa maison. L’enseignant était un nouvel arrivant – encore un – qui arrivait par un étrange miracle à faire de longs palabres inutiles pour une matière qui n’en nécessitait pas le moins du monde. Discours qui attisa d’autant plus la pointe de frustration dès lors qu’il souligna le but du cours : apprendre à voler. Il était sérieux, là ? Il avait eu un entraînement de quidditch quelques jours plus tôt, et Piers voulait lui apprendre à décoller avec son balai ? C’était absurde.

L’aiglon leva les yeux au ciel, exaspéré, et se positionna à droite de son balai. L’exaspération était telle que lorsqu’il prononça un premier « Debout ! » bras tendue au-dessus de l’objet, celui-ci ne daigna pas obéir. Quel idiot, il faisait ! Par mimétisme, il avait donné l’ordre en anglais alors qu’étant enfant, il avait toujours appris à le faire dans sa langue natale. « Vstaňte ! » fit-il une seconde fois, en tchèque cette fois-ci. Bien plus réceptif, le balai se redressa, venant se loger dans la paume de main du garçon.

Sans un regard pour ses autres camarades qui tentaient encore de se saisir de leurs balais, Dmitri se tourna vers le professeur. « On peut décoller, maintenant, ou on doit encore écouter des instructions qu’on connait tous depuis l’année dernière ? » Qu’il s’occupe de materner les plus jeune s’il voulait, quitte à supporter ce cours, le jeune van Aken préférait rentabiliser le temps pour s’entraîner un peu plutôt que de rester cloué au sol.

La patiente de Dmitri était de plus en plus éprouvée durant les cours de vol. Depuis ses frères qui lui avaient appris à avoir une aversion très naturelle pour le quidditch, son envie de rejoindre l’équipe uniquement mue par un désir de vengeance et de relever le défi de ses aînés et à présent les cours d’un nouveau professeur qui se contentait de considérer qu’il recommençait tout depuis la base alors même qu’ils avaient déjà eu des enseignements auparavant... comment pouvait-il en être autrement ? Il avait l’impression de perdre son temps, un temps qu’il pourrait utiliser pour des choses infiniment plus importantes comme la peinture ! Et puis il devait reconnaître que la défaite de son équipe contre poufsouffle lui avait laissé un goût amer dans la bouche. Il savait qu’il n’était pas mauvais au quidditch : il était plutôt bon poursuiveur, en général. Assez petit et rapide pour se faufiler entre les adversaires et jouer du fait qu’il représentait une cible plus difficile à toucher pour le batteur, il avait des buts à son actifs, ce qui n'était pas le cas de tout le monde... pourtant, ils perdaient, et l’aiglon était trop fier pour passer outre la défaite sans y laisser quelques plumes.

Alors lorsque le professeur le réprimanda pour ses paroles empressées, un sourire insolent fendit son visage et de ce ton tout à la fois provocant et mielleux dont il avait la spécialité répondit : « Oh pardonnez-moi, je croyais qu’on était en cours de vol, pas en atelier jardinage. » Il haussa des épaules, rajoutant l’air de rien : « Serait-ce si grave qu’il y ait un blessé ? L’infirmerie n’est pas loin, et on fait des miracles avec les potions, de nos jours. » Il était bien placé pour le savoir. « Le directeur ne vous virerait sûrement pas pour une simple blessure, rassurez-vous... tout sorcier sait bien que le vol peut être dangereux, alors autant l’accepter dès maintenant. » Il se moquait bien de la manière dont l’enseignant pourrait prendre ses paroles. Qu’il lui donne une retenue, lui retire des points ou aille râler auprès de son grand-oncle s’il le souhaitait, ça ne lui faisait ni chaud ni froid.

Sans attendre de réponse ou réprimande de Piers, il enfourcha le balai prêté par l’école – allez savoir pourquoi, il n’avait pas pu utiliser le sien pour le cours – et donna fermement un coup de pied au sol pour décoller. Ses pieds quittèrent la pelouse et il s’éleva tranquillement... enfin peut-être un peu plus rapidement qu’il ne l’avait escompté. La prise de vitesse soudaine le surprit et il n’eut pas le temps de virer de bord lorsqu’un autre élève – vraisemblablement un première année – se rapprocha dangereusement de lui, le percutant avec la force d’un cognard lancé par Erin. Enfin presque. Même face à un plus jeune, le gabarit de Dmitri ne jouait pas particulièrement en sa faveur, et son balai fut projeté sur le côté avec grande force... et lui avec. Le garçon ne put reprendre le contrôle assez rapidement et s’écrasa avec une grâce inexistante, son bras droit cognant contre un caillou si fort qu’une vive douleur se répandit dans tous les coudes et l’avant-bras. Des larmes naquirent au creux de ses yeux qu’il ne parvenait à retenir qu’au prix d’âpres jurons en tchèques, visant principalement l’enseignant qui avait eu l’idée de mélanger les élèves de première année avec ceux de deuxième.