Si la rentrée datait d’à peine deux jours et que le château fourmillait par le mécontentement de certains et la joie des autres, Hilary avait l’impression d’avoir déjà éprouvé une semaine voire deux, d’être passée sous un troupeau d’éléphants et de voir le temps s’étirer devant elle. Tout le monde courait partout, s’agitait et s’affairait à découvrir les nouveaux emplois du temps, à découvrir le château même, à commencer à se surveiller les uns les autres pour le compte du Directeur et entrer dans ses bonnes grâces, à faire semblant que tout irait bien ou à déchanter aussitôt de l’année qui allait se dérouler. Et la tête blonde était à des années lumières de tout ceci, comme perdue en pleine mer. Quand elle ne pleurait pas dans les toilettes, sa tristesse était si profonde qu’elle s’endormait plus rapidement qu’avant et ne voulait jamais se réveiller afin de noyer son chagrin dans le sommeil. Pourtant elle ne pouvait se permettre une telle paresse avec les sélections à préparer et ses nouvelles responsabilités. Elle aussi devait s’activer et participer à la vie scolaire de cette école. Alors Hilary continuait de jouer le rôle qu’elle devait jouer. Mais c’était… comme voir son corps bouger tout seul et fonctionner sans rien faire. Son esprit était ailleurs, son âme était en dehors d’elle-même, déprimée et peinée jusqu’au plus profond de sa poitrine. Elle osait à peine se montrer devant ses camarades de dortoir. Pour quoi faire ? Pour qu’on la prenne en pitié ? Pour qu’on se moque d’elle ? Pour qu’on lui demande de se ressaisir ? Elle n’avait pas envie de se ressaisir ! Elle avait envie de disparaître. D’être “absente”, elle aussi, car les absents avaient la conscience tranquille à défaut d’avoir une belle vie, visiblement. Cameron n’était plus là. Eliana non plus. Et ne parlons même pas de Joanne et de Jade. Hilary avait beau se rappeler qu’elle n’était pas toute seule, elle gardait tout même l’impression d’avoir été abandonnée dans un coin de sa tête. Et, avec, l’horrible pensée de l’avoir mérité d’une façon ou d’une autre.

Se rendre en étude des moldus n’avait pas réussi à bonifier son humeur : c’était un cours, une option, qu’elle partageait avec Eliana en temps normal. Une matière dans laquelle elle s’en sortait plutôt bien, certes, mais qu’elle partageait avec sa meilleure amie et qu’elle révisait avec sa meilleure amie… Plus à présent, néanmoins. Ce ne serait plus le cas, ni pour ce cours ni pour aucun. Hilary allait devoir faire de son mieux seule, désormais, si elle voulait obtenir de bonnes notes dans ses cours, mais la tâche lui paraissait déjà trop ardue et l’objectif trop compliqué à atteindre. Elle redoublerait, encore. Elle finirait par quitter l’école, comme les autres, sans diplôme, sans rien. Elle dirait adieu au Quidditch et… Et après ça, quoi ? Il ne semblait lui rester aucune option disponible. C’était tout une partie de son monde qui s’était envolée en ce début d’année alors que tout semblait sur le point de changer, de se métamorphoser pour le pire ou le meilleur. Et tout cela paraissait être si loin… Hilary était partie en avance aujourd’hui - elle n’avait vraiment pas faim - pour éviter de faire le chemin avec Michaela. Pour éviter de croiser qui que ce soit, en vérité. Hilary évitait même les endroits qu’elle avait eu l’habitude de partager avec Noah pour éviter d’avoir à répondre à des questions ou d’être vue dans cet état-là. Ce n’était pas la première fois qu’on pourrait la voir pleurer, mais ce serait la première fois qu’on la verrait aussi absente de son propre corps, pour sûr. Même les remarques de Judith ne lui feraient rien.

Il lui fallut faire un effort considérable pour sortir ses affaires de cours de son sac et les hisser jusque sur son bureau. Son regard se perdit sur la coupure de journal posée sur son pupitre, lisant sans lire, voyant sans voir, écoutant sans écouter ce qui était en train de se dire. L’enseignant n’était pas là depuis bien longtemps, mais il reprenait le rôle de Directeur de Gryffondor - Hilary n’avait aucune idée si cela était une bonne nouvelle ou non. Ils changeaient tous si régulièrement… Le programme, en lui même, changeait trop régulièrement. Cette année encore, ils verraient la culture moldue - sa culture, son quotidien, sa vie - sous un angle différent et Hilary était fatiguée d’apprendre ce qu’elle savait déjà. La Gryffondor n’avait pas envie de débattre. Elle n’avait même plus envie de parler ou d’ouvrir la bouche encore une fois dans sa vie. Peut-être Cameron avait-il eu raison ? Peut-être qu’avoir pris cette option était une perte de temps… ? Là où la tête blonde y avait vu des points gratuits, elle y voyait désormais un puits de mélancolie sans fond. Sa vie en dehors de Poudlard recommençait à lui manquer. Cela faisait deux jours seulement, et Hilary avait envie de courir jusqu’à la cabane d’Oncle Ben pour le supplier de quitter cette école et de ne jamais revenir. Peut-être que son horoscope irait dans ce sens, après tout ? Allez savoir… Mais Hilary savait qu’elle n’avait pas envie de participer aujourd’hui. Ce serait à peine si elle parviendrait à suivre cette première semaine de cours.

Codage par Libella sur Graphiorum

Le cours d’aujourd’hui ne lui disait que trop rien. Les cours d’étude des moldus étaient généralement passionants, de son point de vue du moins, car elle pouvait discuter avec Eliana de ce qu’elles savaient sur le sujet, sur ce qu’elles connaissaient déjà ou non, de ce qu’elles avaient vécu dans leur enfance moldue avant d’arriver ici. Ce cours était l’occasion de partager des souvenirs, en temps normal, et d’avoir la possibilité d’être meilleur en classe que Judith qui était la tête de la promotion des cinquième année avec Haley, très honnêtement. Mais Haley n’avait pas cette option et Judith paraissait fort éloignée de sa zone de confort dans une classe pareille. Or, aujourd’hui, l’humeur n’y était pas et Hilary était prête à passer une heure de cours à écouter sans rien retenir et à traverser le sujet de l’horoscope comme un fantôme traverse les murs du château. L’arrivée d’une élève qui s’était trompée de classe allait être la seule véritable attraction de cette journée, vraiment…

Le professeur prit un livre posé sur son bureau ce qui la perturba quelque peu, en s’attendant pas à un tel trouble dans son environnement proche et elle leva les yeux en direction du professeur, quoique toujours avachi sur sa chaise. L’adulte ouvrit le sujet avec une définition plus pointilleuse que celle que l’on pourrait donner à un ami et le cerveau d’Hilary refusa tout simplement d’écouter à la simple prononciation de mots en grec. Elle parlait anglais et n’avait pas les neuronnes pour apprendre une autre langue que l’anglais, alors pourquoi s’embêter à préciser l’étymologie d’un mot ? Enfin, si, elle comprenait l’intérêt, mais elle ne le retiendrait jamais. Elle ne retiendrait jamais tous ces détails. De toute façon, c’était très simple : la Gryffondor tentait de noter les informations, mais son énergie était si basse qu’elle parvenait à peine à la moitié de la phrase que le professeur en avait commencée une autre. Sur le principe, elle savait ce qu’était un horoscope. Tant pis pour tous les détails qui font jolis sur la copie. Tant pis pour cette fois et pour toutes les autres.

Le professeur demanda si certains avaient pris l’option de Divination qui pouvait être lié au sujet du jour, mais Hilary ne pensait pas que quiconque dans cette classe ait pris cette option. Ou alors elle estimait très mal ses deux camarades de classe. La tête blonde ne répondit rien, puisque ce n’était pas son cas et attendit la suite. Si leur horoscope se baisait sur les douze signes du zodiaque, il en existait apparemment plusieurs types différents, chose qu’elle ne savait pas. Le professeur demanda s’ils savaient, à tout hasard, combien pouvait-il y en avoir, mais personne ne se décidait à parler. Judith devait se penser au-dessus de tout ça et Michaela… Probablement plus occupée à trouver un moyen de sauver tous les rats de cette école des chats. Hilary, directement dans la ligne de mire de l’adulte ne pouvait pas, contrairement aux autres, faire profil bas et hasarda une réponse : « Douze ? » Après tout, cela semblait être le nombre récurrent du jour.

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Et bien, même pour une première question qui aurait dû être la plus facile que toutes celles qui pourraient possiblement suivre, Hilary se trompait. Non pas qu’elle y ait mis beaucoup d’efforts - et même si elle l’avait voulu, la réponse ne se serait pas donnée à elle comme venue de nulle part - mais ce “presque” proclamé par le professeur ne fit que renforcer sa morosité. La tête blonde ne savait pas ce que son horoscope pouvait bien dire de son destin pour aujourd’hui ou pour dans les mois à suivre, mais il ne devait pas être bien fameux, si quelqu’un voulait son avis. La pauvre petite voulait enfouir sa tête dans ses bras et attendre la fin de l’heure en se faisant passer pour un autre fantôme de l’école. Si seulement la jeune fille pouvait faire partie des meubles ! La jeune Priest n’avait encore jamais vu une armoire pleurer et, tout de suite, ce sort lui semblait bien plus enviable que tout ce qu’elle pouvait supporter pendant et après cette heure de cours. Une armoire, une chaise, un tapis - peu importe ! Elle s’en accommoderait bien même si cela signifiait ne plus voler sur un balai… Tout son corps était si lourd qu’elle s’en sentait incapable, de toute façon. La Gryffondor n’était pas encore remontée sur un balai depuis la rentrée et, c’était triste à dire, mais elle repoussait le plus possible l’échéance. Oh, bien sûr, elle en serait bien obligée, au moins pour les sélections ! Mais en attendant, elle n’en avait aucune envie. Seule et abandonnée comme elle se sentait, c’était comme avoir un boulet attaché à ses deux chevilles. Comme prendre quelques centimètres d’altitude avec ça ?

Le professeur d’étude des moldus fit tournoyer plusieurs symboles devant et proféra la bonne réponse : vingt-et-un. Vingt-et-un, c’était le nombre maximal possible de différents signes et c’était l’horoscope celtique qui atteignait ce nombre. L’information lui paraissait si détonante et impressionnante par rapport à ce qu’elle connaissait habituellement que l’attention d’Hilary fut happée ne serait-ce qu’une seconde et sa curiosité s’éveilla ne serait-ce que pour savoir à quel correspondait sa date de naissance à elle. À cet instant, un pommier se matérialisa juste devant elle et, regardant autour d’elle et voyant les autres arbres de ses camarades, elle comprit qu’il devait s’agir de la réponse à sa question silencieuse. Et, quelque part, ce choix qu’on lui imposait lui convenait. Après tout, conventionnellement, l’arbre de la connaissance dans la Bible n’était-il pas un pommier également ?

Puis l’enseignant présenta rapidement d’autres types d’horoscopes, dont celui qu’ils connaissaient bien plus que les autres, avant de leur demander d’en choisir un, de lire ce qui était écrit pour sa date naissance, dire ce qu’il en pensait et… commenter selon si on pensait ça vrai ou non. La partie “lire à haute voix et devant toute la classe” ne lui plaisait pas énormément. Prenant la brochure concernant l’horoscope celtique, elle s’intéressa plus en détails à ce que le pommier pouvait bien dire à son sujet, sans grande conviction. Même si sa foi envers Dieu avait quelque peu faibli à un moment dans sa vie, cela restait bien plus facile d’y croire que d’accorder un peu d’importance à tout ça. Hilary prenait plutôt cela comme un jeu, mais elle avait peu la tête à s’amuser. La tête blonde commença à lire dans sa tête, pensant que quelqu’un, bien plus avide de points qu’elle, prendrait la parole sous peu, mais personne ne semblait vouloir se dévouer, encore une fois… Puisqu’elle était assise au premier rang comme à son habitude pour ce cours, Hilary leva légèrement la main pour se dévouer et parla d’une voix basse - dans l’espoir que personne d’autre que le professeur ne puisse l’entendre : « Dans… dans l’horoscope celtique, le pommier est… placé sous le signe de l’amour… ? » La jeune fille continua silencieusement sa lecture en fronçant ses sourcils. Si le côté frêle et délicat lui paraissait correct, le fait de profiter de ses charmes l’était beaucoup moins. Et, de toute façon, cette idée qu’elle avait besoin d’aimer et d’être aimée… Franchement, elle n’avait pas envie de parler de ce sujet-là, encore moins en classe ! « Je… Je m’y retrouve pas trop, désolée. » Sa vision d’elle-même était bien trop floue pour réussir à savoir si ce qu’on pouvait dire d’elle était correct ou non. Mais, surtout, se rappeler qu’elle était désormais seule et plus aussi entourée qu’avant n’était pas une envie qu’elle voulait assouvir.

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