— Les jours filaient bien plus lentement qu’il ne l’aurait cru. S’il ne s’était pas attendu à être envoyé en plein cœur d’un territoire moldu – le nouveau directeur n’était pas un ami de son grand-oncle pour rien – il n’avait toutefois pas imaginé que la destination de leur voyage scolaire serait Durmstrang. Une école, pour des vacances scolaires... au-delà de l’ennui que signifiait des vacances dans un milieu toujours plus estudiantin, le choix de l’établissement était bien ce qui le dérangeait le plus. Il y était inscrit depuis sa naissance et ne devait son envoi à Poudlard qu’à des craintes sûrement fondées de son père et quelques machinations grand-paternelles. Et alors qu’il pensait ne jamais avoir à mettre les pieds ici, il était forcé d’y passer un mois. S’il avait su...

Chaque occasion pour quitter un peu les murs oppressants de l’établissement nordique était bonne à prendre. Et voir une réserve de dragons, ce pouvait être amusant ; au moins, ça lui ôtait de l’esprit les contradictions récentes.

Le citadin qu’il était découvrait avec un plaisir non dissimulé la réserve et ses habitants écailleux. La journée battait son plein, assez pour que la promesse d’une surprise n’ait pas à exister pour qu’il garde de bon souvenir de cette excursion. Mais quand vint finalement le moment de découvrir quelle était la surprise qu’on leur faisait miroiter depuis le début de la visite, les yeux du benjamin de l’école brillèrent d’une étrange lueur mêlant fascination pour les créatures et... dégoût pour la tâche qui leur incombait. Il n’avait nullement envie de se salir et de partir en quête d’excréments de créatures quelles qu’elles soient. Bon gré, mal gré, il observa avec dépit certains de ses camarades se diriger vers divers enclos. Qui avait eu cette idée désastreuse ? Sûrement quelqu’un d’aussi retord que ses frères.

Les mains dans les poches, une expression un peu boudeuse sur le visage, il arpentait la réserve en regardant distraitement les différents nids. Un peu plus loin, il vit Kathleen se diriger vers un des plus grands dragons à l’air calme. Il s’avéra très rapidement que les dragonneaux étaient tous très différents les uns des autres : un petit mais visiblement craintif, l’autre beaucoup trop petit pour que Dmitri le prenne au sérieux... puis finalement, un jeune dragon de taille moyenne à l’air moins avenant que le précédent. Il l’aimait bien celui-là. Plus vif, plus sauvage que les autres... un élan d’anthropomorphisme le poussait à retrouver dans l’animal quelques attributs téméraires qui l’habitaient lui-même. Naturellement, ses pas se dirigèrent vers son enclos... erreur fatale, il n’y avait pas un, mais deux dragons : le suédois à museau court, comme l’indiquait la pancarte, et une autre suédoise beaucoup plus humaine. Thorstein. Il était bien trop tard pour opérer un demi-tour : elle le verrait sûrement et il ne comptait absolument pas lui laisser penser qu’elle l’effrayait. Plus déterminé qu’il l’était quelques instants plus tôt, il acheva de traverser les derniers mètres qui le séparaient du nid.

Un des soigneurs leur expliqua brièvement la marche à suivre, et sans plus attendre, le jeune tchèque passa devant le professeur de défense contre les forces du mal pour s’approcher de l’enclos. « Je m’occupe d’attirer le dragon, je vous laisse ramasser les excréments » railla-t-il en direction de la suédoise. Provoquer cette enseignante en particulier n’était pas la plus riche des idées, mais il n’en était pas à son coup d’essai en matière de plans futiles... et foireux. Si la rancune qu’il avait à son égard était bien moins grande que celle qu’il nourrissait pour le professeur Hatwell, il n’en demeurait pas moins quelque peu rancunier. Il avait une revanche à prendre et puisqu’il était tout bonnement hors de question de l’attaquer frontalement comme il l’avait fait pour le professeur d’histoire de la magie – ce serait presque aussi suicidaire que de lancer un sort sur son grand-oncle – il se rattrapait avec quelques coups bats puérils.

Dmitri pris de la nourriture pour le dragon et pénétra dans l’enclos avec prudence. L’animal était vif et vraisemblablement très excité. Il crachait quelques étincelles, balayant son environnement de puissant coup de queue... enfin autant que pouvaient l’être les coups de queues d’un dragon si jeune. Sans dire un mot, il s’approcha doucement de la créature pour lui faire humer l’odeur des victuailles qu’il tenait. « Pojď sem (viens par ici) » murmura-t-il machinalement à l’adresse du dragon, dans sa langue natale. Étonnamment, la créature ne se fit pas prier et se rua vers le garçon, qui recula de concert, lançant quelques morceaux de nourriture au dragon pour l’occuper. Finalement, il n’était pas si compliqué à dompter... Ils étaient à présent assez loin pour que Thorstein, et leurs potentiels autres compagnons, partent en quête des bouses. Il avait échappé à la tâche la plus ingrate et en prime, c’était l’enseignante qui devait s’occuper des excréments. Un ravissement pour les yeux.

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— D’autres s’étaient désistés et avaient choisi un autre enclos que celui du suédois à museau court. Mais Dmitri n’était pas fait de ce bois, et s’il n’était pas censé avoir la hardiesse des gryffondors, nul doute qu’il avait la fierté des serpentards – le choixpeau n’avait pas hésité à l’y envoyer pour rien – et il pouvait se montrer relativement buté quand il le voulait. Or pour rien au monde il ne laisserait le professeur Thorstein croire – ou plutôt voir – qu’il avait peur d’elle. Le souvenir de l’enfermement dans le placard, avant d’être traîné jusque dans le bureau de la suédoise malgré sa cheville foulée, était suffisamment imprégné dans son esprit pour qu’il veuille prendre sa revanche, envers et contre toute forme de raison.

L’enseignante ne tarda pas à le suivre dans l’enclos, pelle en main. Le jeune tchèque ne put s’empêcher de la regarder prudemment avancer, craignant presque de la voir utiliser la pelle comme d’une arme contre lui. « Vous ne devriez pas parler comme ça de vos collègues, ce n’est pas très charitable. » Et tant pis s’il insultait indirectement son grand-oncle par la même occasion... ce qu’il ne savait pas ne pouvait pas lui causer du tort, si ?

Bien heureux d’avoir à s’occuper du dragon plutôt que des excréments, il observa un instant l’animal se repaître de son dîner, avant de jeter un regard moqueur en direction des malheureux qui devaient non seulement ramasser les bouses, mais en prime devaient le faire avec Thorstein. Celle-ci ne rechignait d’ailleurs pas à la tâche, ce qui, il fallait le remarquer, forçait le respect... ou le mépris. En l’occurrence, il préférait la seconde attitude et son éducation puriste, qui lui soufflait qu’une personne de son sang n’avait pas à effectuer une telle besogne, achevait d’éveiller en lui le dédain.

L’aiglon s’écarta un peu du dragonneau pour aller chercher de nouveaux morceaux de viande à lui donner, tandis que l’enseignante approchait avec sa pelle chargée de mêlasse puante et laissa celle-ci s’abattre dans un « sploc » sonore dans le seau... et sur la veste du garçon, qui lâcha un juron dans sa langue natale. Il releva des yeux noirs de colère vers la femme, ses iris azuréens croisant celles provocatrices de son aînée. Chaque jour depuis la conférence, il regrettait le sort qu’il avait lancé... ça n’était pas le professeur d’histoire de la magie qu’il aurait dû prendre pour cible, mais la nordique. Il sentait la rage monter en lui et la tentation de réagir comme il le faisait toujours : avec violence. Mais à l’instar de son père ou de son grand-oncle, Thorstein n’était guère de ceux qu’il pouvait menacer sans crainte. Il mourrait d’envie de lui jeter le contenu du seau à la tête.

Prenant sur lui, et peinant à cacher le tremblement de colère dans sa main, il tira sa baguette de la poche intérieure de sa veste. Il eut un instant de flottement, comme s’il hésitait à la pointer sur la suédoise, mais la fit finalement passer au-dessus de sa manche sale, lâchant un « recurvite » ferme et frustré. Il baissa à peine les yeux vers les tâches de bouses qui disparaissaient peu à peu, laissant une veste aussi propre que s’il venait de la confier aux bons soins de l’elfe de maison de son aïeul. Au moins un problème de réglé. Le second, plus imposant, ne semblait pas vouloir se départir de ce regard qui appelait à la provocation.

Tandis que le dragon, tout compte fait plus sage qu’il n’en avait l’air, déchiquetait avec toujours autant de satisfaction le morceau de viande laissé par le garçon, ce dernier donna un coup de pied rageux dans le seau, renversant tout son contenu aux pieds de l’enseignante. « Oups » fit-il de son plus bel air faussement innocent, « vous n’auriez pas dû mettre le seau sur mon chemin, c’est bête. Vous allez devoir recommencer. » Pour l’heure, il se moquait bien de savoir s’il fallait ramasser ces bouses, il n’avait nullement envie de le faire et, dans son caprice très enfantin, préférait provoquer bêtement le professeur Thorstein.

Bouses : 0/7

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