Le nez plissé par la concentration, Rosalie apposa le point final à sa lettre et croqua avidement dans la moitié restante de son croissant. Comme presque tous les samedis, elle donnait de ses nouvelles à son père en réponse aux siennes, rajoutant quelques lignes — voire quelques paragraphes selon les circonstances — pour sa tante et ses grands-parents. Ce matin, elle devait en plus répondre à son oncle Wallace et sa tante Amelia qui lui avaient fait parvenir un petit colis de Colombie, où ils voyageaient ses derniers temps aux côtés d’une troupe de sorciers itinérants à la recherche d’un temple perdu. C’était du moins ce que la blonde en avait retenu, toujours prête à enjoliver les aventures de ses aînés pour les transformer en véritables sagas fantastiques. Elle les remerciait évidemment pour le cadeau, surtout que celui-ci comprenait, entre autres, une petite bourse en cuir coloré renfermant de quoi égayer sa journée. La blonde avait déjà décidé d’aller traîner un peu à Pré-au-Lard mais, privée d’argent de poche par ses parents, ses ressources s’épuisaient et étaient proches de zéro. Heureusement qu’elle avait le meilleur tonton et la meilleure tatie du monde entier pour voler à sa rescousse. Elle supposait que son père avait raconté ses récents déboires avec les autorités de Poudlard à son jeune frère et sa jeune sœur puisque Wallace lui demandait expressément de ne pas se servir de ce petit pécule pour financer une nouvelle révolution. Promis ! Elle allait se gaver de bonbons, et peut-être s’acheter une jolie jupe pour fêter l’arrivée des beaux jours. Voilà ce qu’elle leur avait écrit, plus ou moins, avant de passer à la lettre la moins drôle de la matinée : celle destinée à sa maman. Cassandre Guggenheim s’était montrée relativement froide suite aux punitions dont avait écopées sa fille qui avait assez mal vécu la distance instaurée. Elle était, certes, plus proche de son père que de sa mère, mais tout de même : l’indifférence de cette dernière avait toujours eu un certain effet dramatique sur son enfant. Dans tout cela, une seule chose réconfortait un peu l’adolescente : sa punition était maintenue, elle n’irait pas passer les quinze jours traditionnels à Edimbourg et sa mère espérait que cela la ferait réfléchir à son comportement. Cela risquait surtout de la pousser à reproduire une telle chose pour ne plus jamais avoir à supporter le dédain de sa famille maternelle, mais enfin, elle n’allait pas répondre ça. Elle espérait tout de même que sa mère viendrait la voir, au moins pour son anniversaire, lui promit d’être sage comme une image et de se montrer irréprochable. Puis elle cacheta le tout et grimpa jusqu’à la volière pour envoyer son courrier. Une bonne chose de faite ! Maintenant, il ne restait qu’à profiter de son week-end.

Depuis la veille, il était prévu qu’elle se rende au petit village sorcier pour profiter du soleil qui ne quittait pas le ciel écossais depuis le début de la semaine. Seulement, Haley avait des devoirs à terminer et l’insistance de sa meilleure amie n’y avait rien fait. Quant à Artemis, il avait promis de la retrouver aux alentours de midi : il avait un travail de groupe à réaliser en Arithmancie et il était déjà prévu qu’ils se retrouvent ce matin. En retournant dans son dortoir, Rosalie retrouva quelques copines de sa maison qui s’apprêtaient justement à filer à Pré-au-Lard et décida que c’était la meilleure compagnie qu’elle pouvait trouver en attendant que son meilleur ami daigne la rejoindre. Les Gryffondor quittèrent donc le château sous un soleil printanier qui était des plus agréables, suivant le même chemin que bien d’autres adolescents décidés à profiter de leur samedi loin de la bibliothèque et des examens qui se faisaient plus proches. Arrivées au village, elles entrèrent rapidement dans une boutique de vêtements. Rosalie fouilla quelques penderies, ses doigts glissant sur les tissus doux, sans rien trouver qui lui plaise vraiment. Distraitement, la tête dans des nuages qui n’appartenaient qu’à elle, elle leva les yeux en direction de la vitrine, perdant son attention à l’extérieur. Les conversations de ses camarades lui venaient des cabines où elles s’étaient réfugiées ayant trouvé plein d’articles à essayer. Et c’est là qu’elle repéra la chevelure dorée de sa meilleure amie. Prévenant à la va vite ses copines qu’elle filait, sans chercher à vérifier si elles l’avaient entendue ou non, Rosa quitta la boutique accompagnée par le tintinnabulement de la clochette qui annonçait les entrées et sorties. Sa matinée prenait une bien meilleure tournure !

« Hazel, j’suis là ! » fit-elle à tue-tête en trottinant vers la Poufsouffle, un grand sourire aux lèvres. « Je savais que t’allais changer d’avis, je l’avais vu. » Elle n’avait rien vu du tout mais Haley était une de celles qui croyait le plus en les fables inventées de la Gryffondor. Celle-ci ne se privait donc jamais d’en rajouter une couche. « Trop bien, j’suis trop contente ! » rajouta-t-elle avec un entrain spontané qui aurait pu mettre la puce à l’oreille d’une personne plus soupçonneuse : pourquoi se montrer à ce point ravie si la chose avait été prévue ? Enfin : son naturel excessivement enthousiaste expliquait aussi bien des choses. Rosa accompagna ses propos d’un clin d'œil, son bras s’enroulant naturellement autour de celui de sa meilleure amie. Il était impensable, dans l’esprit de la jeune fille, que Haley ait pu vouloir venir à Pré-au-Lard sans que ce soit pour passer un moment avec elle. Elle avait tout simplement voulu lui faire la surprise de sa venue. Probablement qu’elle retournerait rapidement travailler, mais la blonde savait pouvoir lui arracher une heure, peut-être même plus, à ses précieuses études. « Arte devrait venir vers midi, on a donc deux heures pour faire tout ce qui le fait râler ! » À savoir, du shopping ! « Wallace et Amelia m’ont envoyé un cadeau et quelques gallions, du coup ça compense la suspension de mon argent de poche » expliqua-t-elle à la Poufsouffle alors que leurs pas les conduisaient vers leurs boutiques préférées. « Plutôt bonbons ou fringues en premier ? » lui demanda-t-elle, la laissant choisir car incapable de prendre ce genre de décision d’elle-même. Elle avait toujours envie de tout faire tout de suite et en même temps. « D’ailleurs. Faut qu’on parle de cet été » ajouta-t-elle avec un éclat de sérieux au fond de ses yeux dorés tandis qu’elle pénétrait dans la boutique choisie par Haley. Parce que qui disait punition l’interdisant d’aller chez sa mère disait qu’elle ne pourrait pas voir sa meilleure amie par ce biais-là. Il allait falloir trouver une autre solution et elle était déjà toute prête dans l’esprit de la Gryffondor.

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La natte relâchée de Rosalie battit joyeusement l’air qu’elle fendait pour rejoindre sa meilleure amie, délaissant une boutique de vêtements et des copines qui ne pouvaient pas tenir la comparaison avec sa meilleure amie. Cette dernière était super jolie et Rosa ne manqua pas de le lui faire savoir, juste après s’être extasiée sur sa venue et sur à quel point ça la rendait heureuse de la voir ici. « T’es trop belle dis donc ! » Ça apportait un peu de couleur à cette journée déjà bien ensolleillée. Et puis, dès qu’il y avait des fleurs sur sa chemise, la Gryffondor trouvait ça magnifique. Elle-même n’en portait pas, aujourd’hui, mais sa blouse bleu nuit et son pantalon qui oscillait entre le jaune foncé et le orange étaient suffisamment colorés pour que ça compense l’absence de motifs floraux. Un grand sourire aux lèvres, elle se félicita de ne pas s’être trompée sur l’arrivée de la Poufsouffle, quand bien même ça n’était qu’un pieu mensonge, comme à chaque fois qu’elle mentionnait ses visions disparues. Ses yeux dorés se teintèrent d’une lueur un brin interrogative : son mal de tête ? Mais elle était censée travailler à la bibliothèque... Ah ! Elle secoua la tête, adoptant une moue qui semblait vouloir dire je te l’avais bien dit... et ne se priva pas de le souligner à voix haute. « Je t’avais dit que trop travailler c’était mauvais pour la santé : résultat, tu prévois de bosser toute la journée et tu te chopes une migraine. On va arranger ça ! » Son bras trouva celui de sa meilleure amie tandis qu’elle lui détaillait le programme de leur matinée : Artemis ne viendrait pas avant que sonnent les douze coups de midi ce qui leur laissait donc près de deux heures pour écumer les magasins sans subir l’air profondément blasé du garçon. Boutiques de fringues, de bonbons, d’accessoires… c’était comme se retrouver en période de Noël avec une foule de cadeaux possibles. Enthousiaste en toutes circonstances, Rosa l’était encore bien plus quand il s’agissait de traîner à Pré-au-Lard avec Haley. Cette dernière était non seulement ravissante, mais également dans un super bon état d’esprit, augmentant le sourire déjà bien large de la Gryffondor en acceptant le plan qu’elle venait de formuler. Pré-au-Lard, les voilà !

Tandis qu’elles prenaient la direction de l’allée la plus commerçante du petit village sorcier, la blonde en profita pour expliquer à la Poufsouffle qu’elle avait reçu un cadeau providentiel de la part de son oncle et de sa tante — avait-elle pensé à rajouter qu’ils étaient les meilleurs de l’univers tout entier ? non ? tant pis, elle le pensait très très fort — et que cela lui ouvrait des portes que la récente privation de son argent de poche lui avait fermées. « Ils sont en Colombie en ce moment et apparemment, là-bas, le truc national ce sont des chapeaux qui sont tressés à partir d’une plante qui ressemble à de la canne à sucre… même si je sais pas du tout à quoi ça ressemble. Tu sais, toi ? En tout cas ils m’ont en envoyé un super joli, noir et blanc avec des touches de rouge. J’te le montrerai ! » Elle ne le portait pas aujourd’hui car elle aimait trop comment elle s’était habillée et, même pour elle, rajouter une couleur supplémentaire aurait été un peu trop. Elle avait donc dû faire un choix et le chapeau attendait patiemment sur son lit. Aucun doute qu’elle sauterait sur la première occasion pour le poser sur sa tête ! Parvenues aux boutiques, Rosa laissa le choix à Haley de déterminer le premier endroit où elles allaient échouer. Elle désigna Honeydukes et la Gryffondor pouffa, se laissant entraîner sans opposer la moindre résistance. « Va pour les bonbons ! Faudra juste pas avoir du chocolat sur les doigts sinon on va tâcher tout ce qu’on essaiera ! » Préoccupation majeure et qui méritait d’être soulignée, évidemment.

Il faisait un peu plus frais dans le magasin de bonbons et c’était un peu plus calme, aussi. Hormis Haley et Rosalie, il n’y avait pas grand monde pour l’instant, ce qui leur laissait tout le loisir d’errer entre les étalages de bonbons en tout genre sans risquer de gêner personne. Tandis que ses yeux se perdaient entre les patacitrouilles et les chocogrenouilles, la Gryffondor adopta un ton un brin plus sérieux : il fallait qu’elles parlent d’une affaire d’état, car c’était au moins de ça dont il retournait, à savoir, leurs vacances d’été. Haley se fendit de paroles enjouées, sans savoir que la nouvelle que venait de recevoir sa meilleure amie mettait à mal tous leurs plans habituels. Le programme en question, donc, n’existait plus. Heureusement pour les deux adolescentes, Rosalie avait déjà pensé à tout. « Il n’y a plus de programme » fit-elle d’un ton exagérément dépité. Au fond, ça ne l’était qu’à moitié, car quand elle avait reçu le mot écrit de la main maternelle, elle l’avait vraiment été ! Ne pas passer les quinze jours réglementaires avec sa famille maternelle, c’était une chose qui ne lui déplaisait pas du tout. Pas d’oncles agaçants, pas de jumeaux insupportables, pas de tantes insipides et nulle grand-mère tortionnaire. Mais ne pas se trouver à Edimbourg, c’était aussi ne pas pouvoir profiter des relations entre les Guggenheim et les Strauss pour obtenir le droit de passer des après-midis entières avec sa meilleure amie ! Et ça, c’était inacceptable. En réalité, son papa aurait sûrement accepté de l’y emmener, mais c’était pas pareil… elle voulait profiter pleinement avec Haley d’un été placé sous le signe de leur complicité. « Je suis bel et bien privée de vacances chez ma mère, je vais passer tout l’été à Carbost. » Franchement, c’était pas ce qui la dérangeait, loin de là, et ça se lisait sûrement sur son visage. « Mais du coup ça veut dire que ma mère me laissera pas chez toi comme d’hab… » Le regard qu’elle partagea avec Haley était lourd d’un sens qu’elles seules pouvaient connaître. « Tiens, les fondants sont là » fit-elle, égarant son attention loin du sujet qui les préoccupait le temps de montrer à sa meilleure amie les pots remplis de friandises dont elle avait dit avoir envie. Puis elle se renconcentra sur le sujet le plus important. « Alors, voilà ce que je propose… Haley Strauss, accepterais-tu de venir passer une semaine, ou plus hein, chez moi, en Ecosse ? » lui demanda-t-elle, les yeux brillants d’excitation.

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Rien ne pouvait faire plus plaisir à Rosalie que de retrouver sa meilleure amie — de manière tout à fait inopinée — en plein milieu de Pré-au-Lard, visiblement prête à abandonner ses devoirs et révisions pour quelques heures en sa compagnie. Rien si ce n’était, peut-être, le compliment qu’elle lui retourna et qui lui arracha un sourire similaire au sien. Comme toutes les adolescentes, la Gryffondor appréciait qu’on souligne sa beauté et le soin qu’elle apportait dans ses tenues ou ses coiffures. Jouant machinalement avec sa longue tresse, elle hocha la tête à la demande de Haley : c’était avec plaisir qu’elle lui montrerait comme on faisait. « Quand tu veux ! C’est ma tante qui m’a appris : tu verras, sa technique est super simple. » Margaret avait une patience d’ange et portait un amour infini à sa nièce — sûrement parce qu’elle même n’avait jamais réussi à avoir d’enfants et que la présence de sa nièce comblait ce manque — c’était donc tout naturellement qu’elle avait enseigné bien des choses à l’adolescente, comme natter ses cheveux ou se faire des coiffures plus compliquées mais elle lui avait aussi enseigné les bases du maquillage — comment faire joli et discret — ainsi que quelques tips pour ajouter un petit quelque chose en plus à ses tenues. En même temps, avec trois garçons à la maison, ça n’était pas auprès d’eux que Rosalie allait pouvoir apprendre quoi que ce soit du genre — sauf si elle voulait tout savoir sur les bambous et les postures de yoga, les savons bios et les meilleurs moyens pour toujours tirer la tronche en toutes circonstances.

Ce n’était pas en plein milieu du petit village sorcier que les deux amies allaient se lancer dans un atelier coiffure. Rosalie entraîna Haley en direction des commerces, continuant de papoter sur tout et sur rien, notamment sur les tendances suicidaires de la Poufsouffle qui passait bien trop de temps — au goût de la Gryffondor — à étudier : c’était mauvais pour sa santé, elle en avait la confirmation ! Elles passèrent à côté de la fontaine, de laquelle jaillissaient des gerbes d’eaux qui étincelaient sous les rayons du soleil, puis parvinrent jusqu’à l’allée qui abritait les boutiques les plus intéressantes. « L’herbier de botanique » pouffa Rosalie, avant de lever les yeux au ciel en se rendant compte que c’était vraiment ça qui avait failli retenir Haley loin d’elle, alors qu’il faisait si beau. Comme si elle allait l’écouter… L’idée était amusante et plaisante, alors Rosalie décida de faire comme si ça pouvait réellement arriver, un jour. En ce qui concernait les cours, sa meilleure amie avait tendance à être plus butée encore qu’en temps normal. Rosalie mentionna ensuite le cadeau de son oncle et de sa tante, détaillant le trop beau chapeau qu’elle avait reçu en plus de la petite bourse en cuir et des quelques pièces qui s’y trouvaient. Elle ne savait pas trop à quoi ressemblait une canne à sucre en vrai, mais la coiffe, en tout cas, était très jolie et elle avait hâte de pouvoir la porter. « Bonne idée, ils seront contents ! Puis je leur parle souvent de toi, » fit-elle avec un petit clin d'œil dans sa direction. « ils pourront enfin mettre un visage sur un nom. » Si ça se trouve, la prochaine fois, elle pourrait même leur demander des jolis bracelets comme ils lui avaient offert, il y a longtemps, de toutes les couleurs et tressés de manière très serrées : on les nouait autour du poignet en faisant un voeu et quand ils se détachaient, le voeu se réalisait. Elle pourrait alors en donner un à ses deux meilleurs amis.

La clochette aiguë marqua leur entrée dans la boutique de confiseries. Les étalages firent aussitôt briller les yeux dorés de Rosalie qui ne savait déjà plus où donner de la tête. Elle voulait absolument s’acheter une jolie jupe mais en même temps, tous ces bonbons… Il allait falloir qu’elle se montre un peu raisonnable. Qui mieux que sa meilleure amie pour l’aider à tenir une telle résolution ? « Retiens-moi de tout dépenser en bonbons, j’veux vraiment me trouver une jupe » souffla-t-elle à Haley en étouffant un gloussement. Bon, maintenant qu’elles étaient là, c’était le moment parfait pour présenter les aléas de leurs vacances d’été. D’un ton théâtral, Rosalie brisa les espoirs de sa meilleure amie, lui annonçant qu’il n’y aurait pas d’été, pas de programme, pas de vacances. Enfin, pas comme elles en avaient l’habitude en tout cas. Puisqu’elle était punie, privée de séjour à Edimbourg, elle serait dans l’incapacité de profiter des inclinations positives de sa mère envers la famille Strauss pour passer le plus de temps avec Haley. Il fallait donc voir les choses autrement. Mais déjà sa meilleure amie se laissait gagner par l’indignation, la même qui s’était emparée d’elle quand la directrice avait annoncé confisquer les baguettes… ou quelque chose d’approchant. Imaginer madame Strauss téléphoner avait quelque chose d’étrange mais la bizarrerie passa au second plan face à ce qui l’intéressait réellement. Rosa regarda mystérieusement à droite, puis à gauche, vérifiant que personne ne pouvait les entendre, et se pencha vers son amie. « Ben en fait… ça m’arrange un peu. Pas pour toi, c’est trop nul si on peut pas se voir, mais tu sais… quand je vais là-bas ils veulent toujours que je fasse plein de prédictions, et si ça leur va pas j’ai le droit aux regards noirs et tout… Entre mes oncles et ma grand-mère, » Nouveau regard aux alentours : elle avait déjà été punie une fois, elle ne voulait pas que ça s’aggrave si ses propos remontaient jusqu’à ses parents. Jusqu’à l’un d’entre eux, en tout cas. « je le vis pas trop mal d’être privée de les voir. J’espère juste que ma mère me rendra visite pour mon anniversaire » confessa-t-elle d’une voix plus hésitante, son cœur se serrant un peu à l’idée que Cassandre Guggenheim ne fasse même pas le déplacement ce jour-là précisément. La véritable punition, elle résiderait alors là-dedans.

Leur attention s’égara un instant du côté des fondants que la Poufsouffle avait mentionnés. De son côté, Rosalie louchait sur des bonbons de toutes les couleurs et de toutes les saveurs… avant de se décider à en remplir un sachet d’une bonne poignée. Elle coula un regard étonnée vers Haley quand celle-ci parla de se gaver… puis haussa intérieurement les épaules. Probablement que l’herbier lui avait perdre la tête, ou alors son mal de crâne l’avait fatiguée. Ce ne serait pas la première fois que sa meilleure amie avait quelques élans un peu étranges. Rien de quoi alerter la jeune fille. De toute façon, toute son attention était focalisée sur une chose et une seule : sa proposition estivale. Que Haley vienne chez elle. La surprise figea les jolis traits de son amie qui semblait n’avoir jamais considéré l’option. « Ben, théoriquement, c’est pas mon île, » pouffa la Gryffondor. « mais maintenant que tu le dis, tu crois que ça s’achète ? » Elle resta pensive une seconde puis chassa les pensées importunes pour adresser un regard doré suppliant à Haley. « Je saaaiiis que ça change de nos habitudes et tout, mais t’es jamais venue à la maison alors ce sera trop cool ! On fera des gâteaux avec Grand-Mère, on pourra même apprendre à fabriquer des savons avec Papa, je sais que t’adores les potions, me regarde pas comme ça, et lui il est potionniste, alors… et promis promis promis ce sera super génial ! J’voulais aussi proposer à Arte, ça sera comme à Poudlard mais en mieux ! » Elle parlait à toute allure, son sourire se faisant plus grand à chaque mot. Aucune chance qu’elle ne convainque pas sa meilleure amie, c’était une simple formalité à laquelle elle prenait beaucoup de plaisir. « Ma tante elle a un bateau, en plus, j’suis certaine qu’on pourra faire un tour et tout. Bon, le truc, c’est que je sais pas quand Hayden est là ou pas, mais même s’il est là, c’est pas grave, faudra juste insister pour avoir plus de place dans la salle de bains et comme il veut jamais jouer avec moi ni rien, obligé ce sera pareil, et donc ce sera comme s’il était pas là » argua-t-elle en haussant distraitement les épaules à cette idée. Que son demi-frère soit là ou pas, c’était pas un problème à ses yeux, il était, de toute façon, inexistant la plupart du temps, sauf quand elle ne pouvait pas accéder à la salle de bain. Paradoxal quand on savait que, à ses yeux, il prenait trop de place. « T’en dis quoiiii ? »

Trop concentrée sur ses graves problèmes, Rosalie n’avait pas remarqué que son amie avait pris des fondants au chocolat blanc et au chocolat au lait… tout ce qu’elle n’aimait pas. Les bras chargés d’autres bonbons récupérés au passage, la blonde s’octroya un petit bout du panier de Haley : « Attend, bouge pas ! » Ses yeux dorés glissèrent sur les achats de la Poufsouffle… et ses sourcils se froncèrent tandis qu’elle récupérait les deux boîtes incriminées. « Ben, Hazel, ton herbier il t’a tapé sur la tête au point que tu prennes tout, sauf du chocolat noir ? » lui demanda-t-elle en interrogeant les boîtes d’un regard suspicieux, comme si elles pouvaient lui donner la réponse.

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Rosalie était ravie que l’idée enchante sa meilleure amie autant qu’elle. Elles avaient toutes les deux de longs cheveux blonds mais ceux de la Poufsouffle étaient un peu plus dorés que ceux de la Gryffondor qui tiraient vers le pâle et ils étaient également un peu plus épais. Elle était convaincue que des nattes iraient merveilleuement bien à Haley, surtout que la technique de sa tante Margaret était des plus simples et des plus rapides : ainsi, elle n’aurait pas à perdre un temps précieux pour se coiffer au lieu d’étudier car, Rosa en était certaine, son amie préfèrerait se passer un simple coup de brosse dans sa longue chevelure plutôt que d’avoir à rogner sur le temps plongé entre quelques grimoires et parchemins. « Ça t’ira super bien, et avec un petit bandeau coloré en plus, tu seras la plus belle. » Et ce serait un peu grâce à elle — et à sa tante également — alors il y avait de quoi être fière et contente. Elle pourrait lui montrer ensuite comment se faire de jolis chignons rapides et même d’autres coiffures un peu plus élaborées. C’était toujours utile, surtout quand elles n’avaient pas leur baguette à disposition. À Poudlard, Rosa avait en effet l’habitude de se coiffer d’un simple mouvement de baguette — encore que ça ne donnait pas toujours le résultat escompté et qu’elle devait bien souvent tout reprendre à la main — mais elle ne pouvait pas faire la même chose à l’extérieur où la magie était interdite aux mineurs. Maintenant, avec la confiscation des baguettes, elle ne pouvait même plus s’en servir à Poudlard et avait été bien contente de savoir comment se coiffer manuellement.

Un grand sourire vint illuminer le visage de la Gryffondor quand Haley lui répondit que ça lui ferait très plaisir de rencontrer toute sa famille un jour. Ça tombait bien, ça tombait même très bien, puisque, à cause de toute cette histoire de révolution et des conséquences qui avaient suivi, Rosa était privée de vacances chez sa mère et avait, de fait, dû trouver un autre moyen de pouvoir profiter au moins autant de sa meilleure amie. « J’ai trop hâte ! » fit-elle, toute à ses plans estivaux, en passant la porte du magasin de friandises. En gloussant, elle demanda à la Poufsouffle de s’assurer qu’elle ne craquait pas trop et qu’il lui resterait assez d’argent pour s’acheter la jupe dont elle rêvait sans avoir une idée d’à quoi elle ressemblait. « Merci, t’es la meilleure. » Un nouveau rire lui échappa tandis qu’elle fonçait déjà vers une rangée de bocaux remplis de bonbons. Ses yeux couleur miel fondaient déjà d’envie devant toutes les friandises qui n’attendaient qu’une chose : qu’on les achète. La blonde commença par sélectionner ses préférées — sachant que ça n’était pas une mince affaire étant donné qu’elle aimait quasiment tout — avant de reprendre le cheminement de ses pensées et d’expliquer à Haley — qui remplissait elle aussi un petit panier de ses envies sucrées — qu’elle n’allait pas passer deux semaines à Edimbourg comme tous les étés et que sa mère n’allait pas se débarrasser de sa fille — même si Rosalie croyait innocemment que c’était simplement une manière pour Cassandre Guggenheim de lui faire plaisir — en la laissant chez les Strauss, qu’elle considérait être de très bonnes fréquentations. Haley s’en indigna mais Rosa lui expliqua que, par certains côtés, ça ne la dérangeait pas vraiment. Certes, elle n’allait pas voir sa maman, mais surtout, elle n’allait pas supporter les regards désapprobateurs de toute sa famille maternelle, les discours hautains de ses cousins, les soupirs dédaigneux des adultes quand on lui demanderait si elle voyait quelque chose de l’avenir familial, et toutes les autres marques de mépris qui la laissaient toujours comme barbouillée et franchement triste. La nouvelle exclamation de sa meilleure amie lui arracha un haussement d’épaules fataliste mais l’éclat chagrin qui teinta son regard doré montrait bien qu’elle n’en pensait rien. Ça l’affectait plus qu’elle ne voulait bien le dire. « Elle viendra, j’en suis certaine » affirma-t-elle avec un sourire un peu forcé. Oui, elle en était sûre… en réalité, pas tant que ça. Peut-être bien que, pour marquer un peu plus sa punition, sa mère ne viendrait pas la voir souffler ses quinze bougies. Ce serait cruel mais dans la logique de montrer qu’elle ne cautionnait pas les actes de sa fille. Si cette dernière lui écrivait une lettre pour lui promettre de ne jamais recommencer et se repentir, elle reconsidérerait peut-être la chose ? Impossible, pour Rosalie, de se dire que sa mère pouvait simplement juger cette journée sans la moindre importance, là où elle était capitale aux yeux de l’adolescente.

Rosalie préférait se concentrer sur les perspectives positives qui se dégageaient de cet été à Carbost. C’est-à-dire : la possibilité d’inviter Haley chez elle et de lui faire découvrir cette partie de son monde. Les yeux suppliant, la blonde commença à lui décrire le rêve que c’était, de passer du temps là-bas, entre son papa aux petits soins, sa grand-mère et ses gâteaux à tomber par terre, les balades en bateau qu’elles pourraient sûrement négocier avec son oncle… Un instant, l’évocation de l’île et de son rachat la détournèrent de son objectif premier et elle pouffa, s’imaginant souveraine de tout Skye. « Le jour où je trouverai un trésor, alors » fit-elle, un peu rêveuse, se demandant comment ça faisait de dire qu’un bout entier d’un pays était à soi. Rapidement, elle en revint au point qui lui importait le plus, s’emparant d’un dernier sachet de bonbons avant de suivre la Poufsouffle qui s’avançait vers les caisses. « Je vois pas pourquoi ça les dérangerait, puis de toute façon c’est encore chez moi. » Elle leva le nez en l’air, comme pour souligner ses propos : d’accord, depuis deux ans, c’était devenu chez eux aussi. Pour autant, ça ne la rendait pas moins légitime à disposer de la maison de son père comme bon lui semblait : et s’ils n’étaient pas contents, ils n’avaient qu’à partir. En réalité, elle ne pensait pas que ça dérangerait Mason, il était profondément gentil et avait toujours fait preuve d’attention à son égard, quant à Hayden… « Nos pères seront d’accord, j’ai déjà pu inviter des copines à dormir, ce sera tout pareil mais juste un peu plus longtemps. Pour Hayden, franchement, il reste tout le temps dans sa chambre, si tu venais je suis même pas sûre qu’il s’en rendrait compte, et comme il aime pas jouer avec moi, ni aller chez mes grands-parents, ça changera rien. Après, c’est pas impossible que tu viennes quand il n’est pas là : il va chez sa mère des fois. Mais, bon, faut pas s’en faire pour lui. » Est-ce que lui s’en faisait pour elle ? Non, mille fois non. Elle avait suffisamment parlé des défauts de son demi-frère à sa meilleure amie pour que celle-ci se fasse une idée précise de l’ambiance à la maison. Rosalie le trouvait rabat-joie et très peu impliqué dans leur famille, tout en le trouvant paradoxalement bien trop présent. Il prenait une place qu’elle jugeait désagréable sans chercher à faire le moindre effort, pour rien. Il était très agaçant. Mais ça ne pouvait en aucun cas gâcher ses vacances avec Haley, ça non !

Un grand sourire aux lèvres, des yeux brillants d’excitation, la jeune fille mettait tout en œuvre pour que Haley ne puisse rien lui refuser. De toute façon, elle en était convaincue, la Poufsouffle ne dirait pas non. Une exclamation joyeuse lui échappa quand, en effet, elle abonda dans son sens, nuançant simplement son propos en lui disant qu’elle devait demander à sa mère avant. « D’accord ! Ça va être trop bien ! » Pourquoi est-ce que sa maman lui dirait non ? Il suffirait de ne pas mentionner le fait que Rosalie avait été responsable d’une toute petite révolution de rien du tout et de montrer qu’elle serait en parfaite sécurité à Carbost pour que le tour soit joué. Au besoin, Rosa pouvait même demander à son père d’écrire à madame Strauss pour lui promettre de bien tenir les deux jeunes filles à l'œil. Enfin, bon, c’était pas comme s’il y avait de grands risques qu’elles fassent des bêtises dans une campagne perdue au milieu de nulle part où l’entreprise la plus florissante était la fabrication de savons artisanaux. Les joues rouges et le grand sourire de sa meilleure amie témoignaient, à ses yeux, d’un plaisir aussi vif que le sien. Comment aurait-elle pu se douter qu’ils reflétaient en réalité tout autre chose ? Elle n’était pas idiote, mais elle ne pouvait savoir que sa meilleure amie ne l’était pas vraiment, en cet instant. Alors, sûre et certaine de cet avenir enthousiaste qui les attendait, elle paya ses bonbons et récupéra le sac que lui tendait le marchand.

C’est seulement alors qu’elle remarqua le contenu du petit panier de la Poufsouffle qui venait de faire glisser les boîtes sur le comptoir et cherchait de quoi les payer. Des fondants du chaudron au chocolat… blanc et au lit. Tout ce qu’elle détestait et qui lui tirait une grimace dépitée quand elle observait Rosalie en manger des quantités astronomiques tandis qu’elle-même se contentait d’un chocolat noir plus amer. Pour la Gryffondor, il n’y avait rien de plus plaisant que le goût sucré du meilleur des chocolats au lait, mais Haley n’avait jamais été de cet avis. La surprise s’afficha sur le joli visage de la blonde qui délaissa aussitôt sa récolte pour revenir avec deux nouvelles boîtes, de chocolat noir cette fois. Rosa cligna des yeux, étonnée, sans trop savoir ce qu’elle était censée penser de tout cela. Car, loin de repousser ce qu’elle n’avait jamais aimé, Haley paya tout simplement le tout et se tourna ensuite vers son amie, prête à quitter la boutique. La bouche entrouverte, elle hésita, mais rien de logique ne lui venait. C’était trop bizarre, parce que sa copine n’aimait vraiment vraiment pas le chocolat blanc, et encore moins le chocolat au lait, et pourtant, elle avait autant de boîtes de l’un que de l’autre. Perplexe, elle la suivit en dehors de la boutique. Peut-être que c’était pour faire un cadeau ? Oui, ça devait être ça ! Elle voulait en offrir à Artemis et à elle-même, histoire qu’ils puissent manger tous ensemble des fondants du chaudron ! C’était possible… mais un doute subsista sans qu’elle ne puisse ni l’expliquer, ni lui trouver un début et une fin. Est-ce qu’elle était malade ? Est-ce qu’un génie maléfique avait pris possession de son corps ? Mûe par un soudain instinct d’enquêtrice — était-il nécessaire de rappeler que Rosa était une détective hors-pair ? — elle tira de son sac une barre chocolatée aux cacahuètes et fit ce qu’elle n’avait jamais fait auparavant : en proposer un bout qui pouvait s’avérer mortel à son amie. « Tiens, on partage » s’exclama-t-elle gaiement en lui en donnant la moitié, essayant de ne rien montrer de ses interrogations troublées.

@Hayden W. Lynch

( Pando )

Rosalie hocha pensivement la tête, la poitrine serrée par des émotions qu’elle n’éprouvait pas souvent et dont sa mère était souvent la responsable. La jeune fille faisait toujours tout ce qui était en son pouvoir pour attirer l’attention maternelle et obtenir quelques sourires de la part de Cassandre Guggenheim mais ils étaient rares, très rares — même si à une époque les visions arrachées au futur par un don qu’elle ne maîtrisait pas le moins du monde la couvait d’une fierté qui flattait ses caprices enfantins et ce besoin viscéral d’obtenir l’approbation de sa mère — et surtout bien moins fréquents que les réprimandes. Edimbourg n’était pas loin, pas loin du tout même, quand on considérait que sa maman savait transplaner et que, dans le pire des cas, un peu de poudre de cheminette ou un portoloin loué au Ministère lui permettrait d’être en un clin d’oeil sur l’île de Skye. Était-elle seulement déjà venue chez Archie et Mason depuis qu’elle s’était séparée du premier ? Rosa ne parvenait pas à s’en rappeler. Et il n’y avait pas besoin de posséder le moindre don de voyance pour supposer que ça n’était pas l’anniversaire de sa fille qui allait changer la donne. Néanmoins, l’espoir vivotait toujours. La Gryffondor se décida donc à projeter son esprit naturellement enthousiaste sur des plans qui l’étaient plus : la venue de sa meilleure amie — et de Artemis quand elle aurait eu l’occasion de lui en parler et de ne pas lui laisser le choix — dans son monde. Chez elle. Chez eux comme le souligna Haley, arrachant une moue mécontente à la blonde qui n’appréciait pas qu’on souligne ainsi ses torts. Surtout pas venant de la personne censée prendre son parti quoi qu'il importe. « Oui, ben l’un n’empêche pas l’autre » grommela-t-elle, agacée et piquée à vif. Pas besoin de lui rappeler que deux personnes totalement étrangères à sa vie il y a quelques années encore avait tout simplement envahi son espace vital et personnel en assortissant le moindre recoin de sa maison de bambous et de têtes de Bouddha. En réalité, ça n’était même pas ça qui dérangeait le plus Rosalie… c’était — et ça avait toujours été — le manque flagrant d’investissement de son demi-frère. Qu’il se pointe dans sa vie, passe encore. Mais qu’il tire toujours une tête d’enterrement comme si ça le gonflait profondément d’être ici, ça c’était pas possible aux yeux de la Gryffondor. Pas chez elle. Pas chez eux.

La Poufsouffle balaya finalement la silhouette invisible de Hayden de quelques mots désintéressés et Rosa ne se fit pas prier pour parler d’autre chose que de lui. C’était pas vraiment son sujet favori, surtout qu’elle n’avait pas grand chose à en dire puisque tout ce qu’il savait faire quand elle était dans le coin — du moins, elle n’avait jamais été témoin que de ça — c’était d’une tronche de trois pieds de long et d’une mauvaise volonté à toute épreuve. Il n'était pas fun, carrément chiant à mourir, vraiment pas volontaire… Bref, il n’avait pas grand chose pour lui et on pouvait bien se passer de sa présence. Son plaisir se réveilla à la question de sa meilleure amie. Que faire en premier ? Mille idées lui traversèrent l’esprit et, comme toujours face à un choix, Rosalie se sentait incapable de trancher. « Je sais pas… » souffla-t-elle, brusquement très concentrée, le nez plissé par l’effort que lui demandait cette projection. Il y avait tellement de choses qu’elle voulait faire en compagnie de ses amis… « Je pourrais vous proposer plein de choses et puis vous déciderez, c’est comme ça qu’on met à l’honneur les invités, non ? » gloussa-t-elle, éludant la question avant d’y revenir un peu plus concrètement, histoire de donner vraiment envie à son amie. « En vrai… Bon, te présenter à mon papa, et puis mes grands-parents et mes oncles et tantes, ça c’est obligé… Oh ! J’te montrerai ma cabane, elle est dans un coin super secret et elle a une super vue sur le village et la mer. On l’avait construite avec des copains en primaire. » C’était là où Loma s’était cassé la jambe, certes, mais où plein d’histoires rocambolesques avaient eu lieu, surtout.

Au cœur de leur conversation enjouée s'immisça une sensation bizarre que Rosalie ne parvenait pas à identifier totalement. C’était un mélange de doute, de curiosité, de suspicion et d’incompréhension. Ça se révéla quand Haley paya des bonbons au chocolat — jusque là, rien de grave, sauf qu’ils étaient au chocolat blanc et au chocolat au lait, notamment, et que la Poufsouffle détestait tout ce qui n’était pas au chocolat noir — et ça s’accentua lorsque, une fois sorties, sa meilleure amie fourra distraitement un fondant au chocolat blanc entre ses lèvres, sans même ciller. La Gryffondor avait l’impression d’être dans une autre dimension. C’était de Haley, dont on parlait quand même. Et autant dire que sur ses goûts et ses couleurs, elle était loin d’être aussi malléable que Rosalie : quand elle n’aimait pas, c’était ferme et définitif. Décidant de revêtir sa casquette d’enquêtrice émérite, Rosalie posa ses yeux dorés sur une barre au chocolat achetée quelques secondes plus tôt. Chocolat et cacahuètes. C’était mortel, pour la Poufsouffle, alors si elle lui en proposait la moitié, l’air de rien mais sans la lâcher des yeux, elle allait normalement refuser et la prendre pour une folle, parce que ses deux meilleurs amis étaient évidemment au courant de ses allergies. Elle était tellement concentrée et estomaquée sur le fait que la Poufsouffle venait d’accepter un bout de sa barre chocolatée qu’elle ne réagit même pas à sa proposition. Ni celle de prendre un chaudron — alors qu’elle adorait ça — ni celle de prendre la direction de la boutique de vêtements. Non, elle était toute entière focalisée sur ces cacahuètes mortelles qui se rapprochaient des lèvres de sa meilleure amie, les yeux plus écarquillés de surprise à chaque millimètre franchi. « T’es folle ! » s’exclama-t-elle quand elle comprit que Haley allait vraiment son bout mortel. Ses doigts vinrent frapper ceux de sa copine et firent valdinguer son goûter. Ça a l’air super bon, avait-elle dit ? Elle était complètement malade. Attrapant le poignet de la Poufsouffle, elle la traîna vivement à sa suite, contournant la boutique pour s’éloigner de la foule et des regards indiscrets. Là, elle se planta face à Haley, les poings serrés sur les hanches, les sourcils froncés — c’est comme ça qu’elle s’imaginait la plus intimidante. « Qu’est-ce qui va pas chez toi ? » lui demanda-t-elle d’un ton impérieux qui la sommait de s’expliquer. Le doute se fit plus fort, plus insidieux. Et si c’était pas Haley ? Combien d’histoire avait-elle lues de sorciers capables de voler l’apparence de quelqu’un, de vampires qui prenaient les traits de leurs victimes, et autres contes fabuleux qu’elle n’avait jamais cru pouvoir voir en vrai ? Parce que, elle avait beau tourner tout ça dans sa tête, l’équation était insoluble, sauf intervention magique d’une créature légendaire. Quelque part, elle espérait presque que ce soit ça.

@Hayden W. Lynch

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