Comme très souvent, Haley descendit tôt dans la salle commune des jaunes et noirs, aimant profiter de la tranquillité du petit matin pour y lire sans que d’autres élèves ne viennent la déranger en bavardage, cris et autres exclamations en tout genre. En arrivant à Poudlard, elle avait très rapidement remarqué à quel point l’antre des poufsouffles était déserte avant l’heure du petit-déjeuner. Un moment donc particulièrement propice au travail matinal, d’autant plus qu’à cette heure-ci, la bibliothèque n’était pas encore ouverte.

Un grand nombre de ses camarades n’étaient pas aussi lève-tôt qu’elle pouvait l’être ; même dans une maison où la valeur du travail était mise à l’honneur, il y avait beaucoup de flemmardise chez nombre de ses comparses, à ses yeux particulièrement exigeant tout du moins. Mais en l’occurrence, elle ne s’en plaignait guère : ça lui laissait la pièce pour elle seule pour un certain temps. Et inutile de dire qu’une fille unique exagérément choyée comme elle n’était pas très partageuse ; que ce soit avec son espace vital comme avec ses affaires d’ailleurs. Elle aimait son petit confort personnel et ses camarades avaient trop facilement tendance à venir empiéter dessus, alors quand elle pouvait être certaine d’être tranquille, elle ne s’en privait pas.

Elle s’installa dans un fauteuil, juste à côté de la cheminée que les elfes de maison avaient eu la bonne idée d’allumer pour le petit matin et sortit quelques affaires de son sac. Prévoyante, elle y avait déjà rangé tout ce dont elle aurait besoin pour la matinée et même bien plus encore : après le petit-déjeuner et son cours, elle aura sûrement du temps à passer dans la bibliothèque, il fallait donc prévoir de quoi travailler dignement.

Même sans avoir pris du retard, ce qu’elle ne faisait jamais, trop studieuse qu’elle était pour ça, elle avait l’impression qu’une montagne de travail l’attendait. Elle avait encore son devoir de potions à perfectionner si elle souhaitait présenter au professeur quelque chose d’un tant soit peu abouti, et elle devait réviser ses runes. Sans compter les devoirs qui s’ajouteraient sûrement dans la journée à ceux qu’elle avait déjà... ses désirs de perfection scolaire ne lui laissaient décidément pas de répits, mais elle aimait ça. Ou du moins aimait-elle en voir les fruits. Elle entama donc le fastidieux travail de révision des runes ; en apprendre plus un peu tous les matins était un moyen efficace et peu demandeur en motivation pour progresser dans la discipline.

Après un certain temps passé seule, savourant le calme de la pièce, l’agréable chaleur procurée par la cheminée et le doux son du crépitement du feu, des bruits de pas parvinrent à ses oreilles, l’ôtant désagréablement de cette studieuse quiétude. Ses camarades commençaient à s’éveiller dans les dortoirs et se ruaient dans les salles de bains. Il lui restait encore un peu de temps avant qu’ils ne viennent envahir la salle commune ou aillent prendre leur petit-déjeuner un étage plus bas. Pourtant, les pas qu’elle entendait ne provenaient pas des dortoirs, mais bien de la pièce où elle se trouvait elle-même. Se retournant vers l’origine du bruit, elle croisa le regard d’une jeune poufsouffle, de deux ans sa cadette, qui venait vers elle. Pour ce qu’elle savait d’elle, Kathleen était une gentille fille. Elle était travailleuse, avait un but dans la vie et se donnait les moyens d’y parvenir, ce qu’Haley ne pouvait que respecter. Pour ces raisons, elle avait parfois daigné lui accorder un peu de son temps afin de l’aider et la conseiller pour ses devoirs. L’anglaise n’était pas particulièrement coutumière du fait, mais elle s’y était pliée de bonne grâce, retrouvant chez sa cadette un peu d’elle au même âge. « Bonjour Kathleen » salua-t-elle poliment, avant de se replonger dans la lecture de son ouvrage. Elle ne s’attendait pas à ce que la demoiselle discute abondamment avec elle maintenant ; il y avait bien d’autres occasions plus propices pour cela, comme autour d’un petit-déjeuner d’ici ne petite dizaine de minutes.

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Si Haley ne s’attendait pas particulièrement à ce que sa cadette de poufsouffle lui parle longuement, étant clairement en pleine lecture d’un ouvrage scolaire et parce qu’elle affichait une expression obstinément concentrée sur ledit ouvrage, elle s’attendait encore moins à entendre Kathleen souligner le charme physique qu’elle exerçait tout particulièrement en ce jour. Comme tout un chacun, elle appréciait que l’on voie en elle certaines qualités, et qu’elle soit jugée être une jolie fille lui plaisait. Mais elle avait en revanche une certaine aversion pour ce genre de compliments ; en réalité, elle les fuyait car ils la mettaient particulièrement mal à l’aise. Ainsi, entendre une élève plus jeune l’alpaguer de la sorte avait tout pour la mettre dans une situation très inconfortable. Et froide.

Sur le coup, elle ne lui répondit pas, laissant la benjamine poursuivre, enfonçant le clou de la gêne un peu plus profondément encore. Mauvaise idée. « Cesse ces enfantillages, s’il te plait » répondit-elle d’un ton sec et moins avenant que d’ordinaire. Se payait-elle sa tête ? Elle ne connaissait pas énormément la jeune fille, mais en savait assez pour savoir que d’ordinaire, malgré une forte proportion à une gentillesse quelque peu excessive, elle était plus mesurée. Qu’est-ce qui, tout d’un coup, pouvez bien la pousser à se montrer aussi affectivement envahissante ?

Haley daigna poser son livre, marquant préalablement l’endroit où elle avait cessé sa lecture d’un morceau de parchemin glissé entre les pages. Il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond chez Kathleen aujourd’hui, et si elle était bien tentée de l’ignorer et de prendre prématurément la direction de la grande salle pour le petit déjeuner, elle craignait d’être suivie par la plus jeune. Et s’il y avait bien une chose qu’elle voulait éviter à tout prix, c’était bien d’être surprise à prendre son petit déjeuner avec une gamine en proie à un excès d’affectivité. Le seul moyen d’être tranquille était encore de la calmer. « Il y a quelque chose qui ne va pas ? Tu ne me sembles pas dans ton état naturel. » C’était autant une observation qu’une supplication. Si son état naturel devenait celui de complimenter excessivement ses aînés, elle allait très vite devenir pénible et Haley regrettera très rapidement de lui avoir déjà accordé du temps.

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Elle venait de subir une agression. Ce baiser non désiré sur la joue n’était rien de moins qu’une attaque contre sa personne. Cet assaut aussi inattendu qu’improbable l’avait immédiatement poussée à se braquer, répondant à la jeune fille avec une froideur excessive qu’on ne lui connaissait que peu. Mais à défaut d’être amicale et accueillante, Haley avait pour elle d’être d’une grande patience. L’esprit clair – ce qui n’était vraisemblablement pas le cas de Kathleen – elle prit d’abord soin de mettre une certaine distance physique avec sa cadette. Il était hors de question qu’elle tente une nouvelle fois de l’embrasser, aussi se leva-t-elle de son fauteuil, dominant l’exubérante jeune poufsouffle de quelques bons centimètres, son ouvrage toujours en main. « Bien... tout d’abord, je t’interdis de m’embrasser à nouveau. » Il était en premier lieu nécessaire de poser un cadre clair dans leur relation ; elle était son aînée, acceptait de l’aider un peu dans ses devoirs lorsque cela se révélait nécessaire et qu’elle avait du temps, mais il n’avait jamais été question d’embrassades ou de toute autre forme d’affectivité excessive.

Jetant préalablement un regard inquiet autour d’elles pour vérifier si quelqu’un avait assisté à la scène – sans réellement pouvoir dire s’il était préférable pour elle de n’avoir été vu par personne ou s’il fallait plutôt espérer que quelqu’un puisse lui venir en aide – elle fronça exagérément les sourcils. « Il y a définitivement quelque chose qui ne tourne pas rond avec toi. » Elle était rude, certes, mais accusait encore le choc provoqué par la surprenante intervention de la benjamine. Une idée saugrenue traversa alors son esprit, accentuant les rides plissées de son front. « Tu n’aurais tout de même pas bu de l’alcool, dis-moi ? » Les élèves n’étaient pas censés avoir accès à des liquides alcoolisés, mais ça ne serait pas la première fois que l’un d’entre eux parvienne à contourner le règlement. Toutefois, elle n’imaginait pas vraiment la si sage, et encore si jeune, Kathleen faire ce genre de choses. Machinalement, elle huma l’air avec suspicion, en quête d’une odeur suspecte qui prouverait que l’apprentie guérisseuse s’était bel et bien laissé aller à la découverte de liquides proscrits. « Est-ce que tu te sens mal ? La tête qui tourne... mal à la tête peut-être ? » Haley n’était pas une experte en cuite en tout genre. N’avait-elle seulement jamais été ivre ? L’alcool et le travail ne faisant pas bon ménage, elle n’avait jamais eu le moindre intérêt pour un quelconque liquide enivrant. Tout ce qu’elle savait, elle le tenait de son père ; autrement dit, son expérience en la matière s’arrêtait à quelques odeurs et marques de whisky... et à son animal de compagnie qui portait le nom de l’une d’elle.

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