Opal avait l’habitude d’être dans les dernières arrivées pour le déjeuner, mais aussi la dernière sortie. Elle aimait prendre son temps tout en dégustant les plats offerts. Saint-Valentin ou pas, cette journée ne faisait pas exception. Et ce n’était pas comme si elle avait quelque chose de prévu ce dimanche. Elle était attablée avec Eliana et elles devaient bien être les deux dernières assises à la table des Gryffondors. Elles ne passaient pas beaucoup de temps ensemble toutes les deux, mais Opal l’avait parfois côtoyé parce que c’était la meilleure amie d’Hilary. C’était une discussion légère qu'elles avaient. Un échange banal dont elle ne pourrait sûrement pas se rappeler le sujet une fois qu’elle aurait quitté la Grande Salle, mais c’était divertissant. Opal porta à sa bouche une dernière bouchée de son repas et si elle avait eu quelques minutes de plus, elle aurait pu éviter cette situation dont elle ignorait encore tout. Lorsque son regard s’attarda sur le Serdaigle assis à l'autre table, elle fut frappée par une émotion si forte qu’elle ne comprit d’abord pas ce qui lui arrivait. Elle perdit le fil de ce que disait Eliana, troublée par ses émotions qui lui chatouillaient l’estomac lorsqu’elle posait les yeux sur lui. Elle ne le connaissait pas vraiment, elle ne lui avait jamais accordé d’attention particulière avant, mais elle se demandait comme cela était possible. Maintenant qu’elle l’observait, c’était évident : il avait tout pour lui plaire !

Puis, il se leva. Le regard de la Gryffondor ne put se décrocher du garçon qui s’approchait d’elles. Oh, elle se sentait drôle à l’intérieur. Il avançait vers elle ? Y avait-il une infime chance qu’il ressente la même chose ? Ah ! Que devait-elle faire ? Sourire ? Ses mains étaient moites. Elle se sentait soudainement un peu anxieuse et elle était incertaine de la façon dont elle devrait agir. La séduction n’avait jamais été un de ses points forts. L’étourdissement la guettait et elle n’avait qu’une envie et c’était de lui parler. Mais rapidement, ses espoirs éclatèrent en morceau lorsqu’elle remarqua qu’il s’adressait à Eliana. Elle se sentit affreusement blessée par cette constatation. Elle devait faire quelque chose. Elle ne pouvait pas laisser Eliana l’avoir. C’était hors de question. Elle voulait qu’il ne regarde qu’elle. Qu’il passe la journée avec elle. Personne d’autre. La jalousie l’étreignit et sans même le réaliser, elle frappa de ses deux mains sur la table tout en se levant, espérant de cette façon attirée l’attention à elle. Elle n’en pouvait plus de le voir faire les yeux doux à la plus jeune Gryffondor. Elle avait agi impulsivement, mais pour être honnête, elle ne savait pas comment diriger la discussion pour la suite.

– Moi, c’est Opal ! Hum… Je crois qu’on s'est jamais vraiment parlé. Si tu es dans la même classe qu’Eli, on est pas en même année. Je suis en cinquième. On a pas la même maison non plus. Ouf. Il fallait qu’elle se taise à un moment. C’était ridicule de déblatérer des évidences comme ça. Euh, enfin, ce que je veux dire, c’est que… tu peux t’asseoir avec nous si tu veux. Ça me ferait plaisir d’apprendre à te connaître.

Puis, elle reprit sa place sur le banc, son regard ne quittant pas le garçon qui lui faisait face et un sourire trouva sa place sur son visage. Elle voulait en savoir plus sur lui et passer plus de temps en sa compagnie. Elle sentait son cœur battre jusque dans ses oreilles et elle espérait vivement qu'il ne pouvait pas l'entendre.

Mais que se passait-il ? Elle n'avait pas réussi à attirer son attention. Il ne lui avait pas même jeté un coup d'œil. Son regard avait gardé Eliana en vue tout au long de ses paroles. Il n'était pas intéressé par ce qu'elle disait et elle voulait désespérément que ça en soit autrement. Que devait-elle faire ? Comment pouvait-elle s'y prendre ? Elle se creusait la tête à l’instant pour trouver un moyen de tourner la situation à son avantage. Mais ce n’était pas facile, car déjà il disait vouloir parler en privé avec la plus jeune Gryffondor. Elle se sentait blessée d’être ainsi mise de côté. Elle ne pouvait accepter l’idée qu’il souhaite la pousser à s’éloigner, elle ne pouvait pas imaginer passer plus de temps sans lui. Pourquoi ne la regardait-il pas, elle ? C’était si injuste.

Puis Eliana prenait la parole et Opal fut prise légèrement au dépourvu. C’était un regard froid qu’elle posait sur le Serdaigle et la raison échappait complètement à Opal. Mais surtout, elle ne comprenait pas pourquoi elle voulait le repousser ainsi. Quoiqu’elle pourrait peut-être tirer ça à son avantage. Si Eliana n’était pas intéressée par lui, c’était déjà un plus pour elle. Maintenant, elle devait juste tourner la situation à son avantage. Elle se laissa retomber sur le banc, son regard pâle se dirigeant à nouveau sur le garçon à qui lui paraissait de plus en plus attirant. Il avait un air déçu devant le refus d’Eliana. Opal ressentit une once de tristesse de voir cette expression sur son visage. Elle eut l’envie soudaine de s’approcher de lui pour lui remontrer le moral, mais alors qu’elle levait la main pour l’approcher, il la désigna soudainement. Elle aurait pu être heureuse de recevoir son attention, cependant elle réalisa bien vite que c’était toujours à l’autre Gryffondor qu’il s’adressait. Un peu confuse, elle ne savait pas comment prendre ses propos. Que voulait-il dire par « C’est parce que je ne lui ressemble pas ». Bon. Un instant. Les événements lui échappaient complètement en ce moment. Elle devait faire quelque chose, car elle se sentait complètement pousser de la course avant même d’avoir pu avancer.

- Je ne comprends pas pourquoi tu mettrais tant d’effort à changer, tu es parfait comme tu es ! Porter un masque pour plaire, ça n’va pas te rendre heureux. Il y a des gens qui t’aiment comme tu es en ce moment, tu sais…

Elle sentit ses joues s’empourprer légèrement alors que les mots quittaient ses lèvres. Elle était complètement sincère. Elle ne voulait pas qu’il change. Elle ne savait pas s’il comprendrait ce qu’elle voulait dire entre les lignes, que ses mots venaient du cœur. Elle sentait une certaine effervescence à l’idée de lui avouer qu’il l’attirait. Elle ne comprenait pas très bien ce qu’il voulait dire par changer, mais ça n’avait pas d’importance en ce moment. Ce qu’il fallait, c’était le convaincre de rester comme il était, qu’elle était là pour lui et qu’ils pourraient être bien ensemble. Elle en était absolument certaine. Elle n’avait qu’à lui faire réaliser cette vérité.

- T’es pas d’accord, Eli ? C’est mieux de plaire à quelqu’un en étant soi-même, non ?

Elle s’était tournée d’un coup vers sa compagne de Gryffondor pour chercher un appui. Si elles étaient deux à lui dire, ça pourrait le convaincre, non ? Elle n’avait pas l’intention d’abandonner !

Elle était amusée et flattée par ce que disait Eliana, mais prenait cela bien à la légère. Après tout, qu’est-ce que ça pourrait signifier de plus ? Mais si ça pouvait bien la faire paraitre devant le Serdaigle, pourquoi pas ? Est-ce qu’Eli avait remarqué l’intérêt qu’elle avait pour lui et essayait de l’aider ? C’était super dans ce cas ! Cependant, ce n’était vraiment pas une partie gagnée. Le garçon ne voulait de toute évidence rien savoir d’elle.

Elle n’était pas certaine de ce qu’elle devait faire. Elle n’était pas du genre à faire des avances aux autres et tout ça lui passait généralement au-dessus de la tête, mais c’était différent en ce moment. Elle se sentait vraiment attirée et intéressée par lui. Sauf que ça n’allait pas comme elle l’aurait voulu. Il essayait décidément de plaire à Eliana et se souciait à peine — pour ne pas dire qu’il aurait voulu totalement l’ignorer — d’elle. De l’autre côté, Eli ne semblait rien vouloir savoir du Serdaigle. Opal avait d’abord pensé que c’était un avantage pour elle, qu’elle n’avait pas à s’occuper d’une compétition avec sa compagne de Gryffondor — même si elle ne comprenait pas comment Eli pouvait être insensible à ses charmes, il était tellement... parfait ! – elle commençait maintenant à se rendre compte que ça ne changeait rien pour le garçon qui ne voulait toujours pas lui accorder d’attention. C’était si injuste !

Puis, alors qu’il cherchait toujours à convaincre Eliana, parlant de changer pour lui plaire, quelque chose d’étrange se déroula. Elle avait remarqué les traits du garçon changer peu à peu pour prendre une forme qu’elle connaissait bien. C’était le visage qu’elle voyage tous les jours en se préparant. Ces cheveux. Ce regard. Ces formes. C’était... Elle ! Comment… était-ce possible ?

Lorsqu'il prit l’apparence d’Opal, la jeune fille en reste bouche bée complètement. C’était trop bizarre. Elle était confuse sur ce qu’il se passait. Une situation comme celle-ci ne lui était jamais arrivée et elle ne s’attendait pas à voir quelqu’un lui ressembler à ce point ou carrément avoir son apparence. Mais alors pas du tout. C’était ça qu’il voulait dire par : je peux lui ressembler, si tu veux ? La curiosité finit par l’emporter sur son ahurissement et elle s’approcha de son sosie pour le voir de plus près.

– Mais tu peux pas rester comme ça ! Déjà, ça va me faire trop bizarre de me croiser dans les couloirs et après, ce serait dommage de ne plus nous laisser voir ton visage ! Une seule Opal, c’est bien assez, crois-moi.

Elle avait parlé avec l’amusement dans la voix, tentant de chasser l’étrangeté de la situation. C’était complètement inattendu et ça s’était passé très vite. Pas de potion ou de sort. Juste... comme ça. Voilà qu’elle avait l’impression de se regarder dans la glace.

La situation était étrange. Son regard ne pouvait pas totalement se décrocher du garçon, mais pour une raison entièrement différente cette fois. C’était un peu comme si elle se regardait dans une glace, mais en même temps, ce n’était pas ça du tout. C’était cent fois plus bizarre que d’observer son reflet. C’était un sosie qui était debout à côté d’elle. Si elle tendait la main, elle pouvait toucher non pas une surface qui lui renvoyait une image, mais une personne qui avait son apparence. Elle se sentait mal à l’aise, mais refusait de laisser cela paraître. Elle tentait de jouer la carte de la plaisanterie, cherchant à reprendre un peu le contrôle sur les événements qui lui échappaient.

Plusieurs questions se bousculaient en elle. Déjà, pourquoi aller aussi loin pour Eliana ? Elle ressentait une pointe de déception, mais qui s’estompait lentement avec les secondes. Un peu comme si elle ne savait plus trop pourquoi elle devait se sentir triste. Ensuite, elle se demandait pourquoi prendre son apparence à elle ? Qu’est-ce qui lui faisait croire que ça allait marcher et que ça ferait en sorte qu’Eliana l’aime un peu plus ? En tout cas, ça s’avérait un échec complet pour Eliana qui s’offusquait plus encore qu’Opal de la situation. Dernièrement, elle se demandait comment il avait fait ça si rapidement et si facilement. C’était presque angoissant de le voir pouvoir prendre l’apparence de quelqu’un d’autre sans effort. Une part d’elle se dit qu’elle n’avait pas à s’inquiéter puisque c’était lui, qu’il ne ferait rien de mauvais, mais pourquoi pensait-elle ainsi ? Elle ne le connaissait pas en réalité. C’était comme si elle ne pouvait pas penser du mal de lui, mais la raison lui revenait peu à peu. Que… s’était-il passé ? Elle sentait cette féroce attirance s’évanouir de plus en plus. Elle ne comprenait pas l’envie soudaine qu’elle avait eue de se rapprocher de lui.

Lorsque le Serdaigle reprit la parole, Opal leva un regard légèrement surpris à l’écoute de ses mots. Quoi ? C’était légèrement offensant là. Pour qui la prenait-il ? Elle ne comprenait pas pourquoi elle avait cherché autant à avoir son affection alors qu’il la jetterait au bucher sans une pensée de plus. C’était quoi, ces accusations ? Pourquoi aurait-elle ensorcelé Eli ? D’où il tenait ces idées saugrenues, lui ?

– Euh… Allô ? Je suis toujours là. Je peux t’entendre, tu sais.

Elle achevait sa phrase lorsqu’elle eut droit à un regard empli de reproches, qu’elle ne comprit pas du tout. Qu’avait-elle fait de mal ? Elle avait même été aimable avec lui. Elle avait voulu être plus qu’aimable pour être honnête et elle se demandait vivement pourquoi d’un coup. Il semblait maintenant à Opal que ses forts sentiments n’étaient que mensonge. C’était étrange, comme si tout cela n’avait pas lieu d’être. C’était même un peu flou dans son esprit et elle n’arrivait pas à bien se souvenir de ce qui s’était passé. Elle ne se sentait pas très bien tout d’un coup. Que ressentait-elle maintenant ? Hum…

Le Serdaigle continuait de son côté sur sa lancée passionnée envers Eliana. Opal l’observa un instant, essayant de faire sens de ce qui se déroulait en elle et autour d’elle, mais tout lui échappait.

– Je ne comprends pas, laissa-t-elle échapper à voix haute finalement.

Elle se laissa tomber sur un banc. Son regard retourna vers le Serdaigle. Comment s’appelait-il déjà ? Pourquoi avait-elle tant cherché à se rapprocher de lui ? Ça ne faisait aucun sens.