Une tasse de thé ?

une tasse de thé ?

Depuis quelques jours, Poudlard était en effervescence. Le courrier envoyé par la jeune Özdemir était sur toutes les lèvres, assez en tout cas pour que plusieurs hiboux parviennent jusqu’à la directrice en un temps records, l’enjoignant de prendre rapidement les choses en main avant que la situation ne dégénère… Il fallait être réaliste, c’était sûrement beaucoup de bruits pour rien, la révolte d’une toute jeune fille contre un système qui ne lui convenait pas, certes, mais une révolte qui, en l’état, pourrait être rapidement maîtrisée quoi qu’il advienne… Il aurait été très simple de prendre des sanctions immédiates, la punir pour avoir encouragé ses camarades à briser éhontément le Secret Magique, pour vouloir mettre en danger tout le monde des sorciers, sans compter les accusations infondées qu’elle avait proférées et les appels à la haine qui dégoulinaient à chaque phrase… Mais elle n’en était pas moins une enfant dont la vie avait été une nouvelle fois bouleversée. On ne tapait pas sur quelqu’un déjà mal en point pour s’être risqué à le faire savoir. Evelyn Appleton, en tout cas, ne le ferait pas. Pas avant de ne plus avoir d’autre choix.

Aussi, le samedi suivant l’envol massif de volatiles à travers toute l’école, elle attendait patiemment dans son bureau. Il était presque quinze heures, la Poufsouffle ne devrait plus trop tarder. Elle lissa un pli sur sa jupe et aligna les quelques feuilles qui traînaient devant elle. Sur le haut de la pile, la copie de la lettre qui avait largement tourné dans les couloirs. Elle la survola une nouvelle fois, impassible. Cette année était un peu compliquée. Plus, semblait-il, que ne l’avait été la dernière… L’empoisonnement de son mari qui, fort heureusement, s’en était remis, le piétinement de l’enquête visant à trouver le ou les coupables, et maintenant les élèves qui étaient pris d’une folie révolutionnaire… Elle n’eut pas le temps de partir plus loin dans ses réflexions qu’on toqua à la porte. Elle se leva lestement et vint l’ouvrir elle-même, un sourire encourageant flottant discrètement sur ses lèvres.

— Entrez, Mademoiselle, dit-elle en s’effaçant pour la laisser passer. Vous pouvez vous asseoir.

Elle retourna à sa place et s’installa à nouveau derrière son bureau, fixant l’élève en laissant planer un silence qui s’étirait un peu trop… Puis elle agita sa baguette, faisant ainsi apparaître un petit plateau préparé par les elfes avec deux tasses de porcelaine, une théière fumante, du sucre et quelques biscuits secs. Elle attrapa l’assiette de biscuits et la posa entre elles deux pour que l’adolescente puisse se servir si elle le désirait.

— Une tasse de thé ? Un elfe peut vous apporter autre chose si ce n’est pas à votre goût. Un verre d’eau ou du jus de citrouille, par exemple.

La mettre à l’aise serait sûrement peine perdue mais elle voulait qu’elle comprenne qu’elle n’était pas en territoire ennemi, ici, et qu’elle était de son côté. Elle n’était pas là pour lui attirer des ennuis — elle en aurait sûrement déjà eus si ça devait être le cas — seulement pour discuter. Pour comprendre.

— Comment allez-vous, Zeynep ? demanda-t-elle en versant du thé dans l’une des tasses. Comment vous sentez-vous ?

Il lui semblait que l’état de la deuxième année n’était pas sans lien avec l’affaire qui l’avait amenée dans ce bureau alors autant commencer par là…

@Zeynep J. Özdemir

Nous étions samedi. L’école était encore en effervescence et j’en étais la cause. Je n’avais rien fait de mal, bien au contraire, j’en étais persuadée. Je savais ce que je faisais, où j’allais. Je m’attaquais à l’un des piliers de notre monde et j’en étais fière. Le secret magique n’était qu’un moyen de protéger les sangs-purs malgré leurs exactions. Je le savais et Finnbjörn me l’avait avoué à demi-mots, convaincu que personne, jamais, ne le remettrait en cause. Je l’avais fait et malgré les conséquences probables, je ne le regrettais pas. Liam ne comprendrait pas ce qui m’agitait, Alice non plus. Personne n’avait jamais compris. Tout le monde recouvrait d’un voile pudique ce qui se passait, persuadés que le problème venait des moldus. Certains le disait ouvertement, tous craignaient le jour où tout le monde serait au courant de qui ils étaient. Cela avait détruit ma vie. J’avais été abandonnée des miens, rejetée par mon père parce qu’il ne pouvait pas croire ce qu’il découvrait à travers mes pouvoirs. Plus grave, mon frère avait disparu, emportant avec lui les derniers espoirs d’une vie sereine. Ma famille avait été détruite par la magie, c’était à mon tour d’en détruire le fondement. Je n’avais rien contre la magie en elle-même, j’en avais contre ce mensonge, cette dissimulation qui me coupait des miens. Mais personne ne pouvait comprendre et les lettres qui m’était parvenue étaient au mieux compatissante et pleine d’incompréhension, au pire insultante, même venant de gens comme moi.
Et puis, c’était tombé : j’étais convoqué par la directrice. C’était inévitable, je le savais. Liam s’inquiétait, il avait décidé de m’accompagner et de rester devant la porte, en cas de problème. À la fois, ça ne me paraissait pas utile et en même temps j’étais touché de cette marque de préoccupation. Je ne pouvais pas dire que mon sort lui était indifférent, même s’il ne me comprenait pas.
C’était l’heure, je m’approchais, un peu stressée, d’un bureau dans lequel je n’étais jamais entrée. Je toquais, fermement, essayant de masquer mon appréhension. Même si j’avais raison, ce n’était pas anodin d’être convoqué ainsi, c’était un peu intimidant quand même. La porte s’ouvrit, la directrice derrière, un gentil sourire aux lèvres. Je ne savais pas ce que ça masquait, à quoi je devais m’attendre alors je me raidis, imperceptiblement. Je m’assis, elle me proposa un thé ou autre chose. L’interdiction de faire de la magie ne semblait pas s’appliquer ici.
« Un thé sera très bien, merci. »
J’en avais déjà bu un ce matin, au petit-déjeuner mais je voulais qu’on en vienne plus vite au vif du sujet. De toutes façons, je dormirais vraisemblablement mal cette nuit. La discussion partit, sans que je m’y attende sur comment je me sentais. Elle ne commençait pas par des remontrances, ne me sommait d’expliquer mon geste. C’était étrange et je ne savais pas comment me positionner. Alors, je choisis une forme de franchise, teintée de méfiance.
« Mon frère est sûrement mort à l’heure qu’il est. »
Je la fixai, laissant planer un silence pendant quelques instants. J’hésitai à ajouter quelque chose mais je n’y tenais plus, je me lançai.
« Et des sorciers en sont sans doute responsables. »
Je n’avais pas répondu directement à sa question mais mon état d’agitation et de tristesse transparaissait dans ma voix.

une tasse de thé ?

— Du sucre ? N'hésitez pas à vous servir en gâteaux, ils sont là pour ça ! annonça la Directrice à l'adresse de Zeynep, en lui montrant l'assiette qui se trouvait entre elle deux. Une fois la tasse remplie, elle la déposa devant la jeune adolescente avant de sucrer la sienne et de la déposer devant elle.

La directrice ne fut guère étonnée de voir que toutes les pensées de la jeune Özdemir étaient tournées vers son frère. N'importe qui à sa place serait certainement dans le même état qu'elle. Ce qui était triste c'était de voir que la jeune fille n'avait plus réellement d'espoir de retrouver son jeune frère encore en vie et sa peine la poussait à porter de lourdes accusations à l'encontre des sorciers. Et autant Evelyn Appleton pouvait comprendre le désespoir qu'habitait la jeune demoiselle et était de tout coeur avec elle, autant elle ne pouvait pas la laisser accuser sans preuve qui que ce soit.

— Ce sont de graves accusations vous savez. Ont-elles seulement un fondement ? Avez-vous des preuves de ce que vous avancez ?

Le ton était neutre et posé, l'idée n'était pas de l'engueuler mais bien de tenter de comprendre ce qui se tramait dans la tête de cette jeune fille. Tous les moyens avaient été mis en place pour tenter de retrouver le jeune Özdemir. Mais jusqu'à présent, l'enquête piétinait. Ce qui avait semblé n'être qu'une simple fugue c'était rapidement changée en enlèvement. Plusieurs témoins avaient affirmés avoir croisé l'enfant avec un homme, mais aucun d'eux n'avaient été en mesure de le décrire. Les derniers témoignages en datent indiqués que l'enfant pourrait se trouver près d'Oslo, mais après vérification, cette piste était peu probable et abandonnée depuis lors. Dans ces circonstances, il était normal que Zeynep soit sur les nerfs, inquiète pour son jeune frère et qu'elle désespère de ne pas voir l'enquête avancer. Mais sa rancoeur ne devait pas être une raison valable pour fomenter une révolte et inciter ses camarades à briser le Secret Magique.

— Ecoutez Zeynep, je comprends parfaitement l'état dans lequel vous devez vous trouver actuellement. L'enquête sur la disparition de votre frère piétine et vous donne certainement l'illusion qu'elle n'aboutira pas. Mais gardez espoir, la police moldue travaille d'arrache pied pour le retrouver. Je suis bien consciente que l'attente est pénible mais il n'y a, pour l'heure, rien d'autre à faire. Laissez les faire leur travail, ils savent ce qu'ils font et suivent toutes les pistes possibles pour le retrouver. Et pour ma part, je réitère ma proposition, si vous souhaitez parler avec quelqu'un, nous mettons à votre disposition des spécialistes qui seront vous aider dans cette épreuve.

Evelyn espérait sincèrement que la jeune Zeynep était bien entourée, c'était la clé pour supporter cette épreuve difficile. L'école avait décidé de mettre en place une "cellule psychologique" pour les élèves qui ressentiraient le besoin de discuter avec des psychomages. Il était évident qu'un mal-être plané à Poudlard et l'ignorait plus longtemps ne ferait que renforcer ce vent de révolte qui régnait au château. De nombreux incidents étaient survenus dans cette école et de depuis de nombreuses années. Il était important de se montrer présent pour ceux qui souffraient et à l'écoute.

@Zeynep J. Özdemir

« Non merci »
Je refusai poliment les biscuits, j’avais besoin de me concentrer sur ce qui allait suivre, sur ce que j’allais dire et ce qu’on allait me répondre. J’avais l’estomac un peu noué de toutes façons, cela faisait un moment que cela durait, que je mangeais moins mais là c’était pire que les autres jours. Ce n’était pas rien de se retrouver devant la directrice, de la voir autrement que de loin dans la grande salle, à la rentrée ou au bal de Noël. Elle n’était pas vraiment imposante, elle faisait tout pour me mettre à l’aise mais je ne l’étais pas. J’étais tendu et j’avais hâte de savoir ce qui allait se passer. Après m’avoir demandé comment j’allais, elle insinua que mes accusations étaient sans fondement, comme si mon frère avait pu partir se promener comme ça pendant un mois.
« Mon frère a neuf ans, madame. On ne disparaît pas comme ça à neuf ans, encore moins pour se retrouver à Oslo… Et puis, même la Gazette du Sorcier indique que c’est en lien avec une intervention magique. »
Je n’avais pas plus de preuves que cela mais cela me semblait évident. Et je savais que la Gazette du Sorcier était un journal reconnu parmi les sorciers, réputés sérieux. S’ils disaient que c’était lié à la magie, s’ils avaient fait intervenir les Oubliators, je n’avais pas de doute à avoir. J’écoutai ensuite son laïus. Elle voulait que je vois un psy, comme si c’était moi dans l’histoire qui avait un problème. On aurait dit le directeur de mon école primaire quand je m’étais plaint de harcèlement qui n’avait rien trouvé de mieux à faire que de dire que le problème venait de mon comportement. En fait, même si elle ne le disait pas, elle pensait elle aussi, comme tout le monde que les problèmes venaient de moi. Elle pouvait sembler tolérante, ouverte, mais elle défendait au fond les sangs-purs, consciemment ou inconsciemment.
« Je ne suis pas folle. »
Et puis, il avait autre chose dans son discours qui confirmait mes dires. L’enquête de la police n’avançait pas. Comment pourrait-il en être autrement, il n’avait pas été mis au courant ne serait-ce que des pouvoirs de la sœur de la victime, de mes pouvoirs. Je n’avais, de base, pas particulièrement confiance dans la police. Des années auparavant, dans un autre pays, c’était elle qui avait traqué mon père, l’obligeant à fuir. Mais entre la police moldue et les sorciers, je savai que je ne faisais plus confiance aux sorciers.
« Comment voulez-vous que l’enquête avance ? À cause du secret magique, les policiers et tous ceux impliqués n’auront jamais tous les éléments. »
Voilà, je reprenais la raison de ma venue dans ce bureau, indiquant par là même que je n’avais pas changé d’opinion sur le sujet. Mon ton se faisait déjà plus irrité, l'entrevue venait à peine de commencer;

une tasse de thé ?

Légèrement préoccupée par la tournure inquiète que prenait cette conversation, Evelyn demeura songeuse, le dos appuyé contre le dossier de son fauteuil. Zeynep ne semblait réellement pas être une enfant rebelle ou indisciplinée… Tout au long de sa carrière, elle avait déjà eu l’occasion de croiser la route de jeunes enfants difficiles, au parcours malheureux. Pourtant, la jeune fille qui se trouvait devant elle lui paraissait surtout profondément en colère, et aussi attristée par les sombres événements qui l’avaient touchée personnellement. Au fond, elle pouvait la comprendre, et se sentait hélas bien incapable de pouvoir remédier à sa peine… Mais ce qu’elle avait menacé de faire était extrêmement grave, suffisamment pour attirer l’attention du ministère. Un élève qui déclarait ouvertement vouloir s’en prendre au secret magique, ce n’était certainement pas banal… Mais c’était clairement un appel à l’aide. Il lui faudrait donc prendre bien des précautions, avec cette enfant. « Bien sûr que non, vous ne l’êtes pas, mon enfant. Vous êtes perturbée par de tragiques événements qui vous affectent directement, rien n’est plus normal. » lui répondit-elle avec un sourire triste. Des biscuits et du thé ne suffiraient malheureusement pas à l’aider… Elle souhaitait vraisemblablement des réponses, et Evelyn éprouvait bien de la frustration à ne pas être capable de lui en apporter. Hélas, elle n’avait pas le pouvoir d’accélérer le travail certainement acharné des Aurors. Elle ignorait tout des ressorts de cette enquête, et espérait encore que cette dernière trouverait une issue heureuse… Ce jeune garçon qui avait disparu, c’était réellement tragique. « Mais vous devez avoir confiance Zeynep ; en les Aurors, les enquêteurs, et toutes les personnes qui se démènent chaque jour pour retrouver votre frère. Gardez la foi, je vous prie. » lui assura-t-elle, la fixant bien dans les yeux, afin qu’elle soit assurée qu’elle avait son soutien. Dès qu’elle en aurait l’occasion, elle en toucherait un mot à Mr. Bradford… Le suivi de cette enfant par un psychomage semblait être de loin la meilleure solution.

Certes, elle compatissait sincèrement pour la jeune Poufsouffle, mais cela ne rendait malheureusement pas l’acte qu’elle avait commis moins grave. Comprendre ses motivations l’aidait à préciser un peu le profil de cette enfant perturbée et vindicative, mais il fallait également qu’elle parvienne à lui expliquer qu’une solution extrême comme celle-ci ne l’aiderait en rien… Si le secret magique devait être un jour dévoilé, ça ne pouvait pas se faire de manière aussi brutale et soudaine. « Je vous comprends, Zeynep. Mais compromettre le secret magique aussi brusquement et sans préavis serait vous mettre en danger. Vous, vos camarades, vos professeurs… Comment pensez-vous que les moldus réagiraient, en apprenant l’existence de cette école du jour au lendemain, sans y avoir été préparés ? Vous avez eu des cours d’histoire de la magie avec le Professeur Hatwell, je me trompe ? » lui demanda-t-elle, usant de toute la pédagogie dont elle était capable de faire preuve. Zeynep avait des notes plutôt correctes, et ne s’était pas particulièrement distinguée par une attitude négative, depuis qu’elle était entre les murs de ce château, aussi elle n’avait pas l’intention de se montrer dure envers cette dernière. L’idée étant de trouver la balance, afin de bien lui faire comprendre comment respecter les bonnes limites…

@Zeynep J. Özdemir

Je n’aimais pas cette lueur de pitié qui se lisait dans le regard de la directrice. Je n’aimais pas qu’elle me voit uniquement comme une jeune fille malheureuse, perturbé et qui ne réfléchissait pas aux conséquences de ses actes. J’avais mis un mois avant d’envoyer ma lettre, un mois où j’avais pesé le pour et le contre inlassablement, où je m’étais demandé quels étaient les risques, si j’avais raison de les prendre. Bien sûr que ma douleur jouait un rôle dans mon acte, elle en avait été, à bien des égards, le moteur. Mais on ne pouvait pas me réduire à cela. J’aurais presque préféré qu’elle me punisse sur le champ plutôt que de prétendre vouloir me comprendre. J’étais butée, je l’assumais et j’avais tellement envisagé d’avoir des ennuis que maintenant qu’ils ne venaient pas j’en étais étonnée. La directrice insista sur une confiance que je ne pouvais avoir dans les Aurors, dans les institutions magiques. Déjà que je n’avais qu’une confiance très limité dans les institutions moldues, je n’allais pas aveuglement croire celle d’une société qui me rejetait trop souvent.
Enfin, j’eus le droit au laïus attendu sur le fait que briser le secret magique était dangereux, que l’histoire l’avait bien montré, que les moldus seraient incapables de comprendre… La conversation prenait enfin la tournure que j’avais prévu et sans réfléchir, comme si je m’étais préparée à l’avance à cette provocation, comme si je n’avais aucune idée des conséquences que pouvaient avoir mes paroles, je lâchai :
« Entre apprendre l’existence de cette école et apprendre sans avoir aucun élément la disparition de son fils, je ne sais pas ce qui est le pire... »
C’était rhétorique, si je m’en prenais au secret magique, c’est que je savais très bien que je préférais mille fois devoir justifier un mensonge de plusieurs siècles, plutôt que de voir se perpétuer les exactions envers les moldus et leurs enfants. J’étais bien placé pour le savoir : mes parents, mon père surtout, avaient très mal pris l’existence de la magie. Mais je pensais aux générations futures.
« Peut-être que ce sera compliqué les premières années et c’est normal, personne n’apprécie apprendre qu’on lui a menti pendant des siècles. Mais après ça ira mieux. Si les moldus savent que les sorciers existent, certains sorciers n’oseront plus s’en prendre à eux. Et alors les moldus n’auront plus de raison d’être méfiant des sorciers. »
La faute retombait sur les sorciers, les sangs-purs en particulier même si je ne le disais pas ouvertement là. J’en avais un peu assez qu’on parle des chasses aux sorcières comme si tous les moldus brûleraient les sorciers, encore aujourd’hui, sans parler de ces sangs-purs qui feraient bien des bûchers de nés-moldus.

une tasse de thé ?

Évidemment, Zeynep n’avait pas entièrement tort et des questions qu’elle soulevait étaient plus que légitimes, personne au monde ne pouvait prétendre le contraire. La façon dont le Monde — avec un grand M, magique et moldu réunis — fonctionnait n’était pas toujours très juste et c’était souvent les mêmes qui en pâtissaient. Là encore, Evelyn la rejoignait volontiers. Mais tout dans son attitude mettait à mal ses revendications pourtant sensées. Cet entêtement très enfantin, cette volonté de s’ériger en expert de la question, cette vision très manichéenne du problème… Ça ressemblait presque à un caprice : elle voulait tout, tout de suite, peu importe ce qu’on pouvait bien lui dire… Et force était de constater que ça n’avait jamais marché ainsi… Les yeux rivés sur sa jeune élève, elle plongea distraitement ses lèvres dans sa tasse encore chaude, son attention entièrement tournée vers ses paroles.

— J’imagine combien le message est difficile à entendre alors que vous êtes directement concernée mais nous ne pouvons pas risquer une possible guerre ou, tout du moins, des affrontements certains pour quelques personnes. Vous ne le pouvez pas, Zeynep, quand bien même il est question de votre propre famille. Je suis certaine que vous pouvez le comprendre, fit-elle remarquer en choisissant ses mots avec un soin particulier. Vous appelez à une plus grande justice mais que devient-elle, cette justice, si elle n’est là que pour servir des intérêts qui vous sont propres ?

Elle entendait sa peine et sa colère, bien entendu, mais elle ne pouvait pas se laisser aveugler par elles au point de tout détruire ainsi. Il fallait qu’elle réalise qu’elle ne défendait pas tant la cause des moldus que celle de sa famille en particulier. Et il était impensable de briser ouvertement le secret magique pour un événement tragique qui ne touchait qu’une poignée de gens à peine… Surtout pas alors que ça ne serait que le premier d’une liste interminable d’autres événements tragiques à déplorer…

— L’existence du code du Secret Magique n’a pas seulement pour but de protéger les sorciers… mais également les moldus. Pensez-vous sincèrement qu’ils seraient plus en sécurité si les sorciers pouvaient faire usage de leur magie sans contrainte ni restriction ?

Parce que mettre tous les moldus dans la confidence revenait à autoriser tous les sorciers à ne plus se cacher… Et d’agiter aux yeux de tous l’inégalité qui existait quoi qu’on puisse faire. Les sorciers auraient toujours des pouvoirs que les moldus n’auraient pas et le droit d’en faire usage comme ils l’auraient fait entre eux, offrant en guise de cadeau de réconciliation tous les accidents magiques contre lesquels ils ne pourraient rien, toutes les attaques auxquelles ils avaient jusque là échappés, toutes les guerres magiques qui ne les avaient jamais vraiment inquiété… Bien sûr, ils seraient ‘au courant’ mais se retrouveraient sans l’ombre d’un doute dans une situation plus difficile encore qu’en étant maintenu dans l’ignorance.

@Zeynep J. Özdemir

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