Irascible, invivable, susceptible, froid, distant, colérique, anxieux, triste, perdu... et j'en passe. Tous ces mots pouvaient me définir ces derniers mois et j'en étais bien conscient. Mais même si cela ne me plaisait pas, j'étais littéralement incapable d'être autrement. Je m'enfonçais lentement dans une dépression dont je perdais tout doucement le contrôle et je ne savais pas comment en sortir. Jusqu'à présent, je me disais que j'étais assez grand pour m'en sortir seul, que je n'avais besoin de personne, que j'étais autonome et indépendant et que de toute façon personne pouvait me comprendre, ne me comprenant pas moi-même. Mais les mois s'écoulaient et la situation ne s'arrangeait pas, bien au contraire et je me sens plus désarmé que jamais. Je n'en pouvais plus d'être comme ça, ne me supportant plus moi-même mais je ne savais pas comment être différent. Je me forçais à sourire ou rire pour rassurer mon entourage et pour tenter de leurrer mon mal-être. Parfois, dans le miroir, je me forçais à sourire, jusqu'à ce que ça devienne douloureux et que les larmes coulent. M'habituer à sourire pour donner l'illusion et finir par leurrer mon cerveau qui pourrait croire que je suis vraiment heureux. Penser que si j'arrivais à m'en persuader, je finirai vraiment par être heureux. Je ne savais pas si ça allait fonctionner mais ça ne coûtait rien de tenter le coup. Boire plus souvent que d'ordinaire, finir torcher souvent, au point de se laisser bêtement embrigader par des mecs que je connais à peine d'aller fouiller dans le bureau de mon oncle pour lui voler ses bouteilles. Et le pire dans cette histoire c'était que c'est moi qui est suggéré l'idée. Ca valait bien le coup de le fuir pour finir par atterrir dans son bureau totalement bourré, en pleine nuit. Mais j'imagine que je suis mon propre ennemi et que je sais ce qui peut me coûter vraiment cher.

Les détails sont assez flou, il faut bien dire que j'étais vraiment torché ce soir là. Et j'avoue ne pas arriver à savoir si mes souvenirs sont tous réels ou s'ils ont été inventés, délirés à cause de l'alcool. Il m'a parlé de me renvoyer dans mon pays, de boire un verre avec moi pour fêter ça et puis le sujet à dévier sur mes parents et là j'ai craqué. Je ne me souviens plus de mes propos, je me souviens surtout d'une colère cuisante, puis d'une vague douloureuse qui s'est abattue sur moi. Incompréhension, remise en question, colère, injustice, recherche de réponses, besoin d'être rassuré, solitude... Je ressens encore tout ça aujourd'hui alors que cette discussion s'est déroulée il y a quelques jours maintenant. Je n'ai parlé de tout ça à personne, comme toujours, incapable de mettre des mots sur tout ça, incapable de savoir quoi en penser ou quoi faire. Je sais que si j'en parle, les gens vont vouloir donner leurs avis et je doute qu'ils soient à mon goût. Je sais que Jade m'écouterait avec plaisir, comme elle l'a déjà fait à de nombreuses reprises mais la finalité de notre discussion reste toujours la même, moi qui me braque et qui m'énerve et elle qui laisse tomber. Peut-être qu'au fond, ce n'est pas à mes amis que je dois en parler, peut-être que c'est à un spécialiste, quelqu'un qui est là pour écouter et conseiller... Depuis que j'ai lu ce message dans le hall d'entrée, sur la possibilité de parler à un psychomage si on le souhaite, je me questionne beaucoup. Ne serait-ce pas la solution à mon problème ? Après, je ne sais pas si je me sentirai suffisamment à l'aise pour me confier à un parfait inconnu, mais l'avantage d'un parfait inconnu, c'est que quoi qu'il arrive, si j'en ai marre, je peux juste arrêter les rendez-vous et on en parle plus. Je me tâte, incapable de prendre une décision pour l'heure.

C'est au détour d'un de nos échanges quotidiens que Blaze m'a proposé l'idée qu'on se retrouve pour une soirée entre bro'. A la base, il voulait que je dégote une meuf pour m'amuser un peu mais j'avoue que l'envie n'était pas très présente. Qu'il s'éclate avec sa meuf, j'en suis ravi pour lui mais j'avoue que pour l'heure, ça m'intéresse moyen. Et c'est bien ça le problème, comment à quasiment 15 ans, le sujet ne m'emballe pas plus que ça ? Je devrais être en chien, attendant la moindre occasion pour tenter de pécho... Même moi, je ne me reconnais pas et j'avoue que ça me gonfle un peu. Je me sens vide, incapable d'apprécier quoi que ce soit. Même ma prise de tête avec Sasha n'a plus vraiment de saveur. Je ne fais aucun effort parce que je vois qu'elle s'en balance, du coup je ne vois pas pourquoi je devrais être sympa avec elle. C'est complètement con, certes, mais personne n'a prétendu que je ne l'étais pas ! Le lieu du rendez-vous est loin d'être le plus confo que j'ai connu mais il fera l'affaire pour l'heure. Avec les conneries qu'il se passe en ce moment, c'est chaud de se trouver une salle confortable pour passer la soirée. J'imagine donc que les toilettes des mecs est le lieu le plus sûr de cette école et peut-être le moins fouillé ... ou plutôt le plus facile à se planquer. Je suis plus loin de ma salle co' qu'il ne l'est de la sienne mais ce n'est pas comme si ça me faisais quoi que ce soit de me faire choper en pleine nuit. Ils préviendront une nouvelle fois mon oncle qui est habitué et puis voilà. Bref, quand j'entre dans les toilettes, je vois Blaze qui me fait signe, installé dans une des cabines au fond de la pièce. Je le rejoins en quelques pas, rentre dans la cabine et m'installe en face de lui, à même le sol. “Nope, les gens sont quasi tous à sec pour le moment à cause de leur fouille à la con !” Répliquais-je un peu dégoûté. Je n'ai pas croisé Max, certainement occupé avec une meuf. Mais vu que je lui dois déjà une bouteille, je doutais qu'il accepterait de m'en dépanner une autre, surtout vu comment c'est un peu plus compliqué d'en choper. Quant aux autres, soit ils sont à sec, soit ils m'en demandent un prix exorbitant. J'ai préféré laisser tomber. Blaze mélangeait des cartes et me montra d'un signe de tête le tas de feuilles à côté. Des origamis ? Sérieux ? “Moi qui rêvais que tu me tires les cartes, je suis déçu ... Allez va pour une partie de cartes !”

Je plaisantais quant à l'idée qu'il me tire les cartes mais visiblement, soit il n'a pas relevé l'humour dans ma voix, soit l'idée le tentait aussi. Est-ce que j'y crois à toutes ces conneries ? Pas vraiment, mais je sais que certains y croient vraiment. Rien que dans ma famille, mes tantes vont voir souvent des voyantes pour savoir si leur mari ne se fera pas buter dans un avenir proche, s'ils vont être riche ou des conneries dans ce genre là. Je crois que ma mère aussi y croyait, elle aurait peut-être dû en consulter une avant leur casse, ça aurait peut-être pu être utile si ça fonctionnait vraiment. A moins qu'elle y soit aller et que ça ne l'a pas empêché de continuer, comme si elle organisait elle-même son suicide. Rien que d'y penser me fait du mal et fait grandir le trou que j'ai dans la poitrine. J'ai vraiment l'impression d'avoir été abandonné sciemment par mes parents, comme si lasse de moi ou d'être parents, ont choisi le suicide pour enfin être libre. “Pas vraiment ... mais vu que t'as l'air d'être lancé, allons-y !” Répliquais-je un peu railleur. De toute façon ce n'est pas comme si on avait vraiment d'autres options. J'ai presque hâte de voir ce qu'il va me dire, ça me fait rire d'avance.

“L'un n'empêche pas l'autre ! Si ça se trouve la prise de risque veut dire que je vais fuguer, mon obsession c'est clairement de retourner dans mon pays et l'errance ... ben c'est pas à côté donc je ne suis pas arrivé ! D'où l'indépendance, le départ et la décision ... tout ça tout ça quoi ! ” J'ignore si ce qu'il me raconte est véridique ou pas, dans le sens où je ne me suis jamais penché sur cette matière et sur les cartes en général. Si ça se trouve cette carte porte un tout autre nom et a une autre signification. Mais bon, flemme d'aller vérifier, alors je vais me contenter de lui faire confiance. Pour le moment, que ce soit vrai ou non, ça me correspond bien. Je n'ai lâché abandonné l'idée de me barrer d'ici, avec ou sans le consentement de mon oncle et je veux retourner dans mon pays natal. Et vu que ce n'est pas la porte à côté et que je ne sais pas transplané, je ne suis pas arrivé ! Après si ça se trouve c'est une errance psychologique. On ne peut pas réellement dire que je sois très stable psychologiquement ces derniers mois, je trouve que ça colle tout aussi bien. Prise de risque, obsession, errance, le combo explosif pour péter un câble une bonne fois pour toute et faire une connerie dont je ne me relèverais peut-être pas...

Pourtant je n'en dis rien et continuer à écouter mon pote me tirer les cartes. Nous voici à la deuxième carte, la force, à l'endroit précise-t-il. Parce que selon le sens où tu pioche la carte, ça change de signification ? Pas relou le machin. Détermination, courage, volonté ? C'est un peu plus positif, c'est évident. Si on part sur ma première idée, je vais enfin avoir le courage de me barrer, en prenant certes des risques mais peut-être que ma détermination et ma volonté vont payer et m'emmener vers mon but. Ou si on part sur la seconde idée, je vais prendre mon courage à deux mains et accepter qu'on m'aide... “Si ça se trouve j'vais sauver le monde et on ne le sait pas encore ! ” Répliquais-je amusé, n'y croyant pas une seule seconde. Je suis beaucoup de choses mais certainement pas un héros et je n'aspire pas à le devenir. Je déteste les responsabilités et les obligations et devoir faire ce qu'on attend de moi et être digne des croyances des autres, très peu pour moi. La troisième carte est la plus chelou, c'est le diable à l'envers. On ne va pas se mytho, c'est le genre de carte qui, quant on la tire, fait un peu froid dans le dos. Le pendu, la mort, le diable, c'est vraiment le genre de carte où tu te dis que ça pue du cul. “Par rapport à toi ? Qu'est-ce que tu racontes ? T'essayes d'avouer que tu m'as traîné ici pour me pécho ?” Répliquais-je amusé, tout en laissant traîner mon regard sur la dernière carte. Tentation, excès, dépendance. A l'heure actuelle c'est plutôt aux conneries et à l'alcool, ce qui n'est pas vraiment top. Je crois que je ressens le besoin viscéral de faire de la merde pour me sentir encore vivant et important. Pour qui ? Là est toute la question ...

“Tentation, excès, dépendance, errance, prise de risque ... On pourra interpréter ça comme on veut, ça pue un peu ce tirage. ... Après je ne peux pas vraiment lui donner tort ces derniers temps...” Balançais-je en me recroquevillant un peu sur moi même, remontant les genoux vers mon visage, serrant mes cheville de mes mains. Peut-être que tout ça ce n'est pas que du vent, à moins que ça ne soit qu'un fin stratagème de la part de mon pote pour me délier la langue et me faire cracher le morceau ou appuyer là où ça fait mal pour démontrer que je déconne complètement ces derniers temps et que ce n'est plus possible. En vrai j'en sais rien et je crois au fond que je m'en fous, le résultat reste le même, ce tirage me chamboule bien plus que je ne le voudrais.

Je ricane à sa remarque. C'est clair que ça valait bien le coup de suivre ce cours si c'est pour finir par dire à son meilleur pote qu'il va finir SDF. Bon évidemment, on pourrait dire que c'est moi qui ne fait pas d'effort et que j'ai clairement un avenir pourri mais quand même, on aurait attendu à un truc un peu plus sensationnel ! “Grave ! Et tes cartes te disent si je finis toxico ou SDF ? Elles racontent pas la fin de l'histoire ? Que je sache si je finis par rentrer au bercail ou si je suis voué à rester ici ! En vrai je ne sais pas exactement comment ça fonctionne. Est-ce que ça peut vraiment être précis comme machin ou c'est toujours vague et sujet à plusieurs interprétations ? Parce que si ça se trouve, la prof de Divination va voir totalement autre chose avec ce tirage et le premier pécore du coin encore une autre version. Que je sache, histoire de prendre la version qui me plait le mieux, parce que si ça se trouve, dans une des versions, ça se finit bien à la fin .... Après, de ce que j'ai entendu dire, tu leur fais dire bien ce que tu veux aux cartes et les charlatans se servent d'informations récoltées un peu en amont pour te prédire des trucs bidons. Après c'est comme la religion, t'y crois ou t'y crois pas, ça dépend si tu cherches des réponses ou si tu as besoin d'être guidé par une main invisible. Ca rassure les gens de se dire que tout est déjà écrit, comme ça ils se sentent moins coupable si leur vie c'est de la merde, ça ne vient pas d'eux, c'était écrit d'avance ! Comment lutter contre le destin ? moi j'avoue ne pas trop savoir quoi penser de tout ça, mais ce qui est sûr c'est que si quelqu'un est derrière tout ça, je lui en toucherai bien un mot, parce que ça va bien cinq minutes les conneries mais j'avais rien demandé perso, donc faudra m'expliquer pourquoi mes vieux sont morts ?

Je serais la plus grosse menace du monde ? Je ris face à cette connerie. Je sais que ce tirage est pourri, à l'instar de ma vie et de mon état d'esprit actuel, mais je doute de devenir la pire plaie que le monde est connu. Et puis ça veut dire quoi ? Que je vais devenir une sorte de dictateur ? Ou alors le sorcier le plus maléfique que le monde est connu ? Faudrait vraiment que j'ai pété un gros câble, soyons honnête. Je suis loin d'être équilibré, je vous l'accorde et j'adore faire de la merde. Je n'éprouve aucun scrupule à frapper mes camarades, quelque soit leur âge ou leur sexe, mais de là à avoir envie d'instaurer un règne de terreur à coup de sortilèges impardonnable, je ne crois pas. Après je ne sais pas de quoi est fait mon avenir mais pour le moment je suis loin de me prendre pour Voldemort, croyez le bien ! “Fais gaffe à ton cul si tu ne veux pas devenir ma première victime !” Répliquais-je ironiquement. Il serait content et flatté j'en suis sûr. On parlerait de lui et son nom serait célèbre grâce à moi. Bon évidemment il ne serait plus là pour en profiter mais on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a. “Le lieu parfait pour des propositions indécentes ! ” Répliquais-je aussi amusé qu'un brin taquin. Je doute qu'il aurait proposé ce lieu à Sky pour leur premier rendez-vous, voulant jouer la carte du pseudo romantique à deux balles.

Au final, on peut dire que ce premier tirage n'augure rien de bon mais colle plutôt bien à la situation actuelle. Il est même criant de vérité. Dois-je comprendre qu'un rien pourrait me faire véritablement basculer et qu'aucun retour en arrière pourrait être possible ? Je me recroqueville sur moi-même, n'aimant pas cette réalité. Je me sens piégé actuellement dans un cercle vicieux et j'ai l'impression qu'il n'y a aucune branche à laquelle m'accrocher pour m'en sortir. Mais si ce tirage n'ait que le reflet du présent, quel est donc mon avenir ? Vais-je me sortir de tout ça ? Finir à Sainte-mangouste avec les autres tarés ? Ou pire encore, à Azkhaban ? Blaze me rappelle que j'ai oublié une carte dans mon récap', le courage. Qu'est-ce que ça signifie ? Que je dois être courageux ou que je le suis déjà de pouvoir affronter tout ça ? Il est évident qu'il va me falloir bien du courage pour découvrir toute la vérité sur la mort de mes parents et pour digérer leur mort. Mais en ai-je suffisamment ? “Ben écoute j'vais en parler à Opal, lui dire que les cartes ont parlé et qu'elle n'a pas d'autres choix que d'accepter !” Répliquais-je en essayant d'y mettre une pointe d'amusement dans ma voix. J'ai pensé à Opal parce que c'est la première meuf à laquelle j'ai pensé qui se trouve dans cette école et certainement la seule qui pourrait faire l'affaire. Non pas que c'est la seule mignonne mais la seule que je connais suffisamment pour faire ce genre de plaisanterie en tout cas. Quand Blaze reprend la parole, il n'y a plus d'humour dans le son de sa voix, c'est même plutôt le contraire. Regarder les problèmes en face pour les digérer une bonne fois pour toute. J'ai pourtant l'impression de l'avoir déjà fait, je ne vois pas trop ce qu'ils attendent tous de moi et même si je le savais, je ne saurais pas comment m'y prendre. Comment on fait pour faire son deuil ? Pour dire au revoir ? Pour lâcher prise ? Et si moi j'en avais pas envie ? Si tout ce qu'il me restait c'est cet espoir, vain, qu'en s'accrochant à ma colère, je garde mes parents encore un peu à mes côtés ? Et si je fais vraiment mon deuil, ça sera accepter que je suis seul maintenant, qu'ils ne sont plus là, qu'ils ne me verront pas grandir et que jamais plus je ne pourrais les serrer dans mes bras. Ca serait accepter que je ne leur ai pas dit au revoir et que jamais plus je ne pourrais le faire. C'est accepter que mon oncle est ma seule famille ici - si on oublie mes abrutis de grands-parents paternels - et que je vais devoir apprendre à lui faire confiance. Je soupire et baisse le regard “Et si je n'en suis pas capable ? Ou que j'en ai pas envie ? ... Et si je ne sais pas comment faire ?”

L'ambiance est un peu plus pesante, on peut sentir une certaine tension régner dans cette petite cabine. Je sais que ce n'est pas facile pour mes potes, ils ne savent pas quoi faire ou quoi dire pour m'aider et ça les emmerdent de me voir dans cet état là. Je ne passe pas non plus un bon moment, qu'on se le dise, je suis totalement perdu dans ma tête et même si je sais que mes proches veulent m'aider, je ne vois pas ce qu'ils peuvent réellement faire pour y parvenir. Et d'un côté, je suis reconnaissant de rester à mes côtés et d'essayer d'avancer avec moi dans le noir et d'un autre côté, ça m'emmerde vraiment de les voir tenter de me sortir les vers du nez et me sortir des phrases bidons sur la digestion du deuil ou une connerie dans ce genre là. C'est facile d'avoir de belles paroles et de dire de faire des efforts, d'essayer de m'en sortir et tout le tintouin mais ça se voit que ce ne sont pas eux qui sont à ma place. Alors j'oscille entre la reconnaissance et la colère et ça éclate souvent, finissant nos têtes à têtes en prise de tête. Ca finit toujours par passer mais je sais que c'est pesant pour tout le monde et qu'il n'y a que moi qui peut réellement changer les choses, même si j'ignore encore comment.

Recroqueviller sur moi-même, j'essaye de faire un effort, parce que je sais que Blaze se donne du mal pour me changer les idées et pour m'aider. Il s'y prend comme un pied mais difficile de lui en vouloir, je ne ferais certainement pas mieux à sa place. Pour faire des conneries et se bourrer la gueule, là on est bon, mais remonter le moral et trouver les mots juste pour aider un pote, là c'est plus compliqué. Quand il reprend la parole, je constate qu'on n'est vraiment mal parti et qu'il ne faudra peut-être pas trop compter sur nous deux pour me sortir de cette spirale infernale. Mais je reconnais bien la volonté de Blaze de ne jamais lâcher l'affaire pour autant. Il n'est pas plus avancé que moi mais il tente quand même d'avancer. Mais vers où ? Je l'ignore. J'esquisse un sourire, c'est pas la grande marade mais sa petite pique me fait quand même un peu marrer. Je sens que j'ai le coeur lourd mais ça fait du bien de le voir tenter de me dérider un peu, ce qui me donne envie de lui rendre la pareille. “J'vais attendre l'avis d'un vrai spécialiste avant de me fier à tes cartes ... " Je sais qu'il est plutôt du genre élève doué en général et il est vraiment loin d'être con. C'est certainement ce qui lui causera sa perte, assurément, mais bon, c'est Poudlard et j'ai vu le niveau de certains enseignants, je préfère attendre un deuxième tirage d'une personne plus compétente pour savoir si mon pote est aussi doué en divination ou si ce n'est vraiment que du vent. Mais ma réplique n'est pas dite méchamment, c'est surtout pour le chambrer à mon tour. “Hum... p't'-être bien !” Répliquais-je à nouveau, en glissant mon regard vers le sol. C'est sûr que je me prends pas mal de mur en ce moment, mais ce n'est quand même pas de ma faute si les gens n'ont de cesse de me décevoir, si ? Est-ce que j'en attends trop d'eux ?

“Ca à l'air simple quand tu en parles ... Dommage que ça ne le sois pas dans la vraie vie aussi ... ” Se mettre des objectifs. Ok, mais genre quoi ? Qu'est-ce qu'il entend par là ? Je soupire légèrement en repensant à tout ça, ne me sentant pas plus avancé pour autant. J'ai l'impression qu'il sait plus que moi ce que je suis censé faire. Je sais qu'il existe des étapes au deuil, mais je ne les connais pas toutes et ignore par quoi je suis censé commencer. Je sais qu'il y a la colère, là où j'en suis très clairement, mais après il y a quoi ? L'acceptation ? Et si je ne suis pas prêt à ça ? Je sais que j'ai passé l'étape de l'incompréhension ou le déni, j'ignore c'est quoi le nom de l'étape ou si c'est la même chose. Je sais en tout cas que je suis passé par là deux trucs. Je suis resté sur le cul quand j'ai lu le journal, je me souviens que le monde s'est arrêté de tourner, que mon coeur a raté un battement et que je ne comprenais plus rien. Ca ne pouvait pas être vrai. Mes parents étaient en vie, ça ne pouvait pas être autrement. Je suis resté dans un état presque léthargique pendant quelques semaines et ce n'est que plus tard que je suis rentré dans l'étape de la colère, d'abord à l'encontre de mon oncle, avant qu'elle se tourne vers mes parents, il y a quelques semaines. Est-ce que c'est bon signe ? Est-ce que ça montre que j'avance ? J'avoue que je n'en sais rien. Je garde le silence quelques instants de plus avant de reprendre la parole. “Tu sais .... j'suis même plus sûr d'avoir envie de rentrer ...” Pourtant je n'ai cessé de répéter depuis mon arrivée que je ne voulais qu'une seule chose, me barrer d'ici. Et personne n'aurait pu me faire changer d'avis. “J'crois que .... je me suis accroché à cette idée parce que je pensais qu'en rentrant, tout rentrerait dans l'ordre. Je retrouverais ma place, dans ma famille et tout irait pour le mieux... sauf que ... rien n'ira. La vie de ma famille a volé en éclats après ce hold-up, j'vois pas comment ça pourrait aller. ...” Après quelques secondes de silence je finis par dire “J'ai plus ma place là bas ...” Ce qui était certainement en partie faux. Je suis persuadé que les membres de ma famille encore libre seraient ravis de me revoir et qu'une de mes tantes de prendrait sous son aile. Je retrouverais certainement un peu ma vie d'avant, mais ça ne serait plus pareil. Eux ne seraient plus là et je ne suis pas sûr d'être prêt à affronter cette réalité. Au moins à des milliers de kilomètres de là, je peux encore vivre dans l'illusion d'une vie normale loin d'ici, ça m'aide à tenir. C'est devenu bancal comme espoir et il s'effrite avec le temps, mais tant que je ne saurai pas ce que je veux maintenant et qui je suis devenu, je ne pourrais pas avancer.