La première semaine de cours était toujours une période particulière pour les élèves comme pour leurs étudiants. Période d'adaptation et d'ajustements à un nouvel environnement, un nouvel emploi du temps. L'âge avait fait que van Aken supportait d'ailleurs de moins en moins cette effervescence chaotique autant chez ses collègues que ses étudiants et qu'il n'était guère enclin à leur passer leurs premiers moments de fébrilité. Rentrée n'était pas synonyme de bazar, chacun était tenu de trouver sa place et ses marques rapidement sans faire d'histoire.

Il était pourtant un garçon dans cette école dont le sort préoccupait suffisamment le vieux professeur pour qu'il dépêche l'une de ses lointaines cousines l'inviter dans son bureau. La cohabitation avec Dmitri pendant l'été avait été... complexe. Loin d'être aussi horrible qu'elle aurait pu l'être si l'enfant s'était montré obstinément réfractaire à toute forme de concession mais loin d'être aussi joyeuse et productive s'il avait daigné faire preuve de meilleure volonté.

Van Aken soupira. On était vendredi soir, demain il était supposé avoir sa journée de libre mais vu le nombre de papier qu'il devait encore rédiger avant de reprendre ses cours le lundi suivant il n'aurait guère de temps pour s'occuper de ses propres affaires. Mais il avait néanmoins tenu à dégager un moment pour ce rendez-vous. C'était important à ses yeux et il était sincèrement curieux de savoir comment s'étaient déroulés les premiers pas de son neveu à Poudlard, pour le recadrer si nécessaire d'ailleurs.

Dix-neuf heures sonnèrent à sa pendule. C'était l'heure, dans une minute Dmitri serait en retard. Le maître des potions laissa trainer son regard sur la décoration de son bureau. Il était très semblable à sa salle de cours, en moins large toutefois, chaque mur couvert d'un grand tableau qui faisait comme une porte. Ce jour-là, Patricia n'était pas là, partie boire un thé avec ses amis de Poudlard. On l'ignorait parfois mais tout comme les fantômes, les portraits avaient leurs propres mondanités.

Voilà bientôt une semaine que Dmitri avait foulé le sol de Poudlard pour la première fois, marquant ainsi le début d’une vie bien différente de celle qu’il imaginait il y a encore quelques mois. De sa vie d’enfant pragois destiné à entrer dans la réputée mais controversée école Durmstrang, il avait l’impression de n’avoir plus grand-chose. Il n’avait fallu que d’un été pour changer ses perspectives, et encore aujourd’hui, il ne parvenait à en saisir toutes les conséquences.

Comme en écho à ses doutes, l’occupante de l’un des innombrables tableaux du château l’avait hélé au détour d’un couloir, transmettant un message de son aïeul. Répondant à l’invitation avec une docilité qui lui était somme toute peu familière, il traversa presque l’intégralité de l’imposante bâtisse pour se rendre dans les cachots, là où son rendez-vous l’attendait. À la réflexion, il s’agissait d’une bien étrange idée que de placer son bureau dans un tel endroit compte tenu du nombre de pièces inutilisées.

Lorsque résonnèrent les cloches du château, il était déjà arrivé dans les cachots, à deux pas de l’officine du maître des potions. Il attendit quelques instants que le silence revienne, ne frappant au battant de la porte qu’après avoir pu compter plusieurs battements de cœur dans le silence des sous-sols. Lorsqu’il reçut l’injonction d’entrer, il poussa la porte pour découvrir une pièce fort semblable à ce qu’il aurait pu imaginer : l’absence de fenêtre, évidente dans un sous-sol, était rattrapée par la présence de grands tableaux, à l’image de la salle de classe ou même de tout ce qui portait le nom van Aken. Le tableau de Patricia, qu’il reconnut immédiatement pour l’avoir bien assez vu au manoir, trônait en bonne place mais demeurait vide, ce qui n’était pas pour déplaire à Dmitri ; ne sachant déjà pas bien sur quel pied danser avec Alexander, il appréciait de ne pas avoir à rajouter un adversaire dans l’équation.

« Bonsoir » fit-il à l’adresse de son grand-oncle, prenant place dans un siège en face du bureau, sans attendre d’y être invité. Incontestablement, le garçon avait été bien élevé : les codes et usages de bienséance dans la bonne société lui étaient si familiers qu’ils revêtaient l’aspect de l’habitus, ce qui rendait d’autant plus impactantes ses impolitesses puisqu’elles étaient voulues. Bien que son instinct lui intimât, comme toujours, de patienter debout le temps que l’occupant des lieux lui propose de s’asseoir, il fit le choix de ne pas y prêter attention. S’il avait fait l’effort d’arriver à l’heure, il pouvait bien se permettre cette petite impertinence. Son insolence ne s’était pas tarie durant les semaines passées en Écosse et, si certains souvenirs cuisants lui rappelaient parfois la juste mesure, il n’en restait pas moins un cocktail explosif mêlant la provocation et l’impulsivité à l’immaturité.

« C’est plutôt original d’utiliser un tableau pour me contacter... vous en avez envoyé une armada pour que l’un d’eux parvienne à me trouver dans Poudlard, ou suis-je juste suivi en permanence ? » Original, mais pas des plus discrets si le couloir est bondé, comme il arrive parfois à la sortie d’un cours.

L’idée que son aïeul ait pu charger des peintures de le garder à l’œil lui avait déjà traversé l’esprit et il y voyait là une confirmation ; peut-être cherchait-il trop la petite bête, il aurait en effet suffi qu’Alexander connaisse son emploi du temps pour le trouver plus aisément, mais Dmitri préférait inconsciemment s’enfermer dans une attitude de défiance.

Au moins a-t-il la politesse d'être à l'heure. Dans son fauteuil, semblable sauf pour sa couleur bleue nuit à celui se trouvant en classe de potion, van Aken se redresse, joint les mains, esquisse une ombre de sourire froid, observe l'adolescent s'installer sans y avoir été invité. Certainement qu'en certaines choses le temps passe et change les mœurs, il faut faire avec, il ne s'en formalise pas, pas cette fois, tout n'a pas à être un conflit malgré les provocations de son neveu.

- Bonsoir Dmitri, veux-tu boire quelque chose ?

Le garçon n'a pas eu le temps de répondre, deux verre sortent d'un buffet, viennent se poser sur la table sans un bruit. Le sortilège a de l'élégance, avant-goût de ce que peut être la grandeur d'un sorcier qui s'en donnerait les moyens. Alors que Dmitri reprend la parole, le professeur se penche, ouvre son tiroir, en sort deux bouteilles : l'une ouvragée et de verre fumée renferme un liquide ambré aux éclats rougeâtre, celui-ci n'est pas pour les enfants, l'autre a une douce couleur orangée : jus de citrouille.

Van Aken verse chacun dans un verre, à nouveau, esquisse un sourire sans amusement.

- Si tu ne fais rien de répréhensible, savoir que quelques portraits gardent un oeil sur toi devrait plus te rassurer que t'inquiéter Dmitri.

Il pousse le verre en direction de son neveu, prend le sien, le lève d'un petit geste et d'un regard suggestif qui dit "santé", avant de le porter à ses lèvres. Il ne s'est servi qu'un fond de verre, l'alcool doit être fort, mais se ressert presque tout de suite après l'avoir vidé. Pudeur du dosage mais au bout du compte les quantités ne trompent pas.

- Tu sais, je ne suis pas le maître des tableaux. Aucun serment ne me relie à eux, ils m'obéissent par ennui, par amitié ou par loyauté envers mon nom, nom que tu partages. Si tu prenais le temps de te rapprocher d'eux, je suis certain qu'ils t'obéiraient aussi, un jeune homme est bien plus amusant à servir qu'un vieux sorcier comme moi.

Pourquoi lui dire cela ? Fallait-il y voir un encouragement à la ruse, à la débauche ? La plupart des tableaux venaient d'un autre temps, d'une autre époque où les convictions de chacun étaient plus claires et ciselées, Dmitri pouvait bien se rapprocher d'eux, le professeur avait la conviction que leur loyauté envers le garçon s'éteindrait à l'instant où il irait trop loin. Trop près des moldus, il s'y brûlerait les ailes. Mais il pouvait toujours tenter, après tout cet héritage était autant le sien désormais. A la différence qu'il ne savait pas encore peindre.

Au demeurant, sans compter les yeux peints de ses ancêtres, il restait encore Duncan dans le château et le garde-chasse lui était d'une impérieuse loyauté.

- Trinquons à ta nouvelle maison ! J'espère que tu en es satisfait ? Beaucoup de van Aken sont passés par Serdaigle, c'est une noble et intéressante institution, n'en doute jamais.

Se retrouver à nouveau seul avec son grand-oncle était étrangement familier pour le garçon, là où quelques jours plus tôt, il lui aurait paru absurde d’imaginer se sentir rassuré par une entrevue comme celle-là. Quitter pour la première fois son pays et surtout sa famille l’avait plus affecté qu’il ne voulait l’admettre et, alors qu’il lui avait fallu du temps pour se faire à sa nouvelle vie trop calme du manoir, voilà qu’il était à nouveau déraciné pour une école où certes il retrouvait une effervescence semblable à celle d’une vie agitée par sa fratrie et ses innombrables cousins, mais où tout lui était pourtant étranger.

La réponse d’Alexander correspondait tant à ce qui le taraudait qu’il eut la désagréable impression que l’homme s’était introduit dans son esprit, à la manière de son légilimens de père. Il savait pourtant que ce ne pouvait être le cas, Dmitri ayant prêté trop d’attention à l’élégant ballet de verres pour qu’il ait pu avoir un contact visuel suffisant à toute pratique de légilimancie. Cette sensation d’intrusion était pourtant assez saumâtre pour qu’il laisse transparaître bien malgré lui un certain malaise, ses doigts tapotant frénétiquement le bord de son fauteuil. Tentant vainement de chasser ces pensées, il accepta le verre et lui rendit distraitement la politesse en levant à son tour le récipient.

« Je n’ai pas besoin qu’on garde un œil sur moi » s’entendit-il protester. Y croyait-il seulement ? Il n’avait encore jamais été livré à lui-même, malgré cet ardent désir d’autonomie qui le poussait si souvent à contrecarrer les instructions trop paternalistes. Se savoir surveillé ne l’irritait pas tant pour le fait qu’il risquait d’être surpris à faire lesdits actes répréhensibles que parce qu’il se sentait privé d’une liberté suffisante pour grandir. Par certains égards, son grand-oncle lui offrait cependant un cadre plus propice à son essor, mais bien souvent, il demeurait aux yeux de l’enfant une contrariété, comme lorsqu’il évoqua le contrôle qu’il pourrait avoir sur les tableaux s’il s’en donnait la peine ; leur nom sonnait bien plus à ses oreilles comme un fardeau que comme un héritage dont il pouvait bénéficier, mais il n’était sans doute pas bien prudent d’en discuter avec le maître des potions, aussi se contenta-t-il de cacher son désarroi en buvant les dernières gouttes de son jus de citrouille.

L’aiglon haussa nonchalamment les épaules à l’évocation de sa nouvelle maison. « Difficile à dire, je n’avais pas d’attentes particulières... » Puisqu’il n’était pas censé aller à Poudlard il y a encore peu de temps, il n’avait pas cultivé en lui cette impatience de savoir sous quelle bannière il ferait sa scolarité. Seules les indications de son grand-père l’avaient éclairées à ce sujet, évoquant surtout les verts et argents auxquels il avait appartenu.

Il arqua soudainement un regard intéressé en direction d’Alexander en apprenant l’existence d’autres van Aken ayant portés les mêmes couleurs que lui ; il était quelque peu surpris par l’idée d’avoir des points communs avec certains de ses ancêtres, alors qu’il s’était toujours perçu comme le mouton noir seulement capable de décevoir en tout point sa famille. « Je ne savais pas... le choixpeau a hésité à m’envoyer à serpentard. Grand-père m’a dit qu’il y était allé, j’ai l’impression qu’il voulait que j’y sois aussi. » Le garçon se redressa sur son fauteuil, légèrement mal à l’aise. Il lui était un peu étrange de se dire qu’il était le premier van Aken à fouler le sol de l’école écossaise après tant d’années, alors que presque tous ses ancêtres y avaient fait leurs classes. « Vous étiez dans quelle maison ? »

Le professeur haussa simplement un sourcil dubitatif au petit caprice de son neveu. Il n'était jamais très agréable de s'entendre dire qu'on avait besoin de protection ou de surveillance, surtout à son âge où il devait bien commencer à prendre son envol, mais si Dmitri s'imaginait une seule seconde qu'il allait le laisser vadrouiller à sa guise dans le château, c'était bien mal le connaitre. On parlait tout de même de l'enfant qu'Arthus lui avait confié, le dernier-né des van Aken à ce jour et son potentiel héritier, ce n'était pas le genre de chose qu'on abandonnait sans surveillance dans un milieu aussi décadent que pouvait l'être Poudlard ces derniers temps.

Toutefois, il fallait bien reconnaitre que ce n'était pas que le pragmatisme qui avait guidé la décision d'Alexander de lui coller quelques peintures aux fesses. Quelque chose de plus irrationnel prenait forme ici, alors qu'ils avaient vécu plus d'un mois à deux au Manoir, le professeur avait eu plusieurs occasions de constater le caractère irascible et aventureux de son petit-neveu. Or s'il avait petit à petit commencé à apprécier le rester de sa personnalité qui n'était pas aussi sombre qu'avait pu lui dépeindre Maxmilian, il n'en restait pas moins que ces deux traits de caractères parmi les autres l'inquiétaient. Un honnête soucis de préserver son intégrité physique et morale avait motivé ces mesures de protection.

D'ailleurs, il avait entendu quelques rumeurs sur une escapade nocturne au lac qui avait participé à confirmer le bien-fondé de sa décision. Il n'était pas grave en soit pour un adolescent de son âge d'avoir des envies d'évasion, mais il était de son devoir à lui, en tant que tuteur et professeur, de prévoir à ce que cela se passe dans de bonnes conditions et surtout n'outrepassent pas les bornes de la bienséance. On pouvait tolérer les transgressions formatrices, mais la tentation de céder à des comportements plus subversifs justifiait d'être gardé à l’œil.

La remarque du garçon sur sa maison lui tira un sourire. Même sans l'aide de l'alcool, ce soir il se sentait de bonne humeur, presque bavarde.

- L'hésitation du choixpeau ne m'étonne guère, une maison mettant en valeur la débrouillardise et la détermination ne pouvait que te convenir.

Dmitri semblait mal à l'aise, nota Alexander. Il se demanda si cela n'avait pas à voir avec les stéréotypes ridicules qui entouraient la maison des verts et argents, en faisant depuis la Seconde Guerre des Sorciers un lieu suspect par principe. Avec le temps et sans doute sous l'impulsion du choixpeau cette réputation s'étaient petit à petit érodée mais il restait encore quelques idées vivaces au sein de la société sorcière.

- J'étais également à Serpentard, pour te répondre. Mais c'était une autre époque, les décisions du choixpeau sont parfois plus politiques qu'on ne le pense, à ton âge Serpentard était la maison privilégiée des vieilles familles, au mépris parfois des qualités véritables des enfants qui y étaient envoyés.

Lentement, il reposa son verre, vidé.

- Serdaigle est la maison des chercheurs, des érudits, elle convient bien à un caractère curieux comme le tient. Il eut un sourire amusé. Puisse-t-elle te donner envie d'explorer un peu plus les chemins de la sagesse.

Il se radossa dans son fauteuil, croisant les doigts.

- Et tes cours ? Te conviennent-ils ?

Lentement, van Aken secoua la tête de gauche à droite à la question de son petit-neveu. Poudlard, et c'était heureux, avait une existence propre qui la plaçait au dessus des mesquineries de ses directeurs et de leurs lubies. Pour le meilleur et pour le pire, la volonté des quatre fondateurs survivaient à l'intérieur de ces murs et pour qui savait la chercher ou la demander, à travers le temps ils pouvaient offrir leur aide aux étudiants et professeurs soucieux de l'avenir du château.

- Oh, ne crois pas cela. Le choixpeau est bien plus ancien et bien plus sage que Mme. Appleton. Il est la création des magies conjuguées des quatre plus grands sorciers de son temps et sa loyauté ne va qu'à l'école. Voila pourquoi il ne viendrait à l'esprit de personne de remettre ses décisions en question.

D'une bonne humeur légère et sans excès qui contrastait cependant avec sa froideur habituelle - sauf quand il avait bu - le professeur s'autorisa de nouveau un sourire amusé.

- En matière de magie, certaines choses transcendent nos petites temporalités humaines. Si tu as du talent, un jour toi aussi tu ambitionneras de dépasser ta mortalité.

D'un geste assuré, il remplit son verre une fois de plus.

- Gryffondor, Serpentard, Poufsouffle, Serdaigle... à leur manière, ils sont encore ici parmi nous.

Mais il n'avait pas seulement fait venir Dmitri pour évoquer avec lui l'histoire de la magie. Bien qu'intéressant, le professeur doutait encore que son petit-neveu soit véritablement capable de le saisir à sa juste mesure. Il restait très jeune de corps comme d'esprit et ce genre d'instruction se faisait progressivement, si Maxmilian avait pu légitimement manquer de temps au vu du nombre d'enfants qu'il avait à sa charge, Alexander lui pouvait s'autoriser le luxe de la pédagogie. Au demeurant, il ne pensait pas que discuter politique avec un pré-adolescent soit une activité très enrichissante.

Non, ce qui l'intéressait plus, c'était la manière dont Dmitri avait vécu sa première semaine de cours, qui était mine de rien un premier vrai contact avec la magie, maintenant qu'il avait sa propre baguette.
Le gamin, fidèle à lui-même, commença par souligner le peu d'heures de son emploi du temps, ce à quoi Alexander ne pu s'empêcher de répondre sur le ton d'une mauvaise plaisanterie.

- Si c'est là la seule chose qui te tracasse, je t'en rajouterai quelques unes.

La plaisanterie s'éteignit toutefois avec la suite de la réponse du jeune homme concernant le cours d'étude des moldus.

- Je n'en doute pas. rétorqua-t-il d'un ton beaucoup plus froid.

Si l'objectif de Dmitri avait été de l'agacer, on pouvait dire qu'il l'avait parfaitement atteint, la question des nouveaux enseignements obligatoires d'Appleton n'était pas encore bien digérée par une part non-négligeable de l'école et van Aken le premier, il ne se sentait guère d'humeur à badiner sur le sujet.

Fixant un instant son neveu en silence, il eut finalement un petit hochement de tête, comme s'il lui concédait le point.

- On m'a dit qu'à Prague, tu avais entrepris de te former en autodidacte sur le sujet, il me semble ?

D'un petit mouvement de doigt, la bouteille de jus de citrouille lévita un peu au dessus de la table et alla se ranger dans son tiroir, comme une sanction mesquine.

- La connaissance pour elle-même n'est jamais dangereuse en soi, Dmitri. D'ailleurs il est de bonne guerre de nous renseigner sur les moldus pour nous en protéger, eux-mêmes n'ont jamais hésité lorsqu'il s'agissait de garnir leurs bibliothèques de livres sur la sorcellerie bien que, par essence, ces derniers soient profanes.

Dmitri oscillait comme un pendule sous le regard scrutateur de son grand-oncle : tantôt stressé et mal à l'aise, tantôt assuré et vindicatif, on aurait dit qu'il suffisait de lui souffler une direction pour qu'il s'y envole comme une feuille. Malheureusement van Aken ne maîtrisait pas les vents et les difficultés qu'il éprouvait à mener une discussion sereine avec son neveu avait quelque peu tendance à le contrarier. Le jeune homme semblait prendre une sorte de plaisir à verser dans la provocation et ce malgré les avertissements qu'il avait déjà pu recevoir par le passé.

Or, plus que de s'agacer d'un tel comportement, van Aken en était las. Il bataillait déjà beaucoup au sein de la mondanité britannique pour asseoir ses idées et celles de ses alliés politiques sans en plus devoir remettre le couvert le soir venu avec un enfant qui faisait preuve d'esprit de contradiction, fut-il de son sang. Toutefois, il n'était pas question d'abandonner le jeune homme à ses idées médiocres, loin de là, mais le professeur de potion avait depuis longtemps pris le parti de la lenteur en ce qui concernait la distillation des idées qui fonctionnaient, au final, comme les ingrédients d'une potion. Un bon esprit ne se construisait pas en quelques heures et il fallait de nombreux apports et une bonne harmonie rhétorique pour l'amener là où on le désirait.

- « Si peu... père a passé tant de temps à courir après la moindre esquisse de moldu pour m’empêcher d’en approcher qu’il s’en est fait des cheveux blancs. Je ne lui ai pas encore dit pour les cours. Il va être ravi d’apprendre qu’à Poudlard, on m’enseigne ce dont il a toujours voulu me... préserver. »

Nul doute en effet que Maxmilian serait "ravi" d'apprendre la dernière lubbie d'Appleton, l'année précise où il décidait d'envoyer son plus jeune fils en Grande Bretagne. Alexander l'avait encore en travers de la gorge. Nul doute aussi que Dmitri devait être très satisfait de cette petite victoire lui qui prenait un plaisir évident à la provocation, à en voir le sourire idiot qu'il affichait présentement.

- Tout cela te semble sans doute très amusant, Dmitri ? Juste un jeu. Un jeu d'enfant.

Son ton était froid, comme son regard.

- N'exige pas que l'on te traite comme un adulte si tu ne te donnes pas les moyens de l'être lorsque tu en as l'occasion.

Si seulement tout cela n'avait pu être qu'une phase adolescente. Peut-être était-ce le cas, d'ailleurs, mais van Aken soupçonnait chez son neveu quelque chose de plus viscéral, de plus ancré au fond de son caractère : difficile de lutter contre une curiosité mal placée, mais on pouvait toujours tenter de remplacer son goût pour les avions par celui des potions ou des sortilèges. Toujours est-il que le gamin avait retrouvé un ton plus sérieux, presque accusateur qui fit froncer les sourcils à son oncle, soufflant sur les braises de conversations plus houleuses qu'ils avaient pu avoir au Manoir quelques semaines plus tôt encore.

- « À vous écouter, tout ne semble que conflit avec les moldus. Ne peut-on simplement pas s’intéresser à leur monde pour ce qu’il peut nous apporter ? Qu’y a-t-il de mal au fait que je m’intéresse aux techniques moldus ? C’est à croire que vous avez peur d’eux. De toute façon, pour ce que change ces cours... la plupart des élèves ont de la famille moldue, il n’y a plus que quelques familles passéistes comme la nôtre pour espérer vivre à l’écart de toute présence moldue. »

Le professeur soupira. Dmitri avait quelque peu revue à la baisse la violence de ses affronts mais ses mots n'en restaient pas moins insultants. Pour autant, il n'était plus question de l'envoyer au lit sans manger comme durant l'été à présent. L'école avait repris et il était autant sa famille que son professeur, sans compter qu'il fallait que le garçon soit en forme pour ses cours du lendemain.

- Si c'est là vraiment une discussion que tu veux avoir, Dmitri, alors nous l'aurons. Mais tu nous épargneras tes jugements moralisateurs ou je t'en donnerai également et des plus rudes.

Ainsi ils étaient partis pour un nouveau cours, plus privé celui-ci mais certainement également plus important que tous les petits sortilèges et leçons qu'on était susceptible de lui délivrer cette année à l'école. On pouvait rattraper un retard en magie, mais moins aisément en idées.

- Dis moi Dmitri. Au delà de sa capacité à faire de la magie, qui en réalité n'est qu'un symptôme du mal que je souhaite te faire percevoir, que différencie le moldu du sorcier ? Véritablement ?

HRP:

Si de l'avis de ses étudiants, le professeur van Aken n'était pas un modèle de pédagogie, c'était certainement parce qu'il éprouvait une réelle aversion pour tout ce qui était du ressort de l'inculture. Ceux qui parlaient sans savoir, s'imaginant certainement détenir quelque grande connaissance du monde particulièrement originale, qu'on était bien souvent pourtant en mesure d'acquérir avec un minimum de bon-sens, ces demi-savants prétentieux lui faisaient l'impression d'autant de gamins agaçants qui auraient tout à gagner à lire un peu plus et l'ouvrir un peu moins, ceux-là avaient le don d'épuiser rapidement sa patience. Que dire alors lorsque ses interlocuteurs étaient littéralement des adolescents prétentieux ? Il avait de plus en plus de mal à supporter ses propres élèves. Cela allait que Dmitri était de son sang sinon certainement qu'il l'aurait déjà foutu dehors avec pour seule instruction d'aller lire quelques traités d'Histoire avant d'oser venir ricaner devant lui.

Néanmoins, Alexander était prêt à reconnaitre que procéder ainsi était très certainement le plus sûr moyen de l'envoyer dans les pattes de quelques auteurs sulfureux dont le jeune homme ne se priverait pas de ressortir les idioties à la moindre occasion. Il fallait donc prendre les choses en main, quitte à délivrer l'un de ces laborieux cours privés qu'il détestait parce que cela mangeait sur son temps, qu'il avait mieux affaire et que de toute façon il préférait largement offrir ses enseignements par la pratique des disciplines qui les concernaient. C'était sur le terrain, les mains dans les ingrédients ou la plume à la main qu'on apprenait le mieux, non pas en s'écoutant réciter docilement.

Pourtant, il était difficile d'aborder les sujets qui lui étaient chers en en passant par la pratique avec Dmitri. Déjà parce que si l'idée ne le faisait pas spécialement frissonner, il était tout de même impossible de procéder à une dissection de moldu devant son neveu, ce dernier n'étant très clairement pas prêt pour ce genre de travaux, ensuite parce que ces questions touchaient bien souvent plus à la philosophie politique qu'à une véritable démonstration de science naturelle où l'on aurait pu se reposer sur un protocole fiable pour organiser une expérience. Non, on ne se passerait pas d'arguments.

Il fallait donc laisser Dmitri parler, lui montrer par la rhétorique que ses croyances n'étaient certainement pas si fondées qu'il l'imaginait et qu'à coup d'expériences de pensée, on pouvait aisément les briser.

- En effet. Néanmoins on prend souvent la question de la magie par le petit bout de la lorgnette, si tu me passes l'expression, pensant qu'un moldu est simplement incapable de "faire". En réalité, il est incapable d'être.

Jusque là, ce n'était pas encore très clair, le professeur était prêt à le reconnaitre. Tendant sa main au dessus du bureau, il claqua des doigts. Au bout de son pouce s'alluma alors comme un briquet une petite flamme. C'était l'un des rares petit tour qu'il était capable de réaliser sans baguette, mais cela l'avait toujours amusé et était très pratique pour allumer ses cigares à l'occasion.

- Si un moldu se trouvait dans cette pièce, Dmitri, il ne verrait rien au bout de mes doigts. Mais s'il passait sa main dessus, il se brûlerait. Le moldu n'a pas de prise sur la magie, il ne lui est que soumis, leur rapport à la sorcellerie est unilatéral, profondément inégalitaire.

Claquant de nouveau des doigts, la flamme s'éteignit.

- Ainsi et même avec la meilleure volonté du monde, un scientifique moldu n'aura jamais qu'une vision très partielle du monde. Ses outils, microscope, télescopes mais aussi ses yeux et son cerveau ne lui permettent en aucun cas d'accéder à notre réalité, et à l'ensemble complet, total de l'univers.

Le professeur se laissa ainsi aller dans son fauteuil, fixant toujours le jeune homme avec une forme de curiosité froide.

- Au même titre qu'il ne me viendrait pas à l'idée de réaliser une saignée pour soigner un malade, les sorciers n'ont aucun intérêt à utiliser les outils et techniques des moldus pour comprendre et interagir avec le monde. Ceux-ci sont au mieux bancales, au pire complètement inutiles.

Le professeur n'avait pas spécialement cherché à provoquer de la morosité chez Dmitri, mais c'était un passage obligé à toute remise en question et il ne se formalisa aucunement du petit air dépité de son neveu. Il fallait qu'il apprenne. Qu'il apprenne qu'en l'absence d'une solide éducation et d'idées forgées par l'expérience, sa parole et ses opinions vaudraient toujours moins que celles des adultes qui l'éduquaient. S'il y avait bien une chose à tirer de sa première année à Poudlard c'était celle-ci, et tout le reste suivrait.

Attendant une réponse de son neveu, van Aken se contenta de le fixer, mains jointes, et troquant un peu de la froideur de son ton pour quelque chose de plus doux sans presque sans apercevoir. Il y avait quelque chose en plus, à éduquer ainsi le garçon, s'il avait envers lui la même responsabilité qu'envers le reste des adolescents sous son autorité, un certain devoir de leur fournir un enseignement de qualité et de ne pas trop les abandonner aux dérives contemporaines, le cas du jeune homme dépassait les simples considérations professionnelles.

Dépassait aussi son engagement envers Arthus ou Maxmilian à qui bien sûr il vouait fidélité mais qui à présent étaient bien loin de ce petit bureau où il donnait sa leçon. A voir ainsi Dmitri en face de lui, il percevait de manière très claire la sensation que serait celle d'avoir un héritier. De transmettre, non pas par devoir professionnel mais par goût du lègue, de l'idée fascinante qu'un peu de sa personne après sa mort continuerait à vivre à travers ses enseignements, à l'intérieur du garçon, qui lui-même peut-être un jour transmettrait.

De tout cela, il n'en prenait conscience que doucement, à mesure de leurs échanges, des réprimandes mais aussi des parfois rares occasions de complicité. Van Aken n'était pas un homme particulièrement porté sur la plaisanterie ou les frivolités, globalement étranger aux débordements d'affection hormis envers celle qui avait partagé plusieurs décennies de sa vie - et encire : ils se vouvoyaient toujours. Néanmoins, il lui arrivait parfois d'être sur la même longueur d'onde que son petit-neveu et à chaque fois cela lui était apparu goût surprenamment agréable. S'il parvenait à convaincre Dmitri d'abandonner certaines de ses sottises, il ne doutait pas que la suite de son éducation pourrait même se révéler plaisante.

- « Vous disiez un jour craindre que leurs technologies puissent nous atteindre, percer nos défenses... Puisqu’ils n’ont qu’une vision partielle de la réalité, qu’ils ne parviendront jamais aux connaissances que les sorciers peuvent acquérir, dans ce cas-là, pourquoi les voir comme une menace ? »

Le maître des potions hocha la tête, puis eut un regard vers l'un de ses tableaux, abandonnant un instant son air professoral pour quelque chose de plus pensif.

- Nous ne savons pas de quoi sera fait l'avenir. Et je t'accorde cela que le ministère serait bien avisé d'investir un peu plus dans ses départements de recherche sur le monde moldu, la connaissance est la clef de la sécurité.

Ses yeux se posèrent à nouveau sur Dmitri, se faisant plus perçant. Il réfléchissait.

- Ce que je voudrai que tu comprennes c'est que notre supériorité naturelle ne doit pas forcément être vue comme un mépris. On ne choisit pas là où l'on nait, moldu ou sorcier, sang-pur ou sang-mêlé. Certains de nos contemporains dans un excès d'angélisme s'imaginent qu'on effacera les hiérarchies en opérant une grande confusion, or il existe des inégalités naturelles et il nous faudra bien faire avec. C'est en cela que ton grand-père et moi pensons que faire cohabiter nos deux mondes conduirait inévitablement à un nivellement par le bas. D'ailleurs ce ne serait pas charitable pour les moldus eux-mêmes : apprendre un jour qu'ils sont en vérité une sous-espèce humaine provoquerait chez eux de graves troubles qui conduiront inévitablement à la haine et la rancœur.

A présent, van Aken dominait clairement la discussion, et tout en appréciant d'avoir mis fin aux caquetteries du jeune homme, il était désormais disposé à se montrer un peu plus charitable en se montrant moins péremptoire.

- Pour être honnête avec toi, Dmitri, si vraiment tu souhaites te spécialiser dans l'étude des moldus, je ne m'y opposerai pas. Et je pense que Maxmilian non plus. C'est une discipline comme une autre et nous étudions aussi bien les centaures que les gobelins, pourquoi pas les moldus ? Simplement je veux m'assurer que si tu t'engages dans cette voie, tu le fasses pour de bonnes raisons...

Et son regard de se faire encore plus perçant.

- C'est à dire non pas dans une fébrilité idéologique qui te pousserait à voir des égaux là où il n'y en a pas, mais au contraire en prenant tes responsabilité, d'adulte et de sorcier, pour t'assurer que la cohabitation de nos mondes se fasse en paix, c'est à dire dans le respect de nos traditions et de nos différences réciproques.

Alexander balaya d'un geste les justifications de son neveu sur le pourquoi de son intérêt. A ses yeux, cela n'avait aucune importance, on ne choisissait pas où se portait sa curiosité, toutefois on pouvait décider de se poser ou non les bonnes questions. Curiosité maladive était bien vilain défaut mais une approche plus raisonnée et stratégique ouvrait des univers mentaux indiscutablement bénéfiques.

- Tes parents ont fait de leur mieux afin de t'inculquer une éducation classique, t'intéresser tant que cela aux moldus à ton âge était suspect et risquait de te dissiper dans tes études.

Il était hors de question de désavouer Maxmilian et Arthus devant Dmitri. Si évidement tous les van Aken n'avaient pas l'esprit de ruche et qu'il existait des dissensions entre-eux, à commencer par la décision d'Arthus de s'exiler hors de Grande-Bretagne, ces discussions d'adultes ne regardaient en rien l'adolescent qui de toute façon aurait certainement été trop heureux de sauter sur le moindre prétexte à l'insubordination envers ses géniteurs.

Il écouta néanmoins avec plus d'attention la suite de la remarque du jeune homme qui avait au moins le mérite de soulever des interrogations sinon pertinentes au moins légitimes pour quelqu'un de son âge. Il hocha la tête.

- Exactions au regard des lois moldues... Toutefois je t'accorde que certains de nos compatriotes font parfois preuve d'un manque de sagesse. Notre pouvoir et la supériorité qu'il entraine devrait nous conférer de grandes responsabilités vis-à-vis des moldus, au lieu de cela certains s'imaginent qu'il nous accorde tous les droits...

Il laissa cette concession en suspend avant de reprendre.

- Néanmoins je pense que ces exactions viennent en partie du manque de doctrine politique clair de notre société. Pour l'heure tant que les sorciers n'auront pas affirmé leur supériorité et les devoirs que cela implique, l'ambivalence entre égalitarisme et rejet des moldus créé des tensions.

Il eut un soupire faussement navré avant d'attraper le regard de Dmitri.

- Enfin ce sont tout de même des sujets complexes, même si je ne doute pas que tu sois un garçon très intelligent, il faut bien avouer qu'il est rare de se poser de telles questions à ton âge.

Il semblait au professeur qu'insister plus sur le sujet n'apporterait désormais plus grand chose, si la base de la pédagogie était la répétition, il préférait encore laisser ruminer son neveu, quitte à se tenir prêt à accepter de répondre à une nouvelle volée de question lors d'un prochain rendez-vous.

Doucement, il passa sa main dans sa barbe, jetant un coup d’œil rapide à son verre vide.

- Je pense qu'il y a des façons plus saines d'exprimer sa révolte. La peinture en est une, il faudra que nous nous mettions d'accord sur un rendez-vous régulier si tu souhaites toujours apprendre. Le mardi après-midi peut-être ? Il me semble que tu n'as pas beaucoup de cours ce jour là.

Si cela pouvait le dissuader d'aller trainer à perdre son temps dans l'école comme les autres élèves de son âge, c'était parfait.

Manifestement, la discussion commençait à lasser l'aîné des van Aken. Il avait accepté d'accorder un peu de son temps à son petit-neveu de sorte de lui apporter un peu d'un contre-discours nécessaire à Poudlard, mais le jeune homme avait décidément l'esprit de contradiction et il arrivait assez rapidement un point où Alexander sentait que la discussion ne servait plus à rien. Désormais le jeune serdaigle se contenterait de refuser en bloc et avec mauvaise humeur tout ce qu'il pourrait dire ce qui avait le don de l'agacer également. En somme, on ne tirerait rien de la situation et il était hors de question qu'il la laisse s'enliser stupidement. Il était son grand-oncle et son professeur, Dmitri devait recevoir un bon exemple et comprendre qu'on n'entrerait pas dans son jeu.

Ainsi, avec une certaine désinvolture paternaliste qui venait masquer la pointe d'impatience de l'enseignant, il changea radicalement de sujet pour revenir à la peinture. L'effet ne se fit pas attendre et comme si on avait agité une carotte sous le nez d'un âne, Dmitri sembla se redresser un peu sous ses yeux, comme parcouru d'une nouvelle énergie. Van Aken préférait cela à la moue boudeuse qu'il arborait quelques minutes plus tôt. Il hocha simplement la tête quand le garçon confirma être libre le mardi après midi et inscrit quelques mots sur un morceau de parchemin qui se trouvait sur la table.

- Bien, bien...

Au fond, la discussion aurait pu s'arrêter là. Tous deux avaient dit ce qu'ils avaient à dire, le professeur espérant que malgré le refus apparemment de son petit-neveu d'accepter ses arguments, ceux-ci trouvaient tout de même un peu leur chemin dans son esprit. Quant au fait de lui apprendre à peindre, cela il ne l'avait pas une seule seconde remis en question, aussi fut-il légèrement pris au dépourvu quand Dmitri avoua soudain avoir craint qu'il ne lui refuse son enseignement. Le regard du maître des potions se porta silencieusement sur le garçon, le jaugea l'espace de quelques secondes puis, en prenant son temps, il replia le morceau de parchemin et passant sa main au dessus l'envoya voler et se ranger tout seul sur une étagère.

- Tu es un van Aken, cela t’octroie quelques privilèges. commença-t-il d'un ton sans émotions. Dont celui de te voir accorder une seconde chance.

Une ombre de sourire amusé passa sur son visage. S'il ne l'avouerait pas, il éprouvait une certaine satisfaction à constater que Dmitri se montrait tout de même soucieux de leur héritage, malgré ses actes d'insubordination répétés. Attrapant sa canne, mais sans donner l'impression qu'il la levait pour frapper, il la fit passer au dessus du bureau et donna un petit coup avec la pointe sur l'épaule de son petit-neveu. Avec un peu d'imagination, on aurait presque pu y voir un geste maladroitement affectueux, comme on donnerait une tape encourageant.

- Et ce trop plein d'énergie et d'idées a besoin d'être canalisé. Je préfère te voir peindre que de t'aventurer tout seul dans la forêt interdite en pleine nuit.

Pensait-il vraiment que Duncan ne lui avait rien dit ?