Pénétrer le bois devant (terminé)

Pénétrer le bois devant

feat @Benjamin L. Duncan

Elle portait le nom d’interdite. Dmitri avait beau retourner dans son esprit cette appellation dans tous les sens, il ne parvenait à comprendre pourquoi une forêt pouvait être déclarée comme interdite. L’était-elle vraiment d’ailleurs ? À vrai dire, il ne s’était pas réellement intéressé au règlement de l’école, non pas que ce soit inintéressant mais plutôt parce que c’était inutile à ses yeux de jeune garnement. En tout état de cause, puisqu’elle était surnommée ainsi, il devait y avoir une forme de prohibition. Mais quel en était l’intérêt ? Était-ce en raison de la possible dangerosité des êtres la peuplant ? Si c’était le cas, c’était d’une grande imprudence de placer le parc d’une école à côté d’un tel lieu. Et dans le cas contraire, il s’agissait donc d’une interdiction faite pour le simple plaisir de brider les élèves. À moins bien sûr que cet espace champêtre avait pour but de cacher quelque chose : auquel cas il ne pouvait décemment pas décider de ne pas tenter de voir ce que l’on voulait garder loin des élèves. Quel mystère pouvait-il demeurer dans un tel endroit ? Il se devait de le découvrir ; Dmitri n’était pas de ceux qui se satisfaisaient de rester dans l’ignorance et, si secret il y avait, secret il devait lever.

Armé de sa baguette et d’un épais chandail à capuche rouge sombre qui avait autrefois appartenu à l’un de ses frères aînés, désormais trop grand pour le revêtir, le jeune serdaigle avait traversé tout le parc d’un pas décidé pour enfin arriver en lisière de forêt. Il n’avait croisé personne sur le trajet, les autres élèves étant tous dans leur salle commune ou peut-être même déjà en route pour leur repas dans la grande salle. Sans doute allait-il d’ailleurs arriver un peu en retard au dîner, mais ça n’était pas bien grave. De toute manière, il ne prévoyait pas de faire une grande incursion dans la forêt. Avec si peu d’informations, ce serait comme tenter de pénétrer dans les pièces interdites du manoir de son grand-oncle : de la folie pure. Non, il voulait simplement regarder aux abords, pourquoi pas pénétrer un peu plus en profondeur en quête de sensations, mais rien de bien fou.

Dans le doute, il sortit tout de même sa baguette ; le soleil commençait tranquillement à disparaître derrière les arbres, dardant ses rayons entre les branches qui l’éblouirent. Lassé de simplement longer la lisière en scrutant l’intérieur de la forêt, rien d’intéressant n’étant visible de là où il se tenait, il alla plus en amont. Très rapidement, l’herbe lisse et sans entrave du parc laissa place à un sol plus accidenté : racines et pierres l’obligeaient à regarder où il marchait pour ne pas tomber et il devait reconnaître que sinuer dans un tel endroit n’était pas non plus de la plus grande discrétion. Les écureuils fuyaient avant même qu’il ait le temps de les apercevoir, ne distinguant d’eux que le bruissement des feuilles sur leurs passages. Au bout de quelques minutes de marches, il trouva un petit dégagement entre les arbres. L’endroit était plutôt agréable : de la mousse recouvrait les quelques rochers présents, le tout formant comme un petit dossier idéal pour se reposer. Il entendait les oiseaux piailler au loin et le vent siffler dans les arbres. De là où il était, il pouvait encore apercevoir le parc, preuve qu’il n’avait pas poussé son exploration plus que de raison. Se posant contre un caillou, dos au château, il étendit ses jambes, bien décidé à profiter de la tranquillité du lieu pour se reposer, loin de l’effervescence écolière qu’il supportait depuis plusieurs jours. Un peu de calme ne pouvait lui faire que du bien et, sans même s’en rendre compte, ses yeux se fermèrent tout seul. Il fut réveillé presque aussitôt par un bruit à côté de lui ; il lui semblait presque avoir entendu quelqu’un marcher, et une voix humaine au ton plutôt grave. J’ai dû rêver pensa-t-il en ramassant sa baguette pour repartir en direction du château.

**Invité** Invité À SAVOIR DETAILS EN PLUS

Parmi les habitudes que je n’avais pas été mécontent de perdre durant les vacances figurait sans doute en première place les interminables rondes nocturnes dans le parc. Les premiers jours après mon arrivée à Poudlard, j’avais pu être heureux de ce temps passé en contact avec la nature, seul parmi le bruissement des feuilles et les hululements des chouettes. Mais très vite, la routine avait pris le dessus et ces promenades nocturnes étaient devenus un moment où le froid et l’obscurité supprimait la bonne volonté et l’amour de la nature. Mais tout cela n’était rien par rapport à la perspective de croiser un élève désobéissant. Je détestais souvent faire preuve d’autorité et je l’appréhendais d’autant plus que la dernière fois m’avait donné l’impression d’être le jouet de dessein incompréhensible. La retenue infligée à Carla et Junior, pour les avoir surpris près du lac en pleine nuit, avait tout d’une manigance dont les enjeux me dépassaient et qui me faisait perdre tout espoir d’être un jour débarrassé de mes craintes. C’était ironique, ce n’était pas moi qui était en tort en sortant en pleine nuit. Mais j’étais coupable de bien plus, je devais payer pour un infâme passé à dissimuler.
L’esprit emplis de ses considérations, tourmenté par le souvenir de van Aken, de ce qu’il savait et de l’emprise que cela lui donnait sur mes actes. Je marchais dans la forêt interdite, écrasant les feuilles mortes qui commençaient à tomber sans me soucier d’être discret. Le vent faisait frémir les feuilles et les buissons, rien ne semblait indiquer qu’une créature se soit échapper. Tout allait bien, comme hier et peut-être, espérons le, comme demain. Quoique. Je heurtais une pierre et laissait échapper un juron sous le coup de la vague douleur qui irradiait dans mon orteil. Mais, comme un écho, je crus entendre comme un frémissement, que le vent seul ne pouvait expliquer. Sans doute n’était-ce que mon imagination mais le devoir m’obligeait à m’en assurer. D’un ton las, je déclarai :
« Il y a quelqu’un ? Montrez-vous s’il vous plaît et dites moi qui vous êtes et ce que vous faites là. »

Benjamin & Dmitri / septembre 2026

Persuadé qu’il avait imaginé des bruits qui n’existaient pas, que la voix qu’il avait entendue n’était que le fruit du bruit du vent dans les arbres, Dmitri retourna sur ses pas, les lumières du château traversant les branches pour venir caresser sa peau d’albâtre. Mais alors qu’il passait à côté d’un arbre au tronc d’une largeur particulièrement impressionnante, il entendit à nouveau quelqu’un parler. Cette fois-ci, nul doute quant à sa provenance : il ne s’agissait plus d’une exclamation si brève qu’il pouvait se leurrer sur son origine. Un homme était bel et bien juste à côté de lui. Le garçon sursauta, faisant plus de bruit qu’il ne l’aurait voulu. La personne qui s’adressait à lui, sans toutefois le voir, ne semblait pas hostile... il s’agissait plutôt d’une plainte désabusée, celle d’un adulte rodant dans la nuit fraichement tombée. Dans un mélange de méfiance et d’espièglerie, le serdaigle se décida à se faufiler discrètement hors de la forêt : il ne pensait pas risquer bien plus qu’une remontrance pour se balader seul dans la forêt interdite, si proche de la lisière qui plus est, à une heure où le couvre-feu n’était pas encore de rigueur, mais puisqu’il avait déjà un antécédant, il préférait se faire discret et retourner au château avant qu’on ne le surprenne en ces lieux plus hostiles.

Mais à trop vouloir jouer le malin, il finissait indubitablement par se brûler les ailes. Occupé à écouter autour de lui pour distinguer où pouvait se trouver l’adulte, il n’en avait pas assez regardé où il marchait et finit par se prendre les pieds dans une racine. Trébuchant, il se rattrapa tant bien que mal à une branche basse, le souffle court. Lorsqu’il releva les yeux, jurant en tchèque contre sa maladresse et oubliant par ailleurs toute idée de discrétion, il croisa le regard du propriétaire de la voix qu’il avait entendu quelques instants plus tôt. L’homme, dans la force de l’âge, était d’une carrure fort respectable ; clairement pas le genre de personnes dont Dmitri aimerait recevoir une correction digne de celles qu’il avait reçu de son paternel. « Euh... bonsoir » fit-il l’air de rien. Ou du moins, était-ce l’impression qu’il espérait dégager. « Je suis Dmitri van Aken » Inutile d’ignorer l’injonction de l’inconnu, ça ne contribuerait à rien de bon. Reprenant bien vite constance, il ajouta avec son habituelle insolence : « Mère disait toujours que lorsque l’on est bien éduqué, on décline son identité avant de demander celle des autres ! » Chassez le naturel, il revient au galop.

(c) mars.

**Invité** Invité À SAVOIR DETAILS EN PLUS

Un juron étouffé par l’épaisseur des troncs d’arbre m’indiqua tout de même que mon imagination ne m’avait pas joué un tour. Il y a avait bien quelqu’un, un élève pas bien grand, sans doute un premier année. On ne leur avait pas indiquer que ce n’était pas par plaisir que la forêt interdite se nommait ainsi ? Franchement, l’attrait de l’interdit confinait dans ce genre de cas avec la bêtise, même s’il ne s’était pas bien éloigné de la lisière. N’empêche, le jour où un élève mourait, dévoré par je ne savais quelle créature, on m’en tiendrait responsable. Là ce n’était pas le cas et j’étais plus agacé que réellement en colère. J’avais simplement aucune envie d’être là et aucune envie non plus de sévir. J’attendis donc patiemment qu’il daigne répondre à mes questions.
Mon coeur sembla s’arrêter de battre un instant en entendant prononcé dans sa bouche le nom de mon ancien juge et actuel collègue de potions. J’avais décidément une poisse tenace qui me collait au corps. J’avais bien compris qu’il avait un membre de sa famille parmi les élèves, entrant en première année. Je ne savais pas par contre quel lien de parenté les unissait mais ce n’était pas vraiment mon problème. Tout ce que je savais c’était que je devais doublement réfléchir avant d’agir. Une première fois parce que j’étais toujours censé réfléchir. Une seconde parce que tout ce qui touchait à ce professeur qui me faisait chanter me plongeait dans des méandres de réflexion incompréhensible à quiconque n’ayant pas un historique détaillé de ma vie et de mes mensonges. Dans ce cas précis, je n’avais aucune idée de comment réagir, le chemin était loin d’être balisé comme parfois. J’allais donc devoir trouver du temps pour déterminer si le punir était la meilleure chose à faire.
En attendant, le van Aken junior se montrait insolent et j’étais tellement déboussolé que je lui répondis le plus calmement du monde, exactement comme ce que je ne devais pas faire, quand il me demanda de décliner mon identité.
« Je suis M. Duncan le garde-chasse. Et donc, que fais-tu ici en pleine nuit ? »

Benjamin & Dmitri / sept 2026

À la grande surprise du tchèque, l’homme daigna se présenter sans même faire montre d’irritation face à l’insolence manifeste du plus jeune. Le garde-chasse, évidemment. Qui d’autre, mis à part un garnement en quête d’occupation amusante, pouvait bien se balader dans la forêt interdite à un tel moment ? Pris de cours par le manque de réaction de l’adulte, Dmitri ne répondit pas immédiatement. De la franchise ou de l’impertinence, quelle réaction était la plus appropriée ? Ne prenant qu’un fugace instant pour peser le pour et le contre, il opta finalement, et dans une forme de réflexe naturel, pour la seconde alternative. « En pleine nuit, faut pas exagérer non plus... regardez, il reste encore un peu de soleil là-bas ! » fit-il en désignant à l’ouest l’astre en train de se coucher. Malheureusement pour la crédibilité du garçon, les derniers rayons avaient achevés leur descente quelques instants plus tôt et il ne désignait donc rien de plus que le ciel obscurci de la nuit.

L’on pouvait percevoir dans sa voix une pointe d’irritation. L’aiglon aimait se balader dans le parc, ou en l’occurrence un peu plus loin, car il s’y savait à l’abris de la surveillance de son aïeul, qui n’avait pas nié avoir chargé des tableaux de le garder à l’œil. À l’extérieur du château, nulle peinture ne pouvait le suivre et rapporter ses moindres faits et gestes au patriarche des van Aken. Il était libre, du moins jusqu’à ce qu’un garde-chasse vienne déranger sa quiétude.

Il n’avait pas répondu à la question du dénommé Duncan, tentant de détourner la discussion vers un terrain qui lui était plus favorable ; avec un peu d’effronterie, et beaucoup de chance, il pouvait espérer parvenir à ses fins et rejoindre ses camarades dans la grande salle sans que l’adulte ne lui cause de problèmes. « En fait, je commence à me dire qu’il fait un peu frisquet dehors. Je vais rentrer me mettre au chaud ! » Glissant les mains dans les poches de son chandail, il fit mine de partir. « Ravi de vous avoir rencontré ! » ajouta-t-il, en ponctuant sa tirade d’un geste de la tête, non sans qu’un sourire malicieux apparaisse sur son visage. Il avait peu d’espoir que le garde-chasse accepte de le laisser si facilement retourner au château, mais il tenait toutefois à tenter le tout pour le tout. Nul doute que s’il le laissait faire, l’enfant y verrait une grande victoire, voire une occasion de fanfaronner un peu. Peut-être même pourrait-il aller narguer un peu cet autre serdaigle, Blaze, qui lui avait parlé de Duncan en termes assez peu élogieux pour que le tchèque suppose que son camarade avait déjà eu des soucis avec lui.

Néanmoins, ses espoirs étaient si minimes que ses muscles faciaux restaient tendus, et sa main toujours fermement accrochée à sa baguette, à l’abris des regards dans la poche de son haut. Il était trop habitué aux sévères réactions de son paternel pour simplement se détourner d’un adulte sans rester sur ses gardes, sans s’attendre à être fermement saisi. L’expérience lui avait appris à se méfier de ses aînés et cet inconnu aux traits râblés était loin de faire exception. Sa méfiance ne l’empêchait toutefois pas de se montrer acerbe ou borné, son immaturité, et surtout son impulsivité, prenant trop souvent le dessus sur la raison.

(c) mars.

**Invité** Invité À SAVOIR DETAILS EN PLUS

Plus Dmitri se montrait insolent, plus j’étais désarçonné. Je lui expliquais qu’il n’avait rien à faire dans la forêt en pleine nuit, il me répondait que le soleil venait à peine de se coucher, comme si la question était là. Comme si l’heure exacte était le fond du problème. L’accès à cette forêt était largement interdit même en journée, excepté pour les cours de soins aux créatures magiques. Mais visiblement, le mépris pour la fonction de garde-chasse n’avait pas disparu dans certains milieux depuis que j’avais fini ma scolarité. J’en avais fait l’expérience avec le ton de Carla et Dmitri confirmait cela. Il continua, sans répondre à mon interrogation, l’air insolent, essayant de partir comme si cela était naturel, comme s’il n’avait jamais été en tort.
Mais un autre questionnement commençait à émerger dans mon cerveau embrumé. Dmitri était-il au courant des liens qui me liait au professeur du même nom ? Se permettait-il son insolence parce qu’il se savait protégé par le chantage dont j’étais la victime ? Pourtant, je savais bien que j’avais ordre, il n’y avait pas d’autre mot, de le surveiller, ainsi que tous les sangs-purs qui gravitaient dans les cercles proches et protégés de mon collègue. Moi, je savais cela mais lui, que savait-il ? Je ne comprenais rien à cette situation mais la fin paraissait presque clair de toute façon : je devrais informer son aïeul de sa balade nocturne. Alors, je laissais glisser son insolence, vaguement plus sûr de moi mais plein d’interrogation que je ne pourrais jamais formuler à personne. Ma voix repris un soupçon d’assurance.
« Non, avant de faire quoi que ce soit, tu vas me répondre. »
Mon esprit continuait de tourner à plein régime sans que je ne sache rien de ce que j’allais pouvoir bien faire exactement. Mais ces simples mots m'ancraient un peu dans le rôle qui devait être le mien, me laissant un instant de répit où j'avais un peu moins l'impression d'être le simple jouet des événements.

Benjamin & Dmitri / sept 2026

Un fugace instant, Dmitri crut que le garde-chasse allait réellement le laisser retourner au château, sans plus de cérémonie. Mais alors qu’il passait à côté de lui, la voix de l’adulte le stoppa net dans son élan. Non content de l’empêcher de rentrer, il tenait à obtenir une réponse ; les esquives de l’aiglon n’avaient pas été suffisante pour en détourner l’attention.

S’étant arrêté au niveau de l’homme, il se tenait assez prêt de lui pour qu’il puisse le saisir s’il tentait une escapade. En un réflexe intrinsèque, il recula de quelques pas, cognant de l’épaule l’arbre juste derrière lui ; par habitude, il n’aimait pas rester à portée de main d’un adulte, encore moins lorsque celui-ci avait fait les frais de son insolence. Pourtant, Duncan ne semblait guère prêter d’attention à ses quelques sarcasmes, gardant un même ton calme.

Un rictus irrité naquit sur ses lèvres, tant parce qu’il ne paraissait pas possible d’éviter une nouvelle fois de répondre que parce que le garde-chasse ne réagissait pas avec plus de véhémence à ses provocations. Son absence de réaction donnait au tchèque l’impression d’être impuissant ; il n’était pas le maître de la situation. Pas plus qu’avec son grand-oncle d’ailleurs, mais ce dernier avait une toute autre manière de réagir, plus froide et dangereuse, qui lui donnait malgré tout l’illusion de pouvoir agir. « Qu’est-ce que ça change de savoir ce que je fais ici ? » répondit-il, une pointe de défi dans la voix.

Dmitri ne pouvait décemment pas lui expliquer ce qu’il faisait dans cette forêt. Lui dire le forcerait à évoquer la surveillance de son aïeul, et il ne voulait pas parler de lui, attirer l’attention de l’adulte sur son collègue des cachots. Le garçon fuyait la surveillance dont il faisait l’objet, cherchait des endroits où les peintures de ses ancêtres ne le suivaient pas afin de faire des rapports au patriarche vivant des van Aken. Le parc ne s’était pas révélé suffisant, il avait l’impression d’être trop à découvert, trop visible comme l’avait démontré sa mésaventure avec Kovit.

« Je me baladai juste... » daigna-t-il néanmoins répondre après quelques instants. Il avait conscience que continuer à faire tourner en bourrique le garde-chasse lui desservirait plus qu’autre chose, il devait lui donner du grain à moudre quitte à rester évasif, comme à l’instant présent.

(c) mars.

**Invité** Invité À SAVOIR DETAILS EN PLUS

Dmitri avait raison sur un point, malgré son insolence qui n’était pas sans rappeler le ton pris par Carla et Junior quand je les avais surpris près du lac : ça ne changeait pas grand-chose pour moi de savoir s’il était sorti ramasser des champignons, chasser les niffleurs ou se promener avec le plaisir de braver le règlement. Il était en tort et aurait le droit à l’habituel remontrance. La question demeurait de prévenir le professeur du même nom mais je verrai cela demain matin.
« Bon tu es en première année, donc on peut supposer que tu n’as pas bien entendu le règlement et le nom de la forêt dans laquelle tu as mis les pieds. »
Je marquai une pause, hésitant à lui dépeindre toutes les horreurs auxquelles il aurait pu être confronté si je n’étais pas intervenu pour le ramener dans son dortoir. Mais je m’en abstins. J’étais trop préoccupé par sa parenté avec mon collègue pour vouloir me lancer dans des grands discours, d’autant plus qu’il devait connaître par coeur ce refrain, il n’était pas né-moldu après tout, il savait qu’à côté de certaines créatures magiques, les loups faisaient figure d’agneaux.
« Je ne te punirai pas cette fois-ci mais tu vas rentrer bien vite dans ton dortoir, Dmitri van Aken. »
L’inflexion dans ma voix marquait très nettement que je connaissais sa parenté plus qu’évidente avec le professeur de potions mais je n’en avais pas fini.
« Et j’informerais mon collègue de potions de ton incartade. »
Mon ton était sans appel même si je n’étais pas sûr de mettre ma menace à exécution. Je voulais avant tout voir sa réaction et réussir peut-être à le positionner vis-à-vis de cet ancien juge qui avait cette immense capacité de me mettre dans les situations les plus délicates. Il y avait deux solutions : ou Dmitri était de mèche avec son grand-oncle et dans ce cas, je ne pouvais que lui donner l’impression d’être ce chien de garde et cet espion à la solde des van Aken, au même titre que ses tableaux ; ou ce n’était pas le cas et à part me faire mal voir du plus jeune, je ne prenais pas de grands risques. Mais j’étais facilement en capacité de me faire mal voir de la grande majorité de l’école et ma maladresse en rajoutait une couche donc je n’étais plus à ça près, d’autant plus que jusque là, Hilary était resté imperméable à ce qu’elle avait dû entendre sur mon compte.

Benjamin & Dmitri / sept 2026

« Bon tu es en première année, donc on peut supposer que tu n’as pas bien entendu le règlement et le nom de la forêt dans laquelle tu as mis les pieds. » Le garçon retint de justesse un sourire. S’en sortir aussi facilement tenait de l’exploit, si ce n’était du miracle, d’autant plus qu’il n’avait pas particulièrement joué l’innocent perdu. En réalité, il s’était même montré trop exécrable pour espérer apitoyer quelqu’un. Pourtant, le garde-chasse faisait preuve d’une clémence surprenante, d’autant plus aux yeux de Dmitri qui n’était pas habitué à tant de mansuétude. Pour une fois, il ne fut pas tenté de faire le fanfaron, préférant garder le silence plutôt que de le questionner sur cette fameuse forêt ; le risque que l’homme change d’avis était bien trop grand.

L’adulte poursuivit, ordonnant qu’il rentre sans détour dans son dortoir. Il prit bien soin de mentionner son nom, ce qui éveilla en lui un sentiment de malaise qui précédait trop souvent la venue de soucis. Cette impression fut bien vite confirmée, alors qu’il annonçait vouloir prévenir son aïeul. L’expression de soulagement, qui avait traversée l’aiglon alors qu’il s’attendait à pouvoir rentrer au château sans n’avoir reçu rien de plus qu’une faible remontrance, disparu aussitôt. « Pourquoi ça ? » demanda-t-il du tac-au-tac, une pointe d’énervement dans la voix. « Ce n’est pas le directeur de ma maison, à ce que je sache. Il n’a pas plus à savoir que d’autres mes faits et gestes. » Lorsqu’il s’énervait, les inflexions slaves de son accent se faisaient plus marquées, des accents toniques venant ponctuer les mots anglais qui en étaient d’ordinaire dénués. S’il n’avait pas envie que le garde-chasse raconte à son grand-oncle son excursion, c’était avant tout par principe ; il était déjà bien assez surveillé dans le château par tous ces tableaux qui lui obéissaient. En outre, il avait l’impression que Duncan se jouait de lui et ce sentiment était loin de lui plaire.

La sensation de victoire qui l’avait envahi lorsqu’il avait appris qu’il n’allait pas écoper d’une punition s’était désormais évanoui, chassé par une colère grandissante. L’aiglon n’était pas d’une grande patience et avait une fâcheuse tendance à se laisser submerger par le courroux. Il sentit son point se serrer machinalement, comme un réflexe de défense face à l’homme qui ne méritait pas tout à fait cette animosité.

(c) mars.

**Invité** Invité À SAVOIR DETAILS EN PLUS

La simple évocation du professeur de potions avait suffit à changer le ton de Dmitri et à lui faire perdre toute sa superbe. Il semblait énervé et à deux doigts de perdre le contrôle de son air insolent et sûr de lui. Cela avait un côté grisant de se sentir en position de force, d’avoir l’impression, l’espace d’un instant de contrôler à nouveau sa vie, même si cela devait se faire au détriment d’un enfant, d’un première année qui n’avait rien choisi dans l’histoire. Depuis mon arrivée à Poudlard, je vivais sous la peur constante d’être dénoncé par l’ancien juge et cette menace était l’épée de Damoclès qui hantait mes jours et mes nuits. Tous mes actes, jusqu’à mes rencontres avec Hilary était placé sous le signe de cette peur qui décidait de moi plus que je ne pouvais le faire moi-même. Sans un instant de répit, je n’étais plus maître de moi, à peine de mes pensées parasitées constamment par l’idée que je pouvais tout perdre d’un jour à l’autre.
J’étais très calme et si je n’avais pas vraiment décidé consciemment de ce que je voulais faire, j’avais quand même envie, l’espace de cette discussion de me venger un peu de l’humiliation constante que je ressentais à la fois de part cette fonction que beaucoup jugeait dégradante et de ces mensonges qui aggravait chaque jour mon cas et me faisait risquer Azkaban bien plus que si j’étais tranquillement resté à Whitby à pêcher le poisson. À chaque mensonge on pouvait se demander ce qui me poussait à cacher un passé que je disais par ailleurs complètement révolu, on pouvait se poser la question de ma bonne foi quand je disais que j’avais rompu avec mes idées, d’autant plus que par certains aspects je sentais bien que je n’étais pas tout à fait au clair avec cette rupture. Je marchais en permanence sur un fil et cela me rongeait et pouvait me pousser à ce genre de vengeance, contre moi-même en réalité.
« Après tout, si tu te baladais juste sans rien faire de mal, il n’y a pas de problèmes non ? »
Je savais pourtant qu’il y en avait un et ce n’était pas pour rien que le professeur m’avait expressément demandé de surveiller un certain nombre de sangs-purs et sa famille en faisait plus que partie. Et qu’il pense que je commette un excès de zèle était en fait par bien des aspects, j’en étais venu à cette conclusion, bien moins grave qu’il me pense pêcher par mansuétude. Qu’il soit ou non derrière cette rencontre, encore une fois, j’aurais des comptes à rendre sur mes agissements et il valait mieux que je me montre capable de ne pas me laisser marcher sur les pieds. Finis les hésitations, les doutes et les tergiversations, je reprenais certains réflexes de mes premières années, sans m’en rendre vraiment compte et sans voir le problème.

Benjamin & Dmitri / sept 2026

L’aiglon commençait à être à fleur de peau. Il sentait les muscles de son visage se tendre à mesure que les minutes passaient, et la réponse du garde-chasse n’eut pour d’autre effet que d’exacerber un peu plus son ressentiment. « Dans ce cas-là, s’il n’y a pas de problème, je ne vois pas l’intérêt d’embêter le professeur de potions avec cette histoire » persifla-t-il, refusant catégoriquement de souligner son lien familial avec l’intéressé, quoiqu’ils sussent tous deux que cette parenté était au cœur du problème.

Le tchèque bottait une nouvelle fois en touche. Il avait essayé de maintenir la discussion loin de la question de son aïeul, mais l’homme n’avait pas été dupe. Pire encore, il semblait prendre un malin plaisir à lui agiter la menace de le prévenir sous le nez. « Après tout, il a d’autres chats à fouetter... je doute fort qu’il trouve intéressant de savoir que je me balade dans le parc. » C’était un mensonge. Vaille que vaille, Dmitri tentait de décourager l’adulte de prévenir son grand-oncle dont il pensait, contrairement à ce qu’il voulait bien dire, qu’il serait sûrement très intéressé d’avoir un rapport des faits et gestes du garçon. Même la mention du parc était osée ; nulle personne dotée d’une vision un tant soit peu efficiente n’aurait qualifiée l’endroit où ils se trouvaient, fussent-ils seulement à la lisière, comme étant un parc.

Quelque part, Duncan n’avait pas totalement tort sur un point ; après tout, outre une escapade qu’une personne plus respectueuse des règlements n’aurait pas faite, il n’avait rien à se reprocher. Alors pourquoi vouloir à tout prix éviter qu’Alexander soit au courant ? Il avait inconsciemment fait de son indépendance une question centrale de son ego ; toute sa vie durant, il avait été contrôlé et surveillé par ses géniteurs et, quoique de manière plus discrète mais néanmoins réelle, par ses grands-parents. Loin d’eux, il avait eu un temps le sentiment qu’il pouvait s’émanciper, être le réel maître de sa vie. Mais le regard que portait constamment son aïeul sur lui semblait prouver le contraire.

Désireux de reprendre en main les choses, alors qu’il sentait progressivement perdre le contrôle de la situation en même temps qu’il perdait son calme, il reprit sur un ton plus provocateur. « Et puis, pourquoi vous auriez besoin de prévenir un professeur ? Vous n’êtes pas capable de faire la discipline par vous-même ? » Son sourire était quelque peu forcé ; il tentait d’avoir l’air plus innocent qu’il n’était, comme si sa question était purement franche et ne cherchait pas à blesser l’ego de l’adulte. C’était un jeu dangereux, mais Dmitri était coutumier du fait ; il s’en était plusieurs fois brûlé les ailes, mais le risque en valait souvent la chandelle.

(c) mars.

**Invité** Invité À SAVOIR DETAILS EN PLUS

Je n’avais pas vu le problème et pourtant il était tangible. Évoquer mon collègue revenait en fait non pas comme le pensait Dmitri à avouer mon manque d’autorité mais au contraire à faire montre d’un pouvoir que j’avais sur mon interlocuteur. Je comprenais maintenant très bien même sans saisir tous les détails que Dmitri ne voulait surtout pas voir son grand-oncle mis au courant de son escapade. En parlant de le prévenir, j’exerçais un pouvoir sur lui, je le poussais dans ses retranchements, je le forçais à se montrer plus insolent que jamais. J’exerçais cet ascendant exactement comme l’ancien juge avait du pouvoir sur moi. Et cette sensation avait un aspect grisant, exactement le même aspect qui m’avait poussé dans les bras de la magie noire et des mangemorts dans mes jeunes années. À mesure que Dmitri parlait, je prenais conscience des sentiments qui m’agitaient à cet instant et j’en étais effrayé. Je savais pourtant que je n’avais jamais tout à fait rompu avec tout cela. J’avais tout abandonné du jour au lendemain mais je ne m’étais pas tout à fat posé le problème de mes idées. La vie avait ensuite suivie son cours, je m’étais épris d’une moldue, j’avais fini par refuser de théoriser quoi que ce soit, dans un sens comme dans l’autre. Ma cicatrice témoignait de mon envie d’aller de l’avant mais cela ne m’aidait pas à me positionner maintenant. Et mes mensonges incessants, dans un sens comme dans l’autre, faisait de mes idées plus un jeu de chat et de souris que de réelles convictions. Je savais que j’avais menti à van Aken l’année dernière quand je lui avait plus ou moins dit être rester pour la suprématie des sangs-purs. Avec Hilary, je ne pouvais pas défendre ce genre d’idée, c’était évident. Mais n’avais-je pas menti aussi à Rufus d’une certaine manière ? Et surtout, jamais je ne lui avais dit que je serais prêt à me battre du côté des nés-moldus. Je me battrais pour Hilary, j’en étais sûr, mais ensuite ? La résurgence maintenant, dans cette forêt obscure de comportements longtemps enfouis, n’était-ce pas la preuve que mon passé n’était pas si révolu ?
Toute c’est question m’assaillaient violemment pendant que Dmitri tentait de me blesser dans mon amour-propre et je savais qu’un jour il faudrait que je regarde la réalité en face et que je fasse le point sur ce que j’étais aujourd’hui, par rapport à tout mon passé. Mais ce n’était pas maintenant, pas devant lui et dans l’immédiat mieux valait lui répondre sur un autre terrain.
« Je ne suis pas garde-chasse parce que j’aime punir des élèves irresponsables en train de se balader dans la forêt. »
Je répondais à sa question, il ferait ce qu’il voulait de cette réponse, il en conclurait sans doute que je n’avais aucune autorité mais ce ne serait pas le premier et ce n’était pas vraiment mon problème à l’heure actuelle.

Benjamin & Dmitri / sept 2026

Le garde-chasse ne souleva pas ses objections, laissant l’aiglon dans l’inconnu quant à sa décision d’avertir ou non le maître des potions. Ne pas savoir l’irritait, d’une part parce qu’il détestait qu’on lui cache des choses, mais aussi, et surtout, parce qu’il ne voulait pas avoir de mauvaise surprise dans les jours à venir. Pouvait-il seulement espérer que Duncan oublie de le prévenir ? Qu’à force d’assauts répétés de l’enfant, il en vienne à éluder la question de sa parenté avec l’enseignant ? C’était assez peu probable, mais il voulait se raccrocher à cette possibilité, comme si y croire suffisamment pouvait le rendre réel.

« Je ne suis pas garde-chasse parce que j’aime punir des élèves irresponsables en train de se balader dans la forêt. » Le garçon haussa les épaules d’un air dédaigneux. Il n’aimait pas qu’on le qualifie d’irresponsable. Il n’aimait pas non plus l’apathie dont faisait preuve l’adulte. En réalité, il n’aimait pas grand-chose chez cet homme. Bien loin de vouloir user de son côté enjôleur, l’irritation qui était la sienne empêchant toute tentative de jouer les enfants innocents et sympathiques, il voulait avant tout trouver un moyen de prendre en main la discussion. Duncan ne pouvait être totalement lisse ; toute personne possédait des aspérités, il fallait juste trouver laquelle.

« Alors pourquoi êtes-vous garde-chasse ? » riposta-t-il d’un ton qui se voulait toujours plus insolent. « Vous n’avez pas l’air de faire grand-chose de vos journées, sinon vous ne perdriez pas autant de temps avec moi. » Porté par son désir de pousser l’adulte dans ses retranchements, Dmitri en avait presque oublié que le garde-chasse avait tout autant le pouvoir de le punir que le reste du personnel de Poudlard. Il aurait pu se contenter de le remercier pour sa clémence et retourner dans le château sans demander son reste, mais sa fierté avait pris le dessus sur toute envie d’échapper à une nouvelle retenue. Par ailleurs, il se dégageait de l’homme un quelque chose qu’il n’aimait pas, sans qu’il parvienne à réellement mettre le doigt sur ce que c’était ; son visage ne laissait pas transparaître de fortes émotions, mais il avait néanmoins un aspect dénotant une certaine satisfaction qui ne pouvait qu’irriter le Tchèque. C’était cette impression de voir quelqu’un se délecter à ses dépends qui était à l’origine de son aversion pour l’autorité ; à son sens, toute personne qui était amenée à jouir d’un ascendant sur quelqu’un ne pouvait qu’être amené à en tirer une ivresse indue.

(c) mars.

**Invité** Invité À SAVOIR DETAILS EN PLUS

Il semblerait que j’ai réussi à vexer Dmitri. Au fond, cela ne me faisait ni chaud ni froid mais cela avait permis que nous sortions des mentions de son aïeul qui aurait pu révéler une part complexe de moi-même que je ne voulais pas voir ressurgir. Mais Dmitri m’aidait dans cette tâche puisqu’il contre-attaquait avec insolence, me demandant faussement pourquoi j’étais garde-chasse et m’accusant de ne rien faire de mes journées. Pourquoi j’étais garde-chasse ? La réponse était simple : pour protéger Hilary, parce que c’était un poste qui m’était accessible malgré mon absence d’expérience chez les sorciers, alors que j’avais rangé ma baguette dans un tiroir pendant vingt ans. Je faisais mon travail par devoir professionnel et aussi parce que j’aimais la nature mais ce n’était pas une passion, ni même vraiment un gagne-pain, même si cet aspect comptait, en rompant avec mes parents, j’avais abandonné l’héritage familial. Mais, de tout cela, il n’en saurait rien. Et je devais me souvenir de ce que j’avais dit au professeur de potions, si tant est qu’il m’ait posé la question. Je ne savais plus ou j’avais dû me contenter d’une réponse trop vague pour m’en rappeler alors je réitérai mon habitude des phrases creuses et presque sans contenu.
« Il faut bien trouver un boulot. »
Quant au temps que je passais ici, la réponse était plus simple. J’avais plein de tâches la journée mais dès le couvre-feu passé, à part parfois une ronde nocturne, j’étais bien moins occupé. Les géraniums ne s’arrosent pas la nuit.
« De mes journées ? Si, j’ai plein de choses à faire... »
Je lançais un regard vers le ciel, l’air un peu moqueur.
« Mais là, c’est la nuit et à part récupérer des élèves dans la forêt je suis beaucoup moins occupé. »
Puis je me dis que j’allais peut-être cesser de lui répondre, j’en avais assez, il fallait effectivement que je me lève le lendemain et je n’allais pas passer la nuit à répondre à ses insolences.
« Bon, tu tiens vraiment à continuer cette discussion ou tu rentres dans ton dortoir ? »

Benjamin & Dmitri / sept 2026

Contrairement à ce que son apparence plutôt bourrue laissait supposer, le garde-chasse ne semblait guère enclin à montrer autre chose qu’un air flegmatique. Sa réponse à la dernière provocation du garçon était pour le moins décevante à ses yeux ; comme tout enfant de son âge, il aspirait à une vie qui, sinon d’être palpitante, était au moins enrichissante. Se lever le matin pour accomplir un travail qu’il n’avait choisi que parce qu’il fallait bien « trouver un boulot », comme le disait l’adulte, était une perspective qui lui paraissait bien peu envieuse. L’espace d’un instant, ses traits prirent une expression presque compatissante, mais il se reprit bien vite alors que Duncan le rallait à son tour. Dmitri l’avait sans doute cherché ; à force de le provoquer, il n’était guère surprenant qu’il se laisse lui aussi aller à de telles moqueries. Et au fond, c’était justement ce qu’il avait voulu : obtenir une réaction plus que des réponses laconiques ou des menaces de raconter à son aïeul le moindre de ses faits et gestes.

L’homme le somma, une nouvelle fois, de retourner dans son dortoir, n’insistant pas plus sur le maître des potions. Le Tchèque avait une l’impression de s’être fait avoir, sans qu’il ne puisse réellement expliquer pourquoi. Depuis la première mention de son grand-oncle, il avait espéré obtenir du garde-chasse qu’il n’aille pas lui raconter ses péripéties ; par simple fierté personnelle, il souhaitait garder l’illusion d’être libre et autonome. Mais au fond, il se doutait bien que les chances qu’Alexander demeure dans l’ignorance de son excursion étaient faibles.

« Vous avez raison, je vais rentrer... » répondit-il finalement. Un sourire caustique naquit sur son visage, alors qu’il rajoutait : « Je ne voudrais pas accaparer votre temps si précieux » En bonne tête de mule qu’il était, il voulait avoir le dernier mot ; ça lui donnait l’illusion de garder la maîtrise de la situation. Et un dernier sous-entendu méprisant avant de prendre congé ne pouvait pas faire bien de mal.

À défaut d’avoir la confirmation du secret bien gardé de ses escapades, au moins pouvait-il partir sans retenue ou perte de points. S’intéressait-il seulement aux points de sa maison, d’ailleurs ? Non. Pour l’instant du moins, il ne se sentait pas une âme corporatiste ; les serdaigles n’étaient pas devenus une seconde famille à des yeux, il était encore beaucoup trop tôt pour ça. Alors perdre des points ne l’aurait pas particulièrement dérangé.

(c) mars.

**Contenu sponsorisé** À SAVOIR DETAILS EN PLUS