Le silence seul devrait être souverain mépris (ft Maxton)

Comme à mon habitude à chaque fois que j’étais un peu perturbé j’étais de retour dans le parc, adossé à un arbre, les yeux à demi-fermés pour profiter de la lumière du soleil qui déclinait. Ce n’était que le premier jour mais déjà, je sentais venir les problèmes. L’annonce de la directrice, si elle ne me plaisait pas tant que ça, semblait être vécue comme un affront par certains sangs-purs. Il suffisait d’écouter les murmures dans les couloirs après le repas ou le brouhaha à table. Ce n’était pas seulement l’annonce de cours supplémentaires qui déplaisait, c’était bien le fait qu’il s’agisse de l’étude des moldus. Un cours d’arithmancie obligatoire n’aurait sans doute pas provoqué la même colère. Les sangs-purs devaient se sentir humilié, avoir l’impression de perdre de leur suprématie et je ne pouvais que m’en réjouir, même si ça me donnait l’impression d’être rabaissée au niveau des plantes et du calamar géant. Je me réjouissais mais j’ai une légère appréhension au creux de la poitrine : n’allait-il pas riposter d’une manière ou d’une autre ?
Tout cela s’ajoutait à mes autre problèmes, à l’existence d’Alice à Poudlard, qui me donnait l’impression d’être observée alors même que je savais qu’elle ne voulait que mon bien, à l’abandon de mes parents, qui restait un motif de pleurs silencieux la nuit, à l’absence de nouvelles d’Ahmet, qui me préoccupait plus que je ne voulais l’avouer. Mais inexorablement mes pensées revenaient vers les sangs-purs et leur mépris comme si ma colère m’empoisonnait lentement l’esprit. Je laissais mes pensées dériver et se transformer en paroles, d’abord comme un murmure puis de plus en plus affirmées. Après tout, j’étais seule.
« En même temps, ils l’ont bien mérité… Franchement, ils sont tellement méprisants qu’au moins ça va peut-être leurs faire comprendre qu’on est des gens comme les autres, qu’on a rien d’arriéré au autre, même pour ceux qui n’ont pas de magie. On s’est débrouillé sans, c’est bien la preuve qu’ils ne sont pas supérieurs. Et puis, c’est pas parce que tu peux te targuer d’avoir des parents sorciers depuis qu’on a inventé la généalogie que ça te donne le droit de te croire mieux que la majorité de l’humanité. »
Sauf que je n’étais peut-être pas si seule.

Le silence seul devrait être souverain mépris

Le mois de septembre n’était pas encore suffisamment entamé pour que les températures aient chuté de façon significative, ce qui laissait à Maxton tout loisir de se promener dans le parc pour profiter des beaux jours. Cela lui arrivait souvent de se glisser dehors à peu près à l’heure du crépuscule pour profiter du calme de l’extérieur. Bluebell était généralement à ses côtés, sauf quand elle avait comme aujourd’hui d’autres plans. Il s’en accommodait volontiers. Ils étaient jumeaux, cela ne signifiait qu’ils devaient en permanence en compagne de l’autre pour survivre. Il aurait détesté avoir de charmantes rumeurs comme celles courant sur Cameron et Mallory sur sa sœur et lui.

Comme à son habitude, il se déplaçait silencieusement, presque félin. La lumière déclinante l’aider à passer inaperçu, ce qu’il appréciait. Il avait envie de tranquillité ce soir. Alors qu’il se pensait seul, une sorte de murmure attira son attention. Il tendit légèrement l’oreille, mais la personne décida manifestement de lui faciliter la tâche puisqu’elle augmenta peu à peu le volume sonore, comme si elle souhaitait qu’on l’écoute. Il se rapprocha pour voir une petite fille, une Poufsouffle, déambuler seule, perdue dans ses pensées et dans un discours qui sonnait désagréablement à ses oreilles. Un sourire mauvais se dessina sur ses lèvres. L’intelligence aurait voulu qu’il rebrousse chemin. Après tout, n’était-il pas celui qui répétait régulièrement à sa sœur de ne pas faire de vague ? Et d’un autre côté, il ne pouvait pas laisser passer cet affront, non ? Sinon cette gamine allait penser qu’elle pourrait parler de leurs illustres familles, elle qui n’était rien, sans jamais risquer la moindre réprimande. A cette réflexion s’ajoutait la frustration difficilement contenue depuis le banquet de rentrée, ce qui donnait un cocktail détonnant.

Le fait de voir qu’ils étaient seuls acheva de le convaincre qu’il pouvait se permettre de l’embêter un peu. Sortant de son poste d’observation, il se glissa vers elle et pour lui demander, narquois

- Parler seule est le premier signe de la folie.

Il s’adossa à un arbre pour l’observer. L’éclat froid dans ses yeux contredisait la moue moqueuse qui s’affichait sur son visage.

- Tu me sembles avoir des choses à dire. Quelque chose que tu souhaites exposer sur ma famille ?

Sa voix était suave, ses mots l’étaient moins. Le défi que contenait ses propos était à peine dissimulé. Si elle était inattentive, peut-être que cette gamine passerait à côté, mais si elle avait le moindre instinct de survie, sa méfiance prendrait le dessus. Mais puisqu’elle tenait à vomir ses idioties, qu’elle le fasse devant un vrai sang pur. En tout cas, cela illustrait bien ce qu’il pensait de la politique ridicule d’Appleton. Une semaine venait à peine de s’écouler et tous les sangs de bourbe du coin se sentaient autoriser à donner leur opinion. Qui avait dit qu’ils étaient légitimes à en avoir une ? Ils pouvaient déjà étudier à Poudlard, une aberration. Alors penser qu’ils avaient le droit d’émettre un avis, c’était bien la preuve qu’ils étaient en train d’acquérir une confiance démesurée. Et s’il ne pouvait rien faire contre leur nouveau cours imposé, il pouvait peut être rappeler à tous ces impurs qu’ils n’étaient pas en terrain conquis.

lumos maxima

Note à moi-même pour la prochaine fois qu’il me prendrait l’envie de réfléchir à voix haute dans un lieu public : vérifier par trois fois que personne n’était dans les environs. Ou au moins qu’il ne s’agissait que de personne que je connaissais bien. Liam devant mes propos aurait sans doute été un peu gêné, il ne se cachait pas pour me dire qu’il ne comprenait pas bien la fixation que je faisais sur les sangs-purs. Ça l’aurait peut-être un peu dérouté, une fois de plus, il aurait sans doute soupiré à l’idée que je ne m’étais pas calmé depuis les dernières fois mais il ne m’en aurait pas voulu. Kathleen aurait sans doute compris, m’aurait trouvé peut-être trop radicale autant que je la pensais bien timorée. Devant d’autres, comme Carla, j’aurais certainement gardé mes pensées pour moi ou au contraire, j’aurais été, dans une volonté de provocation, les affirmer bien haut. Face à Erin ou à quiconque de sa famille, je n’aurais pas été si téméraire. Mais là, j’avais affaire à un inconnu dont je ne reconnaissait ni la tonalité de la voix, ni la stature. Un inconnu qui me traitait de folle, me coupant net dans mes réflexions.
Je n’avais même pas besoin d’entendre la suite pour comprendre que ce n’était pas tellement le fait de parler seule qui le dérangeait mais bien le contenu de mes propos. Il se sentait visé, assurément. Le mépris que j’évoquais raisonnait peut-être dans ses idées, dans les principes de sa famille. Il n’avait rien d’amical et son ton était entre mépris, défi et menace. Je le percevais confusément comme je percevais la voix de la raison, dans un coin de ma tête qui m’intimait de m’excuser ou au moins de ne rien répondre. Mais c’était bien mal connaître mon état que de compter sur cette idée, sur ce que j’aurais vu comme une faiblesse, un aveu d’échec. Je voulais faire disparaître le mépris des pro sangs-purs et j’étais ce soir dans une phase où je voulais y répondre. Même quand le pro sang-pur en question mesurait sans doute deux têtes de plus que moi et était bien plus agé.
« Je suppose que si tu te sens visé, c’est que tu fais partie de ces pro sangs-purs ? »
Je n’attendis pas sa réponse, j’étais sûre de moi et de toutes façons, je n’étais pas disposée à lui donner l’impression de ne pas répondre à son défi.
« Je n’ai rien d’autres à exposer que ce que tu as dû entendre. Vous appartenez à un âge révolu, votre mépris n’a plus rien à faire ici. »

Le silence seul devrait être souverain mépris

Maxton aurait clairement dû ne pas se formaliser du discours de cette gosse. Elle pouvait bien pester tout ce qu’elle voulait, son sang serait toujours aussi souillé. Lui accorder ne serait-ce qu’une seconde d’attention était une perte de temps en soi. Mais il n’avait rien à faire de mieux et il devait qu’après cette rentrée chaotique, cela le mettait hors de lui de voir à quel point tous ces impurs se pensaient souverains d’un monde qui ne leur appartenaient. Parce qu’ils arrivaient à lancer quelques pitoyables sortilèges, ils se croyaient sorciers ? C’était juste un relent de magie dans leurs veines, pas un vrai pouvoir. Sa sœur serait sans doute sortie de ses gonds en l’entendant et si elle avait été là, il l’aurait exhortée à la prudence. Mais elle n’était pas là et il était parfois las d’être le plus raisonnable des deux. Plus le temps passait et plus son existence ne prenait du relief que dans la désobéissance. Mentir à Wendell. Saccager la salle d’étude des moldus avec Erin. Oublier la retenue avait quelque chose de grisant. Et de nécessaire quand il avait une telle interlocutrice sous les yeux. La jeune fille ne détourna pas le regard. Une lueur de surprise dansait dans ses prunelles, mais elle ne baissa pas les yeux. Si elle l’avait fait, il l’aurait sans doute lâché l’affaire. La sentir résister la rendait tout aussi désagréable qu’intéressante. Maintenant, il n’avait plus envie de tromper l’ennui, il avait envie de lui prouver qu’elle avait tort, de lui faire ployer le genou comme elle aurait dû.

Il ricana à sa question. Pro sang pur ? Quelle expression disgracieuse pour résumer un état de fait plus qu’une opinion. Les sangs purs étaient supérieurs. Meilleure éducation, plus de pouvoirs, plus d’influence …

- Si tel est le nom que tu donnes aux sorciers de longues lignées, alors je le suis.

Il ne se donna pas la peine de lui demander ce qu’elle était. Il le savait déjà avec ce qu’elle avait dit, mais surtout, cela ne l’intéressait pas un quart de seconde. C’était une sale gamine mal élevée, alors que lui importait qu’elle veuille réconcilier toute la communauté magique ou se balader avec sa tête en haut d’une pique ? Toutes les hypothèses étaient vouées à l’échec. Il la fixa avec un dédain teinté d’amusement et la railla

- Que c’est charmant, tu as l’air si sûre de toi.

Sa voix toujours mielleuse détonnait avec son regard glacial.

- Voyons, qu’est-ce que te permets de l’être …. Tes parents ? Vu ton discours je pense qu’ils n’ont pas une goutte de sang magique en eux. Ton incroyable capacité à changer les choses ? Je ne vois qu’une gamine de première ou deuxième année qui parle seule. Ou alors c’est l’arrivée d’Appleton au ministère ? Trois cours d’étude des moldus en plus et les sangs de bourbe se prennent pour les rois du monde.

Il se redressa de l’arbre auquel il était adossé pour la toiser et joua du bout des doigts avec sa baguette, songeur. Ses quelques mots ne semblaient pas avoir effrayé la petite fille qui continuait à le défier par sa simple existence. Or, il voulait qu’elle reconnaisse qu’elle avait tort. Sous Blackman, il aurait eu carte blanche pour le faire, ici s’il était le premier à lancer un sort, il serait aussi le premier puni. Alors évidemment, une punition n’était jamais la fin du monde, mais sous le règne d’Appleton, il ne s’en tirerait pas forcément à bon compte. Et d’un autre côté, il mourait d’envie de la faire tomber. Un tout petit everte statum et le tour serait joué. Ou il pouvait la stupéfixer et la laisser ici jusqu’à ce que quelqu’un s’inquiète de sa disparition. Y avait-il une personne assez folle pour cela d’ailleurs ?

- Allez, fais moi rire puisque tu te veux distrayante. Qu’est-ce que tu vas faire contre notre mépris ? Parler seule dans une forêt ? Me lancer un sort ?

lumos maxima

Je n’étais pas en très bonne posture, voire j’étais clairement en mauvaise posture. Clamer son dégoût à portée des oreilles d’un pro sang-pur, quand on était née-moldue n’était pas la meilleure chose à faire et pouvait très sérieusement m’attirer des ennuis. D’un côté, je pouvais me répéter que je n’étais pas à ça près, que des ennuis, j’en avais déjà eu avec Carla ou le professeur van Aken. Je pouvais me dire que c’était dans l’ordre naturel des choses et qu’il n’y avait rien à faire l’éviter, sinon courber l’échine, ce qui était hors-de-question. De l’autre pourtant, une once de ma raison me faisait estimer que je me mettais un peu trop facilement dans des situations périlleuses et celle-ci en était une. Mais il n’était pas temps de m’apitoyer, pour cette fois le mal était fait et seul mon aplomb feint pouvait montrer à mon interlocuteur que je n’étais peut-être pas si vulnérable.
Le Gryffondor répondit positivement à mon interrogation, se targuant d’une longue lignée. Il esquivait la question de ses opinions, tout en en révélant de fait la teneur. Bien qu’issue du même genre de famille, Kathleen ne s’en vantait pas. S’il revendiquait ce titre, c’était qu’il en était fier et qu’il se sentait supérieur grâce à cela. Tandis qu’il continuait, je soutenais son regard froid comme la glace, essayant de ne pas laisser paraître mes hésitations. Plus il parlait, plus je sentais que j’étais un situation d’infériorité. Il avait l’âge et la maîtrise de sa baguette pour lui, sans doute des amis, des alliés qui partageaient ses idées. J’étais plus ou moins seule dans mon combat, inexpérimentée et peut-être plus inconsciente que courageuse. Pourtant, quand il me demanda ce que je comptais faire contre lui, j’eus un moment de panique intérieure. Je n’avais aucun plan concret, aucune idée arrêtée de comment je voulais m’y prendre pour leur faire ravaler leur mépris. Ce n’était pour l’instant qu’un but à atteindre sans plan défini, un combat à mener sans armes aiguisées. Mais cela, il ne fallait qu’il puisse le deviner, je ne pouvais pas le lui dire sous peine de me mettre clairement à sa merci. Je ne pouvais que bluffer. D’un geste que je voulais imperceptible, je vérifiai la présence de ma baguette dans ma poche.
« Parce que tu crois que je vais tout te raconter ? Avec la nouvelle direction, vous n’avez qu’à bien vous tenir. »
Je n’avais aucune confiance dans la direction mais je préférais dire cela plutôt « j’en ai aucune idée... »

Le silence seul devrait être souverain mépris

Maxton observa ce qu’il considérait être une enfant malgré le peu d’années qui les séparaient avec un amusement qu’il ne tentait même pas de dissimuler. Elle était distrayante avec son air bravache alors qu’il n’y avait rien dans la situation qui jouait en sa faveur. Elle pensait régner sur le château à la seule force de ses convictions et très certainement d’une part de chance sur laquelle elle comptait pour s’en sortir. En soi, parier sur cet élément n’était pas une folie. Il appréciait le fait de lui faire peur, il n’avait pas réellement choisi de passer à l’acte. S’il s’était trouvé à l’époque Blackman, il n’aurait pas réellement hésité, mais là, la prudence était de mise.

Comme il le supposait, elle tirait une bonne partie de son courage de la nouvelle politique de la direction. Elle se sentait protégée par leur tolérance coupable et elle allait même jusqu’à le menacer avec un aplomb désarmant. Qu’elle était drôle à croire que la direction allait être sa planche de salut. Inconsciente aussi. C’était un autre des problèmes des nés moldus, ils n’avaient aucune notion de politique. Ils étaient persuadés que le monde se divisait en gentils et en méchants. Dans cette vision manichéenne, il ne pouvait pas comprendre que les jeux de pouvoir étaient plus nuancés.

- Tu es une idiote.

Il lui avait lancé cela sans quitter sa baguette des yeux et sans même prendre la peine de donner une inflexion quelconque à sa voix. Il avait prononcé ces mots comme on constate une vérité générale, sans émotion.

- La nouvelle direction est dangereuse pour toi comme pour moi. Appleton est tiède, d’une fadeur à pleurer. Elle ne prendra jamais aucune décision politique courageuse. Et à vouloir une stricte égalité qui n’existe pas, c’est elle qui va créer des injustices.

Il n’y avait que les imbéciles pour penser qu’une égalité purement arithmétique était enviable. Appleton était bien plus dangereuse à sa façon que bien des sangs mêlés ou des sangs purs qui auraient pu prendre la tête de cette école. Elle n’avait aucune vision pour l’avenir, juste des bons sentiments. Personne ne gouvernait avec des gentillesses. Il fallait une certaine poigne pour prendre les décisions qui s’imposaient, une absence de pitié pour trancher et de la clairvoyance pour saisir les situations dans toute leur ampleur. Appleton n’avait rien de tout cela. Juste des grandes idées philosophiques. Et peut-être que si la plupart des philosophes mangeaient les pissenlits par la racine, c’était bien pour une bonne raison. Il pointa sa baguette vers elle avec une forme de nonchalance et murmura

- Everte statum.

Rien de méchant, mais juste le plaisir de la faire trébucher. Peut-être même tomber devant lui. Habituellement, embêter les plus jeunes n’était pas son activité favorite pour la simple et bonne raison que cela ne rapportait rien. Mais il s’ennuyait et elle l’agaçait fortement. Peut-être qu’une petite leçon serait l’occasion de lui apprendre à être plus prudente. C’était presque lui rendre service.

- Et que fait ta précieuse direction si je fais ça ?

lumos maxima

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