All secrets become dark

@Bluebell E. Sherwin

Les funérailles d’Alexis avaient été une journée désagréable, mais Maxton avait eu l’espoir que toute cette agitation prenne fin une fois le cercueil enfoui profondément sous terre. Après tout, une tonne de gravats surmontée d’une couronne de fleurs était une façon comme une autre d’enterrer ses problèmes, surtout dans les familles comme la sienne. Cependant cet affreux ballet n’avait pas cessé. Après que ses parents se soient démenés pour retrouver le cadavre de leur sœur d’un ravin, c’était tout la communauté sorcière qui avait eu la délicieuse idée de répondre à leur faire part de décès. Enfer et damnation. Il ne savait pas ce qui l’ennuyait le plus, devoir feindre d’être malheureux de la disparition d’Alexis alors que la seule chose qui l’attristait était de perdre son temps à répondre, ou réaliser que les personnes qui leur écrivaient pensaient sincèrement que c’était une bonne idée. Qui avait eu la stupidité d’élever cette pratique au rang de la politesse ? Dans tous les cas, ce n’était pas une bonne solution.

En effet, dans une première hypothèse, tout le monde était sincèrement chagriné de cette mort et le courrier ne prenait que le rôle d’une vilaine piqure de rappel. Même écrit avec délicatesse, le contenu revenait toujours à crier : « au cas où tu aurais oublié, ta gamine est toujours morte, nous sommes désolés pour toi mais secrètement soulagés que notre enfant se porte comme un charme et nous t’envoyons des bisous de loin, histoire de pas être contaminé par ton malheur ». Dans la seconde, qui était finalement la sienne, tout le monde se fichait bien de savoir que la défunte gisait dans un ravin ou dans le caveau familial, mais là encore la lettre ne servait qu’à dire en termes joliment choisis : « Alexis est morte, aucun d’entre nous n’a assez de cœur pour s’en soucier, par contre, charognards que nous sommes, nous aimerions bien savoir si vous allez vous effondrer ». Et dans les deux cas, il fallait faire semblent d’être touché de l’attention en répondant merci. Merci de quoi ? Ce n’était pas eux qui l’avaient éliminée, qu’il sache.

Cette question de qu’est ce qui avait provoqué la chute d’Alexis, ou qui, était une interrogation bien plus intéressante. A court terme, elle leur apprendrait si la fratrie était destinée à suivre le même chemin ou s’il n’y avait rien à craindre. Peu importe la découverte, il osait espérer que s’il devait finir aussi tragiquement, sa mort aurait plus de panache. Trébucher sur une pierre, c’était bon pour un né moldu, myope de surcroit. Mais la question la plus intéressante des vacances, c’était les recherches qu’ils devaient mener, Blue et lui, sur leurs parents. Ils en avaient parlé toute l’année, échafaudant des théories et des plans de bataille. Leur idée première avait été de commencer par des recherches en surface. Puis Blue avait souligné, à juste titre que Wendell ne se comportait pas de façon très naturelle s’agissant de la mort d’Alexis et ils avaient revu leur stratégie avec un nouveau but : le bureau de leur père adoptif.

Peu importe la quête, l’endroit était tout désigné pour avoir des réponses. Il avait juste fallu attendre que les adultes quittent enfin leur réclusion endeuillée pour y avoir accès en toute tranquillité. C’est ainsi que la dernière semaine d’août une occasion se présenta enfin. Il lisait tranquillement dans le salon, quand Wendell et Elizabeth l’informèrent qu’ils s’absentaient pour la soirée pour dieu seul sait quelle occasion mondaine et qu’il serait aimable de prévenir Blue. Si son cœur s’était emballé sous l’effet de l’impatience, il avait acquiescé avec une nonchalance, pour n’éveiller aucun soupçon. Puis, il les avait regardés partir, avant de bondir de son fauteuil dans un geste presque félin. Il s’était précipité dans la chambre de sa jumelle et c’était contenté de lui dire, en ouvrant la porte

- Maintenant ou jamais.

Bien sûr, elle avait compris. Elle comprenait toujours tout de leurs échanges sibyllins, comme si elle lisait dans ses pensées. Tous les deux s’étaient faufilés dans le fameux bureau, un sourire presque railleur scotché sur les lèvres. Tout était presque trop simple.

- On commence par quoi ?

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All secrets become dark - Bluebell & Maxton 1

All secrets become dark
A la recherche d'un petit secret en famille

Il fallait reconnaître que cet été était en bien des égards étrange. Les Sherwin avaient certainement dû affronter une violente vague dans la quiétude familiale - enterrer une fille n’était pas franchement des vacances dignes de ce nom. Mais Bluebell et Maxton avaient la chance d’avoir déjà connu les Enfers, puisqu’ils y avaient grandi. La mort, la disparition, la colère et l’incompréhension, ils l’avait vécu avant même de savoir lire. Alors, nécessairement, l’obstacle principal de cette triste affaire résidait bien plus dans la lecture imposée d’innombrables courriels plus dramatiques qu’une comédie grecque que dans l'expérience directe de la perte d’un proche. Enfin, un proche.... Il s’agit davantage de l’abus de langage d’un narrateur incompétent que d’une réelle description objective de la situation.

Aors Bluebell était installée face à son bureau de chêne, dans sa chambre, à observer sans réelle conviction une lettre envoyée par une aïeule lointaine qui lui présentait ses sincères condoléances tout en mentionnant d’une manière plus ou moins abstraite qu’elle serait ainsi la dernière héritière féminine de cette branche de la famille. Installée nonchalamment sur son fauteuil, elle contemplait ce mot d’un air vaguement sarcastique, jouant distraitement avec sa plume entre ses doigts, ignorant sur quel ton elle devait répondre à cette vieille tante imposée. Devait-elle faire mine de comprendre son inquiétude pour les générations futures des Sherwin, ou lui admettre frontalement qu’elle se fichait éperdument d’avoir les derniers ovocytes viables d’une famille dont elle ne partageait de toute façon que le nom ? Elle esquissait un sourire de malice en imaginant la figure outrée de cette vieille dame lorsque des bruits de pas félins, presque étouffés, lui firent tendre l’oreille. Elle n’eut pas besoin de voir son joli minois apparaître dans l’embrasure de sa porte pour savoir que c’était Maxton ; il était bien le seul de cette demeure à avoir une démarche aussi légère. Il aurait doué dans l'art du meurtre : il savait se faire discret là où beaucoup trop de personnes appesantissaient leurs pas dans l'espoir de donner du relief à leur caractère vide. “Maintenant ou jamais”. Bluebell n’eut le temps que de froncer un sourcil ; un sentiment d’urgence explosa en elle, la laissant abandonner la plume qu’elle tenait entre ses doigts. Elle quitta précipitamment sa chambre, suivant son frère dans les couloirs de leur foyer alors qu’elle l’inondait de questions. Elle n’eut que le temps de saisir l’essentiel ; un rendez-vous de dernière minute, de toute urgence, qu’ils ne pouvaient manquer au vu des circonstances. En effet, plus que jamais leur famille était épiée des charognards - une absence, un mot de travers, et les alliances de toujours tomberaient en miettes. Ils arpentaient une phase de test, et tout le beau monde l’avait compris : une faille ouverte doit rapidement être refermée. Il se trouvait que les jumeaux avaient eu la même réflexion : il y avait une brêche dans la solidité de Wendell et Elisabeth, et il s’agissait de sauter sur celle-ci pour enfin apercevoir l’autre côté, cette face obscure qui leur était obstinément refusée.

Bluebell ne croyait pas au destin dans la mesure où elle estimait en avoir suffisamment pâti. Il était temps pour eux de prendre leur revanche : et elle leur fut apportée sur un plateau d’or. Le bureau de Wendell, niché au troisième étage près de leur bibliothèque, leur tendait pour ainsi dire les bras - et une fois de plus le lecteur excusera le narrateur et ses tournures de phrase alambiquées qui trouvent justice auprès de son état de fatigue. Un bureau aux bois nobles parfaitement vernis, où cheminée et étagères s’alignaient selon une conception bien mathématique des lieux. Homme de raison, Wendell avait des goûts cartésiens dont seule la folie mégalomane sortait de ses gonds. “Je m’occupe des étagères ; prends le bureau.” Elle tourna un instant son visage vers son jumeau qu’elle gratifia d’un rictus luisant d’excitation. Ils y étaient - une telle opportunité ne se représenterait pas deux fois. Jamais leur famille ne serait aussi troublée ; jamais ils ne baisseraient autant leur garde envers eux. Si Bluebell considérait fondamentalement sa vie comme un éternel combat, elle s’apprêtait à lancer l'assaut le plus décisif de sa jeune existence, et elle ne doutait pas qu’avec Maxton, ils triompheraient enfin de la malédiction qu’ils avaient subi. Sans perdre plus de temps, elle se précipita vers le mur du fond, montant sur la pointe des pieds pour fouiller chaque ouvrage de droits magiques, chaque encyclopédie, chaque dossier des différentes affaires traitées par leur père d’adoption. Il n’y avait aucune stratégie dans ses fouilles - elle n’avait pas le temps d’être méthodique. “Je ne sortirai pas d’ici tant qu’on aura rien trouvé, tu m’entends ?” lança-t-elle alors qu’elle retournait une statuette qu’elle reposa aussitôt. Il ne servait pas à grand chose pour elle d’exprimer sa détermination, dans la mesure où elle était déjà convaincue de la sienne et qu’elle savait que son frère n’en attendait pas moins de leurs recherches. Mais il avait fallu qu’elle l’affirme pour pallier à une crainte plus forte encore que celle de ne rien trouver : la découverte d’un élément profondément perturbateur.

1 - 2 : Bluebell renverse dans sa frénésie un vieux dossier qu’elle a déjà fouillé. Mais dans sa chute, une pochette glisse et éparpille un ensemble de photos, incluant ses parents d’adoption et un bon nombre d’autres visages familiers.
3 - 4 : Bluebell feuillette une encyclopédie des termes juridiques, et se rend compte qu’un petit mot écrit au crayon à papier a été rédigé en notes de fin d’une manière précipitée. Elle parvient à y déchiffrer son propre prénom et celui de son frère.
5 - 6 : Rien de rien, tous ces maudits ouvrages traitent bien plus de justice et de droit que d’une manière efficace de supprimer sa fille aînée…

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@Bluebell E. Sherwin

D’un pas pressé, les jumeaux s’étaient précipités vers le bureau, ne sachant pas de combien de temps ils disposaient réellement. Maxton n’avait pas eu d’information sur le sujet, il estimait qu’ils avaient au minimum une heure devant eux, mais pour fouiller une pièce pareille, chaque minute était précieuse. Le bureau de Wendell suintait la mégalomanie : tout y était démesuré et pensé pour respirer le luxe. Maxton s’accorda quelques secondes pour détailler la pièce d’un regard. Il s’agissait de l’un des rares endroits de la demeure qui leur était chaleureusement déconseillé, il était particulièrement curieux de pouvoir y passer du temps. Blue se faufila vers les étagères et lui ordonna de s’occuper du bureau. Un sourire railleur s’étira sur ses lèvres

- Très bien mon capitaine.

C’était affectueux plus que méchant, juste une façon de la taquiner sur son autorité naturelle. Néanmoins, elle était bien la seule à qui il obéissait aveuglément, il s’exécuta donc sans se plaindre.

Comme souvent, Bluebell et lui ne procédèrent pas de la même façon. Là où sa sœur se dépêcha de commencer ses recherches avec une forme de frénésie, Maxton se contenta d’observer le bureau sans toucher à rien. Il y avait plusieurs stratégies dans ce comportement. Tout d’abord, il voulait être certain de pouvoir replacer chaque objet scrupuleusement à la même place pour ne pas attirer l’attention de Wendell. Il ne le pensait pas soigneux, surtout en ce moment avec les circonstances qui étaient les leurs, mais il préférait ne pas prendre de risque. Ensuite, il essayait de se mettre dans la tête de son père adoptif pour savoir comment il aurait procédé pour dissimuler des documents. Il ne les aurait jamais laissés à vue, c’était évident, mais il aurait même tenté de les cacher avec un système un peu ingénieux. Or, ce bureau était à première vue bien trop banal pour correspondre à ce qu’il imaginait. Il resta figé ainsi deux longues minutes avant de sentir le regard incrédule de sa sœur peser sur lui. Il leva légèrement les mains pour l’apaiser avant même qu’elle ne puisse dire quoi que ce soit.

- J’essaie de penser comme lui.

Dé:

5 – 6 : Maxton passa le bureau au peigne fin, chaque document, chaque objet, il essaya de trouver un mécanisme, tout ! Mais rien ne se passa et le garçon commença à s’impatienter. Blue n’avait rien trouvé et lui non plus, ça le faisait enrager de voir les secondes minutes s’égrainer sans aucun résultat. Il se laissa tomber dans le fauteuil devant le bureau, une moue contrariée barrant son visage. Son regard croisa celui de Bluebell dans lequel se reflétait sensiblement la même émotion. Il finit par lancer, agacé

- Face à ce nombre effarant de découvertes, tu ne sortiras jamais d'ici, il me semble.

Il se pinça délicatement l'arrête du nez et se força à se pas céder à l'énervement. Cela ne serait absolument pas productif. Il continua de fixer les différentes choses au tour de lui, avant de reprendre la parole, cette fois un peu plus songeur

- Si tu étais lui, Blue, tu prendrais le risque de laisser des documents sur les étagères ou dans ton bureau, à la vue de tous ?

La réponse était sans doute non. Wendell était un homme intelligent et la naïveté ne faisait pas partie de ses défauts. Il se releva et laissa ses doigts courir sur les bibelots qui meublaient la pièce. Lampe, mappemonde, statuette ... C'était bien plus prometteur comme cachette, non ?

- Cherche un mécanisme plutôt. S'il y a quelque chose dans cette pièce, ça ne sera jamais à portée de nos yeux

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A la recherche d'un petit secret en famille

Quelque chose ne tournait pas rond. A mesure qu’ils fouinaient dans chaque recoin susceptible de recueillir la moindre donnée secrète, Bluebell pressentait que cette vitrine de perfection n’avait rien de naturel. Wendell était un homme logique, rationnel, millimétré. Cette pièce lui ressemblait beaucoup trop – et par les dieux, qu’il était évident que Wendell cachait d’innombrables secrets justement par sa capacité à tout couvrir sous une rationalité maîtrisée. Cette pièce devait être à sa hauteur : parfaitement rangée, entretenue, miroitante d’un nettoyage quotidien. Leur demeure était spacieuse et parfaitement entretenue, néanmoins ce bureau avait quelque chose de foncièrement faux. Bluebell avait envie de tout retourner, emportée par une hâte vicieuse d’enfin trouver le défaut recherché. Maxton, fidèle à lui-même, semblait bien plus nonchalant. Ce n’est que lorsqu’il lui fit signe qu’il s’appropriait le rôle de leur père adoptif qu’elle comprit son attitude calme et ordonnée. S’il y avait bien quelqu’un capable de prendre les apparences et les manières de Wendell, c’était justement lui : il savait faire preuve d’un sang-froid déroutant même dans les urgences les plus pressantes. Bluebell avait envie de le secouer et de prendre son rôle de capitaine à cœur en l’implorant de tout renverser avec elle. Mais Maxton avait raison. Jamais un individu comme Wendell ne laisserait transparaître la moindre erreur à la vue de n’importe qui. Il fallait avoir un esprit aussi vif que le sien pour en comprendre les mécanismes. « Non, bien sûr que non. Je suppose que j’organiserais quelque chose de plus insidieux, comme un parcours de réflexion. » La réflexion. Ce luxe dont il n’avait pas le temps, mais qui certainement justifiait son choix. Après tout, Wendell devait s’assurer que le peu de temps où il quittait son bureau, personne n’aurait l’occasion de retrouver ses plus profonds secrets.

Peut-être était-ce la fièvre d’enfin disposer de l’occasion rêvée, néanmoins Bluebell se sentait prise d’une frénésie étonnante. Et si en fin de compte, Wendell n’avait justement rien à cacher, et ne faisait que témoigner dans cette pièce de son esprit sévère et sectaire, là où sa demeure devait également contenter les éclats de sa femme et de ses enfants ? Cette hypothèse n’était même pas envisageable pour la jeune fille qui, à mesure qu’elle contemplait l’ordre rectiligne des rangées de livres et d’ouvrages, sentait une impatience furieuse tambouriner en elle. C’était une évidence maintenant qu’ils en discutaient. Wendell avait dû mettre un stratagème en place pour se jouer des espions. Quelque chose de chronophage, lent, qui mettrait à rude épreuve les volontés les plus tenaces. Une moquerie ouverte à quiconque pensait pouvoir renverser cet homme et son empire professionnel et familial. Elle écouta les recommandations de son frère d’une oreille distraite, s’éloignant du mur du fond pour contempler plus largement la pièce. La cheminée était une belle pièce architecturale, nichée entre plusieurs lourdes étagères, dans un style de pierre assez représentatif du moyen-âge anglais. En raison de l’été, elle était vide et froide ; mais l’écusson des aïeuls ornait royalement une maxime en latin incrustée à l’intérieur de la cheminée, inaccessible en cas de feu crépitant. Sic itur ad astra. Cette phrase était la représentation même de l’éducation fournie par les Sherwin, et elle ne se souvenait pas du nombre de fois où, à la suite d’un banquet familial, ou d’une cérémonie aristocratique, elle s’était plaint de la solennité lourde des codes et des conversations que Wendell balayait d’un revers de la main dans un rictus amusé. « Sic itur ad astra » répondait-il toujours. C’était ainsi que l’on s’élevait vers les étoiles : un ensemble de codes moraux, de négociations bourgeoises, qui pourtant, à force de parures et de sourires, permettaient une ascension parmi la plus haute sphère céleste. Pour atteindre les étoiles, il fallait ressembler à une étoile : les apparences étaient d’or, plus encore que la richesse et la fortune elles-mêmes. Bluebell fronça les sourcils en caressant du bout des doigts cette maxime adorée par leur père. Un homme de raison, un homme d’apparence.

1 – 2 : Sous des doigts, les lettres s’illuminent l’une après l’autre alors que les caractères s’empreignent d’or. L’écusson familial se retourne et laisse alors miroiter une carte du ciel nocturne avec différentes étoiles.
3 – 4 : Une pierre tombe soudainement d’une paroi intérieure dans un fracas retentissant. La poussière retombe et laisse ainsi apparaître une petite boîte incrustée de pierres précieuses.
5 – 6 : A part un peu de suie, rien ne s’échappe de cette maxime qui laisse pourtant Bluebell cogiter un instant, comme un indice évident

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Dernière édition par Bluebell E. Sherwin le Sam 29 Aoû - 12:46, édité 1 fois

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'Le Hasard' : 3

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@Bluebell E. Sherwin

Les jumeaux étaient parvenus au même raisonnement, jamais Wendell n’aurait l’aissé quoi que ce soit en évidence, si ce n’était une fausse piste. Il fallait plutôt se concentrer sur un mécanisme ou quelque chose du genre. Tandis qu’il détaillait avec soin chaque bibelot du bureau, sa sœur s’était dirigée vers la cheminée et la maxime des Sherwin. Il ne prêta pas réellement attention à ce qu’elle faisait, avant qu’un bruit sourd retentisse dans la pièce. Il rejoint aussitôt la jeune fille, en commentant d’un air appréciateur

- Fierté familiale. Bien pensé, Blue.

Il laissa sa sœur se saisir de sa trouvaille, observant la boîte par-dessus l’épaule de la jeune fille. Là encore, Wen dell avait eu la folie des grandeurs et le coffret était serti de pierres précieuses, ce qui arracha une moue consternée au garçon. Il n’avait rien contre le luxe et l’opulence, il vivait dedans et s’en délectait. Mais il ne ressentait pas le besoin de cacher ses secrets dans l’or ou autre matière précieuse. Il trouvait même cela un brin présomptueux. Comme si le reste du monde était suffisamment stupide pour ne pas prendre la peine de la discrétion. Mais inversement, ça ne l’amusait que plus de percer les secrets de son père adoptif dans ce genre de conditions. Ce n’était plus une simple quête, c’était une bataille d’ego. Et Maxton avait un ego facilement surdimensionné. Il laissa Bluebell manipuler la boîte et les jumeaux poussèrent en cœur un soupir de déception quand celle-ci se révéla fermée. Bien évidemment, cela aurait été trop simple. Il constata à haute voix, agacé

- Faut une clé.

Il tapa du pied dans un geste d’impatience et regarda à nouveau autour de lui en réfléchissant. Il s’agissait donc de mettre en avant son illustre ascendance. La clé devait être cachée de manière à suivre cette idée. C’était le fil conducteur de l’énigme, c’était évident. Ses prunelles finirent par s’arrêter par la bibliothèque et un sourire s’étira sur ses lèvres.

- La devise est de Virgile, c’est dans l’Enéide. Le livre doit être dans la bibliothèque, aide-moi à le trouver.

Si sa sœur avait tenté de retourner la pièce dès les premiers instants, Maxton ne fut contaminé dans par sa frénésie qu’à cet instant, quand la fouille commença à prendre des allures d’énigme. Il adorait les mystères et ne pouvait supporter que quelque chose lui résiste. Alors hors de question que ce soit le cas. Il se précipita vers les étagères, laissant son doigt courir sur les ouvrages à la recherche de ce fichu bouquin. La voix de sa sœur le tira de son manège et il se tourna vers elle pour la découvrir avec le fameux ouvrage à la main, l’air satisfaite. Un sourire en coin, Maxton attrapa le livre qu’elle lui tendait. Evidemment que c’était elle qui l’avait trouvé, en plus d’être intelligente, elle avait manifestement une chance insolente aujourd’hui. Mais ça lui convenait. Mieux valait que ce soit elle que lui qui soit chanceuse après tout. Il s’en voulait presque d’avoir mis quelques minutes à comprendre tant ce livre était reliée à cette devise. Wendell ne s’en était jamais caché, Blue comme lui savaient d’où cette maxime était tirée depuis leur plus jeune âge. Seulement, ils ne s’en étaient jamais souciés jusqu’à aujourd’hui. Il tourna les pages avec impatience, jusqu’à tomber sur le bon passage. Sa joie fut de courte durée, le livre ne contenait rien à cet endroit qui pouvait les aiguiller. Le regard de Maxton laissa apparaître une lueur d’agacement et de frustration. Il était persuadé que c’était là que Wendell voulait les emmener. Il accordait de l’importance à ce type de lien et devait sans doute se dire que seuls des Sherwin pouvaient y songer, ce qui limitait considérablement le nombre de personnes pouvant un jour avoir accès au contenu de cette caissette.

- Je ne comprends pas, c’est le bon chant, le bon vers.

Ce n’est qu’à ce moment là qu’il remarqua une petite phrase écrite sur le bas de la page, manifestement de la main de Wendell.

- « Hic sunt dracones »

La perplexité dominait sa voix et à en croire la mine déconfite de sa sœur, elle était dans le même état. La traduction en elle-même n’était pas difficile, ici sont les dragons, c’est le sens qu’il fallait en tirer qui n’était pas clair. Il y avait bien mention de dragons dans l’Enéide, mais cela restait tout de même trop anecdotique pour que ce soit une référence évidente. Fixant le livre comme s’il allait se mettre à parler, Maxton marmonna, tout en réfléchissant

- Faut penser comme lui … Donc si j’étais Wendell, je suis terriblement fier de ma lignée, tellement que la devise de notre famille frôle la mégalomanie. Puisque les secrets concernent cette famille, je cache le coffret derrière cette phrase. Mais je me méfie et je cache la clé, tout en laissant des indices si un jour quelqu’un devait récupérer ce coffret et que je n’étais plus en état de le faire. Je ne ferais confiance qu’à cette même famille, donc je place l’indice suivant dans le livre où la devise est citée, parce que seul un proche y pensera. Et comme je me pense intelligent, je continue à développer une énigme que je veux cohérente …

La cohérence. C’était ça le maître mot. Il ne fallait donc pas réfléchir au sens de la phrase dans l’absolu, mais au regard du bouquin. Une épopée donc, mais pas réellement centrée autour d’un dragon à terrasser. Plutôt un récit de voyage, au moins pour les six premiers chants. Son regard s’illumina à cette pensée. Avec une impatience qui lui était peu commune, il se tourna vers sa sœur et lui attrapa la main pour l’entraîner vers le globe terrestre qui trônait sur le bureau

- Blue ! L’Enéide raconte le voyage d’Enée jusqu’à son installation dans la région de Rome et la phrase « Hic sunt dracones » était utilisée en cartographie pour les zones inconnues ou dangereuses. L’énigme, c’est le globe terrestre ! Il doit y avoir soit cet adage, soit un dragon dessiné …

Il fit délicatement tourner le globe, avant de l’arrêter juste en dessous de l’Asie, posant son doigt sur un dragon finement ouvragé.

- … Ici.

A peine la pulpe de son index avait frôlé la créature que celle-ci se mit à briller légèrement et un déclic se fit entendre, laissant une clé tomber sur le bureau, décorée des mêmes pierreries que le coffre. Un sourire totalement satisfait de lui-même apparut sur les lèvres de Maxton. Wendell n’était qu’un idiot de penser ses énigmes insolubles. Tendant la fameuse clé à sa sœur, il lui accorda, grand seigneur

- Les dames d’abord.

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A la recherche d'un petit secret en famille

Maxton était un génie - Bluebell n’en avait jamais douté, mais ses capacités de raisonnement avaient en cette après-midi une saveur particulière. Elle l’observa jouer avec le globe avec une lueur de fierté tapie sous un enthousiasme inexprimable. Ils avaient dénoué ce mystère ensemble ; elle avait commencé la partie, il la terminait. Ils ne s’étaient pas trompés, Wendell avait prévu toute une mise en scène pour décorer au mieux ses plus sombres secrets. Il était résolument plus dangereux qu’il ne le laissait paraître - probablement parce qu’il n’avait pas non plus envie de s’attirer la prudence de ses alliés. Ainsi donc, il avait élaboré un stratagème autour de l’Enéide. N’y avait-il pas en fin de compte plus représentatif de ses aspirations ? Se comparer au fondateur de l’Italie. Celui qui avait guidé un peuple sans monarque, au bord de la rupture, à travers les mers à la recherche d’un nouvel empire à bâtir. Bluebell esquissait un sourire distrait alors que la clé tomba finalement entre les mains de Maxton. Avaient-ils été adoptés par les Sherwin dans ce but égoïste ? Servir de descendance aux ambitions d’un homme que la fortune se plaisait à malmener ? Un aîné incompétent ; une fille rebelle. Les jumeaux étaient-ils pour lui cette chance qu’il avait décidé de provoquer ? “Je n’en reviens pas” souffla-t-elle alors qu’il lui tendait la clé de l’énigme. “Je n’aurais jamais cru que Wendell nous laisse autant d’indices en évidence. Pourquoi voudrait-il seulement qu’on tombe sur ce coffre ?” Bluebell observa la clé qu’un rayon de soleil illumina de mille feux. Une clé pour un trésor certainement à la hauteur d’un homme qui se voulait le digne représentant d’une dynastie royale. Oui, il devait y avoir quelque chose de merveilleux dans ce coffres, un secret incroyable, révélateur peut-être des fortunes qui les attendaient.

La jeune fille croisa le regard de son jumeau avant de s’approcher de la cheminée. Elle s’agenouilla devant le trou laissé par la pierre tombée, attrapa le coffret et prit une grande inspiration afin de calmer les tremblements qui agitaient ses doigts alors qu’elle enfonçait la clé dans la serrure. Elle brûlait d’une fureur nouvelle ; une frénésie terrible d’enfin découvrir la vérité qu’elle recherchait depuis si longtemps. Elle en était persuadée ; derrière ce coffre, les révélations attendues, un miracle qui changerait leur avenir à jamais. Au lieu de quoi, le clapet s’ouvrit dans un cliquetis sec et le couvercle serti de pierres se renversa pour laisser apparaître un ensemble de vieilles photos tachées. Bluebell fronça les sourcils avant d’attraper les clichés. Elle les passa rapidement en revue ; il n’y en avait que trois. Mais aucune d’entre elles ne bougeait… La première affichait le portrait d’une jeune femme souriante. Elle ne ressemblait en rien à la femme de la photo que Bluebell avait conservée précieusement toutes ces années ; non, cette femme n’était pas la mère qu’elle s’était figurée. Celle-ci avait des traits ronds, un regard marron et des longs cheveux d’or. Presque rageusement, Bluebell la tendit à son frère dans un mouvement sec. “Ce n’est pas notre mère” trancha-t-elle aussitôt en croisant le regard bleuté de son frère. C’était une évidence - ce visage arrondi resplendissait d’une joie naïve n’avait rien de la gravité angulaire de leur visage. La deuxième photo montrait cette-même femme avec un ventre parfaitement rond cette fois-ci. Par tous les dieux, qui était donc cette inconnue ? Et qui portait-elle dans son ventre ? Et pourquoi Diable Wendell avait-il conservé des clichés d’une paysanne enceinte ? Sans prendre la peine de la donner à son frère, puisque cette photo était particulièrement ridicule, ou parce que Bluebell était particulièrement déçue, la jeune fille passa directement à la dernière photo. Elle poussa un juron de colère avant de se laisser tomber par terre. Ainsi installée en tailleur, elle scrutait avec dédain ce dernier cliché, mettant en scène cette maudite femme avec un tout petit bébé niché entre ses bras. On devinait les bras du nouveau-né s’étirer. Bluebell retourna la photo, le visage fermé. Ce qu’elle lut au dos cependant dissipa sa colère d’avoir eu le sentiment de ne rien trouver au profit d’une stupéfaction glaciale. “Max… Maxton, cette femme prétend être la mère d’Alexis !”

En effet, une petite écriture arrondie ornait le dos jauni de la photo :

Wendell,

Je te présente ta fille. Alexis.
Si tu la voyais… Elle a ton regard.
Elle est magnifique.
Ne t’inquiète pas, je prendrai soin d’elle.

Lucy

Bluebell fixa un long moment cette écriture avant de retourner à nouveau la photo. Une moldue. Alexis serait la fille d’un sang-de-bourbe. Cette histoire n’avait aucun sens, et pourtant, alors qu’elle détaillait cette photo immobile, certaines choses lui semblèrent soudainement plus limpides. “Elisabeth la détestait. Elle ne l’a jamais supportée. Tu crois que c’est parce que… Une bâtarde ? Une sang-mêlée ?” Sic itur ad astra. C’était donc en tournant le dos à cette vie qu’il était parvenu à atteindre la richesse, la fortune et la prospérité d’aujourd’hui. Ce n’était pas qu’une question d’apparence ; c’était toute une souffrance à enterrer pour s’offrir ces ambitions actuelles. Etait-il réellement tombé amoureux de cette impure ? Bluebell détacha enfin son regard des photos pour observer le coffre incrusté de diamants. Oui, il en avait été fou amoureux pour cacher ce secret dans un aussi beau coffre-fort. Cet élan de sentimentalisme de la part d’un être aussi cartésien lui sembla exécrable. Comment une vulgaire moldue avait pu avoir raison de valeurs aussi nobles, chez un homme aussi droit ? La comparaison avec l'Enéide devenait obscène. Pensait-il être à la hauteur d’un Roi ayant tout quitté pour son peuple quand il s’était contenté de tourner le dos à la honte et à la vermine ? Wendell était infiniment plus faible qu’il ne le montrait. Elle le revit, lui et sa souffrance à l’enterrement d’Alexis. Pathétique. Cette garce avait eu le sort qu’elle aurait dû subir dès sa naissance. La mort n’avait fait que rattraper son retard. Bluebell afficha une moue de mépris avant de donner le reste des photos à son frère. Toute cette affection l’écoeurait profondément. “Alexis aurait dû rester avec sa pitoyable mère au lieu de profiter d’une vie de noblesse qu’elle ne méritait pas. Quelle ingrate… Quand je pense que nous avons partagé les mêmes faveurs qu’elle pendant toutes ces années.” Bluebell attrapa le coffret et se mit à jouer avec, détaillant avec attention chaque pierre. Rubis, diamants, saphirs. Une pièce merveilleuse qui renfermait pourtant du charbon. “Etait-elle seulement au courant de la pourriture qui courrait dans ses propres veines ? A-t-elle fui dans l’espoir de retrouver cette Lucy ?” La jeune fille esquissa un rictus malveillant, caressant du bout des doigts les pierres. “Elle a mérité sa mort, cette gueuse. Imagines-tu le scandale que cela aurait provoqué pour notre nom ? La fille aînée qui s’échappe pour retourner vivre avec les moldus… Même à six pieds sous terre, elle parvient encore à me répugner.” Bluebell fixait encore cette boîte, d’une manière un peu obsessive, comme si elle était incapable de se défaire de la vérité entre ses doigts. Elle était profondément dégoûtée de la tournure de leurs recherches. Il n’y avait rien sur eux ; et l’énigme si brillante ne renfermait qu’un secret insolent, le passé égoïste et irraisonné d’un homme pourtant estimé. Comme Wendell pouvait-il partager tous ces banquets, tous ces bals, alors qu’il avait agi en scélérat ? Il avait été jusqu’à accueillir le fruit de sa lâcheté sous son toit. Tous ces belles pierres ne payeraient jamais l’affront infligé à la noblesse de leur rang. Cette pensée lui arracha un un nouveau juron ; elle jeta alors la boîte un peu plus loin dans un mouvement d’impatience. “Nous avons perdu notre temps. Il n’y a rien à la hauteur de nos attentes. Seulement des souillures serties d’or” marmonna-t-elle dans un souffle de rage. Leur intelligence valait mieux que ce mauvaise blague. Leur sang méritait mieux que des photos d’une impure. Leur noblesse méritait une trouvaille de valeur. L'amertume avait un goût acide, et la colère parut particulièrement bouillonnante à Bluebell. Wendell se moquait d'eux. Leur superbe ne méritait pas cette pitoyable découverte ; où était leur vérité, où était leur passé ? Pourquoi est-ce que même enterrée, Alexis parvenait encore à subsister, là où de leur vivant, ils ne parvenaient à rien ? C'était détestable. Méprisable. Un scandale qui agita Bluebell au plus profond de son ego meurtri. Ils tournaient en rond dans un manège absurde. Une insulte ouverte à leur valeur propre. Une désillusion supplémentaire, particulièrement sanguinolente. Le soleil perçait toujours entre les rideaux, inondant cette fureur d'une lueur bien trop moqueuse. La déception était auréolée de joie. Même à distance, Wendell parvenait encore à se jouer d'eux. Il méritait de connaître les Enfers, à son tour.

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Depuis qu’il avait résolu cette fichue énigme, Maxton avait retrouvé sa nonchalance habituelle. Il avait désormais la preuve que Wendell était moins malin que lui, ce qu’il supposait déjà avant, mais qu’il tenait désormais pour acquis. Et rien ne lui faisait plus plaisir que de savoir ça. Déjà parce que c’était la personne qui l’avait élevé et que donc le dépasser n’était pas désagréable, mais aussi parce que depuis l’enterrement d’Alexis il se méfiait de lui. Si ses doutes devaient un jour être fondés, autant qu’il soit le plus intelligent des deux. Ca leur éviterait peut-être, à Blue et lui, de glisser par inadvertance dans un ravin … En tout cas, le contenu du coffret n’avait un intérêt que finalement assez secondaire à ses yeux. Ce qui l’avait animé, c’était le défi. Il haussa les épaules pour répondre d’une voix détachée à sa sœur

- Wendell est juste tellement imbu de sa personne qu’il s’imagine que personne ne va déchiffrer sa petite énigme.

Bluebell était tout l’inverse de lui. Son impatience l’avait reprise à la minute même où il lui avait tendu la clé. Maxton était presque étonné de voir à quel point elle prenait cette quête à cœur. Il savait qu’eux deux, c’était elle qui était la plus intéressée par leurs orgines, lui en avait pris son parti. Il se fichait dans une certaine mesure de qui étaient ses parents, comme tous les mystères, cela le rendant curieux, mais il n’avait pas besoin de cette information pour avancer dans la vie. Ca faisait bien longtemps que sa famille se résumait à Blue et que cela lui convenait à merveille. Quand elle saisit les trois photos avant de lui en tendre une avec un air dépité, il contempla l’image inanimée d’un œil critique. La jeune femme qui s’y trouvait n’était pas moche, mais ce n’était clairement pas leur mère. Elle manquait bien trop de prestance et ses yeux marrons étaient d’une banalité affligeante comparé au bleu océan de leurs prunelles.

- Définitivement pas. Regarde moi ce visage rond et cet air niais.

Il y avait néanmoins quelque chose dans ce visage qui lui était familier. Impossible de savoir quoi, mais une impression de déjà-vu l’étreignait quand il regardait la photo. Bizarre. Sur la deuxième photographie, la jeune fille avait désormais le ventre aussi rond que son visage lunaire, ce qui n’était pas peu dire. Maxton en conclut avec sévérité que ce visage candide était bien représentatif de la naïveté de la jeune fille et que celle-ci s’en était retrouvée enceinte. Certaine par un idiot qui l’avait bercée de belles paroles, sinon elle n’aurait pas posé seule sur ce cliché. Dommage que ces photos ne soient pas animées. Elles étaient déjà ennuyeuses à voir, alors en plus immobile … Si c’était ça le plus grand secret de cette pièce, Wendell avait un goût déplorable en matière de photographies, des tendances marquées à la mégalomanie, mais c’était ses seuls crimes. La stupéfaction de Blue lui fit relever la tête pour prendre la dernière photo et lire le mot qui s’y trouvait.

- Ca explique bien des choses.

Contrairement à elle, il ne manifesta pas une surprise particulière. Maintenant qu’elle lui disait, effectivement, il y avait des ressemblances entre le visage de cette femme et Alexis. Puis ça expliquait que Wendell garde ses affreuses images dans son bureau. Bref, c’était cohérent. Ce qui ne l’était pas, c’était que Wendell ait fricoté avec une moldue.

- Son sang justifierait ses failles, son caractère excessif …

Il soupira, ennuyé. Que de complications pour une vulgaire moldue. Effectivement, Elisabeth détestait Alexis, cette dernière ne s’était jamais sentie, à raison, totalement à sa place … Tout ça pour que Wendell assouvisse ses désirs et soit incapable de dissimuler les preuves de son aventure en laissant cette fille avoir un enfant. Pouvait-on imaginer plus incriminant qu’un être vivant ? Cette faiblesse de caractère ne lui ressemblait. Quoique, c’était peut-être lui qui le connaissait mal après. Peut-être que le vrai Wendell aimait se rouler dans les pierreries et le luxe pour oublier qu’il n’avait pas tant de raison que ça d’être fier de lui, finalement. Il continua à regarder les photos, avant de les reposer dans le coffret. Pragmatique, il fit remarquer à sa sœur

- Wendell ne pouvait pas la laisser grandir dans la nature et venir un jour lui rappeler ses erreurs. Regarde Casey Pumpkin. En faisant ça, il a étouffé le scandale. J’ai par contre bien de la peine pour Elisabeth.

Obligée de supporter ça et d’avoir cette sale gosse tous les jours sous les yeux pour lui rappeler son humiliation, c’était le meilleur moyen de devenir fou. Tandis que Blue pestait, Maxton lui restait aussi froid que pensif. Evidemment que ça le dégoûtait d’avoir été élevé avec cette vermine, mais dans sa colère Blue soulevait des éléments intéressants. Cela aurait un scandale si Alexis s’était enfuie pour retrouver sa mère. De quoi faire vriller une personne qui avait passé presque vingt ans à garder ce secret enterré. Mais vriller à quel point ? Il ramassa la boîte pour la remettre à sa place ainsi que la clé, avant de refixer la pierre. Hors de question que Wendell sache ce qu’ils avaient trouvé. S’adossant au bureau de ce dernier, il adressa un regard suffisamment sérieux à sa sœur pour que celle-ci cesse de déverser toute son indignation.

- Souillure sertie d’or, certes, perte de temps, je ne pense pas. Tu ne vois pas tout ce que ces informations impliquent ? Wendell est fou. Fou d’avoir cru pouvoir garder ce secret, fou d’en conserver des preuves … Jusqu’à quel point va sa folie ? Où est cette femme ? La seule dont on sait la localisation, Alexis, est en train de se décomposer dans le caveau familial suite à un stupide accident.

Il attrapa délicatement le poignet de sa sœur, pour être certain d’avoir toute son attention et lui souffla

- Wendell ne doit pas savoir que nous sommes au courant.

Il n’était que méfiance désormais. Ce qu’il avait vu dans ce bureau lui dépeignait un être très différent de ce qu’il avait imaginé, mais bien plus dangereux. Son goût pour la puissance, sa haute opinion de lui-même, ses noirs secrets, et son absence totale d’empathie l’ayant poussé à infliger Alexis à Elisabeth, tout était réuni pour que la moindre contrariété soit tout bonnement ingérable pour lui. Tellement ingérable qu’il en viendrait à ses solutions radicales. Il ne voulait pas, ne pouvait pas croire que la mort d’Alexis était liée à ça, mais il y avait trop de zones d’ombre pour qu’il laisse sa précieuse sœur allait vomir sa colère à Wendell. Il relâcha le bras de Blue pour continuer à observer la pièce

- Nous avons un premier secret. Cherchons les suivants.

1-2 : Maxton recommença à fouiller la pièce dans l’espoir de trouver quelque chose. Il s’attaqua cette fois aux différentes statuettes qui meublaient l’endroit, les manipulant pour vérifier si elles ne cachaient rien. Et coup de chance, l’une d’entre elles avait un double fond avec des documents.

3-4 : Entre colère et résignation, Blue s’assit dans la chaise du bureau de Wendell, ce qui lui permit de se rendre compte que soleil qui filtrait parmi les rideaux permettait de deviner un éclat doré inhabituel à l’autre bout de la pièce …

5-6 : Les jumeaux s’activèrent à retourner tous les bibelots, sans rien trouver de probant.
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'Le Hasard' : 3

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A la recherche d'un petit secret en famille

Un visage rond et niais, comme le décrivait si bien Maxton, avait pourtant eu raison de l’équilibre entier d’une famille stable et destinée à de grandes choses. Bluebelll n’en revenait pas de la lâcheté et de la faiblesse de Wendell, et encore moins de l’irrespect qu’il avait infligé à tous en supportant le poids d’une telle trahison dans sa propre demeure. Il avait peut-être évité un plus grand scandale encore en adoptant immédiatement cette bâtarde – mais le mieux à faire aurait simplement été d’éviter de se rapprocher physiquement d’un sang sali par de la vermine qui grouillait dans ce monde comme des rats. Ce n’était donc pas une légende : les sang-de-bourbes répendaient eux aussi la peste de leurs salles pattes. C’était toute leur famille qui était infestée de ce mal désormais ; mais fort heureusement, Alexis s’était condamnée elle-même du haut de sa putride existence. Elle n’était plus, et il ne restait qu’à espérer que le mal fiévreux qui rongeait Wendell finirait par se dissiper avec le temps. Son honneur ne serait jamais sauf, mais la valeur de leur famille pourrait peut-être, enfin, se relever. Elisabeth avait certainement dû supporter une telle réflexion toute sa vie, et il n’y avait en fin de compte rien de bien étonnant à la haine qu’elle déversait sur la sang-mêlée qu’elle devait garder sous son toit. « Elisabeth a été patiente, et elle mérite bien mieux son nom que Wendell », lâcha Bluebell dans un souffle de dégoût. Elle quitta le sol pour faire encore un tour de la pièce, qu’elle considéra avec mépris. Un antre parfaitement rangé et pourtant, plein de remords dégoulinant et d’un passé dramatique. Elle écouta son frère exposer sa réflexion, encore en ébullition d’avoir mené cette enquête pour rien, encore furieuse d’être dans un tel endroit sans réelle trouvaille, le regard se posant successivement sur différents recoins de ce coffre-fort. Le repère d’un fou mégalomane. « J’ignore jusqu’où sa déraison peut le conduire, mais je sais où me portera la mienne » trancha-t-elle en portant finalement son regard de glace sur celui de Maxton. Il était clair qu’après cette première frustration, Bluebell ne comptait pas abandonner : elle était trop envenimée par la déception pour laisser tomber leur plan maintenant. Comme revigorée par la colère, ce poison qu’elle ne connaissait que trop bien et qui avait au moins le mérite de lui valoir une détermination intransigeante, elle reprit, en détachant bien chaque syllabe pour marteler sa hargne : « Il n’en saura rien, ne t’en fais pas. De toute manière, ce n’est pas ce que nous sommes venus chercher. » Elle marqua une pause, dont elle profita pour se laisser tomber sur la chaise de leur père d’adoption. Confortable, elle était si large qu’elle donnait l’impression d’être un trône dans un environnement parfaitement cadré. Wendell voulait peut-être prendre des airs de souverain tourmenté aux secrets fallacieux ; mais maintenant que son mythe était déconstruit, Bluebell comprenait que les réels rois de cette dynastie, c’était bien eux. Les deux seuls capables de rehausser la souillure de ce nom. Il n’y avait en fin de compte rien d’étonnant à ce qu’Elisabeth se montre si clémente envers eux : c’était elle la réelle visionnaire des Sherwin, la seule capable de comprendre où se trouvait leur avenir.

Bluebell contempla ce bureau, un sourcil arqué en signe de dédain. S’il incombait à eux de régner sur cet empire, il leur fallait d’abord comprendre leurs racines. C’était finalement ce qu’enseignaient les tragédies : le futur s’inspire du passé. Nonchalamment installée dans ce siège trop large pour son corps, Bluebell avait ainsi des airs de princesse désabusée, comme jaugeant du regard un royaume en perdition. Il lui tardait de rehausser cet honneur avili ; mais pour l’heure, il leur fallait découvrir leur propre histoire. Dommage qu’il n’y ait pas, comme dans tous les drames grecs, un voyant capable de leur dicter leur avenir… Et pourtant, alors que la jeune fille réfléchissait à cette histoire, enorgueillie par la fureur de ces récentes découvertes, un rayon de soleil perça à nouveau à travers les rideaux derrière elle. Les nuages semblaient s’amuser à courir dans le ciel, et un nouveau venait de disparaître, laissant le soleil embraser l’espace autour d’eux. Une lueur dorée éclata alors dans un recoin de la pièce, captant le regard pensif de la jeune fille qui tourna son visage vers l’éclat. Wendell était mordu de mythologie, cela n’avait jamais été un secret et tout prenait sens ici ; et là où il avait finalement le plus réussi était dans précisément dans la transmission de ces intérêts... Et a fortiori, de ses secrets. La louve de Romulus et Rémus. Bluebell fronça les sourcils un instant, avant de quitter son trône, intriguée par la tournure des événements. « Maxton… Je crains que ma mémoire ne me fasse défaut. Enée a fondé l’Italie en y amenant son peuple… Mais la vraie splendeur de Rome, à qui la doit-on réellement ? » Elle s’était approchée de la statuette dorée, qu’elle considéra avec un intérêt palpable. « Romulus et Rémus, n’est-ce pas ? Les jumeaux abandonnés. Ce sont eux les vrais bâtisseurs des fondements de l’empire qui a ensuite dominé les terres explorées par Enée. » Bluebell sentit son cœur accélérer. La colère s’était dissipée ; ce qui l’animait, en cet instant, était une prise de conscience viscérale qui illumina son visage d’un rictus altier. « Aurais-je tort ? Ou bien mes restes de mythologie classique sont-ils encore vifs ? » demanda-t-elle d’un ton de défi en attrapant la statuette devant elle.

Un éclat de folie au moins aussi splendide que la lueur dorée irradiant de la statuette éclata dans le regard de Bluebell lorsque la sculpture sous ses doigts prit vie. En effet, les deux nourrissons se libérèrent de ses doigts pour grimper sur le dos de la louve que Bluebell déposa sur son étagère. L’animal d’or considéra Bluebell un instant avant de croiser le regard de Maxton. Elle sembla le toiser un instant, comme cherchant à mieux analyser les traits du visage du jeune homme qui était un peu plus éloigné de l’incroyable scénario, quand la statuette bondit au sol avant de se précipiter vers le tapis oriental qui couvrait le parquet poli. D’un geste de la mâchoire, l’animal attrapa le tissu entre ses crocs et releva ainsi le tapis dans un coin, laissant apparaître une planche moins brillante que les autres. Bluebell jeta un regard à son frère. Wendell était fou, malsain, vicié ; mais il avait au moins le mérite d’être terriblement astucieux. Prévoir un ensemble d'analogies entre sa vie et les mythes classique, en s'assurant que seul son entourage propre serait en mesure de déchiffrer ces comparaisons folles... La louve avait certainement subi un enchantement capable d'analyser le regard de ceux qu'elle observait. Non seulement Wendell était astucieux, mais également terriblement prudent. Un homme avec autant de secrets se devait d'être vigilent. Dommage qu'il ait dû se heurter à encore plus impétueux que lui.

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@Bluebell E. Sherwin

Le gryffondor se contenta d’acquiescer à la remarque de sa soeur. Elisabeth avait été patiente. Infiniment. C’était à se demander si elle-même ne cachait pas de noirs secrets pour tolérer à ce point ceux de son mari. Cela ne pouvait être une histoire d’aveuglement amoureux. C’était l’excuse d’une Carla Yaxley, guère plus.

Maxton était nettement moins agacé de leur découverte que Bluebell. Si sa soeur avait l’impression d’une perte de temps, lui n’aimait pas les mystères irrésolus. Avoir un début d’explication dans l’énigme Alexis avait donc un charme à ses yeux que la situation ne pouvait avoir auprès de sa jumelle. Evidemment, il pouvait comprendre qu’elle soit contrariée, il avait attendu un temps infini avant de pouvoir accéder à ce bureau pour en savoir plus sur leurs parents biologiques. Néanmoins, ils avaient sur la question deux approches très différentes. Bluebell tenait profondément à ces recherches, Maxton tenait profondément à Bluebell. Toute la subtilité était là, il se pliait à ses désirs sur le sujet plus qu’il n’était dominé par les siens. Son but dans son existence était somme toute le même depuis le commencement et restait assez simple : il devait faire en sorte qu’elle aille bien. Si cela passait par une quête effrénée à la recherche de leurs origines, cela lui convenait. Il n’y était pas indifférent, bien sûr qu’il ressentait de la curiosité. Mais cela ne lui était pas indispensable. Par contre, les informations qu’il venait d’obtenir sur Alexis l’étaient, parce qu’elles lui donnaient des indices sur Wendell qu’il n’aurait pas forcément soupçonnés.

Contrairement à sa soeur, il n’éprouvait que peu de respect pour leurs parents adoptifs. D’abord parce qu’ils avaient tout de même élevé un garçon comme Victor et que ce n’était pas réellement signe d’une grande réussite éducative, mais surtout parce qu’il ne leur avait jamais pardonné leur séparation enfants pour une colonie de vacances loin l’un de l’autre. Il avait trouvé cela aussi cruel que stupide, mais surtout, Blue en avait souffert mille fois plus que lui. Et quiconque la faisait souffrir ne figurait pas dans ses bonnes grâces. Bluebell avait su passer outre, lui faisait parfaitement semblant. En attendant, depuis ce jour là, il ressentait une forme de méfiance à leur égard, dont il ne se départissait jamais. Ce tableau dépeint, aucun vice de Wendell n’aurait dû le surprendre et pourtant, c’était le cas. Il le savait dominé par une forme de folie des grandeurs, intéressé et prompt à s’emporter, il ne l’avait jamais imaginé traître à son sang ou violent. Cependant, au fur et à mesure que le tableau se dessinait, Maxton devait admettre que cela aurait été cohérent avec le personnage. A force de vivre pour les apparences, sans doute avait-il fini par croire à son mensonge de sang pur parfait et dieu seul savait ce qui l’avait pu faire en étant confronté à la vérité. Peut-être rien. Peut-être n’importe quoi. Dans tous les cas, cela le rendait dangereux à ses yeux pour Blue. Wendell était comme une bête agonisante, si ses secrets étaient découverts, il n’aurait plus rien à perdre.

Blue lui avait concédé qu’elle ne dirait rien, mais il restait sceptique. Lui avait-elle dit pour lui faire plaisir ou parce qu’elle était arrivée aux mêmes conclusions que les siennes ? Et surtout, est-ce que son impulsivité la laisserait tenir sa parole ou l’emportement risquait-il de délier un jour sa langue ? Il la savait intelligente, il la connaissait également sanguine. Le doute restait permis. Maxton fixait un tableau dans un air songeur quand la voix de Bluebell l’interrompit dans ses réflexions. Il lui répondit sans réellement la regarder

- Enée s’est installé dans le Latium et a fondé la ville de Lavinium, mais effectivement, le mythe de la fondation de Rome est dû à la rivalité entre Romulus et Remus. Pourquoi ?

La voix de sa soeur prit de nouveaux accents, plus vifs et le garçon se tourna pour voir ce qui pouvait bien l’animer ainsi. Elle tenait dans les mains une statuette de Romulus et Remus enfants, protégés par la louve du mythe. Il sourit avec une forme de fierté devant l’intelligence de la jeune fille. Oui, rien ne semblait être une coïncidence dans cette maudite pièce. Soudain, la statue prit vie sous le regard interloqué des jumeaux. L’éclat doré de ses yeux soutint le bleu de ceux de Maxton après ceux de Blue, avant de bondir sur le tapis. Aussitôt, Maxton sortit sa baguette et la pointa vers la statue. Si cette chose devant se montrer menaçante, il se fichait profondément de l’interdiction de faire de la magie. Néanmoins, il l’abaissa en voyant qu’il ne s’agissait que d’une énième combine de Wendell. Le coup d’oeil que lui jeta sa soeur fut aussi éloquent que son silence. Si le génie confinait à la folie et inversement, leur père adoptif en était l’incarnation. Après avoir vu cela, il se demandait presque si le choix des Sherwin d’adopter des jumeaux n’était pas en partie dicté par les délires de Wendell. Il n’avait jamais supposé que cet acte était désintéressé, mais à quel point correspondaient-ils à des critères excessivement spécifiques.

Il se dirigea vers la latte du parquet qui se détachait des autres et sans le moindre ménagement fit glisser ses ongles dans l’interstice pour la relever. Tant pis s’il devait s’arracher un ongle au passage, le temps était leur ennemi. Heureusement pour lui, le bois vont assez facilement et il put ainsi dégager une sorte d’espace dans lequel se trouvait de nouvelles choses.

1 : Certificat de naissance des jumeaux
2 : Lettre récente d’un des parents des jumeaux
3 : Lettre ancienne d’un des parents des jumeaux
4 : Papier d’adoption
5 : Photos
6 : Preuve sur la mort d’Alexis

lumos maxima

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'Le Hasard' : 1

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A la recherche d'un petit secret en famille

”Je crois que Wendell nous a adoptés dans l’unique but d’assister à un déchirement entre nous. Je crois même qu’il a espéré nous voir s’entretuer pour préserver cette lignée maudite… Mais je crois surtout qu’il a commis la plus grosse erreur de sa vie” résuma finalement Bluebell à voix basse alors que son frère s’activait à détacher la latte de bois désignée par la statuette. C’était en fin de compte un esprit vif mais dangereusement démesuré qui agitait le cerveau de leur père adoptif. A force de s’enterrer sous les comparaisons élogieuses, il avait fini par oublier qu’il n’était qu’un sorcier là où les légendes narraient de véritables héros. Wendell n’était pas descendu des dieux, et il avait ainsi suivi sa folie des grandeurs à outrance. Avait-il souhaité que les jumeaux se déchirent, comme aux jeux de cirque, pour offrir au plus puissant la richesse familiale ? Tout sembla soudain plus clair pour Bluebell qui n’avait jamais su comprendre le raisonnement de leur patriarche. Cette histoire de camps d’été séparés n’avait été qu’un prétexte pour essayer de les séparer et finalement assister à une mise à mort fraternelle. Il n’avait certainement pas prévu que les jumeaux tissent un lien si fort, et avait ainsi été pris à son propre jeu. Sa descendance présentait le risque de la déchéance là où il avait espéré trouver un support infaillible.

Maxton retira la latte et une petite boîte poussiéreuse apparut entre deux toiles d’araignées. Cette bâtarde d’Alexis avait eu droit à un coffre serti de diamants. Eux méritaient une petite boîte tâchée. Bluebell eut une mimique incontrôlée empreinte de dédain, d’une colère profonde qui l’agita si viscéralement qu’elle s’accroupit à côté de son jumeau pour retenir les brûlures d’estomac qui la secouèrent. Elle attrapa des mains de son frère la boîte qu’elle ouvrit d’un geste brusque. Un parchemin jauni écrit à la main afficha ainsi sous son regard de glace leurs deux noms, leur date de naissance, Édimbourg. Un acte de naissance.

Acte de naissance des jumeaux Bluebell Moira Dowgleen et Maxton Roy Dowgleen, nés le 12/01/2011...

Bluebell fronça les sourcils, parcourant le texte qui lui sembla, paradoxalement, traiter d’inconnus plus que de leurs propres origines.

... de Blair Finella Dowgleen, née Melrose, et Angus Roy Dowgleen, résidant à proximité de la commune d'Aberlady.

Tremblant de plus en plus, la jeune fille réalisa qu’elle n’était plus capable de lire les lignes inscrites à l’encre noire. Elle reposa alors le papier et tenta de contrôler ses mains secouées de colère, d’incompréhension, de rage. Wendell était fou. Ces noms, étrangers. Elle posa son regard sur son frère, essaya d’articuler quelque chose, mais se ravisa. Désorientée, elle contempla la bibliothèque autour d’eux. Tout lui sembla brutalement inconnu, comme si tout l’environnement venait de se renverser pour ne lui insuffler qu’une profonde incertitude.

Elle avait toujours cherché ces noms, elle avait toujours voulu tomber sur ce document. Mais maintenant qu’elle l’avait parcouru, il lui sembla avoir touché à la boîte de Pandore. Un millier de maux l’assaillirent, à commencer par la prise de conscience que tout ceci était réel - qu’ils avaient une famille ailleurs, de vrais individus avec une vraie identité. Un nom. Dowgleen, à Aberlady. Un deuxième prénom. Moira. Roy. Pourquoi les Sherwin leur avaient-ils caché cette vérité qu’ils connaissaient ? Pourquoi avoir été jusqu’à écraser leur nom ? Pourquoi tapir ce document sous le plancher, là où d’autres secrets avaient eu droit à un coffre serti de pierres ? Bluebell n’avait jamais ressenti une haine aussi viscérale, aussi sauvage, aussi spontanée. Wendell était une ordure. Un homme sentimental, vulnérable, qui avait préféré une moldue à leur propre histoire. Qui leur avait menti, sur tout, depuis le début. Elisabeth était-elle au courant, elle aussi ? Ou était-elle également victime de ce scélérat ? Bluebell voulut reprendre le document, mais il lui sembla aussi brûlant qu’un feu ; et elle se ravisa avant de l’effleurer. Alors, comme sonnée par un tel choc, elle se redressa lentement, attrapa la louve au passage qu’elle caressa du bout des doigts, puis contourna le bureau pour aller observer par la fenêtre le parc familial. Les arbres étaient baignés de lumière alors que les nuages couraient au-dessus d’eux. La louve, sous ses doigts, s’était assise dans sa paume, considérant Bluebell d’un regard étrangement doux pour un animal de bronze. Les jumeaux s’étaient assoupis sur le dos de la bête. Roy. Moira. Ils auraient dû se détester, construire l’empire familial. Tout reposait sur leurs épaules - mais aujourd’hui, ils avaient emprunté un autre chemin. Ils avaient décidé de mener une autre guerre. Un combat acharné contre la fortune, contre ce passé obscur qu’ils avaient enfin remonté. Bluebell avait souvent considéré la lutte de leur vie comme une bataille pour leur survie. Elle n’avait jamais réalisé que ce n’était que le début, que l’entraînement pour un combat bien plus long. Une lutte pour leur nom, pour la vérité. Une lutte avec les ombres pour enfin trouver la lumière qu’on leur avait injustement ôtée. Une guerre sans merci, dont le final déterminerait leur avenir. Le futur… Bluebell n’y avait jamais songé, absorbée par l’incertitude de leur histoire. Un nuage vint cacher le soleil, et les arbres furent, l’espace d’un instant, plongés dans l’obscurité. “Je veux aller à Aberlady, Maxton” chuchota-t-elle finalement, brisant un long silence. “Je veux y aller, et le plus tôt possible.” Elle posa son regard sur la louve qui s’était allongée dans sa paume sous ses caresses. “Après tout, Rome ne s’est pas faite en un jour. Le plus tôt nous irons, le plus vite nous pourrons retrouver notre véritable empire.”

Les nuages s’éparpillèrent à nouveau et les peupliers, les saules et les acacias retrouvèrent l’éclat irisé du soleil de cette fin d’été. Bientôt, les feuilles tomberaient sous la sécheresse de l’automne - et bientôt, le cycle se reproduirait à la fin d’un rude hiver. Les jumeaux se reconstruiraient, eux aussi, cette fois-ci sur un sol fertile, où leur avenir pourrait se dessiner selon un arbre généalogique enfin complété. Bientôt, ils auraient droit eux aussi à cette vérité. Et toute vérité est bonne à entendre, aussi éloignée soit-elle de ce que l’on se figure...

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All secrets become dark

@Bluebell E. Sherwin

Aux mots de Bluebell, Maxton parut sincèrement interloqué, une émotion qui n’apparaissait que très rarement sur ses traits. L’idée que leur relation avec Blue puisse se détériorer au point qu’ils se déchirent avait quelque chose de tellement incongru, tellement absurde qu’il n’arrivait pas à envisager que cela ait pu traverser l’esprit de Wendell. Maxton avait à tel point construit sa vie, ses buts, sa manière d’être en fonction de sa sœur que se disputer avec elle n’avait rien d’envisageable. Ce n’était pas qu’une question de gémellité, cela leur donnait une relation particulière de base, mais c’était l’abandon de leurs parents qui l’avait invité à grandir ainsi. Son seul repère était sa sœur. Rien de surprenant qu’il ait choisi d’en faire un élément fondamental de son existence. C’était eux contre le monde entier, Wendell compris. Si leur père adoptif n’avait toujours pas intégré comment leur duo à Blue et lui fonctionnait, alors il était bel et bien fou.

La latte du parquet céda facilement, révélant une boîte poussiéreuse. Son premier réflexe fut de grimacer. Le coffret n’avait rien à voir avec celui contenant les secrets d’Alexis et cela l’agaça par avance. Si ce coffret avait trait à eux, il ne voyait pas pourquoi les pierreries étaient réservées au sang le plus impur de la fratrie Sherwin. Puis, cette réaction d’ego laissa plus à une expression plus prudente. L’orgueil était une chose, mais les secrets les plus sombres étaient rarement enfermés dans de l’or. Rien ne valait une boîte tachée et abandonnée aux araignées pour ne pas attirer l’attention. Et il n’aimait pas cela du tout. Blue avait eu le même réflexe de colère que le sien, mais manifestement, son agacement ne retombait pas, vu comme elle lui prit l’objet des mains, dans un geste brusque. Il la laissa cependant faire bien volontiers. Qu’elle calme son énervement pendant qu’il attisait sa propre méfiance. Cette boîte ne lui disait rien de bon.

Elle en sortit un parchemin jaunit qu’elle commença à lire avant que son visage ne perde son air princier pour une moue qu’il était bien incapable d’identifier. Choc, colère, surprise ? En tout cas, elle en tremblait. Voyant son trouble, il lui prit le papier des mains pour le lire à son tour. Déchiffrant rapidement ce qui mettait sa sœur dans cet état, il pâlit.

Les mots dansaient devant ses yeux, vides de sens. Il aurait aimé dire que cela ne lui faisait rien, ce n’était pas le cas. Il ressentait un mélange d’émotions qu’il aurait été bien en peine d’expliquer. Il y avait de la colère, indubitablement. Ce papier prouvait que leurs parents adoptifs leur avaient menti. Il connaissait parfaitement leurs origines, toute la question était de savoir pourquoi ils n’en avaient rien dit. Mais étonnamment, derrière cette rage, il y avait aussi une peur profonde et irrépressible. Il avait lutté longtemps pour arriver à une forme d’équilibre. Il avait fallu d’abord accepter que ses parents ne reviendraient pas, admettre qu’ils étaient morts ou qu’ils les avaient abandonnés, apprendre à évoluer dans une nouvelle famille …. Il avait réussi, parce qu’il était doué pour la survie et que cela avait été la seule manière de s’assurer un avenir en compagnie de Blue. Et il avait l’impression que cette découverte remettait tout en cause, qu’elle balayait tout sur son passage comme le vent détruit un château de sable. Ce bout de papier écartait d’un geste toute l’identité qu’il s’était forgé pour lui en imposer une autre. Maxton Roy Dowgleen. Au moins était-il né roi, même si ce n’était qu’un prénom, ce qui était une forme de consolation

- Dowgleen …

Il prononça le nom comme pour en tester la sonorité, avant de secouer brusquement la tête. Il n’aimait pas ce nom, il ne voulait pas de cet état civil. Il n’avait pas besoin de connaître ses origines, il n’en avait même pas envie. Il était un Sherwin, il venait d’une illustre famille et il n’avait besoin que de cela pour être heureux, avec Bluebell. Toutes ces informations laissaient trop de place au doute, aux zones d’ombre. Trop de dangers aussi, d’une certaine façon. Les secrets d’Alexis l’avaient menée à sa perte alors qu’ils étaient offerts aux yeux du monde dans un coffret synonyme d’opulence. A quel point leur secret les mettait dans une position encore plus délicate pour être caché ainsi ?

Tandis que Blue se relevait, il resta devant la cache où se trouvait le coffre, leur acte de naissance à la main. Il ne savait pas quoi en faire. S’il s’était écouté, il l’aurait brûlé. Puis la voix de sa sœur résonna enfin dans la pièce pour lui indiquait qu’elle voulait se rendre dans ce village perdu dont le nom lui échappait, le tout avec un ton qui ne souffrait aucune réplique. Pourtant, il aurait voulu lui dire de laisser tomber. Il avait un mauvais pressentiment. Mais elle n’aurait pas compris, elle avait cherché pendant tellement de temps que cela lui semblait bien trop égoïste de lui partager ses doutes.

- Alors nous irons.

Sa voix était enjôleuse alors qu’il prononçait ces mots à contrecoeur. Ils n’avaient besoin d’aller nulle part, besoin de personne tant qu’ils étaient ensemble. Mais autant lui n’en avait aucune envie, autant Blue l’exigeait. Parce qu’ils étaient jumeaux et parce qu’ils étaient assez fusionnels, la plupart des individus avait tendance à vouloir voir en eux des copies conformes, l’une fille, l’autre garçon. Ces gens là n’auraient pas pu se méprendre plus. Ils étaient des entités bien distinctes, leur caractère, leur manière de penser, leurs buts … Tout chez eux différait. Ils n’étaient pas semblables, mais complémentaires. Le revers de la médaille était qu’ils ne ressentaient pas les mêmes envies. L’un d’eux devait céder pour que l’autre obtienne ce qui lui était nécessaire. Dans ce cas, ce serait lui. Il pouvait museler ce sentiment désagréable qui lui nouait l’estomac, cette sensation d’inquiétude sourde qu’il n’arrivait pas à identifier pour que Blue achève sa quête.

- Qu’importe l’empire, nous en avons déjà un. La vérité sera suffisante.

Un bruit de porte le tira de ses pensées. Il jeta un coup d’œil entendu à Blue. Attrapant le document, il le rangea précipitamment dans le coffre, tout en lançant à sa sœur.

- Termine de tout remettre en place, je vais les occuper. Je te rejoins ensuite

Le choix d’y aller lui n’était pas un hasard. Il estimait sa sœur beaucoup trop en colère pour remplir cette mission sans éveiller le moindre soupçon. Il était capable de retenir leurs parents un temps certain, au moins assez pour qu’elle puisse rejoindre sa chambre en toute sécurité. Là, ils auraient un temps infini pour se mettre d’accord sur ce qu’ils voulaient faire. Maxton souhaitait juste à tout prix éviter que Wendell ne soit au courant de cette opération de perquisition dans son bureau. Il y avait bien trop de secrets entre eux désormais pour que toute vérité soit bonne à dire ou à entendre …

lumos maxima

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