[TERMINE] The ending story of a soldier

The ending story of a soldier
Blue & Maxton enterrent la hache de guerre @Maxton E. Sherwin

Il faisait chaud. Le soleil tapait relativement fort, arrosant le poids de juillet de rayons ultraviolets imposés par l'impétuosité d’un été particulièrement sec. Les vêtements noirs, quoiqu’amples, pesaient lourds comme une armure sur les épaules de Bluebell. Mais la jeune fille était perdue dans ses pensées, si détachée de la réalité qu’elle ne sentait ni le tissu sur son dos, ni les piqûres du soleil. A vrai dire, elle songeait avec ironie qu’elle n’avait ressenti de bons sentiments à l’égard d’Alexis qu’à deux reprises en ces douze dernières années de cohabitation. La première fois, c’était lorsqu’elle avait été chargée de lui apporter une lettre d’Elisabeth à Poudlard, concernant l’obligation d’épouser Kilian. Alexis avait eu l’air particulièrement épuisée, comme supportant d’avance le fardeau infligé par leurs parents d’épouser un homme qu’elle n’aimait pas. Bluebell avait ressenti une certaine forme d’empathie en son égard, car elle-même craignait de subir ce même sort. Prendre le nom d’un partenaire imposé avait quelque chose de particulièrement effrayant, comme si on s’enchaînait définitivement et que jamais plus on n’aurait pu courir sa vie. Alors Bluebell avait effectivement, par crainte de subir le même sort, par peur d’avoir le même regard fantomatique et désabusé, ressenti une pointe de compassion pour cette soeur imposée qui allait pourtant subir cette terrible sentence. La seconde fois qu’elle eût jamais partagé de l’empathie pour Alexis était bien cette journée brûlante où son cadavre était progressivement enseveli sous des monticules de terre.

Bluebell sentait en effet un étrange sentiment à la considération que, sous ce cercueil de chêne qui disparaissait petit à petit sous la terre, reposait le corps de son ennemie de toujours. Alexis n’avait jamais eu aucune place dans le coeur de la Serpentard ; et à bien y repenser, la demoiselle avait souhaité plus d’une fois sa mort. Il y avait néanmoins un fossé entre ces menaces lâchées au cours d’une énième dispute et cette cérémonie un peu maladroite, où aucun des invités ne pleurait. Un fossé au moins aussi profond que celui où reposait dorénavant Alexis. Il était bien singulier d’imaginer la dépouille de sa soeur, sous ses yeux, ainsi enterré à jamais. Oui, il y avait bien un fossé entre une insulte devenue habituelle, et la prise de conscience, un peu curieuse, que plus jamais Bluebell ne pourrait la menacer de quoi que ce soit. Elle n’avait peut-être jamais été son amie, néanmoins Bluebell lui avait toujours accordé une ténacité et une combativité qui faisait d’elle sa rivale, son adversaire, et non un simple pion de l'échiquier. Alors, comprendre que son ennemie de toujours, contre lequel on a lutté par tout temps, de tout âge, dont les fronts étaient aussi violents que récurrents, était mort, c’était finalement réaliser que la guerre était terminée. Et aussi apaisant soit cette prise de conscience, il y avait tout de même un vide, nouveau, insolite, mais bien ancré. La mort d’Alexis lui avait ainsi laissé ce petit espace creux, là où avant explosait une rancoeur mutuelle. Comme un éclat d’obus. Il n’en restait plus rien qu’une petite bosse contre laquelle elle butterait de temps en temps, aux souvenirs de leurs disputes éclatantes.

Le soleil dardait des rayons suffocants, dont la chaleur laissait glisser quelques gouttes de sueur qui furent bien les seules larmes perceptibles. Bluebell ne pleurait pas, se contentant d’observer la scène autour d’elle d’un air absent. Maxton était stoïque, si bien que même son bras, serré contre les doigts de la jeune fille, lui semblait de marbre. Elisabeth avait le regard fuyant, cherchant à tout prix un point sur lequel se raccrocher. Mais systématiquement, ses yeux rebondissaient ailleurs ; allant de son époux, aux jumeaux, à Victor, inlassablement, évitant avec un soin presque méticuleux l’imposante pierre tombale familiale devant eux, comme si cette vision était à bannir. Victor pour sa part affichait un air profondément affecté, mais l’absence de larmes indiquait combien il s’ancrait un peu plus dans ses rêves et son monde pour échapper à une réalité qui lui devait être un peu trop cruelle. Wendell avait en fin de compte l’attitude la plus étonnante. Il fixait ardemment la pierre tombale, sans ciller, les iris profondément ancrées sur cette terre qui recouvrait le cercueil de sa fille. Ses globes oculaires étaient injectés de sang, conférant à son regard une puissance menaçante pourtant inoffensive face à la mort. Il n’était pas fondamentalement malheureux, c’était évident. Néanmoins, quelque chose de grave émanait de ses traits tendus, comme se pliant sous la tragédie familiale qu’il allait falloir surmonter. Bluebell ne comprit qu’à ce moment-là le choix de ses parents d’avoir enterré Alexis à huis clos. Les grands sorciers de leurs rangs partageaient leurs joies, leurs réussites, leur gloire ; mais les drames et les coups du sort se devaient de rester de l’ordre de l’intime et du privé. On ne se présente jamais face à ses alliés avec des yeux aussi rouges, et un regard aussi fiévreux. On attend le lendemain, quand on a repris des forces, quand on resplendit, pour retourner au combat et faire front commun comme si tout allait pour le mieux et que la victoire était pavée de facilité.

Cette histoire était tout de même déconcertante. Bluebell savait qu’Alexis avait commis une erreur dès l’instant où elle avait décidé de quitter le foyer familial. Certes, elle était terrorisée à l’idée de se marier de force ; certes, la décision de leurs parents était discutable. Mais la fugue, la fuite, n’était pas la rébellion la plus intelligente. Fuir, c’était renoncer à tout, et à tous. Alexis s’était condamnée elle-même en partant, Bluebell en était convaincue. Néanmoins, mourir aussi bêtement, en glissant dans un fossé, avait quelque chose d’absurde. La fuite était lâche, mais elle ne doutait pas qu’Alexis avait mis toute sa véhémence et toute sa vigueur pour survivre tant bien que mal. Pourtant, elle était décédée d’une manière relativement stupide, interrompant ainsi le reste de sa vie qu’elle s’apprêtait à reconstruire. C’était finalement ce qui touchait le plus Bluebell alors que le fossé se remplissait. Ce n’était pas tant le décès en soi ; c’était la manière abrupte et idiote. La mort était inéluctable, et quoique prématurée, se tenait droite comme l’épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes à tous. Mais une mort aussi peu digne, aussi brutale, aussi facile, avait un goût amer. Ce n’était pas le grand fracas à chaque fois. Ca pouvait simplement être une chute malencontreuse dans un ravin. Bluebell se souvint de l’épouvantard qu’elle avait affronté quelques mois plus tôt ; elle n’avait pas affronté la mort, comme elle l’avait envisagée pendant longtemps. Elle avait simplement fait face à un cercueil. Il y avait, en fin de compte, cette notion de facilité acerbe. Maxton gisait simplement sous le cercueil, aussi bêtement qu’il aurait été assoupi. Cette pensée la ramena brutalement sur terre ; et la jeune fille tourna son visage vers son jumeau. Le soleil illuminait de plein fouet ses cheveux emplis de reflets d’or. Il n’avait pas la noirceur de sa chevelure ; tout en lui inspirait l’éclat, la clarté, la splendeur. Il ne pourrait jamais mourir aussi lamentablement ; un portrait aussi altier méritait une noblesse dans son dernier chapitre. Se consolant de cette pensée, la jeune fille fut surprise de constater que le cercueil avait définitivement été enterré. Déjà les Sherwin tournaient le dos à la sépulture, dans un mouvement las et pourtant fier, le dos droit. Bluebell et Maxton leur emboitèrent le pas, fermant la marche de ce cortège funéraire. “Crois-tu que notre famille s’en remettra ?” glissa-t-elle finalement dans un murmure alors qu’ils procédaient plus lentement que leurs parents et Victor. C’était en fin de compte la question la plus urgente. Les Sherwin ne méritaient pas une entâche à leur titre après ces derniers grands fracas. Elle savait qu’Elisabeth n’aurait eu aucun mal à étouffer pareille histoire ; mais quelque chose, dans le regard troublé de Wendell, laissait indiquer une brèche potentielle dans la fermeté de leurs positions.

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Dernière édition par Bluebell E. Sherwin le Lun 24 Aoû - 20:35, édité 1 fois

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Maxton observait le soleil avec regrets, se disant que cette journée aurait pu être bien plus agréable s’ils n’avaient pas tous été coincés dans ce fichu cimetière. Son costume noir lui tenait bien trop chaud, et il sentait le poids du regard de sa mère adoptive, cherchant sans doute sur son visage le moindre signe d’une affliction qu’il était loin de ressentir. Pour les apparences, il se composa un visage grave, quelque chose de suffisamment visible pour ne pas que sa froideur lui soit reprochée, et de suffisamment contenu pour ne pas être catégorisé comme adolescent un peu trop sensible. Mais la réalité était qu’il se fichait profondément de ce qui était en train de se jouer autour de lui.

Maxton détestait les enterrements. La seule différence avec le reste du monde était que si la plupart des gens les appréhendaient pour leur charge émotionnelle, lui n’y voyait d’une pure perte de temps. Quel intérêt de tous regarder un cercueil avec l’air malheureux ? Alexis mangeait les pissenlits par la racine et rien de ce simulacre de tristesse n’allait y changer quoi que ce soit. Même dans sa mort, sa sœur réussissait à l’agacer. Sa disparition avait fait perdre un temps précieux à ses parents adoptifs et leur avait valu le séjour en Norvège. Maintenant, elle continuait à vampiriser le temps de chacun des membres de cette famille avec cette fichue cérémonie à rallonge durant laquelle il devait faire semblant d’être triste. Comme s’il l’était. Il n’avait jamais eu la moindre relation fraternelle avec elle, tout au mieux une colocation polie. Si au moins elle avait voulu sincèrement faire partie de cette famille, alors tout cela aurait pris du sens, mais il n’était pas certain que ce soit le cas. Et il n’allait pas se torturer l’esprit avec cette question, puisqu’elle n’était clairement plus en état de lui répondre. C’était à peu sa philosophie habituelle, ne se concentrer que sur ce qu’il pouvait changer. Et il avait beau avoir une très haute opinion de lui-même, il fallait admettre que la ressusciter était hors de ses capacités.

Alors qu’il lui semblait que ce foutu cercueil ne serait jamais assez vite sous terre pour que leur existence puisse reprendre son cours, un léger mouvement sur sa droite lui fit tourner sa tête vers sa jumelle. Blue l’observait, ses grands yeux bleus posés sur lui, comme si elle cherchait quelque chose à entrevoir quelque chose. Il pencha légèrement son visage, dans une interrogation muette de ce qui lui valait ce regard songeur. Etait-elle plus affectée que lui par cette perte ? Peut-être. Il était en tout cas difficile de l’être moins. Égoïstement, seule la pression des doigts de sa sœur sur son bras lui importait. Mieux valait Alexis que Blue. Evidemment que c’était un constat horrible par sa froideur détachée, mais c’était à peu près sa seule opinion sur la question. Tant que Blue allait bien, on pouvait bien continuer à mettre en bière Victor, Wendell et Elizabeth, il n’en ressentirait qu’une forme de contrariété. C’était Blue et lui contre le reste du monde. Alors le reste du monde pouvait bien mourir.

La dernière pelletée de terre retomba enfin et ce fut fini. Enfin. Même dans sa mort Alexis avait réussi à être décevante. Sa fuite l’était. Chuter dans un ravin était franchement pathétique. Et indigne d’une sorcière de qualité. D’ailleurs qu’est-ce qu’ils allaient bien pouvoir écrire de digne sur sa plaque ? Ci-gît Alexis Sherwin, morte de ne pas avoir regardé où elle mettait les pieds ? Fauchée par un caillou trop glissant ? C’était minable. Et particulièrement inattendu de sa part.

Toute la famille commença à quitter cet endroit sinistre et Maxton leur emboîta le pas, sa sœur à son bras. Dieu merci, tout le monde s’était bien tenu, pas de crise de larmes. Même Victor était resté stoïque. Il avait redouté l’espace d’une seconde que son idiot leur fasse une oraison funèbre à la guitare, mais il s’était parfaitement comporté. Il y avait peut-être finalement une once de sang Sherwin dans ses veines.

Ce fut la voix de sa sœur qui le tira de ses pensées médisantes. Son premier réflexe faillit être de répondre que se remettre de la mort d’Alexis ne serait pas l’exploit de l’année non plus, puis il se ravisa pour une réponse plus constructive.

- Notre famille peut survivre à tout, Blue.

Il laissa son regard dériver vers Wendell et comprit un peu mieux ce que sa sœur voulait dire. Il y avait quelque chose de perturbant dans son comportement, mais que Maxton était bien en peine de qualifier. Une dissonance à peine perceptible, comme un arrière goût désagréable. Il contempla son père adoptif une seconde avant de reporter son regard sur sa jumelle, murmurant pour elle seule

- Wendell ?

Il n’avait pas forcément besoin d’en dire plus. Ils comprenaient autant leurs paroles que leurs silences. Elle aussi ressentait-elle ce léger contretemps, cette fausse note soigneusement dissimulée ? Sans doute. Peut-être était-ce de la tristesse cachée par pudeur de la part de Wendell. Cela aurait été légitime. Il soupira et ajouta

- Cette histoire de ravin doit le rendre fou. C’est une mort tellement … évitable.

Evitable, c’était assez politiquement correct pour dire stupide ?

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Bluebell avait comme ralenti le pas, de manière inconsciente, comme si elle suivait finalement plus le rythme de leur conversation que celui du cortège funèbre qui se dirigeait vers leur demeure. Effectivement, leurs considérations méritaient de prendre le temps, de s’y arrêter quelques secondes, au lieu de sauter directement aux conclusions les plus évidentes. Maxton avait compris à qui elle faisait inconsciemment référence ; de toute façon, y avait-il quoi que ce soit de sous-entendu qu’il ne comprenait pas dans leurs discours ? C’était comme passer à travers l’évidence même. “Oui, Wendell. Il a l’air profondément troublé”, admit-elle dans un souffle. Son regard se posa sur le dos droit de leur père adoptif. Elisabeth lui tenait fermement le bras, mais on aurait plutôt dit que c’était lui qui avait besoin d’elle pour ne pas chanceler, et non prise pour elle-même. Maxton avait raison, ça devait être terriblement cruel pour un père de perdre son enfant d’une manière aussi idiote. Eût combatti dignement jusqu’à expier son dernier souffle ; mais non, elle avait littéralement trébuché, comme cela arrive à tout le monde, mais pour elle, ce fut simplement la dernière fois. Cette pensée aurait détruit n’importe quel géniteur ; mais pas Wendell. Et c’était bien ce perturbait la jeune fille alors qu’elle le fixait par derrière, et qu’elle considérait sa démarche chancelante sous les airs fiers qu’il essayait d’adopter. Wendell n’avait pas d’amour, c’était une évidence. Ce que le liait à Elisabeth était une passion commune des ambitions et des grandeurs, des fastes et de l’arrogance. Ce qui le liait aux jumeaux, c’était l’espoir et de les voir grandir dans ses propres pas pour assurer une digne descendance à leur nom. Ce qui l’avait lié à Alexis, c’était un lien de filiation direct - mais aucun amour n’était possible de cet homme dont le coeur ressemblait davantage à une simple pompe à sang. Ce n’était pas un jugement de valeur, bien au contraire, Bluebell s’estimait chanceuse d’avoir été éduquée, parmi toutes les options envisageables sur cette planète, par un homme aussi réfléchi, ambitieux et intelligent. Elle n’avait jamais ressenti un quelconque déficit d’affection, puisque de toute manière, elle était loin de chercher une quelconque marque de douceur ou de tendresse.

Pourtant, une réelle affliction avait semblé agiter Wendell pendant cette cérémonie. Et si ce n’était pas une marque d’amour tourmentée à l’idée d’avoir perdu sa fille, ce qui était de toute évidence certain au vu des tensions qui l’avaient liées à Alexis, et si Elisabeth qui avait toujours ouvertement méprisé cette dernière semblait aussi attachée à soutenir Wendell dans cette étonnante épreuve, c’est que quelque chose de plus profond était ancrée sous cette image de parents dévastés. Bluebell ne s’en était pas aperçue, mais elle avait les sourcils froncés alors qu’elle observait ce couple devant elle. Oui, Wendell devait certainement se sentir fou ; mais pas fou de douleur. “Effectivement, c’était une mort bien sotte, et c’est probablement ce que tous penseront. N’est-ce pas ?” fit-elle alors d’un ton qui se voulait léger mais qui regorgeait de sous-entendus. Oui, tous envisageront une mort pathétique et évitable - tous, mais ils n’avaient jamais considéré faire partie d’un autre tous que tous deux. Bluebell tourna son visage vers son frère, et son regard appuyé manifestait tangiblement les considérations secrètes de ses propos. Ce n’était certainement pas le moment d’exprimer ouvertement quelques hypothèses farfelues et complotistes ; mais un moment de complicité gémellaire, aux yeux de tous, avait l’air d’une innocence au moins aussi sincère que le jeu d’acteur de Wendell.

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Maxton continua d’observer Wendell à la dérobée, désormais plus sensible à ce qu’essayait de lui dire sa soeur à demis mots. C’était amusant que ce soit elle qui l’ait remarqué en premier, habituellement, il était le plus observateur des deux, surtout parce que derrière sa nonchalance, il ne manquait jamais la moindre information, avant de s’en servir par la suite à son avantage. Mais là, perdu dans ses pensées, il n’y avait pas réellement prêté attention. Ou plutôt, il n’en avait pas tiré à première vue les mêmes conclusions que sa soeur.

Maxton ne croyait pas en beaucoup de choses, et encore moins dans certains sentiments. L’amour était une stupide invention romantique pour masquer une alliance entre deux intérêts privés. Par contre, il adhérait à la thèse de l’amour filial, aussi surprenant que cela puisse paraître. Il était persuadé que le sang créait des liens indéfectibles et que les parents portaient un amour réel et sincère à leurs enfants. C’était naïf très certainement, mais cela justifiait dans son raisonnement que leurs parents n’avaient jamais pu les abandonner volontairement. Ils avaient dû être empêchés de les rejoindre, mais jamais des parents n’auraient pu les laisser. Parce qu’ils les aimaient. Alors à ses yeux, le chagrin de Wendell s’expliquait assez aisément. Suffisamment pour qu’il ne cherche pas ce que cette attitude étonnamment expressive puisse cacher. Bluebell avait été meilleure que lui à ce jeu, elle avait repéré des contretemps à peine perceptibles, mais qui maintenant qu’il les scrutait lui sautaient aux yeux. C’était encore plus étonnant qu’elle l’ait remarqué que Bluebell n’avait jamais caché avoir un certain respect pour Wendell, en tout cas une émotion qui aurait pu hypothétiquement l’aveugler. Maxton était lui bien plus détaché de leurs parents adoptifs depuis le jour où ils avaient choisi de les séparer Blue et lui le temps d’un camp de vacances. L’épisode était lointain, certainement oublié pour eux, mais Maxton n’oubliait jamais rien. Sa rancoeur froide était le ciment de la carapace qu’il s’était forgé depuis des années. Chaque affront la consolidait un peu plus et le rendait plus inaccessible.

Calquant son pas sur celui de sa soeur, il ralentit pour laisser Elizabeth, Wendell et Victor prendre quelques mètres d’avance. S’il était capable de communiquer avec sa soeur en un minimum de mots, encore fallait-il qu’il puisse en exprimer quelques uns loin des oreilles indiscrètes.

- Troublé est le terme exact. C’est lui qui l’a trouvée, il doit être perturbé.

Il fit encore quelques pas, songeur, avant d’ajouter avec calme, comme s’ils étaient uniquement en train de discuter d’un tragique incident et non de soupçons complètement fous

- Sotte parce que le destin est cruel de l’avoir fauchée si jeune ou sotte parce que c’est une fin bien ironique pour une personne si pleine de vie ?

Il avait légèrement appuyé ces derniers mots, sachant qu’elle serait capable de les comprendre. Alexis avait des défauts, bien plus que de qualités, mais elle était accrochée à la vie autant qu’une mauvaise herbe pouvait l’être. Le scénario le plus probable n’était pas sa mort, mais qu’elle continue à troubler l’équilibre familial pendant des décennies. Au lieu de cela, le problème avait été réglé tellement vite que cela en était suspect.

Jetant un nouveau coup d’oeil à Wendell, il réfléchit à ce qu’il devait en conclure. Ce sentimentalisme exacerbé ne lui ressemblait pas. Est-ce qu’il fallait en conclure qu’il leur avait caché des informations sur la mort d’Alexis parce que la famille était ciblée et qu’il ne voulait pas les inquiéter, ou pire, parce qu’il en était responsable ? Son premier réflexe fut immédiatement de pencher pour la première option. Mais les sous entendus contenus dans la voix de Blue lui faisait dire que sa soeur était en faveur de la seconde. Dans tous les cas, ils devaient comprendre ce qu’il se passait. S’ils étaient menacés, d’une manière ou d’une autre, ils fallaient qu’ils soient au courant pour se défendre en conséquence.

Maxton s’arrêta et fit face à sa soeur. Il l’enlaça délicatement, dans un geste qui de l’extérieur aurait pu passer pour un signe de réconfort. Il n’en était rien, Bluebell n’avait pas besoin d’être consolée, pas plus que lui, mais cela lui permettait encore plus de discrétion. Penché ainsi vers elle, il put lui murmurer à l’oreille, dans un souffle

- Que soupçonnes-tu ?

C’était l’avantage de la confiance absolue qu’ils avaient l’un en l’autre. Même si le scénario semblait improbable aux yeux de Maxton, parce que c’était Blue, il était prêt à la croire sans émettre le moindre doute.

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Le soleil était radieux en cette journée de deuil. N’y avait-il pas plus ironique qu’un ciel éclatant lorsque l’on a l’esprit embrumé de la disparition brutale d’un proche ? Bluebell songeait à toute l’amertume que devaient partager Wendell et Elisabeth. Peut-être n’avaient-ils jamais aimé Alexis, ce qui était d’une probabilité évidente - mais dire adieu à leur fille en ces circonstances avait quelque chose de consternant. Plus que l’ironie de sa mort, Bluebell fut frappée par l’ironie de son enterrement. Pouvait-on souhaiter un meilleur temps à une fille pleine de vie ? Ou aurait-on dû attendre un ciel ombragé afin d’afficher un minimum de pudeur ? Il faisait terriblement chaud ; Bluebell transpirait sous sa longue robe dont le noir absorbait goulûment les rayons étouffants de l’astre au-dessus d’eux. Quitte à commettre pareille idiotie, n’aurait-elle pas pu mourir en hiver ? Au moins n’auraient-ils pas affronté ce long chemin comme une aventure au coeur du désert, et leurs songes auraient pu être plus réfléchis. A dire la vérité, de fait, Bluebell ne savait pas précisément quelles leçons tirer de cette étrange situation. Ce n’était pas dans ses habitudes d’élucider des mystères. Elle était plutôt du genre à simplement les torturer jusqu’à ce qu’ils s’avouent d’eux-mêmes. “Le destin n’est jamais cruel, si tu veux mon avis. Il a ses raisons, que l’on les accepte ou non… Alors autant se plier à sa volonté, au lieu de regretter la mort d’une soeur qui de toute évidence, a cherché les foudres de la fortune” conclut Bluebell dans un haussement d’épaules assez apathique. Oui, elle ressentait un sentiment bien étrange à l’idée de ne plus jamais pouvoir confronter Alexis. Mais ses considérations existentielles avaient pris fin dès qu’elle avait tourné le dos à la tombe. De toute évidence, si leur famille allait prendre du temps à se remettre d’un deuil pareil, il fallait bien que quelqu’un ici reprenne les rennes. Heureusement, encore une fois, les Sherwin pouvaient compter sur les jumeaux pour réhausser l’honneur… S’ils avaient dû compter sur Victor, il n’était pas sûr qu’ils aient encore une quelconque forme de dignité à défendre. “Mais je dois admettre que sa mort a quelque chose de bien ironique. Les dieux là-haut doivent bien s’amuser à invoquer quelques pitreries… Comme des chutes brutales dans un ravin” ajouta-t-elle sur un ton sardonique.

Mais il n’y avait pas que cela, bien évidemment. Outre la fantaisie de sa mort, Bluebell avait un pressentiment. Cela ne lui arrivait pas fréquemment - mais à force d’impulsivité et de réactions aussi sanguines qu’émotionnelles, elle était parvenue à plusieurs reprises à saisir les états d’âme qui se dégageaient de certaines scènes. Cette scène-là, particulièrement, dégageait quelque chose plus proche d’une tension que d’un chagrin quelconque. Elle fixait encore silencieusement Wendell lorsque Maxton l’attira dans ses bras. Il était très rare que son jumeau se montre aussi spontanément affectueux envers elle ; à moins qu’elle ne soit en larmes, ou qu’ils affrontent un terrible évènement, ce qui restait tout de même relativement exceptionnel même pour deux aventureux comme eux ; ils gardaient toujours une pudeur naturelle dont seuls les contacts entre leurs mains étaient exclus. Mais la jeune fille comprit presque aussitôt l’attention de son frère lorsque celui-ci prolongea l’étreinte sans pour autant la serrer plus que nécessaire. Elle ne fut guère étonnée lorsqu’il lui susurra sa question ; et elle fut au contraire ravie d’être ainsi enlacée, ce qui lui permit de cacher son sourire complice dans l’épaule de son jumeau. Qu’il était amusant de contrôler l’opinion d’autrui - qu’ils devaient sembler affligés et humains. Bluebell glissa finalement ses bras autour de la nuque de son frère, comme cherchant à le serrer un peu plus fort contre elle, sans pour autant y mettre le moindre effort. Il sentait bon le pin. “Je l’ignore encore précisément ; en revanche, je sais bien que jamais les dieux n’invoqueraient de telles fins pathétiques pour une personne aussi commune et bancale qu’Alexis. Les tragédies grecques sont réservées aux héros… Je dirais donc que notre tendre soeur ne peut être victime de pareil fracas par simple coup hasardeux du destin ; sauf si tu considères le destin comme quelque chose que l’on provoque” chuchota-t-elle finalement avant de se détacher lentement de son jumeau, qu’elle observa un instant d’un regard entendu. C’était le cerveau des deux ; celui qui raisonnait et parvenait à extraire les meilleures conclusions. Néanmoins, une chose était claire pour Bluebell : Wendell n’aurait jamais pris un air aussi affligé en perdant Alexis si celle-ci était réellement décédée d’une manière aussi stupide, surtout après pareille fugue. Il aurait fixé son cercueil en cas de remord et de regret devant une lutte sans pitié ; pas pour une chute malencontreuse. L’empathie n’était pas règle de leur famille - d’autant moins pour des circonstances aussi légères. Loin d’elle l’idée de l’accuser frontalement, néanmoins, il n’était pas exclu que certaines vérités leur soient cachées. Ils n’avaient pas grandi dans un environnement particulièrement sincère ou franc - seules comptaient les apparences. “Un accident est si vite arrivé de nos jours. Il faut réellement faire attention à l’endroit où l’on pose les pieds” ajouta-t-elle d’un ton entendu, en plongeant son regard dans celui de son frère. Oui, ses dires avaient l’air parfaitement communs ; mais Maxton ne pouvait que comprendre son invitation. Il était temps pour eux de faire ce qu’ils faisaient le mieux : investiguer et fouiller, tout en étant attentif au terrain où ils finiraient par s’aventurer. Il ne faudrait pas qu’ils tombent à leur tour, par hasard, dans un profond ravin.

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Dernière ironie pour la mort d’Alexis, il y avait un soleil de plomb. Comme si l’univers entier essayait de signaler que personne ne ressentait la moindre tristesse à la mort de l’adolescente. Peut-être qu’une autre personne que Maxton aurait trouvé ce constat assez triste. Lui se contentait de se dire qu’elle devait le savoir, elle avait fugué depuis des mois et, à sa connaissance, elle n’avait donné de nouvelle à personne, peut-être justement parce qu’elle n’avait personne à qui écrire. Tandis que leurs vêtements noirs absorbaient toute la chaleur, rendant cette journée encore plus suffocante que ce qu’elle était déjà, il continua d’avancer avec sa sœur, avec une lenteur qui pouvait passer pour une forme de gravité mêlée de pudeur. Les apparences étaient sauves et c’était certainement tout ce qui allait compter dans les jours à venir. Un décès ébranlait une famille et il n’allait pas falloir attendre bien longtemps avant que des vautours d’autres grandes lignées viennent vérifier s’ils étaient ou non à l’agonie. Au moindre signe de faiblesse, ils n’hésiteraient pas à les écraser. Tous ces sangs purs bien élevés étaient en réalité des charognards, il le savait.

Aux propos de sa sœur vers elle, il inclina légèrement la tête pour lui laisser entrevoir l’expression de pur dédain qui s’affichait sur ses traits et il lui murmura

- Qui a parlé de regrets ?

Après ces paroles qui indiquaient sans complexe l’étendue de sa froideur et du peu de cas qu’il faisait de la mort d’Alexis, il se recomposa un visage sombre de circonstances. Seule Bluebell avait accès à ses pensées, aussi détestables soient-elles. Il savait qu’il avait son soutien indéfectible, peu importe ce qu’il faisait. Néanmoins, elle confirma à demi-mots l’ironie qu’elle voyait dans la situation, confirmant implicitement ce que Maxton essayait de lui faire dire. Elle trouvait la situation bizarre.

Sur le moment, sa seule idée pour pouvoir parler avec elle plus discrètement avait été de l’enlacer délicatement. Le geste n’était pas surprenant au regard des circonstances, il était plus inattendu entre eux. Leur relation était fusionnelle par bien des aspects, ils se comprenaient d’un regard, n’avaient confiance qu’en l’autre, mais ils étaient finalement assez peu tactiles. Ni l’un ni l’autre n’était affectueux de nature et ils réservaient leurs rares effusions d’affection pour des moments exceptionnels. Ce que n’était clairement pas l’enterrement de leur soeur. Comme il l’avait supposé, Bluebell comprit son geste en une fraction de seconde et se prêta au jeu de bonne grâce, offrant son plus beau numéro d’actrice aux curieux qui se seraient amusés à les fixer. Avec son joli visage en forme de coeur et sa beauté délicate, nul ne l’aurait soupçonnée de murmurer de sombres paroles à Maxton. Et pourtant, leur brève étreinte leur permit d’échanger bien plus d’informations en l’espace d’un instant que de longues minutes d’une discussion à mots couverts. Elle se détacha de lui gracieusement tandis qu’il l’observait silencieusement, les traits brusquement marqués. Ce n’était pas la perte d’Alexis qui le contrariait, mais ce que Bluebell venait de partager. Si elle voyait là un mystère à résoudre, lui ne voyait qu’un danger supplémentaire qui risquait de la menacer. Si une personne s’amusait à provoquer des accidents malheureux, il n’avait qu’une crainte qu’elle en soit également victime. Ils devaient donc absolument comprendre ce qui se tramait pour savoir s’ils devaient ou non s’inquiéter à l’avenir.

- Heureusement que si l’un de nous deux trébuche, l’autre sera là pour le rattraper.

Le sous-entendu était presque trop évident pour être subtil. Il veillait sur elle et personne ne pourrait le forcer la concernant sans lui passer d’abord sur le corps. Et il savait parfaitement qu’elle en ferait de même pour lui. Tant qu’ils n’en sauraient pas plus, la nouvelle consigne implicite était qu’ils veilleraient l’une sur l’autre. De toute façon, elle était la seule dans laquelle il avait une confiance aveugle.

Reprenant le bras de sa soeur, ils se remirent en route calmement. Maxton fixa à nouveau Wendell, avant de murmurer

- Je dois admettre que je me suis trompé précédemment. La famille que nous formons toi et moi s’en remettra. La famille Sherwin, je suis plus mesuré. Il serait bon de savoir quels sont les dieux que nous avons offensés et si leur colère doit continuer de s’abattre sur nous.

Il lui rendit son sourire de connivence. Le message était clair, ces vacances seraient placées pour elle comme pour lui sous le signe des secrets à découvrir. D’abord leurs parents,maintenant Alexis. A croire que tout risque d’ennui estival leur était définitivement interdit.

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The ending story of a soldier
Blue & Maxton enterrent la hache de guerre

C’était une journée quasi caniculaire que leur sœur avait choisi de leur faire supporter de sa nouvelle demeure céleste. Qu’elle devait sourire de les voir tous ainsi apprêtés là où ils n’avaient jamais daigné lui accorder de réel intérêt de son vivant. C’était sûrement la raison pour laquelle elle s’était vengée ; envoyer de tels rayons brûlants, quand on porte une longue robe noire, était une peine qui battait sans difficulté la peine de sa disparition. Une dernière insulte, probablement, comme pour signifier qu’elle avait au moins eu l’occasion de terminer en splendeur. Mais maintenant que les adieux avaient été faits, maintenant qu’il leur faudrait s'accommoder d’une chambre condamnée, maintenants qu’ils devraient supporter les questions et les condoléances d’individus qui dans le fond s’en fichaient complètement, Bluebell se posa la question de savoir si l’hiver qui les attendait serait plus froid. Elle savait bien évidemment que Maxton ne ressentirait jamais la mort de leur aînée ; sa remarque, plutôt glaciale, lui fit comprendre qu’en effet, le vide laissé ne serait pas particulièrement difficile à supporter. Bluebell esquissa un rictus mauvais face à l’indifférence de son jumeau. Non, personne n’avait parlé de regrets ; ou tout du moins, lui, n’en parlerait jamais. Il était né ainsi, avec la force d’un homme en devenir qui ne craindrait jamais rien. Ils pouvaient tous fuir ; ils pouvaient tous mourir ; ils pouvaient même tous agoniser, Maxton n’aurait jamais eu une once de tristesse. Il s’était forgé un caractère de souverain, un Roi impitoyable, qui savait raisonner de manière cartésienne, ce qui lui faisait entrevoir la vie selon un ordre inébranlable et méthodique. La naissance, la vie, la mort ; et il n’y avait rien à en penser, rien à en sentir. Bluebell l’enviait, lui et sa rigueur morale ; il savait être droit là où elle se sentait plier sous le poids de ses émotions. Il disposait d’une fermeté aristocratique. Alexis ne lui manquerait jamais, c’était une évidence ; mais la vue de sa tombe ensevelie de terre lui avait tout de même fait prendre conscience de la perte de cette ennemie de toujours. Loin de la regretter, elle avait tout de même ressenti une pitié à l’idée de perdre une bataille d’une manière aussi lamentable. Après des années de lutte, la fin d’un ennemi est toujours un peu spéciale.

La vraie question était donc de savoir si pour les Sherwin, et notamment pour Wendell, qui semblait si chancelant, si bouleversé, l’hiver prochain serait aussi arctique que cette journée était suffocante. La douleur cuisante de perdre un enfant laisserait-elle place à un chagrin glacial, pesant sur leur nom comme un voile stérile qui annéantirait toute opportunité de gloire ? Le regard perdu sur les épaules de leur père d’adoption, Bluebell accueillit les propos de son frère avec un sourire pensif. Voile ou non, eux deux formaient une entité à part entière, et elle n’avait pas à s’inquiéter de pâtir de quoi que ce soit. Ils étaient prêts à avancer ensemble, quoiqu’il en soit, où qu’ils évoluent. Ils avaient une force à part entière, une puissance trop fertile pour subir les retombées d’une famille désolée. "Nous sommes de toute façon trop adroits pour trébucher"répondit-elle évasivement non sans esquisser un rictus mauvais. Ils étaient trop autonomes, trop débrouillards, trop infaillibles pour tomber aussi bas ; ou pour se faire ainsi rattraper par le destin. Que les dieux se démènent ; il leur faudrait bien de la persévérance pour renverser leur royal duo.

Bluebell fut dans un sens contente d’entendre la distinction effectuée par son frère. En effet, parler de famille entre eux n’avait jamais eu de sens, dans la mesure où les Sherwin leur avaient conféré une éducation et un nom ; là où elle attribuait à la définition familiale des valeurs sanguines, héréditaires, innées. La jeune fille était bien sûr reconnaissante à cette famille de substitution de lui avoir transmis des valeurs semblables, ainsi qu’une noblesse nominale. Mais la reconnaissance n’était pas l’amour d’une mère et d’un père. Alors, elle avait toujours considéré que sa seule réelle famille était Maxton ; et leurs parents, dans la mesure où ceux-ci finiraient par les retrouver ; en attendant, elle se démenait à essayer de les retrouver en premier. “Je ne crains pas la colère des dieux, Maxton. Nous l’avons déjà subie, et je suis tentée de croire que nous avons purgé une peine suffisante. Qu’elle s’attaque aux Sherwin ; pour nous, il est temps de retourner jouer avec le destin. Et je compte bien m’amuser avec la fortune tant que les autres n’en sont plus capables”, fit-elle alors avant d’ancrer son regard dans les yeux de son jumeau. Il était temps pour eux de bouleverser les choses ; ils avaient déjà attendu bien trop longtemps. Bien des mystères s’étaient entremêlés ces dernières années, et l’urgence de les résoudre s’était enfin cristallisée dans une opportunité évidente. La blessure infligée à leurs parents adoptifs leur laissait un champ d’action comme ils n’en avaient jamais eu ; la vulnérabilité était le meilleur moyen d’entrevoir la vérité. Bluebell serra un peu plus le bras de son frère alors qu’ils approchaient de leur demeure. Bientôt, le repas de circonstances avec leurs aïeuls adoptifs, les regards navrés, les mots pesés. Et, après ce bal d’apparence, viendrait enfin leur danse à eux, celle pour laquelle ils s’étaient toujours préparés, une valse finale où le passé éclaterait sous le martèlement de leurs pas.

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BORDERLINE

Are you too terrified to try your best? Better ascend into the sky, dangerously fine and unforgiven, relentless, zealous: inspired by the fear of being average.

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