Le soleil est en déclin, caché quelque part. Les nuages assombrissent le ciel. La journée se termine calmement. Capuchon sur la tête pour se protéger de la pluie fine qui tombe, Jane observe les masses cotonneuses qui parsèment le ciel en attendant qu’il arrive. Elle a une boule énorme dans le ventre, grande stressée de la vie qu’elle est. Intérieurement, elle se demande bien pourquoi elle s’est laissée convaincre de venir. Ca n’a aucun sens de faire ça. Ca ne lui ressemble pas, pas du tout. Mais elle se refuse à être une ignorante aux côtés de celui qui, sans aucun doute, a déjà une expérience certaine sur ce terrain. Alors elle attend. Pour se calmer, elle inspire longuement, puis expire. Peut-être qu’il voudrait mieux rentrer pour se mettre à l’abri ? C’est un temps à attraper une pneumonie facilement. Ou alors ce n’est qu’une excuse pour tenter d’échapper à une situation qui la place dans un malaise profond. Elle a horreur des tête à tête. C’est une torture sans nom pour la jeune infirmière fraichement diplômée, une situation de plus qui la met mal à l’aise. Il n’y a qu’avec une poignée de personnes qu’elle ne rougit pas, n’est pas maladroite ou qu’elle ne chiffonne pas son tablier. Affreuse manie d’ailleurs, qui ferait dresser les poils de sa grand-mère sans l’ombre d’un doute.

Comment était-ce arrivé, déjà ? Comment en était-elle arrivée à cette situation ? Elle ne l’avait vu que quelques fois, à l’infirmerie. Ils n’étaient pas vraiment amis. Mais il s’était intéressé à elle. Lui avait posé des questions sur elle, parfois des questions qui l’avaient laissée stupéfaite, les yeux agrandis, la bouche ouverte en O, lâchant parfois ce qu’elle avait entre les mains tellement la question était aussi inattendue qu’indiscrète. Et privée. Surtout privée. La blonde avait bien sûr piqué un fard et bégayer durant de nombreuses secondes, évitant de croiser les yeux du brun assis sur un des lits de son lieu de travail. Comment pouvait-on avoir assez de culot pour demander ça à une adulte ? Franchement. Jane n’aurait jamais osé poser cette question à un inconnu plus âgé qu’elle. Et pourtant, rien n’avait semblé le gêner dans ce qu’il avait demandé.

« Aloooooors, ça crush sur le bibliothécaire ou quoi ? » Voilà ce qu’il lui avait dit, de but en blanc, sans que ça n’ait quoi que ce soit à voir avec ce dont Jane était en train de discuter avec lui. S’en était suivi un nombre incalculable de rougissements, de balbutiements. Elle en avait même renversé le plateau repas qu’elle lui avait servi et son plateau de matériel d’infirmière en voulant rattraper sa faute. Sa voix était partie dans les aigus sans qu’elle ne puisse expliquer pourquoi. A grands renforts de « Pardon... ? Comment… ? Euh… Mais… », elle avait tenté de répondre sans grand succès. Que pouvait-elle dire ? La question était trop inattendues pour qu’elle ne lui dise que c’était parfaitement inapproprié de demander ça à une adulte. Pourquoi n’avait-elle pas chercher à démentir ? Elle n’en savait rien. Peut-être que c’était vrai. Mais il avait de l’expérience, pas elle. Il était parfait, pas elle. Il savait toujours quoi dire, quoi faire, pas elle. Ah. C’était compliqué les relations.

Alors elle était là. Sous la pluie. Dans son imperméable kaki par-dessus une salopette en jeans et un t-shirt. Une bien drôle de tenue qui ne lui ressemblait absolument pas et qui n’avait rien à voir avec son style habituel. Elle était toujours en robe, les cheveux blonds parfaitement coiffés en chignon, son tablier par-dessus sa robe. Pour une raison évidente pour elle-même, elle s’était, pour ce soir, jeté un coup de baguette discrètement sur les cheveux afin qu’ils soient bruns. Elle n’avait pas envie d’être reconnue, ni épiée. Elle était déjà tellement mal à l’aise d’être ici en sachant ce qu’elle allait apprendre, rien que d’y penser, elle angoissait intérieurement. Alors pas besoin que l’on se pose des questions sur ce qu’il pouvait bien se passer ici. Elle s’était volontairement mise à l’autre bout du jardin, avait vérifié qu’il n’y avait personne de trop proche et comptait bien sur l’illusion de son physique pour passer pour quelqu’un d’autre. De toute façon, avec le ciel assombrit et le capuchon sur la tête, il y avait peu de chance pour que cela n’arrive. Comment pourrait-elle expliquer ce qu’il se passait entre Caleb et elle ? Impossible. Trop de gêne et de honte.

Pas le temps de s’étendre plus sur le sujet, parce qu’il était là. Fidèle au rendez-vous, il s’était approché sans qu’elle ne l’entende, trop occupée à se ronger les sangs sur cette soirée. Elle ignorait ce qui allait bien pouvoir se passer et la panique la gagnait au fur et à mesure. Était-elle pâle ? En tout cas, elle gardait résolument les mains dans ses poches et son regard était fuyant.


« Euh… Bonjour… Bonsoir…Hum… » avait-elle dit timidement, gênée.


Qu’était-elle censée lui dire ? Alors gros, va s’y comment fait-on un rencard parfait ? Non, hors de question, elle ne parlait pas comme ça, c’était vulgaire et grossier.


« Alors…. Eum… Que va-t-on faire… ? »


Elle osa enfin lever les yeux franchement vers lui, l’observant. Les rendez-vous que Jane connaissait, elle les avait lu dans des livres bien trop romantiques pour que cela soit réaliste. Alors elle comptait quand même un peu sur le Serpentard pour l’aiguiller dans ce nouvel apprentissage.

Idiot. C’était parfaitement idiot d’être ici. Aussi idiot que d’avoir accepté la proposition d’un élève. Qu’est-ce qu’il pouvait bien savoir des rendez-vous amoureux après tout ? Enfin, pas amoureux. Elle n’était pas amoureuse de Wes. Elle l’aimait bien, elle aimait bien sa compagnie. Ils dinaient ensemble presque quotidiennement lorsque cela était possible et elle partageait avec lui tout ce qu’il pouvait bien se passer dans sa vie, la moindre chose, information, le moindre partage. Il était comme un meilleur ami. Un meilleur ami devant qui elle ne pouvait pas s’empêcher de rougir. Mais ça n’avait rien d’étonnant, elle rougissait beaucoup de manière générale, ce n’était donc pas un fait si notable que ça. Pourtant, lorsque Caleb l’avait interrogée au sujet d’elle et Wes, ça avait un peu chamboulé son monde. Elle n’avait jamais examiné la question sous cet angle, n’avait pas voulu voir plus loin que le bout de son nez, ce qui semblait pourtant évident pour d’autres. Siwan avait bien tenté d’avoir quelques potins sur eux deux, lorsqu’il y avait eu la soirée entre membres du personnel aux Trois Balais, mais il n’y avait rien eu de particulier à dire, ils avaient juste partagés quelques danses ensemble et il l’avait raccompagnée jusqu’à sa porte. Amélia, sa colocataire de chambre pour le voyage scolaire s’était aussi posée des questions, mais Jane avait vite changé de sujet, bien trop gênée. L’infirmière ignorait ce qu’il en était du côté de Wes et elle était bien trop timide pour oser lui parler de ça de toute façon. C’était le flou.

Comment un simple étudiant avait-il pu tout chambouler d’une seule question impolie et impromptue ? C’était fichu maintenant. Elle ne pouvait plus ne pas y penser, ne pas se poser la question, les questions, ne pas s’imaginer des choses. La jeune demoiselle était troublée par la situation autant qu’elle en était stressée. Elle ne pouvait s’empêcher de le répéter mais ça ne lui ressemblait pas et elle avait un peu honte de devoir demander de l’aide en la matière. Mais elle apprenait vite, il suffisait qu’il lui donne tous les apprentissages théoriques et elle les apprendrait par cœur, pas besoin de plus. Elle avait dans la poche de son imperméable un bloc-notes avec une plume, prête à la dégainer lorsqu’il faudrait noter toutes les choses auxquelles il faudrait qu’elle fasse attention, les choses à faire, ou à éviter.

Si Caleb fut surpris en arrivant par la tenue et l’apparence de Jane, elle n’en vit rien, trop plongée dans ses pensées pour voir qu’il était déjà là, que c’était déjà l’heure. Son cœur battait vite, trop vite. A croire qu’elle était déjà à un rencard. Drôle d’idée, elle ne ferait jamais ça avec un élève ! En plus, elle avait bien d’autres préoccupations. Lorsque Jane l’avait remarqué devant elle, elle n’avait pas pu s’empêcher de bégayer un bonjour, bonsoir, le regard fuyant. Ils n’avaient même pas encore commencé quoi que ce soit qu’elle perdait déjà tous ses moyens. Le Serpentard quant à lui avait son sourire habituel, lui faisant même un compliment au passage sur la couleur qu’elle avait choisie. Bon, c’était déjà ça. Jane se mordit un peu la lèvre avant de lui demander le programme de la soirée. Elle ne savait pas exactement à quoi s’attendre et le fait de ne pas être maitre de la situation ne l’aidait pas à être détendue.

Caleb lui fit un clin d’œil, sans doute cette situation l’amusait-il beaucoup, ou peut-être dans sa façon d’être, un peu je-m’en-foutiste. Les joues de l’infirmière rougirent un peu. Elle le regardait mais elle n’osait toujours pas sortir ses mains de ses poches de peur de ne pas savoir quoi en faire. Lorsqu’il s’approcha d’elle, Jane fut surprise et par réflexe, elle avait reculé d’un pas avant de comprendre qu’il ne comptait pas la toucher mais simplement l’abriter sous un parapluie. Oh ! C’était juste ça ! Décidément, elle était vraiment trop stressée. Le compliment la fit rougir un peu plus franchement, autant que l’attention. Si elle avait eu plus d’expérience et moins de naïveté en la matière, elle aurait pu croire qu’il flirtait avec elle, la galanterie, les compliments, le petit sourire aux lèvres, le rapprochement… Ca aurait pu être évident. Mais les choses étaient ce qu’elles étaient, Jane, tout en innocence et naïveté n’y vu là que de la galanterie, une attention charmante et un nouvel apprentissage bien sûr. Elle regarda un instant le jeune homme plus grand qu’elle sans savoir quoi dire avant de se rappeler qu’elle était là pour apprendre et qu’il lui fallait prendre des notes. Alors, dans un geste un peu maladroit, elle avait tenté de sortir son calepin et sa plume. Ses doigts tremblants n’aidèrent pas beaucoup et il lui fallu un peu de temps pour tout sortir de ses poches, ses mains y compris.


« Donc… Est-ce que c’est à moi de ne pas le laisser sous la pluie ? » Elle fit une pause, réfléchissant une seconde. « N’est-ce pas au garçon à s’occuper de ça ? Je ne comprend pas bien ce que je dois retenir de tout ça. Est-ce que je dois apporter un parapluie s’il pleut ce jour-là ? Un Impervius pourrait suffire.. »


Ca y est, c’était la première leçon et elle était déjà perdue. D’une petite voix, elle osa un regard vers le jeune homme.


« Je suis un peu gênée de la proximité. Par ta proximité. » lui avoua-t-elle en essayant d’être à la fois honnête et non blessante.


C’est qu’elle ne voulait pas heurter sa sensibilité. Alors, stressée de n’avoir pas formuler sa phrase correctement, elle reprit tout aussi vite.


« Enfin je veux dire, ce n’est pas toi, bien sûr. C’est la proximité… Enfin, je veux dire… C’est troublant d’être si proche d’une personne… Ca n’a rien à voir avec toi spécialement, toi tu es très bien… »


Alerte enfoncement. Alerte enfoncement. Etait-il possible d'être plus rouge que ce qu'elle n'était en ce moment ?

Grosse panique. Que voilà qu’ils n’en étaient qu’à la première leçon que Jane avait en tête des tonnes de questions qu’elle ne put s’empêcher de poser. Il fallait que toutes les options soient vues et expliquées, justifiées même. Il fallait que ce soit clair, net et précis dans l’esprit de la jeune femme. Elle n’avait jamais fait ça et elle n’avait aucune envie que ça tourne au désastre parce qu’elle ne se serait pas assez préparée en amont. Elle voulait pouvoir gérer la situation, savoir quoi faire sans perdre ses moyens inutilement. Ce devait être un moment spécial, un premier rendez-vous, alors elle voulait être prête. De plus, le sujet était intéressant, bien que complexe. Et Caleb ne serait pas là pour l’aider le jour-J, bien qu’il n’y avait encore rien de prévu, Wes n’y avait fait mention qu’une fois, d’un rendez-vous, et c’était probablement de l’humour. Sans doute, même. Mais au cas où l’invitation était sérieuse, les vacances seraient le moment idéal… Bien que Jane n’en savait rien, ce serait son premier.

Toute à ses affaires, Jane n’avait pas entendu le premier appel du jeune homme à son encontre. Le second, par contre, la surprit. Elle avait déjà griffonné sur son bloc-notes quelques petits remarques. Alors lorsqu’il lui demanda de ranger son calepin et sa plume, elle n’avait pu qu’afficher un air d’incompréhension. Avec sa main, il avait fait descendre son attirail de prise de notes. Elle avait ouvert la bouche une poignée de secondes, regardant Caleb lever les yeux au ciel avant de rire.


« Comment veux-tu que je me souvienne de toutes les étapes dans l’ordre si je ne prends aucune note de rien ? »


Cela dit, les notes n’étaient pour l’instant pas le problème majeur de l’infirmière de Poudlard. En effet, et elle ne doutait pas que le jeune homme était un gentleman assez charmant pour vouloir la protéger de la pluie en tout bien, tout honneur, il s’était fortement rapproché. Qui disait rapprochement, disait forcément rougissement et gêne. Alors Jane exposa son problème directement. Après tout, mieux valait être franche. Ils allaient devoir travailler ensemble un petit temps, il fallait que le vert et argent connaisse les limites de la blonde. Elle ne l’avait pas dit avec autant d’assurance qu’elle ne l’aurait voulu, mais il fallait pouvoir ménager la sensibilité de chacun et l’infirmière ne voulait pas risquer de se montrer impolie ou blessante. Il la regardait avec attention, tandis qu’elle s’emmêlait les pinceaux en tentant de lui expliquer le problème. Et s’il s’était interrogé un instant, il riait à présent. Pourquoi ? Qu’avait-elle dit de drôle ou d’amusant ? C’était un vrai problème ! Un problème très sérieux que d’être mal à l’aise à cause d’une personne trop proche !

Le visage plus rouge qu’une tomate, Jane tentait de gérer ce soudain coup de chaleur tandis que Caleb la remerciait, lui signifiant qu’elle était très bien, elle aussi, ce qui la fit rougir de plus belle.


« C’est vraiment dél… » marmonna-t-elle.


Mais elle n’eut pas le loisir de finir sa phrase que le jeune Serpentard se saisissait de sa main, glissant la hanse du parapluie à l’intérieur de sa paume avant de s’éloigner, se retrouvant à bonne distance de la demoiselle, mais plus protéger de la pluie cela dit.


« Reviens ici, tu vas tomber malade si tu prends froid ! »


Les mains dans les poches de son pull, le jeune homme semblait beaucoup s’amuser de la situation.


« J’ai compris ! Reviens maintenant. » Lui avait-elle dit en lui offrant un sourire.


Elle comprenait parfaitement où il voulait en venir. Du moins, elle l’espérait. S’ils devaient supporter la pluie, elle n’allait pas le laisser attraper la mort tout ça parce que le fait qu’il soit sous le même parapluie qu’elle la gênait. Lui, par contre, avait semblé très à l’aise, jamais perturbé d’être si proche d’une adulte de l’école. Mais il était proche de son âge, c’était sans doute pour cela. De toute façon, vu le culot du jeune homme, elle doutait qu’il puisse être gêné par quoi que ce soit.


« Tu le crois vraiment ? C’est peut-être simplement pour exprimer des sentiments ou pour passer un moment privilégié avec une personne que l’on apprécie beaucoup. On n’est pas obligé de se toucher… ? » Mais elle n’était pas très sûre d’elle, alors elle interrogea Caleb du regard. « Si.. ? »


Ils n’avaient décidément pas la même conception d’un rendez-vous. Mais comment savoir lequel était dans le bon ? Elle n’eut pas le loisir d’y penser plus de toute façon qu’il la prenait déjà par le bras pour l’emmener elle ne savait où. Elle le suivit néanmoins, il s’était toujours montré gentil avec elle, elle pouvait avoir confiance, il était un gars bien. Elle comprit lorsqu’elle vit l’abri de jardin. Ah, se mettre à l’abri, bonne idée. Entrant la première, elle glissa un « Merci » à son nouveau mentor en terme de rendez-vous. La porte s’était refermée à la suite de Caleb et il profita d’être à l’abri pour enlever son pull mouillé. Jane, de son côté, garda résolument son imperméable et son capuchon sur la tête.

Le petit sourire en coin, la tête penchée sur le côté, les bras croisés sur le torse… Una adolescente de son âge aurait sans doute craqué sur le jeune homme sans problème. Jane, de son côté, ne voyait là rien de particulier. Elle le regardait droit dans les yeux, attendant de savoir quelle serait la prochaine leçon. Et lorsqu’il ouvrit la bouche, tout s’effondra. Finir au pieu ? Une galoche ? Jane arrêta un instant de respirer, jusqu’à ce que l’information arrive à son cerveau et puis… ce fut le retour de la tomate. Instinctivement, Jane recula jusqu’à atteindre la paroi de la cabane. Il faisait bien trop chaud dans son imperméable tout à coup, il n’y avait pas assez d’air dans ce petit cabanon, elle se prit les pieds et renversa sans faire exprès un sceau remplit d’ustensiles de jardin puis entreprit avec ses doigts maladroits de défaire la fermeture éclair de sa veste. Son trouble était conséquent. Elle n’imaginait pas que l’on puisse faire « la galoche » au premier rendez-vous, alors « finir au pieu » encore moins ! C’était tout simplement hors de question.


« On-On-On-n’-n’-ne-n’… Co-co-comm… Qu-quoi…? » Balbutia-t-elle d’une petite voix.


Et comme si son trouble n’était pas assez grand, il lui avait demandé comment est-ce que l’on arrivait à ce but.


« M-M-Mais… »


Non décidément, elle n’arrivait pas à formuler plus d’un mot à la fois. Alors elle se concentra sur sa fermeture et la défit en tirant de toutes ses forces, elle l’enleva en vitesse et serra sa veste contre sa poitrine, l’osant plus lever les yeux du sol. Elle prit un instant pour respirer le plus profondément possible avant de reprendre la parole.


« On-On n’en a-a-arr-arrivera p-pas là… » Elle hoqueta. « Tr-trop. Tr-trop. »

Un rendez-vous galant est une forme de séduction constituée d'activités sociales réalisées par deux personnes dans le but d'évaluer l'adéquation entre elles comme partenaire pour une relation intime. Bien que le terme rendez-vous ait plusieurs sens, il se réfère généralement à l'acte de réunion et d'engagement dans des activités sociales mutuellement convenues, ensemble en public, comme un couple. C’était tout le savoir théorique qu’avait Jane de la situation qu’elle allait décortiquer avec Caleb afin d’en comprendre tous les tenants et aboutissements, d’en connaitre les subtilités et de pouvoir pallier à son manque cruel de culture sur le sujet. Il fallait bien qu’elle se remette à jour sur la question, après tout. Au pire, si Wes ne lui proposait rien du tout, et bien… Elle aurait plus de culture et voilà. C’est qu’ils ne seraient probablement pas fait pour être ensemble. Ou qu’Elle, elle n’était pas faite pour être avec quelqu’un. C’était triste, mais c’était comme ça. Autant ne pas s’acharner pour rien, ça viendrait quand ça viendrait, ou pas. Cela dit, si ça ne fonctionnait pas avec Wes qui était, à son sens, un homme parfait en tous points, Granny serait probablement d’accord sur ça, d’ailleurs, elle ne voyait pas avec qui d’autre ça pourrait mieux coller.

Bon, après, elle était tomber amoureuse de Luca, donc le monde était plein de surprises. Pas toujours des bonnes.

Dans ses rêveries, dans les livres à l’eau de rose qu’elle avait lu, le rendez-vous se déroulait souvent de la même manière. Une lettre, des fleurs ou des chocolats. Des petits regards qui s’échangent autant que des sourires, une activité qui rapproche (comme le Train-fantôme, le cinéma, un repas, une promenade, une barque sur un lac…), il y avait plein de possibilités. Des frôlements de mains, des doigts qui s’enlacent, des cœurs qui battent de plus en plus fort et souvent, dans la plupart des histoires en tout cas, le rendez-vous se termine par le jeune homme qui ramène la demoiselle et ils s’embrassent sous le porche de la maison au couché du soleil ou dans les premières lueurs de la nuit. Ca, c’est l’idéal. Dans la vrai vie, c’est sans doute différent. Dans la vrai vie de Jane, elle n’embrasse personne au premier rendez-vous, ça ne se fait pas. Pas avant le troisième au moins.

Caleb avait confirmé ce qu’elle redoutait. Ca paraissait évident pour lui. Evidemment qu’il fallait des rapprochements lors d’un rendez-vous, mais rien n’obligeait à ce que ce soit d’ordre physique… ? Mais d’après lui, si ! Bien sûr que si. Les adolescents de nos jours voyaient vraiment tout par le contact physique et une fois de plus, Jane se dit à elle-même qu’elle avait du naitre à la mauvaise période de l’Histoire. Qu’en était-il de la galanterie, de la retenue, de l’attente ? Il fallait laisser les choses suivre leur cours sans les précipiter, pourquoi brûler les étapes ? Décidément, il semblait que Jane avait beaucoup à apprendre.

Si Jane avait été troublée par la proximité du jeune homme, c’était de la gnognotte comparé à la bombe qu’il avait lâché une fois qu’ils furent à l’abri de la pluie. Il avait fait mention de finir au pieu et de galoche, deux termes que Jane n’utilisait bien sûr jamais, car complètement déplacé et grossier selon elle. Mais les entendre pour une situation qui allait potentiellement se produire avec elle, c’en était trop. L’air manqua soudainement, la faisant se battre avec son imperméable et manquer d’air par la même occasion, merci l’angoisse.

Elle tentait bien de lui expliquer que non, elle n’était pas de ce genre, que c’était trop pour elle mais rien de cohérent ne semblait vouloir sortir de sa bouche. Caleb fit un pas vers elle, puis une suivant, se rapprochant d’elle tout en laissant une certaine distance semblait-il. Au moins, il avait compris que s’approcher plus ne l’aiderait pas. Wes l’aurait aidé, ça oui, mais il ne l’aurait jamais mise dans cette état avec ce genre de situation.

S’obligeant à respirer le plus profondément possible pour se calmer, la jeune femme écoutait tout de même ce qu’avait à dire Caleb. Il ne parlerait plus de ça, c’était bon à entendre. Ca allait beaucoup trop vite pour elle, elle qui s’était absolument pas attendue à ce qu’il soit si… désinhibé par rapport à ce genre de sujet. Une nouvelle question tomba, pétrifiant un instant l’infirmière. Voilà ! Encore une chose que Wes ne lui aurait jamais demandé parce qu’il savait très bien que ça la mettrait dans tous ses états et qu’en plus, ça ne se demandait pas, par-dessus le marché !


« C’est vraiment très personnel comme question ! »


Son ton était moins remontrant que ce qu’elle aurait voulu, mais au moins, elle avait pu faire une phrase sans bégayer. Elle tritura sa veste mouillée entre ses doigts, mal à l’aise tout de même. Il devait demander pour savoir quoi lui apprendre sans doute, mais elle n’en voyait pas l’intérêt, elle n’allait pas embrasser un garçon au premier rendez-vous quand même !


« J’ai déjà eu un petit copain oui, quand j’étais à Poudlard. Donc c’est arrivé une fois ou deux, je crois. »


Luca. Finalement, elle en revenait souvent à lui. Elle le chassa de ses pensées, même si les choses étaient aplanies, cette histoire lui avait fait beaucoup de mal. Jane se mordit la lèvre une nouvelle fois, serrant un peu plus sa veste entre ses mains.

Sans qu’elle ne s’y attende, Caleb avait tendu la main pour attraper un pan de sa veste, Jane la tira un peu vers elle instinctivement. Qu’est-ce qu’il lui voulait ? Il tira aussi un peu de son côté, la rassurant un peu en lui disant que sa veste était trempée. Oh, oui, bien sûr ! Il pouvait se montrer gentleman quand il voulait, alors Jane retint la leçon deux : le laisser prendre ta veste pour qu’il la fasse sécher pour toi. Une jolie attention qui redonna un peu de confiance à l’infirmière.


« Excuse-moi, c’est très direct toutes ces questions. Je n’ai pas l’habitude de ça. » Elle fit une pause un instant. « Mais oui, j'ai déjà reçu un bisou sur la bouche. Voilà. »


Ses joues étaient de nouveau en feu. C'était gênant d'avouer ça à un étudiant.


« Toi aussi ? »

Déroutant. C’était bien un mot qui convenait autant à la situation qu’au jeune homme avec qui elle se trouvait ce soir. Il avait l’art et pas du tout la manière de poser des questions aussi affreusement gênantes que personnelles. Jamais personne ne s’était permis de telles familiarités avec elle. Personne en dehors d’une ou deux amies proches et Jane trouvait toujours le moyen d’embrayer sur un sujet différent pour détourner l’attention sur autre chose, un sujet sur lequel elle se sentait plus stable. Grande romantique et rêveuse, l’amour était pour Jane un sujet tabou, comme beaucoup d’autres d’ailleurs ! Et la proximité des corps, les attouchements d’ordre physiques également. Elle était prude, elle ne pouvait pas changer ça. Et elle ne le voulait pas de toute façon. Elle avait déjà assez de mal à la simple évocation de ces sujets ambigus sans qu’en plus on ne la questionne elle personnellement.

Un autre mot pour définir Caleb aurait été : indiscret. Ou culotté. Il apparaissait comme ça un jour dans la vie de la jeune femme pour se faire soigner d’une quelconque blessure et le voilà qu’il la questionnait sur sa relation avec Wes et lui proposait quelques leçons pour l’aider à combler les manques. Et le revoilà qu’il revenait avec ses questions parfaitement indécentes dans les oreilles de Jane. Avait-elle déjà embrassé un garçon ? Franchement, ça ne se demandait pas ! Et la jeune infirmière le lui fit savoir d’ailleurs. Et si elle s’était intérieurement voulue ferme, ce n’était pas tout à fait ça lorsque les paroles s’étaient échappées de ses lèvres. Une nouvelle fois, Caleb croisa les bras sur sa poitrine, pencha la tête et lui fit un sourire. Avait-il des tocs ? Genre, était-ce une réponse physique et neurologique de son corps lorsqu’il se retrouve dans certaines situations ? Parce que c’était déjà la deuxième fois en quelques minutes qu’il faisait ça et Jane ne comprenait pas bien pourquoi. Donc, peut-être un toc.

S’en suivit alors un drôle d’échange autour de la veste que Jane avait tritouillé entre les mains par réflexes nerveux. Il voulait la lui prendre et elle n’avait pas immédiatement compris le but, tirant un peu plus sa veste à elle. Mais finalement, une explication tout ce qu’il y a de plus logique tomba et elle ne pu que lui laisser son imperméable. Le faire sécher, c’est tout ce qu’il voulait et c’est tout ce qu’elle pouvait le laisser faire. Pendant qu’il pendait la dite veste à une chaise, Jane en profita pour s’excuser. S’excuser, probablement une des choses qu’elle faisait le mieux. Ou le plus souvent du moins. Elle ne voulait pas qu’il la prenne pour une dingue, juste aplanir la situation pour que ce soit plus confortable pour eux deux. Bien évidemment, le fait de lui parler de son intimité avait déclenché un véritable feu sur les joues de l’infirmière, il en fallait si peu d’ordinaire, alors sur ce sujet… Alors pour changer, elle lui relança la question. Elle ne savait pas trop si elle voulait savoir la réponse, cela dit. Il avait une réputation et même si Jane n’en prenait pas garde car elle estimait qu’une réputation faites par les autres n’était pas une valeur sûre – rien ne valait son propre avis ! – elle avait entendu certains bruits de couloir. Alors elle se prépara mentalement. Elle pourrait encaisser un maximum de 5. Le reste serait parfaitement indécent. Même cinq, c’était parfaitement indécent, mais il était un adolescent assez mignon pour plaire aux demoiselles de Poudlard et pour être tomber amoureux plusieurs fois. Parce qu’évidemment, on n’embrasse que les personnes dont on est amoureux.

Sa main devant sa bouche pour cacher un sourire qu’elle pouvait voir dans ses yeux n’augurait rien de bon. Mais il eut la délicatesse de lui dire qu’il s’y connaissait suffisamment.


« Que tu t’y connais parce que tu es souvent tombé amoureux ? Genre tu as eu deux ou trois copines ? Ou genre… cinq ?! »


Elle ne put empêcher sa voix de devenir légèrement plus aigüe. Elle regretta sa question, mieux valait ne pas tout savoir quand même. Mais la question était posée et elle ne pouvait pas la reprendre.

Caleb s’installa alors en position assise sur la table avant de lui faire signe de venir s’asseoir à ses côtés. S’asseoir sur une table ? Ce n’était pas son genre ! Elle avait été si bien élevée… Alors, délicatement, elle s’était approchée et s’était assise sur la chaise à sa gauche. Elle ne semblait pas des plus stables mais elle ferait avec. Elle du lever les yeux pour le regarder lorsqu’il ouvrit à nouveau la bouche. Et encore une fois, sa question la troubla profondément.


« Mais tu n’es pas du tout lui ! Et ce n’est pas mon bibliothécaire. C’est celui de l’école. C’est mon ami. Et… Et… Vous n’êtes pas du tout les mêmes. J’ai une absolue confiance en lui. » Elle fit une courte pause en se mordillant la lèvre, réflexe nerveux n°2. « Et toi tu… Poses vraiment des questions très indiscrètes. »


Mais il fallait bien se rendre à l’évidence que si elle voulait que ces leçons lui apportent quelque chose, elle ne pouvait pas s’offusquer et se braquer chaque fois qu’il lui demandait quelque chose. Alors elle prit un instant pour réfléchir.


« Je n’en sais rien. C’est un garçon, n’est-ce pas à lui de me montrer son intérêt ? En plus je ne suis pas très douée avec les gestes, et je suis maladroite, au cas où tu aurais oublié tout ce que je peux renverser en l’espace d’une seule minute quand je suis troublée. »


Elle haussa les épaules, les sourcils légèrement froncés.


« Je lui ferai, je n’en sais rien, un signe pour lui dire bonjour ? Et un sourire ? On n’est pas obligé de passer par des gestes en soi… C’est troublant et… bizarre. »

On ne pose une question si, et seulement si, on veut en connaitre la réponse. En l’occurrence, Jane n’était pas certaine que de retourner la question à Caleb sur son nombre de petites amies était une bonne idée. Mais c’était trop tard. Elle lui avait demandé, par réflexe ou par politesse. Ou par curiosité encore. Mais la réaction première du jeune homme ne l’engageait pas vraiment à vouloir savoir la réponse. Et le pire, c’est que lorsqu’il lui avait répondu évasivement qu’il s’y connaissait, elle n’avait pas pu se résoudre à se contenter de ça. Il avait fallu qu’elle en rajoute en lui demandant si c’était parce qu’il était souvent tombé amoureux, lui donnant même le nombre extrême de cinq. Encore une fois, il parla de manière évasive. Quelques-unes. Bon, mieux valait peut-être se contenter de ça, de risque de renverser un autre seau qui trainerait dans ses pieds maladroits.

Son compagnon du soir prit position sur la table, l’invitant même à se joindre à lui. Jane ? S’asseoir à même une table ? C’était mal la connaitre alors qu’il y avait une chaise un peu branlante qu’elle pouvait tout à fait utiliser pour s’asseoir. Elle ferait attention, voilà tout. Alors, elle leva les yeux vers lui, tout ouïe. Sa question la troubla une nouvelle fois, la faisant parler vite cette fois, expliquant de long en large qu’il n’était pas Wes, que son ami possédait toute sa confiance et que Caleb était… Indiscret une nouvelle fois par-dessus le marché ! Il laissa un silence s’installer, mettant Jane un peu plus mal à l’aise. Il avait perdu un peu de sa superbe et Jane s’interrogea intérieurement. Peut-être y était-elle allée un peu fort… ? Il modifia un peu sa position, les doigts sur les tempes. Était-il en train de se dire qu’elle était un cas désespéré qui ne faisait aucun effort pour lui rendre la tâche un peu plus facile ? Depuis le début, elle s’opposait à tout, ça ne devait pas être évident pour lui de la former si elle ne le laissait pas faire. Rongée par une vague de remords, elle tenta tout de même de lui répondre aussi honnêtement que possible sur ce qu’elle ferait.

La réaction de Caleb fut tout à fait pertinente, et elle plongea un instant Jane en réflexion. Il avait raison, bien sûr mais… C’était les mœurs qui voulait cela. Les gentlemen faisaient ça, c’était comme ça.


« He bien, notre éducation ancestrale veut que ce soit les hommes qui le fassent. Et je ne pense pas, même si c’est plus une intuition qu’un fait, que Wes soit du genre timide dans ce domaine. Même si je n’en sais rien, évidemment, on ne parle jamais de ça. »


Evidemment, c’était bien trop gênant d’aborder ce sujet avec un étudiant de Poudlard qui lui était à l’aise avec le sujet, alors en prime avec Wes… Elle aurait trop peur de ne plus pouvoir le regarder dans les yeux après cela. Mais Wes n’était pas un homme à femmes, elle en était parfaitement convaincue. Elle l’espérait, du moins…

Caleb argua qu’il trouvait ça adorable lui, ses maladresses. Le rose lui monta légèrement aux joues.


« Adorable quand ça ne gâche pas tout le moment. »


Tout dépendait des circonstances évidemment. Imaginez un jeune homme faisant sa demande en mariage à une fille comme elle. L’excitation et le flot d’émotions lui feraient probablement renverser la table ou n’importe quel objet se trouvant à proximité. Ou faire tomber la bague dans une fissure du parquet, ou un truc du genre. Pas sûre que ce soit des plus adorables.

Il changea une fois de plus de position, ce qui intrigua Jane. Avait-il la bougeotte ou quelque chose clochait-il ? Il avait même froncé les sourcils !


« Ma réponse ne te convient pas… ? Ou il y a-t-il quelque chose qui t’ennuie ? »


Elle l’observa un court instant, fronçant légèrement les sourcils à son tour, mais de manière soucieuse.


« Tu te sens bien ? »


Après tout, il venait de prendre la pluie, il avait été trempé, et ils faisaient beaucoup d’activités ces derniers jours. Peut-être n’était-il pas au mieux de sa forme.


« Est-ce que tu veux qu’on rentre et qu’on remette ça à plus tard ? On peut rentrer se réchauffer dans le bâtiment central. Il parait qu’il y a une pièce où on peut regarder des films. »


Elle n’avait pas bien compris de quoi il s’agissait exactement, mais les animateurs moldus avaient eu l’air particulièrement enthousiastes lorsqu’ils en avaient parlé.

Le monde des rendez-vous avait donc changé, selon les dires du jeune homme. Comment les rendez-vous avaient-ils pu changer si drastiquement depuis qu’elle… Depuis… He bien, depuis qu’elle avait quelques connaissances des rendez-vous au travers des livres qu’elle avait lu. Et de ce qu’elle avait entendu dire… Ca ne devait pas faire si longtemps, si ? Ca ne pouvait pas être si drastiquement opposé à l’idée qu’elle avait des rendez-vous galant tout de même ? Elle n’avait aucun point de repère en la matière, elle n’avait jamais eu aucun rendez-vous. Enfin, si, des rendez-vous médicaux, des rendez-vous professionnels, ou encore des rendez-vous entre amies pour prendre un verre ou passer une journée ensemble. Mais pas avec un garçon dans le but de… D’elle ne savait quoi, ça ne lui était jamais arrivé, donc quelle était la finalité de tout ça finalement ? Est-ce qu’il fallait déballer ses sentiments ? Ou lui tenir la main ? Ou pire, l’embrasser ? Non, ce point n’était pas très envisageable pour toute fille qui se respecte au moins un peu.

Ce que Caleb lui dit à propos d’un éventuel découragement sans le moindre indice de sa part la fit réfléchir. Et elle en vint à une conclusion qu’elle partagea tout haut.


« Mais comment veux-tu qu’il se décourage alors qu’il ne pense probablement pas la même chose que moi ? Je ne suis même pas sûre de ce que je pense moi. Mais je ne crois pas que Wes s’intéresse à moi de cette façon… »


Ca venait du cœur, et ça lui était venu en tête comme ça, en un coup. Il n’y avait aucune raison qu’il s’intéresse plus à elle qu’à une autre. Elle était son amie, une amie qu’il connaissait depuis toujours et il devait certainement plus la considérer comme une sœur que comme une… Une… Conquête ? Partenaire ? Elle ne savait pas trop bien quel mot placer là-dessus.


« Et si je fais un « geste » et qu’il ne pense pas la même chose que moi, ça changera tout ce qu’on partage… C’est très angoissant… » Ajouta-t-elle en baissant la voix et en regardant l’un des murs du cabanon comme s’il y avait quoi que ce soit d’intéressant à y voir.


L’attitude du jeune homme changeait petit à petit, ses positions aussi. La dernière, son genou serré contre lui, ses sourcils froncés, son massage des tempes, son teint un peu blanc… Il ne semblait pas au mieux de sa forme lorsque l’on y prenait attention. Alors, en bonne mère poule qu’elle pouvait être envers les pensionnaires du château, elle s’enquit de sa santé.


« Tu m’as l’air un peu pâle. » Lui dit-elle alors qu’il lui disait aller bien.


Drôle de manie de dire qu’on va bien quand ce n’est pas le cas. Alors, Jane lui proposa de rentrer se mettre au chaud à l’intérieur. Elle avait toujours sa trousse médicale dans sa chambre, s’il ne se sentait pas au top, Jane pourrait toujours lui administrer une potion ou quelque chose.

Après s’être remis sur ses pieds, le jeune homme attrapa son pull. Sans doute cela voulait-il dire qu’il acceptait sa proposition de rentrer pour se mettre dans un endroit plus chaud, et plus confortable aussi. Jane l’imita, remettant son imperméable et sa capuche sur sa tête par la même occasion. Il prit le parapluie dans sa main, demandant s’ils pouvaient le partager. Cela lui tira un petit sourire timide, faisant pétiller un peu ses yeux par la même occasion.


« Bien sûr… Mais je suis déjà protégée moi, tu devrais le garder pour toi. Tu es plus grand que moi en plus. »


Jane ouvrit la porte et lui fit signe de sortir le premier tandis qu’elle refermait la porte derrière eux.


« Permets moi de te demander quelque chose. Qu’attends-tu, toi, de la demoiselle que tu inviterais à un rendez-vous ? A quoi est-ce que tu t’attends ? Genre, pour un diner par exemple ? Qu’elle soit très apprêtée ? Ou plus naturelle ? » Elle fit une pause pour lui laisser le temps de répondre. « Et quels sont les sujets de conversation que tu as ? Ou que tu n’abordes absolument pas ? Je veux dire, il y a-t-il des choses à ne pas dire absolument ? Ou à ne pas faire ? Et est-ce que c'est mieux dans un endroit extérieur ou alors dans un endroit qu'on connait bien et qui nous est familier ? »