Cela faisait maintenant quelques jours que Kathleen avait été agressée par un élève de Septième Année sous l’influence d’une plante qu’il avait ingérée. Malgré sa honte et sa peur, elle avait osé écrire à ses parents pour leur dire ce qui s’était passé, du moins en partie. Elle avait eu peur de raconter concrètement son histoire et que son hibou soit intercepté par son agresseur qui n’hésiterait pas à venir se venger. Kathleen était persuadée qu’il avait fallu toute la force de caractère de sa mère pour empêcher son père de débarquer à Poudlard et de lui faire raconter toute l’histoire avant d’aller jouer de sa baguette sur la brute qui l’avait torturée, mais ses parents avaient respecté le désir de leur fille qui leur demandait de ne pas s’en mêler, arguant que le personnel de Poudlard s’en chargeait déjà.

C’était la vérité, Kathleen en était persuadée. Elle avait la conviction que le professeur O’Neill avait raconté à tout le monde qu’elle avait été agressée et que les professeurs cherchaient à-présent à savoir qui était responsable de son agression. Toutefois, sa mère, avec son sens pratique coutumier, lui avait envoyé un petit carnet moldu, orné d’un crayon, qui pouvait lui servir pour communiquer. C’était peu pratique pendant les cours mais ceux-ci étaient heureusement terminés. Pour ce qui était de ses examens, ceux nécessitant de prononcer des incantations allaient se révéler compliqués mais l’enfant ferait de son mieux. De toute façon, elle ne brillait pas dans la pratique de ces matières là, donc ça ne ferait probablement pas une grande différence.

Kathleen parlait donc au travers d’un carnet. La plupart de ses amis l’avaient accepté sans rien dire, même s’ils avaient tous eu la même réaction, demander qui était le responsable afin d’aller lui donner une correction. Kathleen avait été particulièrement touchée par leur soutien d’autant que les stigmates de la violence qu’elle avait subi apparaissaient encore sur son visage. Elle avait gardé quelques traces que l’infirmière et ses propres potions n’avaient pas pu complètement effacer. Il existait de nombreuses blessures qui ne guérissaient qu’avec du temps et pour la fillette, c’était encore plus vrai pour les blessures psychologiques.

Ce matin là, Kathleen était dons dans la Grande Salle, seule, en train de prendre son petit-déjeuner, réfléchissant à son avenir et à ce qu’elle allait faire dans les prochaines semaines, dans les prochains mois, et des conséquences de ce qui s’était produit sur sa vie. A terme, elle songea que cela pourrait lui servir d’expérience. Elle avait toujours été un peu trop négligente envers sa propre sécurité et il était probablement temps qu’elle s’en rende compte. Grâce à cette funeste expérience, elle pourrait au moins se mettre un peu de plomb dans la tête, ce qui n’était pas une mauvaise chose au vu du fait que, dans le monde, la vie était loin d’être simple.

Quand Carla vint s’approcher d’elle pour lui proposer de déjeuner ensemble, Kathleen lui sourit franchement et hocha la tête. Elle n’était peut-être pas complètement remise mais elle avait retrouvé un peu de son optimisme et surtout, elle tenait à rester, aux yeux des gens qui la connaissaient, l’enfant souriante et accueillante qu’elle avait toujours été. La première semaine, elle en avait été incapable, mais à-présent, elle commençait à retrouver un peu de tonus, même si elle gardait au fond de son cœur une insécurité qui demeurait et qui l’empêchait même parfois de dormir la nuit, l’entraînant dans des cauchemars mêlant les plantes, le grand qui l’avait frappée et la peur de se retrouver seule et enfermée, même si dans la réalité, le professeur O’Neill l’avait retrouvée.

Le sourire de Carla s’estompa quand elle s’assit face à Kathleen. La fillette comprit aussitôt que le reste des marques sur son visages trahissait ce qui lui était arrivé. Carla semblait choquée et à vrai dire, tous ceux qui étaient proches d’elle s’inquiétaient les uns après les autres. La fillette avait conscience que ce n’était pas de la curiosité malsaine mais de la sincère inquiétude, pourtant, elle ne pouvait pas s’empêcher d’être honteuse face à la réalité de son état et face à ce qu’on lui avait fait. Elle avait du mal à assumer de n’avoir été qu’une fillette sans défense et rien de plus.

La simple question, sincère et compatissante, de Carla apporta des larmes dans les yeux de Kath qui n’était pas encore remise psychologiquement de son agression. Elle tenta de contrôler ses larmes afin d’écrire sur son carnet la réponse pour Carla. Elle ne parvenait pas à communiquer par un autre biais et si la jeune fille voulait manger en sa compagnie, il faudrait bien qu’elles communiquent et puis, Carla se souciait sincèrement d’elle. Kathleen tenait à être franche avec elle, même si elle ne lui dirait peut-être pas tout. Elle craignait toujours les possibles représailles si elle avouait complètement ce qui s’était passé.

Bonjour, Carla, tu vas bien ? inscrivit-elle.
Je sais que je n’ai pas très belle allure, je suis désolée. Eh bien en fait, j

Sa main trembla à cet instant, et elle fut obligée de se concentrer pour poursuivre tandis que des larmes sortaient de ses yeux malgré elle.

j’ai été agressée. On m’a frappée pour que je me taise. C’est le professeur O’Neill qui m’a trouvée et qui m’a emmenée à l’infirmerie. J’avais très peur, je ne voulais plus qu’il s’éloigne. Tu comprends, avec lui, j’avais moins peur.

Carla vint s’asseoir à-côté de Kathleen et lui tapoter le dos avant de sortir un chocolat qu’elle lui engagea à manger, affirmant que c’était bon pour le moral. Ce n’était pas la gourmande petite Poufsouffle qui allait la contredire. La fillette avait toujours eu un bon appétit et, de plus, elle n’était jamais opposée à grignoter des petites choses gourmandes au long de ses journées. Kathleen commença par essuyer de ses joues les larmes qu’elle n’avait pas pu empêcher de couler, puis elle prit le chocolat dans lequel elle mordit. Elle adressa ensuite un sourire de remerciement à la jeune fille, et également d’excuse pour ne pas avoir réussi à contrôler son émotion.

Quand Carla lui posa des questions sur son agression dont elle venait de parler dans son petit carnet, Kathleen se demanda comment lui expliquer sans trop lui en dire. Elle avait toujours cette crainte que le Septième Année prénommé Steve qui s’en était pris à elle découvre qu’elle l’avait dit à quelqu’un et se venge sur elle ou sur la personne concernée. Elle connaissait peu la Serpentard qu’elle avait seulement soignée une fois et rencontrée à une soirée du professeur Van Aken, mais elle ne tenait pas à ce qu’il lui arrive quelque chose. D’ailleurs, elle ne souhaitait à personne qu’il lui arrive ce qu’elle avait subi, elle.

Je m’étais perdue dans les couloirs, et du coup j’ai passé l’heure du couvre-feu et j’étais toute seule. J’ai vu un truc que je n’aurais pas dû voir, et Et ce Septième année avait trouvé plus sûr de faire en sorte qu’elle ne puisse plus parler à personne, voilà la vérité, mais elle ne pouvait le dire comme cela à Carla. enfin, il ne fallait pas que je parle. J’ai cru que j’allais mourir.

Ses larmes revinrent à ce moment là, plus fortes que jamais quand elle se remémora ce fatal moment. Mais elle ne pleura pas longtemps, seulement quelques secondes le temps que disparaisse cette angoisse qui étreignait son cœur. Carla s’étonna également que la petite communique par carnet interposé. Ce n’était pas la première qui s’en étonnait. Mais c’était le seul moyen que la fillette avait trouvé pour communiquer. Après tout, il valait mieux qu’elle fasse ça plutôt que d’essayer de forcer cette voix qui ne voulait pas sortir au risque de se blesser encore plus. Elle reprit alors son crayon.

Je n’arrive plus à parler depuis ce soir là. Ma voix ne veut plus sortir. Je ne sais pas pourquoi. L’infirmière a dit que ce n’était pas grave et de ne pas m’inquiéter. Ma mère m’a dit la même chose, même si je pense qu’elle m’examinera plus avant pendant les vacances si je ne parle toujours pas à ce moment là.

Etonnamment, l’écriture de la fillette s’était vite fait à cette nouvelle méthode de communication. Et outre quand il s’agissait de parler de son agression, elle était tout aussi volubile à l’écrit qu’elle l’avait été à l’oral. Il fallait seulement attendre un peu quand elle avait beaucoup de choses à dire car elle devait quand-même écrire le plus lisiblement possible. Vivement que sa voix décide de revenir gentiment en place. Quand Carla lui dit qu’elles étaient destinées à se rencontrer quand l’une des deux n’était pas bien, Kathleen éclata d’un rire silencieux, qui prouvait qu’en dehors des souvenirs précis de l’agression, elle avait repris du poil de la bête.

C’est vrai ! inscrivit-elle. Mais là, je ne crois pas qu’il y ait de potion magique pour m’aider à recouvrer la voix, ou ma confiance en moi. remarqua-t-elle. Tu n’aurais pas un peu de voix à me prêter ?

Elle lui adressa un sourire malicieux.

La réflexion de Carla concernant le fait que son agresseur aurait peur de mourir si elle savait qui c’était étonna et toucha Kathleen. Elle ne savait pas que Carla était suffisamment attachée à elle pour pouvoir vouloir la défendre ainsi. Elle n’avait pas l’intention de dire la vérité car elle avait aussi peur pour Carla qu’elle avait eu peur pour son professeur, mais elle était heureuse à l’idée que la jeune fille ait voulu la défendre. Cela lui faisait beaucoup de bien de se sentir ainsi soutenue et protégée. C’est alors que Carla lui demanda ce qu’elle avait vu et là, Kathleen se mit à paniquer.

Je ne peux pas, inscrivit-elle, [/i]S’il sait que je t’ai parlé, il risque de te faire du mal.[/i]

Kathleen n’était pas aussi forte que Carla et elle n’avait jamais connu la violence, et celle qu’elle avait subi l’avait profondément choquée, ce qui était une bonne raison pour que sa voix ait disparu. Mais évidemment, elle ne savait pas tout à fait pour quelle raison cela s’était produit. Elle avait des connaissances en soin mais pas autant que sa mère et elle ignorait tout de ce que la violence d’un choc peut provoquer chez une personne. Et c’était précisément à-cause de ça qu’elle ne contrôlait pas ce qu’elle vivait elle-même. Elle ne pouvait pas l’expliquer avec des mots, même munie d’un carnet comme c’était le cas pour elle.

Elle n’avait pas eu de réponses claires quant à sa guérison, mais elle attendait impatiemment les vacances pour revoir sa mère et qu’elle puisse peut-être la guérir. Sa mère était la plus extraordinaire des guérisseuses et s’il y avait quelque chose à faire pour sa voix, elle saurait ce qu’il était possible de faire. Kathleen avait pleine confiance en sa maman pour ça, et puis si elle ne pouvait rien y faire, eh bien Kathleen resterait muette. Ça n’était pas bien grave après tout, elle n’était pas estropiée. Il y avait pire comme état de santé. Kathleen n’était pas inquiète.

Je ne sais pas pourquoi je suis muette. J’ai plusieurs fois essayé, mais ça ne veut pas venir, inscrivit-elle. Mais ça ne fait rien. Quand je rentrerai à la maison, Maman aura peut-être une solution.

Kathleen eut l’impression d’avoir vexé Carla en lui disant qu’elle avait peur pour elle. Ce n’était pas du tout ce qu’elle voulait lui faire ressentir. Elle transposait simplement sa propre angoisse sur ses proches et craignait pour eux comme elle avait eu peur pour sa propre vie. Carla ne parla pas comme quelqu’un de vexée ou de blessée mais d’une voix douce et tranquille et Kathleen ne pouvait pas être sûre, mais dans le doute, elle songea qu’il valait mieux s’excuser et expliquer à Carla pourquoi elle se comportait comme ça. Elle n’avait pas envie de faire croire à la jeune fille qu’elle la sous-estimait.

Ce n’est pas que je n’ai pas confiance en toi, mais j’ai toujours peur pour les gens que j’aime bien, tu vois. Et puis, ce grand-là, il fait vraiment peur.

Elle eut l’impression d’en avoir trop écrit et à-peine Carla eut-elle lu la phrase que la fillette déchira le papier de son carnet et le réduisit en miettes. Puis elle écouta Carla lui demander si c’était une bonne idée de laisser traîner les choses. Kathleen n’avait pas tellement l’impression de les laisser traîner. Il se passerait moins d’un mois avant qu’elle ne retrouve ses parents et sa mère saurait la rééduquer sans que son corps ne se sente brusqué. Elle avait une confiance aveugle en sa maman et en ses dons pour soigner. Elle savait qu’elle avait seulement à être un peu patiente.

Les vacances, c’est très bientôt, et je suis sûre que maman saura comment rééduquer mon corps à parler. J’ai totale confiance en elle, elle sait ce qu’elle fait.

Ceci dit, quand Carla proposa de lui apprendre la théorie et les bases du sortilège de protection, la fillette se sentit tout-de-suite très intéressée. Si elle pouvait se protéger, la prochaine fois, elle aurait moins peur. Carla était brillante et c’était vraiment gentil à elle de proposer à Kathleen un tel soutien et un tel apprentissage. Elle prendrait de son temps pour aider la fillette et cela, Kathleen ne le lui avait pas demandé, c’était un cadeau qu’elle lui faisait. Trouvant cela très généreux, la fillette n’hésita pas une seule seconde au moment d’inscrire sa réponse sur son petit carnet.

Je n’ai rien vendredi soir et ça me ferait vraiment plaisir de m’exercer avec toi. Merci beaucoup, c’est très généreux de ta part. Et je ne suis pas encore assez fragile pour supporter une cloche de toute façon !

Elle se mit à rire franchement en écrivant ces derniers mots, mais toujours sans voix.

Kathleen était rassurée de ne pas avoir vexé Carla, elle n’aimait pas tout ce qui relevait de l’animosité. Bien entendu, elle était consciente qu’on ne pouvait pas plaire à tout le monde. Malgré cela, elle avait toujours tendance à arrondir les angles, à négocier, à trouver un moyen pour ne pas créer du conflit, elle avait horreur de ça. Carla lui fit remarquer qu’on était à la fin de l’année et qu’elle ne reverrai plus son agresseur l’an prochain. Kathleen hocha la tête, elle en avait déjà pris conscience et cela la rassurait. C’était une des choses qui lui faisaient envisager l’avenir avec un peu plus de sérénité.

Carla lui sembla bien songeuse quand elle évoqua la confiance qu’elle avait pour sa mère et les soins qu’elle prodiguait. Elle se demanda à quoi pensait sa camarade. Peut-être ses liens avec ses propres parents étaient-ils moins empreints de certitudes que ceux que Kathleen avait avec les siens, mais les parents de Kath lui avaient toujours appris la franchise, la sincérité et la tolérance. Elle savait qu’il ne la rejetterait jamais, même si elle faisait quelque chose qui ne leur convenait pas. Elle savait qu’une telle tolérance n’était pas vraiment fréquente dans le monde. Mais elle ne posa pas de questions à Carla, elle le ferait peut-être un jour quand elles se connaîtraient mieux, mais ce n’était pas tellement approprié actuellement.

Les deux filles prirent donc rendez-vous pour le vendredi suivant après les cours, afin de s’entraîner à la magie comme Carla l’avait suggéré. Elle espérait que la jeune fille accepterait de l’entourer de son expérience encore l’année suivante quand elle aurait retrouvé sa voix, car il ne faisait aucun doute pour Kathleen qu’elle la retrouverait. Cela lui permettrait peut-être enfin de progresser en sorts et de pouvoir débuter son apprentissage des sorts de soins qu’elle rêvait de pouvoir pratiquer. L’amélioration allait avec le nombre des années et Kathleen était certaine d’y parvenir un jour. Elle fit un signe de la main quand Carla s’éloigna et termina tranquillement son repas.