La rentrée commençait bien : déjà un devoir d’histoire de la magie. Et en binôme en plus ! Qu’est-ce qu’ils pouvaient bien avoir à nous charger de devoirs comme ça ? En plus, s’il y avait bien une matière que je n’aimais pas c’était celle-ci, écrire des pages et des pages sur des évènements lointains n’avaient jamais été mon fort, même chez les moldus.
Au moins je n’avais pas eu à choisir mon binôme, ce genre de moment gênant où j’avais tendance à me retrouver toute seule au fond de la classe à attendre le malchanceux d’un groupe de trois amis, obligé de se mettre avec moi, un peu comme quand il faut constituer des équipes en cours de sport. Je n’étais pas encore assez sociable pour avoir tisser de vrais liens avec qui que ce soit dans la classe.
Du coup j’étais tombé avec Liam. Il était de ma maison, on s’était déjà croisé, sûrement déjà adressé la parole, discuté de la pluie, du beau temps, du match de quidditch (c’est ce qui souvent remplaçait les discussion sur la météo ici), ou de n’importe qu’elle autre banalité. Il était plutôt discret, toujours collé au gars qui était dans son dortoir. Tout ça pour dire que je n’avais jamais eu de longues discussions. C’était peut-être l’occasion mais je ne savais pas si j’en avais très envie, je n’étais pas de bonne humeur aujourd’hui.
C’était donc sans enthousiasme que je me dirigeai vers la bibliothèque, après un dîner avalé rapidement. Il n’était pas encore là donc je m’installai à une table prise au hasard et me remémorai malgré moi ma journée.
Tout le monde n’avait fait que parler des vacances de Noël et s’il y avait bien un sujet dont je ne voulais pas entendre parler c’était celui-là. Que pouvais-je répondre si on me demandais comment elles s’étaient passées ? « Mon père m’a renié, du coup les vacances… bah je ne suis pas rentrée chez lui... » Heureusement personne ne m’en avait encore parlé, mon air bougon avait dû décourager les plus enthousiaste de m’adresser la parole.
Pour en revenir à ce devoir, mon coéquipier était en retard. Je n’étais pas spécialement à cheval sur les horaires, surtout pour un devoir d’histoire de la magie mais aujourd’hui tout avait don de m’agacer. Il arriva enfin, s’excusa – c’était déjà ça – et s’assit à côté de moi. Je n’allais pas lui en tenir rigueur d’accord…
« Ca va bien et toi ? Non, t’inquiètes je viens d’arriver. » dis-je en faisant de mon mieux pour sourire. Il enchaîna en lisant le sujet du devoir. Déjà que j’appréciais très moyennement l’histoire, encore moins l’histoire de la magie… L’ensorcellement des tombes de l’Égypte antique, je ne voyais vraiment pas qui ça pouvait passionner.
« Oui, tu l’as dit… c’est pas de la tarte… On peut peut-être parler des rites de momifications, les canopes, les sarcophages et tout avant de parler des sortilèges ? » Au moins j’y connaissais quelque chose, Ahmet nous traînait dès qu’il en avait l’occasion à la section égyptienne du British Museum, c’était d’ailleurs le seul musée que je connaissais.
Puis évidemment, vint la fameuse question des vacances…
« Non je ne suis pas rentrée chez moi et toi ? » je levai discrètement les yeux aux ciel, espérant qu’il ne remarquerait pas mon embarras.

Bon je me mentais un peu à moi-même quand je me disais que je n’aimais pas l’histoire. L’histoire de la magie me posait certes quelques difficultés mais je n’avais jamais été si réticente que cela l’idée d’accompagner mon frère au British Museum. Et puis les momies, c’était plutôt sympa au fond. Restait la partie sortilège d’embaumement qui m’effrayait un peu, je ne savais pas bien ce qu’on pouvait en dire. De toutes façons, Liam avait l’air d’accord pour qu’on commence par les momies et autres canopes, viscères et sarcophages, c’était un bon début de se mettre d’accord ainsi. Surtout que Liam a l’air décidé d’écrire pour nous deux, ça me soulage d’un poids, je fais toujours des taches d’encre partout sur mes mains quand j’écris sur un parchemin.
« De ce que je me rappelle des techniques d’embaumement, au moins dans sa version moldue : on enlève tous les organes, les intestins, le foie, l’estomac et… Attend il m’en manque un… Ah oui ! Les poumons… Et on les mets dans des canopes qui représentent les différents enfants d’Horus, un truc comme ça... »
Après cela, nous nous mîmes à discuter de nos vacances, ou plutôt il me raconta un peu son Noël en famille. Mon coeur se serra à l’évocation de cette fête, qui avait toujours été un moment joyeux, et auquel je n’avais pas assisté cette année.
« Disons que j’ai des problèmes de famille en ce moment, il ne valait mieux pas que je rentre… J’ai quelques différends avec mon père. » C’était sobre, s’il voulait en savoir plus il poserait la question.
Heureusement il enchaîna sur autre chose : la soirée de Noël.
« Oui c’est complètement dingue, j’ai bien cru qu’on allait y rester. Depuis j’ai du mal à me sentir à l’aise, comme si cette soirée était un avertissement… Comme si je n’étais pas vraiment à ma place ici. »

Visiblement Liam connaissait peu les pratiques d’embaumement en vigueur chez les Egyptiens et il semblait surpris. Pourtant c’était courant chez les moldus de s’y connaître, cela faisait souvent partie du peu que les enfants retenaient des cours d’histoire, c’était de fait pour beaucoup plus passionnant que les dates des batailles contre Napoléon ou les conflits entre anglicans et catholiques romains. Je souriais devant son air dégoutté : « Eh oui… C’était le seul moyen que les corps ne pourrissent pas je crois... »
Il n’insista pas concernant mes vacances, peut-être avait-il compris que je n’avais pas très envie d’en parler, surtout à quelqu’un que je connaissais à peine. Il me tendait une perche, laissait une porte ouverte pour que j’en parle, que je lui raconte mes déboires familiaux mais je n’en avais pas envie, trop de monde était déjà au courant, je ne voulais pas passer pour la pleurnicharde de service, j’avais ma fierté.
Heureusement un autre évènement retint son intention : effectivement il n’était pas à la soirée de Noël, il avait certainement suivi ça de loin, à son retour. Et sa curiosité à ce propos semblait sans limites. Sans lui dire que j’en faisais des cauchemars quasiment toutes les nuits, j’étais plus que disposée à lui raconter ce qu’il s’était passé.
« Tu n’y étais pas, toi, c’est bien ça ? J’ai été légèrement blessé comme beaucoup, une intoxication à la fumée, rien de grave, quelques jours à St-Mangouste et tout était rentré dans l’ordre. J’ai surtout eu peur pour les moldus présents, ils ont dû leur effacer la mémoire, « protection du secret magique » comme ils disent, mais je crains que ça ne développe chez eux des traumatismes incompréhensibles pour les psychologues. » je repris mon souffle, tentant de me remémorer précisément les événements.
« Alors si je me souviens bien, j’étais en train de parler à Erin et Junior quand la marque des ténèbres est apparu, une toute jeune fille dans un costume de fée je crois, a été projeté en l’air, tout le monde criait mais les cris étaient recouvert par le rire machiavélique de la marque. Il y avait du brouillard aussi. Et puis je me souviens de l’incendie, on ne sait pas d’où il vient, certains disent que c’est Misha, tu sais le russe ?, qui l’a déclenché… Moi je n’en sais rien. La porte était verrouillée, je me rappelle être devant, ne rien pouvoir faire pour l’ouvrir tant j’étais paralysée par l’angoisse, je m’en veut un peu maintenant. Heureusement qu’on a été sauvé de l’extérieur... Le reste, je ne m’en souviens pas bien, c’est flou dans ma tête. » Je ne savais pas dans quelle mesure mon discours était décousu mais j’imaginai qu’il n’hésiterait pas à poser des questions pour avoir des détails.

Liam avait la délicatesse de ne pas insister sur mes relations avec mon père qui m’avait conduit à ne pas rentrer à Noël, je ne voulais pas lui montrer mais je lui en étais reconnaissante. C’était encore compliqué pour moi d’assumer que je ne verrais peut-être plus jamais mon père, ni ma mère et Ahmet, tout ça pour une histoire de pouvoirs… Je ne voulais pas trop y penser, imaginer le pire, alors je n’allais pas m’en ouvrir à un de mes camarades que je ne connaissais pas, ou très peu.
Au fond, je ne savais pas si’ c’était par respect pour mes problèmes ou parce qu’il était bien plus intéressé par la soirée de Noël. C’est sûr que c’était bien plus palpitant, du moins pour ceux, comme lui, qui n’y était pas. Moi, j’avais juste envie d’oublier, de tirer un trait sur ce cauchemar. J’en rêvais suffisamment la nuit pour ne pas vouloir m’étendre dessus en plein devoir d’histoire de la magie. Mais je comprenais sa curiosité et Liam avait de toutes façons posé sa plume pour mieux m’entendre raconter mon histoire. Il n’allait pas être déçu, du moins j’espérais que ça calmerait sa soif présumée de sensations fortes.
« Ah oui, il y a même eu des articles dans les journaux ? Je ne savais pas qu’on était si célèbre » dis-je en blaguant. « Plus sérieusement, je m’inquiète un peu pour ces pauvres moldus, il n’avait rien demandé, c’était des orphelins qui avait juste l’occasion de passer une belle fête et nous avons tout gâché... »
J’avais mal au coeur rien que d’y penser, j’en voulais au monde magique de faire prendre de tels risques à d’innocents enfants, incapables même de comprendre, de savoir, les enjeux de leur présence. Après une pause, je poursuis mon récit, espérant éclaircir ce qui restait obscur après le début de mon récit.
« Je ne suis pas sûre de bien me rappeler… Mais l’incendie n’a pas commencé tout de suite. Et j’ai bien le souvenir persistant d’une sorte de brouillard magique avant l’incendie, après c’est peut-être on cerveau qui l’a reconstitué, je ne sais pas au fond. Concernant Misha, j’ai cru entendre les Sorensen dire ça, après je ne sais pas si tu les connais, pas sûre de pouvoir leur faire confiance, encore plus quand cela concerne une marque des ténèbres et une attaque contre des moldus. » Je ne savais pas ce qu’il pensait des Sorensen donc je ne voulait pas m’avancer plus, pas la peine de perdre mon partenaire de devoirs avant d’avoir fini de rédiger le parchemin.
« La fille en costume de fée, je ne la connais pas, c’est une pensionnaire de l’orphelinat, une moldue, qui s’est retrouvé projeté dans les airs alors qu’elle était tranquillement à côté du buffet. Et avant l’attaque non, il n’y avait rien de spécial et de toutes façons j’étais embarquée dans une discussion… disons, compliquée avec Erin et Junior. » Là encore, je ne dévoilerais ni le contenu de la discussion, ni en quoi elle était compliquée avant d’en savoir un peu plus sur mon interlocuteur.
Par contre, il avait remarqué qu’en plus d’éluder la discussion sur mes parents, j’avais aussi soigneusement évité de répondre à sa question sur ce que je voulais dire quand je parlais d’un avertissement. J’étais piégée, j’allais devoir me dévoiler un peu…
« Oh non… Je ne culpabilise pas de ne pas avoir réussi à ouvrir la porte, c’est juste que j’en veux un peu au monde sorcier de mettre en danger des innocents comme ça. Je ne parle pas des sorciers, quoiqu’un peu, mais surtout des moldues, des enfants en plus, qui n’avait rien demandé à personne et voulait juste s’amuser ce soir-là. Non, je pense que c’est un avertissement dans le sens où ces… individus nous rappellent ainsi leurs idées d’intolérance et de non-mixité, entre sorciers et moldus d’abord mais je pense que ça s’applique aussi, dans leur tête, aux nés-moldus. »

Visiblement, Liam n’avait plus aucune envie de parler de l’Egypte antique et des tombes. Les canopes le dégoutaient ? Il avait peur des momies ? Ou juste il était quand même plus passionné par l’actualité récente que par le passé ? Au moins il ne verrait pas à quel point je ne connaissais rien aux sortilèges anciens.
Ainsi donc il voulait tout savoir de la soirée de Noël et il avait semblé être très déçu de la brève d’actualité dans la gazette du sorcier. « En même temps je ne vois pas trop ce qu’il y a à en dire de plus, tous les détails et tout c’est intéressant quand tu es curieux mais sinon je ne pense pas que le but soit d’effrayer tous les ménages sorciers. Après je ne connais pas bien la journal, je ne l’ai jamais vraiment lu je dois dire. »
Son air compatissant semblait m’indiquer de ne pas m’en vouloir mais je me disais qu’il ne comprenait pas ce que je voulais dire. Je ne m’en voulais pas : je commençais sérieusement à penser que le monde sorcier en général avait une responsabilité dans cette situation. Bien sûr, l’agresseur avait une responsabilité écrasante mais je ne voulais pas dédouaner tous les autres, dont les idéologies passées avaient certainement amplifié le problème. Je n’étais pas sure de moi donc je préférais ne pas insister là-dessus.
« Oui bon les Sorensen… C’est pas à eux effectivement que je ferais le plus confiance, depuis Noël je les évite un peu je dois dire. Tu les connais bien, toi ? »
Ensuite il me fis le discours classique de tous ceux qui sont pour l’intégration des nés-moldus sur mes capacités et le fait qu’il fallait que je prouve aux autres que j’étais aussi douée qu’eux. Il exagérait un peu, si j’étais calée en métamorphose, je ne pouvais le nier mais pas en histoire de la magie, je ne m’y connaissais qu’en histoire normal.
« Parfois j’en ai marre d’avoir mes preuves à faire, tu sais… J’ai de la chance d’avoir des facilités dans certaines matières mais bon, quand bien même je n’en aurais pas, j’aurais ma place ici. » Il avait raison, je me décourageais un peu. « Oui, tu as raison au fond… Je n’ai pas envie du tout qu’il sente qu’ils peuvent gagner. Merci, parfois je me sens un peu abattue, c’est pour ça que je dis ça… Je ne le pense pas vraiment, faut juste que je reprenne courage. »
« Bon mais j’ai beaucoup parlé de moi, de cette soirée, mais toi alors ? Je sais pas, t’avais l’air content de tes vacances, raconte moi un peu, c’est comment Noël chez les sorciers quand tout va bien ? C’est pas du tout pour mettre fin à cette discussion, n’hésite pas à poser toutes les questions que tu as, au pire je n’y répondrais pas mais c’est pas grave. » Dis-je avec un grand sourire.

Ma tirade sur la gazette du sorcier n’avait vraisemblablement pas convaincu Liam vu la tête qu’il faisait, il semblait acquiescer plus pour me faire plaisir que parce qu’il était d’accord. J’insistai donc un petit peu : « Ce que je veux dire c’est que l’enquête est encore en cours et en l’absence de résultats il vaut peut-être mieux ne pas alarmer tout le monde, de suite, on ne sait même pas si l’incendie n’était pas accidentel au fond. » Même si ça me semblait trop gros pour être purement accidentel, je n’allais pas énoncer de doutes trop précis et je m’en tenais donc à la version officielle. « Je ne pense pas qu’il faille que les journaux se censurent et se taisent sur ce genre d’évènement, on a trop connu et on continue à trop le connaître, mais je ne vois pas l’intérêt d’effrayer sans vraies certitudes » Je pensais au traitement des médias dont m’avait parlé mon père en Turquie, une des raisons qui l’avait poussé à se dire que sa vie se ferait mieux ailleurs. Mais ce n’était peut-être pas le moment de tout dévoiler sur ma famille, encore moins sur mon père.
La conversation dériva sur les Sorensen, Liam ne semblait pas les porter dans son coeur non plus. « Embrouillé ? C’est un peu plus compliqué que ça, disons qu’eux diraient que c’est moi qui suis venue les embrouiller… Question de point de vue. Je ne sais même pas ce qui leur a pris de venir à cette soirée, leur mépris transpirait par toutes les pores de leur peau, je suis sûr que même les orphelins se sont rendus compte que quelque chose clochait. Oui, je pense qu’il mérite leur réputation. » Il me parla ensuite de la possibilité de me changer les idées avec Seth et lui.
« Oh c’est sympa ! Oui je n’hésiterais pas à me changer les idées avec vous deux ! Ou même si je n’ai pas forcément besoin de me changer les idées, je ne suis pas très sociable de base, donc bon, faut pas s’attendre à des miracles de ma part mais ça me ferait plaisir de passer du temps avec vous. » Ca faisait du bien de se sentir soutenue, de sentir que je pouvais me faire, si ce n’est des amis, le terme était encore un peu fort, au moins des camarades de classe qui me regardait avec sympathie.
Mon changement de sujet semblait lui plaire, il devait comme moi se dire qu’il ne servait à rien d’alourdir l’ambiance. « C’est super pour toi ! » Je n’étais pas capable d’en dire plus, je ne voulais pas penser plus longtemps à ce Noël familial inexistant dans mon cas.
« Oh oui, va falloir s’y remettre… Je t’avoue que je préfère largement discuter avec toi. j’aime bien l’histoire mais l’histoire de la magie c’est moins mon truc… Bon, t’as parlé des canopes ? On peut mettre quoi ensuite ? Les techniques d’embaumement à base de bandelettes en lin, sensées préserver de la pourriture ? »

Ce n’était pas pour rien qu’on me trouvait têtue souvent. Ce trait de mon caractère s’était un peu atténué en arrivant à Poudlard. Devant tant de nouveautés j’avais fait un peu profil bas, trop déboussolée pour m’opposer sérieusement à qui que ce soit, trop désireuse d’enfin m’intégrer. Mais très vite le naturel avait repris le dessus. D’autant plus quand on discutait de sujet sur lesquels j’avais affûté mes arguments des heures durant, peaufinant les exemples si besoin. Il faut dire que mon père était rompu à la discussion politique et m’avait transmis ce goût pour le débat d’idées, pour la controverse interminable lors des longs repas de famille. Il semblait l’avoir oublié en me reniant sans possibilité d’explications, sans moyen de défendre mon opinion, comme un homme qui use de son autorité plutôt que de conviction, un homme lâche selon sa propre vision de la lâcheté.
« Tu sais, si tu n’es pas d’accord, faut le dire, hein c’est pas grave, on discute, c’est tout » lançais-je avec un grand sourire. « Après tout ton avis dépend pour beaucoup je pense de ce que tu connais, de ce que tu as vécu et comme nous n’avons pas vu les mêmes choses ce serait enrichissant pour nous deux, je crois » Au moins sur les Sorensen nous semblions d’accord. Même s’il louait de manière exagéré un courage que j’aurais plutôt nommé témérité.
« Oh tu sais, je sais pas ce qui m’a pris c’était peut-être pas une bonne idée, j’ai dû être un peu provocante. J’ai fait ça plus pour me faire plaisir et parce que j’étais dans un endroit où ils avaient moins l’avantage que d’habitude qu’en ayant vraiment réfléchi à ce que je faisais. Au moins, l’espace de quelques secondes, ils auront perdu de leur superbe. » Je souriais quand même à cette évocation, je n’avais aucun regret. Peut-être à tort, je le payais désormais par des cauchemars à répétition et je le paierais sans doute par la haine d’Erin un jour ou l’autre. Mais ça avait été jouissif sur le moment. Puis nous reparlâmes d’un sujet plus léger : son invitation à me joindre à Seth et lui dès que je le voudrais.
« D’accord on fait ça, la prochaine fois on trouve un truc pour passer la soirée tous les trois ! » L’idée m’emballait, ça me changerait de mes soirée en solitaire devant un bouquin, surtout que je commençait à épuiser mon stock.
Après un moment de blanc gênant, consécutif à notre brève discussion sur ses vacances, nous finîmes par nous remettre au travail. Liam avait complètement oublié d’inscrire sur le parchemin ce que je lui avait dit sur les canopes, ce qui m’arracha un sourire tant sa mine affairée était comique. Après les bandelettes des momies, il restait encore la partie magique du devoir, celle que je ne connaissais pas et ne cherchais pas vraiment à connaître. « Euh pour les sortilèges et tout ça, il y a un truc dans le manuel, non ? » Je n’en savais strictement rien mais j’essayais de donner le change. De toute façon il commençait à se faire tard, il fallait qu'on finisse.

Bon, ce n’est pas ce soir que je débattrais de la liberté de la presse avec Liam, visiblement. Il semblait plus vouloir esquiver la discussion qu’autre chose. Je m’adoucis un peu, comprenant que mon âpreté au débat pouvait ne pas plaire à tout le monde. Je savais que contrairement à chez moi, dans de nombreuses familles, ce genre de discussions étaient quasiment taboues, on se disait qu’on allait quand même pas gâcher l’ambiance en risquant d’être en désaccord. Je ne comprenais pas cette mentalité mais si c’est celle dans laquelle Liam avait grandi, je n’allais pas insisté.
« D’accord, je comprends, t’inquiète. Fait comme si j’avais rien dit alors, de toutes façons ce n’est pas un horaire pour un tel débat. » Je tâchais de sourire, ne voulant pas qu’il interprète mal mes paroles.
Par contre, il avait l’air de me trouver légèrement téméraire et c’est un euphémisme. Au fond de moi, c’est vrai que cette discussion avec les Sorensen m’avait laissé tiraillé entre deux sentiments contradictoires : la peur devant mon audace et ma fierté de ne pas m’être laissé marcher sur les pieds. Lequel de ces deux sentiments l’emporteraient ? Je ne le savais pas et cela m’effrayait parfois, oui j’avais peur de ce que je pourrais devenir dans l’un et l’autre des cas. Pourtant je ne dis rien de cela à Liam et le rassurait.
« Oui je serais prudente, je ne tiens pas à m’attirer d’ennuis, surtout tant que je ne suis pas en mesure de me défendre. » C’était du bon sens mais je commençais à comprendre qu’une fois qu’on a goûté à l’adrénaline de la confrontation pour une cause qui nous semble juste, il pouvait être difficile d’y renoncer. Heureusement il ne semblait pas décidé à s’éterniser sur le sujet. Il me parla de le retrouver avec Seth dès le lendemain.
« Eh bien oui très bien ! On se fait ça demain, de toute façon avec Seth on s’est un peu parlé récemment donc ça ne lui paraîtra pas bizarre je pense. »
Enfin il me proposa de finir le devoir dans le dortoir, puisqu’il ne restait en gros qu’à recopier des infos du manuel. Ça m’allait très bien en effet, il ne pouvait pas imaginer à quel point mes connaissances historiques masquaient un blocage en ce qui concernait l’histoire de la magie.
« D’accord on fait, tu n’auras qu’à me montrer ça avant le petit dèj... » Nous en étions enfin venu à bout de ce premier devoir en commun. Et plus qu’une bonne note, je pouvais espérer une nouvelle amitié.