Jeudi en fin d'après-midi. Je sors du cours de Défense Contre les Forces du Mal. Je suis encore toute tremblante même si j'essaie de le cacher au mieux et des vilaines traces de mascara obscurcissent le tour de mes yeux. Je déteste cette nouvelle prof - Thor truc là - du plus profond de mon coeur. Utiliser un Epouvantard sans nous en informer pour mieux connaître nos peurs et secrets les plus profonds - parce que c'était le but de l'exercice hein, pas de tester nos capacités - c'est dégueulasse, limite criminel. Je me demande si Appleton est au courant et, si ce n'est pas le cas, est-ce que c'est légal de ne pas l'en avoir informée. Franchement si j'étais une balance de Sorensen issue d'une grande lignée, c'est ce que j'aurais fait. Mais je ne suis que Skyler et il faut savoir rester à sa place. Je n'ai voulu parler à personne pendant que nous attendions la fin des passages. Pas même à Sasha. Elle était pas mal secouée, elle aussi. Je suis bien contente de ne pas avoir cours après et de pouvoir me réfugier dans mon dortoir. Sasha poursuit avec Soin aux Créatures Magiques, je la salue en sortant de cours. On se verra plus tard, j'espère que sa leçon va lui changer les idées.

Sans attendre, je me dirige d'un pas rapide dans les cachots. Cette expérience m'a noué l'estomac, je n'ai même pas envie de passer par la Grande Salle pour me chercher de quoi grignoter. De base, je n'aime pas me retrouver au milieu d'un tas de gens donc quand je peux éviter, je n'hésite pas. Je n'ai qu'une seule chose en tête : regagner mon dortoir. Pour y faire quoi ? Je ne sais pas. J'espère juste que mes colloc' n'aient pas la même idée que moi : même si Vivian ne me dérange pas, j'ai vraiment besoin d'être seule. J'ose même pas imaginer un tête à tête avec l'autre connasse de Bluebell. De ce que j'ai cru comprendre - comme elle est passée après moi - elle a réussi l'exercice de Thorstein. Je ne comprends pas comment moi j'ai pu échouer. A quoi ça sert de cartonner aux examens si c'est pour faiblir dans la vraie vie ? Ridicule, je me déteste et je déteste le monde de manière générale. Me voilà arrivée devant le passage de ma salle commune. « Sang de salamandre. » A cette heure ci, il n'y a pas grand monde dans la salle commune. Ça m'arrange, je ne souhaite pas m'attarder. Je monte les escaliers et me dirige vers mon dortoir. Je jette littéralement ma besace au pied mon lit et je m'affale sur mon matelas. Pensive, je tripote la chaîne à laquelle est pendue ma guitare miniaturisée, autour de mon cou. Cette femme que j'ai vu, est-ce ce à quoi Elle ressemble aujourd'hui ou juste une projection de mon esprit ? Je sens que ça n'a pas fini de me tracasser. Soudain la porte s'ouvre, interrompant mon fil de pensées. La tranquillité n'aura été que de courte durée.

Tout un mélange d'émotions diverses se bousculent dans ma tête. La colère, d'abord. Je suis franchement furieuse de ce qui vient de se passer. Est-ce normal d'accepter ce genre de torture psychologique de la part d'un enseignant ? D'une personne ayant autorité sur nous et se devant, un minimum, de garantir notre intégrité physique et morale ? Est-ce que la direction est seulement au courant ? Ce n'est certainement pas mon genre d'aller chouiner dans les jupons des hautes autorités comme la princesse Finnbjörn Sorensen a pu le faire pour l'incendie. Je n'en pense cependant pas moins et cette connasse de Thorstein n'aura sûrement pas intérêt à venir le chatouiller de trop près. Suivant la colère, il y a la frustration. Celle de ne pas avoir réussi mon sort et de m'être laissée avoir par une putain de créature dépourvue d'âme. Depuis quand je suis devenue chochotte à ce point ? Je foire tout, en ce moment. Il n'y a qu'au Quidditch que je suis douée et même si c'est le plus important à mes yeux, mes autres échecs n'en restent pas moins décevants. L'amertume, enfin. Celle d'avoir été confrontée à cette terrible angoisse sans y avoir été préparée. Pire, d'avoir été confrontée à Son image. Je crois que c'est ce qui a de pire dans cet épouvantard. Ce n'est pas tant de décevoir tout le monde et d'être rejetée, même si j'en ai une peur bleue. Ce visage, je l'avais effacé de ma mémoire. La photo que je garde cachée dans ma guitare la montre de dos et ça me suffit. Je ne veux pas retrouver mes traits dans les siens et réaliser à quel point je lui ressemble. Je m'y suis toujours refusée et voilà qu'une arriviste de prof m'y contraint. Je la déteste.

Je repense à tout ça, allongée sur mon lit, en tripotant mon médaillon qui est en fait ma guitare miniaturisée. Je me sens bien dans la solitude de mon dortoir, cela me permet de mettre les choses à plat. En général, la présence de mes camarades ne me dérange pas. Bluebell est plutôt peste dans son genre mais comme elle est en infériorité numérique, elle ne peut pas trop faire d'esclandre. Pour autant, ce moment fait partie de ceux où l'on préfère rester seul afin de démêler le noeud de pensées et d'émotions qui se forme en nous. C'est pour cette raison que, avant même de découvrir l'identité de celle qui fait son entrée, je suis déjà agacée d'entendre la porte s'ouvrir. Agacement qui ne fait que grandir davantage lorsque un regard jeté en sa direction me dévoile l'apparition de Bluebell dans l'encadrement de la porte. Putain ... Il fallait qu'elle vienne casser les couilles, celle là. La brune note ma présence en prononçant mon prénom. Formidable, en trois ans de collocation elle a retenu au moins ça. Tandis qu'elle m'ignore royalement, je la suis des yeux alors qu'elle s'installe sur son propre lit. Je reporte mon attention sur mon pendentif alors que Blue se penche pour prendre un livre. L'ambiance est pesante, comme à chaque fois qu'on force deux personnes qui ne s'apprécient pas à être au même endroit. Ce n'est pas de la gêne comme lorsqu'un silence s'éternise mais c'est juste de l'animosité, de l'agacement de devoir tolérer la présence de l'autre. D'ailleurs, Sherwin me demande si je compte sauter le dîner. Comprenez par là qu'elle cherche à savoir si je compte virer mes fesses de là dans un délai plus ou moins long. « C'est ce qui est potentiellement prévu. » Dis-je. Une réponse laconique mais qui laisse entendre que je suis prête à négocier, si elle a de quoi le faire. Hors de question que je lui laisse le dortoir pour elle seule si je n'ai rien à y gagner. Et, en l’occurrence, j'étais quand même là la première donc soit sa proposition tient la route, soit c'est elle qui dégage.

Secrètement, j'espère ne pas rester trop longtemps en tête à tête avec Bluebell. Ce n'est que j'ai peur ou que je me sens inférieure, certainement pas. Seulement, je la côtoie depuis assez longtemps pour être en mesure de prédire comment ça va se finir. Mademoiselle Sherwin va encore faire sa princesse à deux balles et ça va clairement me casser les couilles. Hors du dortoir, j'essaie au mieux de fermer ma gueule quand ça arrive. Mais ici, c'est quand même un peu mon domaine donc hors de question de la laisser faire sa loi. Il n'y a qu'à voir cette façon que la brune a de me regarder, lorsqu'elle fait son entrée dans la pièce. Méprisante jusqu'au bout des ongles, insupportable au possible. Je l'ignore du mieux que je peux. La journée a été suffisamment pénible comme ça sans qu'il y ait besoin de rajouter de l'huile sur le feu. Un silence pesant, chiant et assez agaçant nous attend mais c'est ce qui me semble être le mieux. Jusqu'à ce que la duchesse ouvre sa gueule, évidemment. Elle croit que je ne vois pas clair dans son petit jeu ? "Tiens Skyler, tu sautes le dîner ?" Comme si elle en avait quelque chose à foutre, de mes comportements alimentaires. Je sais très bien ce qu'elle veut dire et il est hors de question que j'accède à sa requête. Du moins, pas sans quelque chose en échange. Tout s'achète à Poudlard, y compris ma loyauté. Je réponds pas la négative mais ma camarade insiste. Je lève exagérément les yeux au ciel, agacée par son insistance. Non, pas de sorties nocturnes ce soir. Je n'en fais pas si souvent que ça, faut pas déconner. Bon sang, qu'est-ce qu'elle peut me taper sur les nerfs, à faire des manières pour lire son stupide livre. Je suis quasiment certaine qu'elle n'est même pas concentrée sur sa lecture. « Rien ne t'empêche de partir si ma présence te gêne. » Je relève mon buste en m'appuyant sur mes coudes. Si elle veut de la tranquillité, il y a des tas d'endroits propices à la trouver. Sans compter que son départ me procurerait un certain plaisir, je dois bien le reconnaître.

Le silence s'installe à nouveau après cela. Elle plongée dans son livre, moi couchée sur le flanc. Si l'atmosphère n'était pas si pesante, je crois que je me laisserais même aller à dormir. Mais comme j'ai plus confiance en un dragon qu'en Bluebell, il est hors de question que je dorme alors qu'il n'y a personne d'autre avec nous. Elle serait capable de me faire les poches, je suis sûre. Je l'entends me demander de l'écouter, comme si elle s'était résignée. Prise d'un espoir soudain de la voir disparaître, je me redresse et constate qu'elle a posé son livre. J'imagine que c'est un bon signe, jusqu'à ce qu'elle poursuive. Je l'écoute me faire le bilan de la situation, avec pour seule approbation une moue circonspecte. C'est clair qu'on ne se reposera pas tant qu'on sera en présence de l'autre, sur ce point elle n'a pas tort. Je la laisse poursuivre et écoute sa proposition jusqu'au bout sans témoigner la moindre réaction. Je n'apprécie pas le ton sur lequel elle me parle ni même ses petites exigences de gamine gâtée. « C'est une offre vachement généreuse, duchesse. » J'utile le même ton tranchant que celle que j'appelle "duchesse", inutile de prendre des pincettes. Toutefois, même si ma réponse a quelque chose d'ironique, j'avoue que le marché me tente. Trois alibis, c'est une proposition qu'elle ne me fait pas tous les jours. Bluebell doit vraiment tenir à sa tranquillité pour me concéder autant. « Va pour 3 sorties couvertes. Mais à ce prix là, je pars d'ici et je rentre à l'heure qu'il me plait. » Bah quoi ? Je n'allais pas accepter sa proposition comme un bon petit toutou. Tout s'achète mais j'ai quand même un minimum d'amour propre. Elle gouverne peut-être chez elle, dans son petit royaume mais ici, elle est mon égale. Même si elle est persuadée du contraire. Je me redresse complètement et m'assois en tailleur sur mon lit. « Et si tu veux que j'te ramène de quoi grailler, ton altesse sérénissime, va falloir rallonger la note. » J’arque mon sourcil droit. Clairement, j'ai décidé de ne pas lui faciliter la tâche. C'est sans doute plus par esprit de contradiction qu'autre chose mais, que voulez vous, c'est plus fort que moi.

Même si elle m'exaspère, je dois avouer que Bluebell m'est plus sympathique qu'à nos débuts dans le même dortoir. Elle reste une petite peste égocentrique qui pense que le sang joue sur la valeur d'une personne mais ça reste nettement plus supportable que d'autres Serpentards. Est-ce parce que je me suis habituée à sa présence ou parce qu'elle a meilleur fond que ses camarades ? Honnêtement, je penche carrément pour la première option. Si nos paroles s'enflamment, l'aristocrate est capable d'aller très loin, tout comme moi et le dortoir se transforme rapidement en un champ de bataille suivi par une guerre froide digne de l'URSS et des Etats-Unis. A force de prises de becs, je crois que nous avons déterminé les points sur lesquels appuyer pour faire monter la mayonnaise. A l'inverse, nous savons également où s'arrêter pour éviter que ça parte en live. Je sais donc ce que je fais quand je tire un peu sur la corde pour grappiller un ou deux privilèges de plus en échange de mon départ. Je devine qu'à cet instant précis, le calme qu'elle recherche lui est plus important que ce qu'elle peut bien me céder en retour. Quelle Serpentard serais-je si je n'en profitais pas ? Sur le qui-vive, j'observe Bluebell se lever et faire le tour du dortoir. L'espace d'un instant, je crains d'être allée trop loin. Je n'en montre rien : négocier avec cette vipère est plus exigeant qu'une partie de poker.

Sherwin se plante finalement devant mon lit, que je n'ai pas quitté. Me faire traiter de mendiante aurait pu mettre le feu aux poudres quand j'étais un peu plus jeune mais maintenant, et surtout venant d'elle, ça m'est totalement indifférent. Je sais qu'elle aime plus que tout dominer, toiser ses semblables et les rabaisser lorsqu'elle les considère comme inférieurs. Cette attitude est vexante au début mais il y a des situations qui exigent de ravaler sa fierté. « Il faut croire que mes manières de mendiantes fonctionnent. » J'ai obtenu satisfaction et ne boude pas mon plaisir. Je savais qu'elle serait prête à en lâcher davantage pour me faire partir. Je me tourne totalement vers elle et lève la tête pour soutenir son regard. « Puis tu sais, Aladdin aussi était mendiant et il a tout de même réussi à se taper la princesse. Tu devrais surveiller Maxton. » Je doute qu'elle comprenne ma référence à Disney. Ce ne sera sûrement pour elle qu'un langage de barbare, encore une fois. Qu'importe, je sais qu'un mot retiendra son attention : Maxton, son jumeau adoré. Entre les Brown et les Sherwin, je commence à me dire que le truc des jumeaux fusionnels n'est pas un mythe. J'aurais pu éviter d'évoquer son frère dans notre conversation mais je suis curieuse : va-t-elle réagir ou non ? Ce ne sont que des paroles en l'air, évidemment : je n'ai aucune envie de me taper Maxton et lui ne supporterait même pas que je le touche. C'est juste histoire de rigoler, aussi étrange que cela puisse paraître.

Qui ne tente rien n'a rien, aussi je teste les limites de ma généreuse interlocutrice. Je propose de lui ramener de la nourriture en échange d'un petit supplément. Ce n'est pas pour Bluebell que je le fais, sa santé ne me préoccupe guère. Seulement, si elle reste dans le dortoir jusqu'à demain, son ventre va nous empêcher de dormir toute la nuit. Même si la mienne risque d'être courte, j'aimerais en profiter au maximum. La brune pose ses mains sur mon sommier et je crains qu'elle ne se jette à ma gorge, vu sa position. Elle décline alors ma proposition par sécurité, dans le cas où j'empoisonnerais la nourriture. Elle sourit et je fais de même : le poison est un choix de femme, c'est bien vu. « Ne sois pas ridicule. Je ne vais pas risquer de perdre mon alibi pour cinq minutes de plaisir, je vois plus loin que le bout de mon nez. » Mes doigts viennent encercler mon menton. Nous savons toutes les deux que nuire de trop à l'autre ne nous serait pas bénéfique. Traiter avec Bluebell, c'est comme un exercice de funambule. Il faut trouver le juste équilibre entre gain et mépris. C'est un peu présomptueux de la part de la Serpentard de penser qu'elle va me manquer. Pourtant, je dois bien avouer que nos échanges sont parmi les plus distrayants. Avec Sasha, la relation est différente puisque nous sommes amies. Bluebell représente l'une de mes meilleures stimulations intellectuelles. « J'suis sûre que j'te manquerais aussi. Que serait une duchesse sans son bas peuple à mépriser ? » Je me retiens de faire la révérence, cela pourrait lui faire croire que je me moque. J'ai juste fini par me faire à sa personnalité et c'est dans mon intérêt de m'y conforter. J'ai tout le loisir de la détester en dehors de ce dortoir.

Pour tolérer toutes ces nuits passées dans la même pièce qu'une extrémiste, il faut savoir prendre les choses avec philosophie. Ce fameux truc dont je manque encore cruellement dans certaines situations. Ce sont souvent les meilleurs qui partent les premiers, aucun risque que Bluebell ne disparaisse avant la fin de nos études à Poudlard. J'ai donc dû faire avec sa désagréable personne, bon gré mal gré. Cela m'a demandé un certain travail sur moi-même : les débuts furent chaotiques. Mais finalement, je crois que je commence à apprécier cette électricité dans l'air à chaque fois que nous nous retrouvons dans ce dortoir. C'est comme un grand jeu d'échecs avec une nouvelle partie qui commence chaque soir. Parfois je gagne, parfois je perds mais j’affirme toujours plus ma stratégie et ma réflexion. Je ne sais pas ce qu'elle pense de son côté : nous ne sommes pas tellement portées sur les confidences. Je n'apprécie pas la duchesse Sherwin mais je sais estimer les adversaires à ma hauteur : elle en fait indéniablement partie. Je ne sais pas comment cela se passe dans les dortoirs où tout le monde s'entend bien, avec une superbe ambiance. Je ne suis pas certaine que je l'apprécierais davantage que celle de mon dortoir. Cette attrait pour la compétition permanente est propre aux Serpentards, j'imagine.

S'attaquer à Maxton est une valeur sûre. Je suis certaine de faire mouche à chaque fois. Il est même assez décevant que Bluebell laisse ce point faible aussi accessible, aussi visible. Je ne la connais que très peu malgré la promiscuité induise par ce dortoir partagé. Pourtant, je sais où appuyer pour faire mal. En sait-elle autant sur mon compte ? J'espère bien que non. En tout cas, je fais tout pour. Je laisse le moins d'effets personnels dans le dortoir, au cas où Bluebell - ou quelqu'un d'autre - aurait envie de fouiner. Ma comparaison entre Maxton et Aladdin fait mouche. Je doute que la jeune femme connaisse ce conte moldu - trop inférieur à ses yeux - mais il ne faut pas avoir inventé l'eau chaude pour comprendre où je veux en venir. Si j'obtiens une réaction de la part de la duchesse, celle-ci est néanmoins décevante. Je m'attendais à davantage de passion plutôt qu'à une simple tension. J'ai connu Bluebell bien plus flippante que ça. Un simple froncement de sourcils trahit mon mécontentement. Je déteste quand elle parle d'espèce, je déteste la pensée même que l'humain se divise en plusieurs "catégories". Avant, j'aurais pu m'emporter pour la simple utilisation de ce terme. Maintenant, je sais que cet emploi ne prouve que davantage la bétise de ma camarade et son besoin maladif de supériorité. « Si c'est vrai, alors tu n'as aucune raison de te crisper comme cela. » Avoir réussi à agacer Bluebell m'amuse et me satisfait grandement. Je passe volontiers l'éponge sur les termes qu'elle a employé. Je suis peut-être de la vermine mais si elle s'énerve autant, c'est qu'une toute petite part d'elle-même a un léger doute. Mais bon, je ne suis pas experte en comportement humain alors c'est peut-être tout simplement la preuve d'une possessivité exacerbée. Je préfère la première option. « Et personne n'a parlé d'entichement. » J'étais plutôt partie sur quelque chose de moins sérieux. Je n'ai pas tellement envie de me caser alors si c'est en plus pour ce coltiner ce cul serré de Maxton, plutôt crever.

Alterner les phases de tension et de relâchement, voici la clé pour que notre dortoir ne se transforme pas en bain de sang. Si l'idée semble tentante, je n'ai aucun intérêt à empoisonner Bluebell alors autant qu'elle le sache. Son utilité dépasse son caractère infecte et, de toute manière, je ne suis pas assez odieuse pour envisager de la supprimer. En revanche, ça pourrait bien être son genre. Je devrais vérifier mes assiettes, à l'occasion ... « Et il t'a fallu tout ce temps pour t'en apercevoir, très perspicace. » A force de me complimenter comme cela, elle risque d'attraper des boutons. Trop de gentillesse d'un coup peut être fatal ... Je suis cependant satisfaite qu'elle reconnaisse mon bon sens à haute voix. Si Bluebell ne me considère pas comme son égale - il ne faut pas trop en demander - j'ai au moins assez de valeur pour qu'elle prenne la peine de le souligner. Sa Majesté est trop bonne mais je ne compte pas lui laisser la moindre parcelle de terrain. Elle me complimente mais je n'en ferai pas de même. Une petite révérence moqueuse vient répondre à la brune lorsqu'elle évoque la plèbe, dont je fais partie, et la haute société. Ça me dérange pas d'être la subalterne, tant que j'y trouve mon compte. La discussion est devenue cordiale voire même amicale, c'est un miracle. Déjà, pourtant, les affaires reprennent. Sherwin me tourne le dos et annonce que l'accord est trouvé. Ma foi, je suis prête à me satisfaire de son prix. La brune s'installe sur son lit, je me lève du mien. Elle prend son livre, moi mon sac et me dirige vers la porte. « Trois nuits en plus de celle-ci, que je t'accorde. » Dis-je en plantant mon regard sur elle, avant de prendre la porte et de disparaître. Certains auraient pu exiger un contrat écrit mais ce serait laisser une preuve de nos fautes. Je sais que Bluebell tiendra parole : si je tombe, elle tombe.