Valises en main, Siwan avait décidé de rallier Poudlard avant la rentrée officielle. Le temps d’organiser ses affaires, d’investir ses nouveaux quartiers et de finaliser ses cours, les élèves reviendraient de leurs vacances d’hiver en moins de temps qu’il ne faut pour jurer Myrddin. Ensuite, on la présenterait aux élèves, et elle poserait sur l’assemblée un sourire rassurant mais un regard empli de nostalgie. Se retrouver de l’autre côté des bancs de l’école provoquait un étrange sentiment dans le coeur de Siwan et la galloise ne pouvait s’empêcher de ressentir une infime mélancolie dans tout ceci. Depuis son entretien avec la directrice, Siwan était sujette aux remémorations, aux souvenirs qui la ramenaient des années en arrière. Bien des années…


I - THE FOOL

Il existait un arbre. Un arbre immense. Un arbre majestueux qui recouvrait déjà trois murs d’une pièce lui étant entièrement dédié. Les branches s’étalaient d’une surface à une autre et les racines plongeaient directement dans le sol. Quand on ouvrait la porte, on lui faisait face et de son seuil, il était possible de voir la lignée Kendrick de la première graine jusqu’au dernier bourgeon. Cela faisait déjà huit ans que Siwan était apparue sur la grandiose tapisserie. Toute la famille avait été réunie pour l’occasion. S’en était suivie une autre réunion familiale, peu après, pour la naissance de sa cousine, Alys. Et aujourd’hui, ils célébraient l’acceptation de Cadmon, son premier frère, à Poudlard. Siwan était restée à la maison avec Caïn, son deuxième frère, pendant que Cadmon était parti acheter ses affaires et - surtout - choisir une baguette qui lui serait digne. Les elfes de maison s’étaient activés toutes la journée pour préparer le dîner du soir. Siwan avait suivi sa mère comme une ombre pour “l’aider” aux préparatifs.

— Un peu plus à droite.
— Ouais, un peu plus à droite, répéta-t-elle sur le même ton.
— Et veillez à respecter le plan de table cette fois. Cadmon doit se tenir au plus proche de Brieg, et…
— Veillez à respecter le plan de table cette…
— Siwan ? Tu peux allez t’occuper ailleurs s’il te plaît ?

Sa mère avait parlé d’un ton doucereux mais son visage était resté impassible. Une gentille façon de dire à une enfant qu’elle dérangeait. Siwan ne chercha même pas à débattre la question.

— Elle est même pas droite votre banderole, fit-elle en tirant un peu dessus, mais en prenant tout de même la peine de replacer une fourchette mal alignée avec le reste des couverts.

La benjamine grimpa les marches en courant pour fuir la possible colère de sa mère et vint s’asseoir devant la balustrade pour continuer d’observer les préparatifs. Dans quelques semaines, Cadmon ne serait plus à la maison. Siwan avait dû mal à se l’imaginer. Elle ne détestait pas Caïn, mais ce n’était clairement pas avec lui qu’elle passait les meilleures après-midi de sa vie. Avec qui ferait-elle tourner en bourrique les elfes de maison ? Avec qui préparerait-elle les pires bêtises du monde ? Avec qui bombarderait-elle de pauvres moldus de bombabouse ? C’était clairement la chose la plus marrante du monde ! Surtout qu’après, ils rentraient fissa à la maison, protégée pour être invisible aux yeux des non-sorciers. Et ils les observaient se demander s’ils n’avaient pas marché dans une crotte de chien ou si un oiseau ne leur avait pas déféqué dessus pour puer autant. Hilarant !

— Siwan, faut qu’on descende, avait dit son frère Caïn en passant à côté d’elle. Il devait avoir encore passé la journée dans la bibliothèque, celui-là.

La galloise suivit son frère alors que tout le monde se réunissait dans la salle à manger. Cadmon était rentré avec leur père, un grand sourire aux lèvres. Il fit un clin d’oeil à Siwan en passant, promesse de quelques emplettes bien faites dans un magasin de farces et attrapes. Puis tout le monde alla s’asseoir là où son nom se trouvait. Grand-père Brieg en bout de table, Cadmon et leur père à ses côtés. Puis leur mère, Caïn en face, et Siwan en dernière, en face de… personne. La gamine n’arrêtait pas de tenter d’attirer la chaise d’en face pour y déposer ses pieds, ne réussissant qu’à la faire racler sur le sol et à la mettre dans une disposition qui faisait enrager la perfectionniste du parallélisme en elle.

— Siwan, tiens-toi tranquille ! râla sa mère.
— ... nous comptons sur toi, mon garçon, pour représenter fièrement les Kendrick à…, continuait de discourir leur grand-père.

Elle n’écoutait que d’une oreille la déclamation de leur grand-père. Même Cadmon commençait à s’ennuyer à devoir rester debout à côté de lui. Et blablabla, la fierté des Kendrick, et blablabla, de lointains cousins de Merlin, et blablabla, l’honneur de nos racines et la puissance de la famille. C’était tout le temps la même rengaine.

— Alys vient pas ?
— Pas aujourd’hui.

Non, aujourd’hui c’était en petit comité qu’ils étaient obligés d’écouter grand-père radoter. Il était intarissable, surtout que la baguette de Cadmon était faite en chêne, présumément le même bois que celle de Merlin. On ne l’arrêtait plus ! Le repas fut d’une insupportable longueur. Siwan avait tenu bon en pensant pouvoir parler à son frère après le dîner, mais il fut retenu et demandé par grand-père dans son bureau. Avec Caïn, ils furent obligés de se rendre à la bibliothèque pour potasser quelques livres sur l’Histoire de la Magie et l’Histoire de Merlin en général. En plus de celle des Kendrick. Les devoirs avant l’heure.

— Tu te rends compte ? Cadmon il s’ra plus avec nous l’année prochaine.
— Hum.
— T’as hâte toi, d’aller à Poudlard, ou pas ?
— Hum-hum.
— Ça veut dire oui ou ça veut dire non ça ?
— Tu fais trop d’bruit.

Et c’est ainsi que Siwan fut virée de la bibliothèque par son propre frère. Elle fit un petit détour vers le bureau de leur grand-père, espérant pouvoir glaner une information ou deux sur la discussion entre son frère et lui, mais elle arrivait trop tard. Siwan monta jusqu’à sa chambre, pensant déjà aux prochaines journées sans Cadmon. Puis à l’année d’après, où elle se retrouverait sans personne. Jusqu’à sa propre rentrée.

II - THE MAGICIAN

La réunion familiale en l’honneur de Siwan et d’Alys ne fut pas aussi joyeuse que celle de Cadmon. Officiellement, sa mère rejetait la faute sur le grand comité de personne - qui s’était juste vu rajouter oncle Aberthol, tante Ariana et tante Nesta. Officieusement, Siwan savait qu’une tension planait suite à la répartition de Caïn l’année dernière. Il… n’avait pas rempli les attentes de leur grand-père. Ils avaient un Serdaigle dans la famille, et aux yeux du chef de la famille, c’était inacceptable. Sans le respect qu’il avait pour Edwen, il n’aurait pas hésité à le renier de la famille, voire à convaincre tout le monde qu’il avait été adopté. Brieg n’adressa pas la parole à Caïn depuis et ce dernier s’en portait très bien.

— On pourra dire ce qu’on veut, mais en attendant, c’est lui qui a rapporté le plus de points à sa maison alors qu’il n’est là que depuis un an, lui chuchota Cadmon à l’oreille.

Un exploit que personne n’allait reconnaître mais que la fratrie Kendrick avait su fêter entre eux. Caïn n’était pas très expressif sur ses émotions et était très peu loquace, mais avec Cadmon, ils avaient bien vu que ça lui avait fait plaisir. Siwan avait hâte de les rejoindre à Poudlard ! Le vide de la maison lui avait été insupportable. Suivre les leçons de grand-père sans eux avait été pire qu’un calvaire pour elle et elle n’avait jamais trouvé le moyen de se soustraire aux leçons quotidiennes. Leur grand-père lui faisait trop peur pour ça. C’est pourquoi, quand elle fut conviée à se rendre dans son bureau après le dîner, Siwan eut la boule au ventre. Son instinct lui disait de fuir, de retourner à la fête pour entendre la harpie raconter à quel point son impatience était grande et tout ce qu’elle prévoyait déjà de faire une fois à l’école et “par Myrddiiin, Siiiwan” - sa voix criarde faisait toujours élever les i dans des aiguës de tous les diables - “faut absolument qu’on soit dans le même dortoir, c’pas possiiible autrement !”

— Prévois-tu de me décevoir, Siwan ?
— Non, monsieur.
— Aimerais-tu me décevoir ?
— Jamais, monsieur…
— Bien. Dans ce cas, tu me feras le plaisir d’avoir un comportement irréprochable à l’école. Rappelle-moi les matières importantes ?
— Les sortilèges, la métamorphose, récitait Siwan sans le regarder dans les yeux. la défense contre les forces du mal, l’étude des runes et la divi…
— Et c’est tout. Tout ce que Merlin savait maîtriser, et rien d’autre. Et je rajouterai Histoire de la magie à ton attention - tu as trop négligé cette matière ces derniers temps.

Officiellement, c’était tout ce que Merlin savait maîtriser et rien d’autre. Mais avec rien d’autre, ils n’avaient pas énormément de chances d’obtenir un métier après leur diplôme. La famille Kendrick était ancienne et avait son réseau, peut-être, mais cela ne pouvait pas durer pour toujours, pas vrai ?

— N’oublie pas de venir me rapporter la composition de ta baguette demain. Tu peux disposer.

Siwan se dépêcha de sortir, d’abord d’un pas rapide, puis en courant une fois la porte franchie, afin de rejoindre Alys qui dormait chez eux pour la nuit. Elles se rendirent ensemble au Chemin de Traverse le lendemain, avec tante Ariana, la mère de Siwan et Nana.

— Toi et moi, à la liiibrairiiie dans diiix miiinutes !
— Essaie de pas te perdre alors !

Alys était partie faire les essayages pour sa robe pendant que Siwan partait en direction du magasin de baguettes. Sa mère et Nana ne s’adressèrent pas la parole du chemin. En entrant dans le magasin, Siwan découvrit une multitude de boîtes débordant des étagères, recouvrant le sol, envahissant l’arrière-boutique ! Et elle était censée en choisir une ?

— Toutes vos baguettes en chêne, s’il vous plaît, demanda Edwen au vendeur.

Sûrement voulait-elle ne pas plus ombrager Brieg qu’il ne l’était déjà, mais Siwan ne trouvait pas ça très juste.

— C’est pas d'la triche de faire comme ça ?
— Ne discute pas. Ce sera plus rapide comme ça.
— Et que dirais-tu de la laisser choisir, Edwen ? Tu n’as pas besoin de toutes les essayer. Écoute ton instinct, lui dicta Nesta.

De toutes les boîtes, Siwan choisit celle contenant une baguette de noyer noir. Un bois puissant, d’après le vendeur, mais difficile à maîtriser. La description ne parut pas mettre en colère son grand-père en l’entendant le soir, mais sa grimace montrait bien qu’il ne s’était pas attendu à ça. Siwan s’en fichait. Elle trouvait sa baguette magnifique. C’était celle qu’elle avait choisi.


Le jour J, les Kendrick prirent un compartiment à eux tout seul. Caïn avait le nez plongé dans un livre et Cadmon se tenait au niveau de la porte pour saluer les gens qu’il connaissait. Et par Myrddin qu’il en connaissait ! Le train entier avait l’air de savoir qui Cadmon Kendrick était. Alys et Siwan étaient excitées. La harpie lui tint la causette jusqu’à leur arrivée dans le hall d’entrée, et Siwan ne tarissait pas de répliques pour lui répondre. À elles deux, elles devaient avoir usé plus de salive que tout leur groupe réuni.

— Kendrick, Alys !

Sa cousine fut la première à être appelée pour la répartition entre elles deux, et alors que Siwan pensait avoir au moins quelques secondes pour se préparer, son tour suivit immédiatement.

— Kendrick, Siwan !

La galloise vint s’asseoir sur le tabouret et chercha sa famille du regard alors qu’on lui mettait le vieux chapeau sur la tête. Caïn lui souriait de la table des Serdaigle, tandis qu’Alys et Cadmon lui faisait des gestes depuis celle des Serpentard. Ils allèrent jusqu’à se lever quand elle fut elle aussi répartit dans la maison verte et ils l’accueillirent avec un enthousiasme contagieux.

— Moi j’vais vous dire pourquoi ça a été si rapide avec la harpie, commença Cadmon
— Parce que le choixpeau il a pas pu supporter sa voix de crécelle suppliant pour aller chez les verts ?
— Arrêtez de riiire tous les deux !

Siwan se plaisait déjà beaucoup à Poudlard. Elle retrouvait enfin toute sa famille et il n’y avait plus son grand-père ou sa mère pour la terroriser avec l’Histoire des Kendrick et l’importance de Merlin dans leur vie. Même si Nana lui manquait déjà.

III - THE HIGH PRIESTESS

— Tu vas mourir Nana ?
— Bien sûr que non, Carys.

Siwan avait toujours eu peur que sa tante ne meurt. Nesta était souvent fatiguée, épuisée, au bord de l’évanouissement dans les pires cas, avec des cernes sous les yeux. Dans ces moments-là, elle recevait rarement quelqu’un, mais elle laissait toujours Siwan lui tenir compagnie du moment qu’elle n’attendait pas d’elle de longues réponses. Alors Siwan faisait la discussion pour deux. Depuis son acceptation à Poudlard, quand elle revenait à la maison, elle lui racontait tout ce qu’elle avait appris, vu ou fait - même les pires bêtises. Nana s’en fichait bien, elle, des retenues qu’elle avait pu avoir ! Sa tante préférée écoutait en souriant faiblement. Et chaque fois qu’elle la voyait dans cet état, Siwan lui demandait “Nana, tu vas mourir ?”, et elle lui répondait inlassablement “Carys, tu sais bien que non”. C’était comme ça qu’elles s’appelaient, quand elles n’étaient que toutes les deux. Leur façon à elles de se retrouver dans leur propre bulle.

Nana était une Voyante. Une vraie. Avec le don et tout ce qui allait avec. C’était pour ça, apparemment, qu’elle était si faible parfois. Et quand votre tante possédait le très rare don de voyance, vous vous doutiez facilement que votre vie ne serait pas comme les autres. C’était pas possible de vivre une vie normale avec un fanatique en tant que grand-père et une tante qui pouvait voir l’avenir. Siwan avait toujours été fascinée par cette faculté de prédire l’avenir. Nana l’avait rapidement remise à sa place, en lui disant que ce n’était pas forcément sur demande et que ce n’était, en aucun cas, un cadeau. Mais Nana ne s’en plaignait pas pour autant. À ses yeux, sa tante était la femme la plus forte du monde.

— Les sorciers se contentent d’utiliser leur baguette et de l’agiter. Certains arrivent à s’en passer parfois, et à utiliser la magie dans sa forme la plus pure, mais ils ne cherchent pas plus loin, lui expliqua un jour Nesta. C’est pour ça qu’ils sont nuls en divination. Ils ne cherchent pas à comprendre ou à ressentir cette énergie. Toi, toi tu pourrais, si tu le voulais.

Elle le voulait. Siwan voulait comprendre mieux sa tante, voir les choses comme elle les voyait. Siwan, malgré les mises en garde, prit divination en option, lors de sa troisième année, au même titre que l’arithmancie et l’étude des runes. Alys et Cadmon la regardèrent un peu de travers, mais ils passèrent vite à autre chose. Sa mère n’eut pas la même sollicitude. Et à chaque fois qu’elle doutait, Nana était là.

— N’ais jamais honte, tu m’entends ? Jamais.

Nana savait ce qu’elle disait. Et la divination se révéla être une matière pleine de possibilités.

IV - THE HANGED MAN

À quelques jours de sa rentrée en sixième année, une dispute éclata à la maison. Cadmon était en voyage depuis qu’il était diplômé, Caïn commençait déjà à préparer ses ASPICs, blindé de matières comme il était, et Siwan fuyait son grand-père autant que possible. Ayant raté sa BUSE d’Histoire de la Magie, la galloise se faisait aussi petite que possible pour ne pas qu’on lui fasse la morale. Elle osait déjà continuer dans ses “fantaisies” d’étudier la divination alors qu’une telle matière était “inutile” et “non productive”, “incapable de faire avancer la société”, “sans aucune avenir” et…

— T’as gagné, c’est bon. Tu sais quoi, je m’en vais ! Tu ne me verras plus dans cette maison. C’est ce que tu voulais non ?

La voix de Nana avait résonné dans toute la maison. À peine Siwan avait-elle relevé la tête que sa tante dévalait les escaliers et empoignait ses affaires. Deux valises planaient derrière elle, et un plus loin, son grand-père suivait.

— Et où vas-tu donc aller ? Tu n’as rien sans cette famille !
— Je me suis débrouillée figure-toi !
— Nana ?

“Tu pars ?” La question n’osa franchir ses lèvres. Siwan s’était levée pour rejoindre sa tante.

— Je t’enverrai l’adresse Siwan, d’accord ? Passe me voir !

Quelques secondes après, elle transplanait ailleurs. Son grand-père l’interpella, sûrement pour passer sa colère sur quelqu’un, mais Siwan l’ignora et alla s’enfermer dans sa chambre.


L’année scolaire fut un enfer pour Siwan. La galloise séchait les cours. Sa baguette refusait de fonctionner. Elle doutait de tout. Sans Nana à la maison, ce n’était plus la même chose. Elle avait tenté de lui envoyer des lettres, mais aucune réponse ne lui était parvenue. Siwan n’avait qu’une adresse, et cela se trouvait quelque part en Pays de Galles, perdu dans le comté. À la place, sa mère continuait de la convier à abandonner la divination et d’écouter, pour une fois, ce que son grand-père lui indiquait de faire dans sa vie. Ou ce qu’elle lui indiquait elle-même de faire. Mais pourquoi devrait-elle abandonner la seule matière qu’elle parvenait encore à suivre ? Au moins, là-bas, on lui disait que le futur ne serait pas tout noir. Ou mieux : on lui disait qu’elle en avait un, de futur, et ce n’était pas un futur enchaînait à sa famille. Celle-là même qui avait tout bonnement tourné le dos à Nana chaque fois qu’elle avait eu besoin d’eux.

Siwan les détestait. Elle les détestait tous. Alys la rendait folle. Caïn la rendait malade. Même les souvenirs de ses rigolades avec Cadmon lui donnait envie de vomir. Tout était sens dessus-dessous dans sa tête. Elle se trouvait déjà en sixième année, sans aucune idée de ce qu’elle ferait bien après ses études. Cadmon avait eu un chemin tout tracé, lui, et Caïn était suffisamment intelligent pour s’ouvrir toutes les portes. Mais elle ?

— Quelque chose ne va pas, mademoiselle Kendrick ?
— Tout va bien, je vous assure, répondit-elle à sa directrice de maison.
— Vous séchez les cours. Et quand vous y êtes, vous en perturbez le déroulement. Quelque chose vous tracasse, c’est évident. Une aussi bonne élève que vous…

Il faut avouer que Siwan pleura dans son bureau, ce jour-là. Elle avait l’impression de se tenir sur un fil, sans savoir s’il valait mieux tomber ou revenir en arrière, ces derniers mois. Sa propre famille lui apparaissait de plus en plus comme une prison, sans échappatoire possible. La seule personne pouvant l’aider ne lui répondait pas. Paradoxalement, ce fut Alys qui l’aida à remonter doucement la pente à cette époque-là. Sa cousine l’emmena un soir, après le couvre-feu, à travers un passage secret que Cadmon leur avait révélé, jusqu’à l’extérieur du château. Elle l’emmena ainsi jusqu’à une cabane présumée hantée où une fête s’y déroulait par les plus grandes têtes brûlées de toute l’école.

— J’espère que t’as pas peur du grand chiiien noir ou j’sais pas trop quoi qu’iiils diiisent en diiiviiination.
— Ha-ha, très drôle. Arrête de parler et invite-moi plutôt à danser !

La soirée lui retourna la tête comme aucune autre fête. Siwan adorait les fêtes pour la simple et bonne raison qu’il n’y avait pas besoin de trop réfléchir dans ces moments-là. Et puis, on avait également le droit aux plus étonnantes des conversations.

— T’sais, moi non plus j’sais pas c’que j’veux faire plus tard. Et on s’en fiiiche ! La viiie elle est déjà assez longue comme ça, Siiiw’ !

La voix de la harpie sifflait facilement au-dessus de la musique, aussi Siwan l’entendit sans mal mais prétendit ne pas avoir compris. Alys était encore plus friande des soirées qu’elle. C’était comme si… elle était soûl avec le bruit seulement. Siwan fut obligée de la traîner sur le chemin du retour, son grand sourire de nouveau sur ses lèvres. Elle était toujours aussi perdue, mais elle essayait de moins s’en faire. Elle retrouva le contrôle de sa baguette quelques jours plus tard et passa ses ASPICs l’année d’après. La métamorphose fut un grand raté, mais l’arithmancie, l’étude des runes, l’astronomie, les sortilèges, la DCFM et la divination furent réussies avec brio.

V - THE MOON

Siwan entra à l’université, dans la section de traductologie des runes, option textes divinatoires. Sans Alys à ses côtés, les études lui parurent vite bien fades. Les fêtes étudiantes n’avaient pas la même saveur, mais Siwan ne refusait jamais une bonne soirée pour se vider la tête. Quand elle n’était pas en train de faire le vide à l’intérieur, elle se bourrait le crâne avec des traductions en tout genre, acceptant de rendre service à la moindre occasion du moment qu’elle n’avait pas d’autres heures de libres que pour manger et dormir. Le seul avantage de la fac, c’est qu’elle avait accès d’anciennes pratiques de divination aujourd’hui disparues. Les écrits n’étaient pas bien clairs, mais au moins, ils existaient.

— Tu n’es pas obligé de tout gérer toute seule, tu sais, lui dit un jour sa mère.

Cadmon se mariait et la famille s’était réunie pour l’occasion. Siwan ne les avait pas revu depuis sa première année dans les études supérieures. Un peu bêtement, elle avait cru que Nana serait là également, en vain. Tout le monde menait sa petite vie. Personne n’avait l’air de… douter de quoi que ce soit. Une confiance aveugle dans le futur, ça semblait presque trop beau. Alors, oui, peut-être qu’un peu aveuglément, Siwan accepta de faire confiance à sa mère.

— Et tu proposes quoi ?
— Reviens vivre à la maison. Ce sera mieux que ta chambre étudiante.

VI - THE LOVERS

Il s’appelait Bran. À peine plus âgé. Il suivait d’autres cours, dans une autre section, mais ils s’étaient retrouvés plusieurs fois dans un cours commun sur l’importance des runes avec les sorts d’aujourd’hui. Il disait vouloir devenir briseur de sorts pour Gringotts. Il rêvait de découvrir le monde, mais il avait deux mains gauches. Siwan trouvait ça mignon. Elle n’avait jamais rencontré quelqu’un d’aussi maladroit dans sa vie, mis à part Alys - et dans son cas, c’était souvent fait exprès afin d’attirer l’attention.

— Iiil est plutôt miiignon, lui avait-elle dit la première fois qu’elle l’avait vu.

Elles craquaient toutes les deux sur son nez en trompette, mais c’était Siwan qu’il avait décidé d’épouser. Ils venaient de fêter leurs fiançailles et elle le ramenait pour la première fois à la maison. À côté de ça, Cadmon allait être papa. L’heure était aux réjouissances. Ils décidèrent eux aussi de tenter d’avoir un enfant. Une fois. Puis deux. Puis le mois d’après.

Au bout d’un an, ils apprirent que Siwan était incapable de donner la vie. Mais ça ne faisait rien, pas vrai ? Rien ne les empêchait de… de continuer à s’aimer, et à vivre ensemble. Ils pouvaient adopter ! Il existait des solutions, ce n’était pas comme si…

— Comment ça, “on annule tout” ? Tu te fous de ma gueule ?
— T’as très bien compris, Siwan.
— Et tu comptais m’en parler, ou me laisser avec une feuille de papier, partir sans me prévenir et ne jamais revenir ? C’est quoi ton excuse au juste ?

Son excuse, paraissait-il, était que ne pouvant assurer une descendance directe de la famille Kendrick, son accord avec sa mère devenait caduc. Siwan tomba des nues. Elle se rendit l’air de rien chez elle pour aller fouiller dans les affaires de sa mère, pour trouver une preuve, ou quelque chose dans le style. Elle savait pertinemment qu’Edwen n’avouerait jamais si rien ne la discriminait directement. À la place, elle trouva une dizaine de lettres à son attention. Toutes du même envoyeur : Nesta Kendrick.

— C’est dommage pour Bran. Vous alliiiez biiien ensemble.
— Et bien écoute, tu n’as qu’à l’épouser à ma place. Ou demande à ma mère, elle a l’air d’être une entremetteuse hors pair.

Siwan ne put finir son repas ce jour-là.

— Et tu comptais m’en parler quand, au juste ? Bran c’était juste parce qu’il avait un accord avec toi ? Et les lettres de Nana ! Ça fait depuis combien de temps que tu les gardes, hein ?!
— Tu as fini ? Nous sommes à table, Siwan.
— Une belle bande d’hypocrites dans cette famille.

Quelques valises plus tard, Siwan avait quitté la maison et transplanait pour un coin paumé dans le comté d’Anglesey.

VII - TEMPERANCE

— Carys, debout ! Petit-dej’ !

La vie chez Nana s’était révélée être tout ce dont Siwan avait besoin : des prés à perte de vue, un petit cottage bien charmant, une tante des plus adorables, et les meilleures énergies du monde réunies en un seul endroit. La seule chose que Siwan regrettait, c’était la proximité avec d’autres personnes et les quelques fêtes des grandes villes. Mais les amies de Nana arrivaient très bien à lui faire oublier l’immense sentiment de mélancolie et solitude que les vallées lui renvoyaient.

— Eh ben alors mon chat, on arrive pas à se lever ? Il est déjà presque midi !
— J’ai trop bien dormi. Tu devrais rester un soir à la maison, j’suis sûre que Nana serait d’accord.
— Oh non ma petite colombe, c’est impossible. Il y a toujours une urgence à la maison ! Toujours un sorcier en détresse qui demande une prédiction de dernière minute. Comme si ma boule de cristal ne se reposait pas elle aussi !

Rose avait cette habitude à toujours donner des surnoms à tout le monde. Elle venait tellement souvent que Siwan n’était même plus surprise de la croiser alors qu’elle était encore en pyjama. Que ce soit pour se ressourcer, pour se changer les idées ou améliorer ses techniques de prédiction ; toutes les raisons étaient bonnes pour que Rose vienne rendre visite à Nesta. Siwan ne se fatiguait jamais de les observer. La boule de cristal, les cartes de tarot, la tasséomancie - tout y passait ! Parfois, elles sortaient même un instant pour observer les oiseaux, afin de déterminer si bonne ou mauvaise augure il y avait. Siwan prenait des notes.

— Et pourquoi tu n’écrirais pas un livre ? lui demanda Nana.
— Et pourquoi faire ?
— Pour instruire les gens, avait-elle dit le plus simplement du monde en prenant une gorgée de son thé. Les sorciers sont insensibles, Carys. Pour eux, la divination n’est qu’une histoire de bonne femme. Alors qu’ils ont tout autour d’eux ! On leur donne des Voyants, des prophéties, mais non. Non. Ils préfèrent y croire quand c’est trop tard.
— Et tu crois que ça peut changer ? Pourquoi tu l’écrirais pas toi, le livre ?
— Ce sont tous des aveugles. Je n’aurais pas la patience avec eux. Et puis, venant d’une Voyante elle-même, ce serait trop évident pour eux, personne ne me prendrait au sérieux. Ce serait comme tous ces manuels scolaires. Tu te souviens ?

Siwan se souvenait très bien ! Tous ces livres qui ne chercher même pas à rendre accessible la matière. Elle les avait toujours trouvés cryptiques, ces manuels, même pour de la divination. Mais de là à ce qu’elle fasse mieux que ça… Toute sa vie, Siwan avait donné de son temps pour la divination. Aujourd’hui, elle tirait même les cartes à d’anciennes clientes de sa tante, tentant de leur faire comprendre la signification du tirage. Elle ne s’imaginait pas faire beaucoup plus.

— Tu me promets d’essayer ? J’aimerai être là pour le lire.
— Oh, arrête ! Si je m’y mets vraiment, je ne mettrais pas autant de temps que ça quand même.

VIII - DEATH

Nana mourut d’un cancer sans crier gare en 2023.

IX - THE HERMIT

Sa baguette refusait une nouvelle fois de fonctionner. Ce fut la deuxième fois dans sa vie que ça lui arrivait. Siwan avait hérité du cottage et s’était enfermée à l’intérieur. Plusieurs fois, Rose était venue toquer en lui disant qu’il s’agissait d’une belle journée et qu’elle ferait bien de mettre le nez dehors. Siwan n’avait jamais pu s’y résoudre. Chaque fois, Rose laissait un petit quelque chose à manger sur le pas de la porte. Une lettre de son père la força à mettre le pied dehors.

X - THE HIEROPHANT

Siwan ne se souvient plus de l’occasion exacte, mais elle se souvient que ce n’était pas pour le décès de Nana que tout le monde s’était réuni. Personne n’avait su. Personne ne s’en souciait. À part son père.

— Elle n’aimerait pas te voir comme ça, tu sais. Je… n’aime pas te voir comme ça.

Siwan en doutait.

— Que tu le veuilles ou non, Siwan, tu es une Kendrick. Tout comme l’était Nesta. Et les Kendrick peuvent être énormément de choses, mais ils n’ont pas peur de la destinée. Il faut que tu arrêtes de te terrer dans ton lit par crainte du lendemain.

Elle se rappelle n’avoir jamais bu un verre de vin aussi vite que cette fois-là.

— Pourquoi je devrais t’écouter ? T’as jamais agi pour cette famille. T’as toujours laissé grand-père tous nous mener à la baguette.
— Ton grand-père a… Il devait avoir peur de la destinée. De ce que le futur pouvait lui réserver. De voir son empire s'écrouler, peut-être. C'était plus facile d'ignorer qu'il avait une Voyante pour fille, par exemple.
— Alors... Grand-père n'est pas un véritable Kendrick ?
— Haha, j'imagine que c'est la conclusion qui en découle, oui. Mais tu as dû le comprendre depuis, non ? La destinée, ça n'existe pas. S'il y a bien une chose que Nesta m'a appris, c'est ça. Notre passé forge peut-être notre présent, Siwan, mais notre futur... Il est à jamais indéterminé.

Siwan oubliait parfois que Nana avait été sa soeur et qu’il avait tout simplement grandi avec elle. Dans toute cette famille, il était peut-être le seul à avoir toujours cru en elles.

— J'ai hâte que tu prennes sa place. À Grand-père. Tu feras un bien meilleur Empereur que lui.
— Un quoi ?

Siwan rigola pour la première fois depuis des mois face à l’ignorance de son père. Elle commença à lui expliquer avec un peu trop d’engouement les bases du tarot divinatoire.

— Pourquoi tu n’irais pas enseigner à Poudlard ?

Et pourquoi pas ?

XI - THE WORLD

Siwan postula à la fin de l’année de 2025. Le poste de professeur de divination venait de se libérer suite à la dernière catastrophe que les élèves avaient connu. Il ne faisait aucun doute que le dernier professeur en date avait dû être plus prompt aux superstitions qu’aux véritables signes pour avoir fui ainsi. Il était impensable, pour elle, d’abandonner des élèves de cette façon. Et elle ne manqua pas de le dire lors de son entretien. Siwan était diplômée et s’y connaissait en divination comme personne ne pouvait s’y connaître. Elle ne demandait, aujourd’hui, qu’à transmettre son savoir et à apprendre aux élèves l’importance de la divination, et l’importance de l’instinct. Et s’il y avait bien quelque chose dont ils avaient tous besoin, c’était une bonne dose de confiance en soi.


Elle ne savait pas exactement ce pour quoi elle avait accepté de signer. Siwan était probablement aussi perdue que les élèves qu'elle allait diriger. Mais peut-être trouveraient-ils ensemble le bon chemin et... parviendraient-ils à voir au-delà du voile pour entrapercevoir un meilleur futur ?

"Il existait un arbre. Un arbre immense. Un arbre majestueux qui recouvrait déjà trois murs d'une pièce lui étant entièrement dédié. Les branches s'étalaient d'une surface à une autre et les racines plongeaient directement dans le sol. Quand on ouvrait la porte, on lui faisait face et de son seuil, il était possible de voir la lignée Kendrick de la première graine jusqu'au dernier bourgeon."

Brieg Kendrick - le grand-père
Un homme intransigeant, aux idées très arrêtées, faisant figure d'autorité dans cette famille. Puisant sa fierté dans son ascendance, il désire qu'il en soit de même pour tout le monde. Il est celui qui a vu, qui a entendu, qui a vécu à travers les générations. Il est le tronc, le pilier, celui qui dirige la famille d'une main de fer dans un gant de jardinier. Celui qui n'hésiterait pas à couper les mauvaises herbes. Siwan ne l'a jamais aimé. Son instinct lui a toujours dit de ne pas s'attirer d'ennuis quand il était dans les parages. Son nom est tabou. Craindre son courroux c'était déjà l'attirer sur soi. Ne jamais le regarder dans les yeux. Pur instinct de survie. Qu'ils tiennent plus de la secte que de la famille ancestrale, c'était entièrement de sa faute. À cause de la peur d'un seul grand homme, ils se retrouvaient tous endoctrinés. Siwan attend sincèrement que le joug de Brieg prenne fin, même si elle ne pourra y assister que de loin.

Owain Kendrick - le père
L'ombre de grand-père. Souvent absent. Il le remplace pour la plupart des déplacements. Une rumeur courrait, fut un temps, que grand-père tentait de réunir le nom de toutes les plus grandes familles de sang-pur afin de toutes les allier, ou quelque chose dans le genre, et le père de Siwan l'aidait justement dans cette tâche. Mais même pour Siwan, la rumeur lui paraissait un peu grosse. De toute façon, sur le principe, elle a longtemps détesté son père, pour écouter sans rechigner ce que Brieg lui disait de faire. Elle le trouvait bien sans ambition pour un soi-disant Serpentard de chez Kendrick. Pourtant, pour avoir toujours été présent aux réunions de famille, il apportait une touche rassurante qu'elle ne trouvait pas chez sa mère. Elle lui en voulait peut-être avant pour ne jamais avoir pris la défense de Nesta, mais Siwan est persuadée qu'il fera un meilleur chef de famille que n'importe lequel des Kendrick précédents.

Edwen Kendrick, née Garland - la mère
Une femme fourbe, et sûrement manipulatrice de surcroît. Pour ne pas être née Kendrick, elle en a pourtant adopté bien plus le caractère que le père de Siwan. Il aurait été facile de croire qu'elle était la fille biologique de grand-père et, à la connaissance de Siwan, elle fut la seule à réussir à converser plus de deux minutes avec Elain, sa grand-mère. Siwan était encore trop jeune pour vraiment s'en rendre compte, mais il ne devait pas s'agir de banalités ou de discussions sujettes à la rigolade. Siwan n'a jamais vu sa mère rire. À à peine vingt-cinq ans, elle possédait déjà des cheveux blancs. À ses yeux, sa mère aurait tôt fait de se transformer en statue et d'être exposée dans le hall d'entrée de la maison. Mais même ainsi, elle continuerait sûrement de tromper les gens d'une façon ou d'une autre.

Nesta "Nana" Kendrick - la tante
La fille invisible de son grand-père. La soeur inexistante de son père. Et pourtant, la seule à voir au-delà du visible. Le seul défaut de Nana est d'être née avec le don de voyance. Le grand-père de Siwan ne lui a jamais pardonné, mais c'est sa mère qui la détestait le plus. Elle la méprisait, et elle méprisait la proximité de Siwan avec elle. Pourtant, Nesta devait être ce qui s'approchait le plus d'une mère pour Siwan. Elle lui avait donné beaucoup de gentillesse, de sagesse, de temps. Elle l'avait aidé à y voir plus clair, à lui expliquer qu'il n'était pas question de suivre LE chemin tout tracé, mais de suivre UN chemin parmi d'autres. C'était en présence de Nesta que toutes les insécurités disparaissaient. Et depuis sa mort, le cottage gardait ce sentiment pour elle. Elle lui avait légué à elle, pas à la famille Kendrick. Et c'était grâce à elle que Siwan en était là aujourd'hui. Sa vision de la divination actuelle, elle le tenait de Nana.

Cadmon Kendrick - le premier frère
Le pire. Siwan ne sait pas si elle l'aime ou le déteste. D'un côté, il est l'affreux pantin de sa mère et de son grand-père. Il a réussi sa vie, eu toutes ses BUSEs, tous ses ASPICs, dans les matières importantes aux yeux de la famille ; il est marié, deux enfants, dont un fils ; et il est haut placé au Ministère. Mais d'un autre côté, Siwan ne peut pas ignorer que c'est avec lui qu'elle a vécu les meilleures emmerdes pendant sa scolarité à Poudlard, quand elle ne s'y jetait pas elle-même avec Alys. Cadmon a beau se donner un air d'homme rangé à l'emploi du temps de ministre et à la vie remplie de succès, Siwan voit très bien dans ses yeux qu'il ne rêve que d'une chose : recouvrir le monde de bombabouse histoire de rigoler un peu.

Caïn Kendrick - le deuxième frère
Le plus discret des trois. Caïn n'a jamais été très ouvert aux blagues de Cadmon et aux dérogations aux règles de Siwan. Et hausser la voix sur quelqu'un ? Cela ne lui a jamais traversé l'esprit. Alys se moquait souvent de lui pour son côté trop sérieux. Après tout, il est le seul de la famille à avoir atterri ailleurs qu'à Serpentard. Caïn a toujours eu le nez plongé dans les bouquins. Certains ancêtres de la famille lui jette parfois la pierre pour être l'oisillon azur parmi les serpents émeraude, mais Siwan n'a jamais connu un homme aussi efficace dans son travail. Il assiste parfois leur père dans ses déplacements. Ou même Cadmond, dans sa paperasse que même lui n'arrive pas à gérer !

Alys Kendrick - la cousine
Une sacrée mégère en son genre. Entre eux, Alys était souvent surnommée la harpie. Une voix criarde qui s'entendait aussi bien qu'une beuglante, même dans les heures les plus bondées de la Grande Salle. Siwan a partagé son dortoir avec elle pendant toute sa scolarité et a connu les meilleures soirées du monde avec elle. Même si Siwan arrive facilement à saturation avec elle, spécialement dans les moments où elle a besoin de se retrouver seule, Alys pouvait s'avérer être une véritable bouffée d'air frais. Pas besoin de trop réfléchir avec elle. Il suffisait juste de vivre.

Aberthol Kendrick & Ariana Kendrick, née Garland - les parents d'Alys
Siwan ne saisit pas très bien de quel côté de la famille les parents d'Alys sont. Les Kendrick ont toujours été séparés en fonction de la branche de son grand-père, Brieg, et du frère de ce dernier. Ariana a épousé un des fils du frère de son grand-père, seulement, elle est également la soeur d'Edwen. Compliqué ? À peine ! Tout ce que Siwan a retenu de cette affaire, c'est que les soeurs Garland ont toutes les deux rejoints la famille Kendrick et malgré les deux côtés séparés de la famille, elle a tout de même était capable de voir sa cousine Alys autrement que dans les grandes grandes grandes réunions familiales. (Celles qui n'arrivent qu'en des cas très particuliers.) Quant à sa tante Ariana, Siwan n'a jamais eu vraiment d'avis sur la personne - encore moins sur Aberthol. Rien de particulier ne passait entre eux. Cela arrive parfois, avec les gens.

Awstin & Bronwyn Kendrick - le neveu & la nièce
Les petits démons de la famille. En les voyant, Siwan a l'impression de se revoir avec Cadmon, lors de leurs meilleures bêtises pendent les réunions de famille - mais en bien pire ! Ces petits garnements sont intenables, et c'est bien pour ça qu'elle les adore. Awstin & Bronwyn tiennent clairement du côté indiscipliné de leur père. Il y a une fois où ils ont réussi à faire croire à une tante éloignée que la Reine d'Angleterre était morte, enterrée dans le jardin et qu'elle avait été l'amante de papy Brieg. Parfois, sous les sermons de sa femme, Cadmon tente de les rappeler à l'ordre, mais honnêtement, il se retient surtout de se vanter de leurs prouesses !

Premier réflexe : faire brûler de l’encens.
Siwan s’appropriait cette salle de classe qui était maintenant sienne à sa façon. Elle ouvrit les fenêtres, sortit un bâton d’encens et commença à le faire brûler pour qu’il embaume toute la pièce, qu’il la purifie. Le meilleur moyen pour calmer son esprit avant de donner son premier cours de la journée. Elle avait pratiquement vu toutes les années depuis le début de la semaine, mais il lui fallait encore voir les troisième et septième année cette après-midi. Elle s’y était attendue, mais les classes n’étaient pas bien remplies. Le cours de divination n’avait jamais attiré les foules, mais quelque part, c’était mieux ainsi ! Siwan comptait bien en profiter pour instaurer une aura de confiance dans la classe, et de proximité. Un cours de divination où les élèves seraient stressés, tendus ou dissipés ne serait pas un bon cours de divination. Elle avait pris des notes, depuis son arrivée. Les souvenirs lui revenaient en mémoire comme un boomerang. Tout ce qu’elle avait trouvé amusant et intéressant, ce qu’elle avait trouvé dommage de ne pas avoir abordé ou très peu, ce qu’elle avait aimé ou détesté… Tout était noté dans un carnet afin d’offrir la meilleure expérience possible à ses élèves. Ils lui avaient fait l’honneur de choisir son cours. Il fallait donc qu’elle le leur rende à sa façon. Si elle ne réussissait pas à leur faire aimer la matière, il fallait au moins qu’elle leur facilite l’accès à l’obtention de la BUSE et de l’ASPIC. Il fallait qu’elle leur laisse un souvenir agréable de la matière.

Et cet objectif passait par le souvenir olfactif. Avant de poser les yeux sur tous les rideaux, poufs, coussins, nappes et autres tissus tapissant la pièce ovale, les élèves saisiraient l’odeur de l’encens. Un bâton presque tout aussi magique que leur baguette.

Siwan resserra son châle autour de ses épaules alors qu’elle terminait les préparations du cours. Le vent de janvier était encore bien frais, même en ce début d’après-midi. Il apportait également avec lui le bruit des pas montant dans les escaliers. La galloise s’empressa de fermer les fenêtres avant l’arrivée de ses élèves. Un dernier coup d’oeil de vérification et la trappe s’ouvrit, les premiers élèves arrivant un par un. Siwan les accueillit avec un grand sourire.

— Allez-y, installez-vous confortablement. N’ayez pas peur de prendre les places de devant !

Commentaire bien inutile. Les troisièmes années avaient le désavantage de remplir toute la salle. Siwan n’avait aucun doute que le nombre diminuerait d’ici l’année prochaine, voire après la BUSE de divination. Il y en avait toujours qui se désistait. Après tout, quelle était l’importance du cours de divination ? Eh bien, c’est ce qu’elle s’emploierait à leur apprendre cette année.

— Je ne doute pas que mon… prédécesseur vous aura sûrement fait cours sur le sujet, mais comme je ne vous connais pas, nous allons devoir revoir les bases rapidement. Que je sache où vous en… Non, ce n’est pas un test, pas d’inquiétude !

Siwan sortit sa baguette pour faire voler les tasses de thé jusqu’aux tables. Il y avait trop de casse quand les élèves allaient les chercher. Et ils étaient déjà si bien installés.

— Que chacun remplisse sa tasse. Bien sûr, vous allez devoir la boire. Si vous n’aimez pas le thé, faites-la boire par quelqu’un d’autre. Sinon j’en ferai disparaître le contenu plus tard.

Les premières plaintes s’élevèrent. Ils n’avaient pas l’air de réaliser que la salle était petite et que Siwan pouvait très bien entendre ce qu’il s’y disait. Oui, c’était un classique et au bout de cinq séances à boire du thé, une certaine usure pouvait apparaître, mais il fallait bien commencer quelque part.

— Bien ! fit-elle en claquant dans ses mains. J’ai plusieurs choses à vous demander et nous avons peu de temps pour ce faire, alors commençons sans attendre. Premièrement, qui peut me dire ce qu’est-ce la divination ? Tout ce qui vous passe par la tête. Tout ce que vous pensez, ce que vous avez pu apprendre jusqu’à maintenant…

Pendant que les premiers doigts se levaient, elle fit voler des bouts de papier jusqu’aux tables. Un simple questionnaire pour savoir si certains détestaient l’odeur de l’encens ou s’ils ne désiraient pas être appelés par leur prénom - vu leur petit nombre, c’était une fantaisie que Siwan pouvait bien se permettre pour installer cette fameuse aura de confiance.

— Oui ?
— La divination permet de prédire le futur.
— Exact. Quoi d’autre ? Vous là-bas.
— Ça sert à rien.
— C’est ce qu’on dit, effectivement !
— Vous êtes Voyante madame ?
— Non, je ne le suis pas, mais ce n’est pas pour autant que la divination est inaccessible. La divination, comme l’a dit votre premier camarade, sert à prédire le futur. Je dirai même : un futur parmi tant d’autres. Voilà son intérêt - ne vous arrêtez pas de boire je vous prie - et voilà ce que nous allons étudier dans cette matière, comme vous vous en doutez. Pour faire court : la divination n’est pas une discipline ouverte à une groupe privilégié de personnes. Elle requiert un certain instinct, il est vrai, mais un instinct qui se travaille et qui s’entretient. Je reviendrai dessus tout au long de l’année.

Certains regards lui disaient qu’ils devaient la prendre pour une folle. Mais aux yeux de Siwan, elle était beaucoup moins timbrée que ces prétendus diseurs de bonne aventure qui parlaient de Troisième Oeil. Les vrais Voyants avaient accès à une autre forme de divination, plus directe et moins changeante. C’était cette divination qui était inaccessible.

— Dès que vous aurez terminé votre thé, je veux que vous commenciez à me faire une analyse de ce que vous voyez au fond de votre tasse. Sans aucune note. Fiez-vous à votre instinct. Je passerai vous voir un par un. En attendant, qui peut me dire le nom de cette pratique ?