Ce vendredi cinq Décembre marquerait un tournant important : positif ou négatif, l’avenir seul pourrait le déterminer. À la suite du mot de Finnbjörn qui accompagnait l’invitation officielle au gala de Noël des Sørensen, Casey avait convié le Gryffondor à se retrouver dans cette vieille salle inutilisée à cette heure-ci. Avec le temps, la jeune femme avait compris que les heures les plus propices à des rendez-vous qu’on souhaitait garder secret n’étaient point celles de la nuit, bien qu’elles aient un charme certain, mais les heures qui entouraient le dîner du soir. Presque tous les élèves et professeurs se trouvaient alors dans la Grande Salle, aucun préfet ne rôdait dans les couloirs à la recherche d’esprits aventureux entrain de briser le couvre-feu, et personne ne s’inquiétait si quelqu’un n’était pas présent à table puisqu’il n’était pas rares que certains profitent de ces heures, où tout était encore permis, pour faire quelques passes au terrain de Quidditch ou bien pour traîner dans un coin du Château. Ils bénéficieraient ainsi de tranquillité sans éveiller les moindres soupçons. Et, si d’aventure quelqu’un remarquait leur absence, qui irait faire le lien entre ces trois personnalités ?

Trois immuables solitaires, studieux, peu enclins à se mêler aux premiers venus. Car Casey n’avait pas seulement invité Finnbjörn mais également Felicia. Depuis qu’elle avait confié le grimoire au jeune homme, elle avait expliqué ce qu’elle avait découvert à sa camarade et lui avait révélé avoir demandé de l’aide à une tierce personne. Sans pour autant en dire plus. Comme elle l’avait expliqué à Finnbjörn, elle ne comptait pas révéler l’identité de qui que ce soit avant que tout ne s’enclenche. Et elle ne dérogeait pas à cette règle pour Felicia.

Ainsi, il était dix-neuf heures précédé de plusieurs minutes quand Casey pénétra la première dans la salle vide qu’elle éclaira d’un orbe lumineux. Puis, débarrassant une table de sa poussière d’un mouvement précis de baguette, elle s’y appuya, faisant face à la porte, attendant en silence que ses deux camarades arrivent. Mettant ces quelques minutes de solitude à profit, elle s’employa à user de l’Occlumancie pour calmer son esprit vagabond. Ce début de mois de Décembre avait été particulièrement intense en ce qui concernait ses maux de tête et sa réserve de médicament arrivait dangereusement au point proche du néant. Cette entrevue tombait, elle, à point nommé. Mais il ne fallait pas qu’elle s’emballe. Bien que Finnbjörn lui ai dit avoir avancé de son côté, cela ne concernait que la traduction et en rien les résultats qu’elle en attendait. Rien ne lui garantissait qu’ils iraient plus loin ce soir, tout pouvait aussi bien s’arrêter si le Gryffondor n’avait rien trouvé de concluant grâce à sa traduction. L’Occlumancie l’aidant à maintenir sa maîtrise de soi et à éloigner la migraine, un temps du moins, c’est fidèle à elle-même qu’elle accueillit le premier des invités.

Le Sørensen pénétra dans la pièce, qu’il jaugea d’un rapide coup d’oeil, précis et alerte. Bonsoir, Finnbjörn Sørensen le salua-t-elle avec une politesse d’usage. Il était évidemment en avance lui aussi, de quelques minutes tout au plus, suffisamment néanmoins pour arriver ici avec Felicia. Celle-ci s’était montrée curieuse de l’identité de cette tierce personne, comme il était normal de l’être. Casey n’avait aucune idée si des liens unissaient ses deux camarades, mais elle espérait que, même si cela devait être le cas, rien n’entraverait leur motivation à avancer sur ce chemin. Elle pouvait se fier à la soif d’apprendre de Felicia qui était égale à la sienne, ainsi qu’à sa persévérance. Mais elle avait retenu les mots de Finnbjörn, et celui-ci ne ferait rien qui irait à l’encontre de son propre intérêt.

La Poufsouffle ne tarda pas à arriver. Son regard afficha une défiance qui n’échappa pas à Casey, quand bien même le visage de Finnbjörn restait purement de marbre. Comme à son habitude. La jeune femme ne voulait pas faire traîner plus longtemps le sujet principal qui les réunissait tous ici ce soir. Alors elle salua Felicia d’un signe de tête, habituel entre elles-deux, et entra dans le vif du sujet, après un sortilège d'insonorisation. Je suppose que nous pourrions commencer par t’écouter, Finnbjörn ? Casey ne leur fit pas l’offense des présentations : il semblait se connaître ; ni même du rôle que chacun jouait dans cette drôle de pièce : ils savaient chacun qui était l’autre, du moins, jusqu’à un certain point. Posant ses pupilles polaires sur le Gryffondor, elle l’interrogea du regard : qu’avait-il découvert ? Et allait-il consentir à leur faire un exposé de ses trouvailles ou allait-il demander de plus amples explications auparavant. Sûrement un peu des deux à la fois. Une partie d’échec, il ne fallait pas l’oublier, se jouait coup après coup. Casey venait d’avancer son pion, laissant une ouverture à Finnbjörn.

Felicia et Casey faisaient un bon duo. La première verrouilla la porte tandis que la seconde insonorisait les lieux : depuis qu’elles avaient débuté leur apprentissage personnel et secret de la magie noire, elles s’étaient chaque fois un peu plus entourées de protections. Elles ne tenaient pas à être surprises, que ce soit par un première année qui se serait perdu, ou par des camarades plus âgés souhaitant batifoler en toute quiétude. Les présentations entre Finnbjörn et Felicia auraient difficilement pu être plus formelles et froides que celles-ci mais au moins la première étape était-elle passée. Restait le plus dur : que chaque membre de ce trio disparate trouve un intérêt et une confiance suffisants pour avancer sur ce projet qui allait requérir bien plus qu’une parfaite coordination.

Débutant la partie, Casey proposa à Finnbjörn de commencer en leur présentant ses découvertes. Si découvertes il y avait. Si le Gryffondor souhaitait coopérer. Malgré sa méfiance naturelle, la jeune femme prenait en considération qu’il était celui qui l’avait recontactée au sujet du grimoire et qu’il avait accepté cet entretien. De ce qu’elle percevait de sa personnalité, il n’était pas le genre d’individu à apprécier perdre son temps. S’il n’était pas là pour prendre part au projet, il était ici pour les jauger et prendre sa décision quant à ce qu’il ferait ensuite. Tel un orateur rompu à l'exercice, il déposa devant lui, d’un geste académique, le grimoire que Casey lui avait confié quelques semaines plus tôt avant de reprendre la parole. Le fait qu’il énonça était bien évidemment connu de Felicia et de Casey, qui partagèrent un regard avant que la Poufsouffle ne surenchérisse. La Loi du Triple Retour était, au même titre que la nécessité d’une Ressource Magique, parmi les fondements primordiaux de la magie. Trop nombreux étaient les sorciers qui avaient tendance à l’oublier ou à ne pas en tenir compte. Bien que, concernant le premier point, de nombreux sorciers se soient penchés sur ce fait et avaient tenté de l’expliquer autrement. Ce n’était pas ce qui les réunissait ici ce soir, cependant. Si Finnbjörn cherchait à s’assurer qu’il n’avait pas les premières imbéciles venues en face de lui, elles le lui prouveraient. Ne pipant mot, Casey attendit cependant la suite.

Une certaine tension s’éveilla, nouant ses muscles et ses nerfs alors que Finnbjörn ouvrait le grimoire. Son souffle resta coincé dans sa poitrine durant quelques secondes qui lui parurent interminables et elle n’inspira que lorsqu’il prononça les mots qu’elle avait évidemment souhaité. Un nouveau regard échangé avec Felicia, plein d’entendement : elles ne s’étaient pas trompées et leurs recherches, correctement menées, les avaient bien entraînées jusqu’à une nouvelle étape qui faisait sens. Savoir qu’elles n’avaient pas fait tout cela en vain était une première étape, mais il en restait encore de nombreuses autres. L’une d’elles consisterait à gagner, si ce n’était la confiance, du moins à assurer leur crédit auprès du Gryffondor pour qu’il se décide à leur livrer toutes les clefs dont elles avaient besoin. Méticuleux, le jeune homme les interrogea une nouvelle fois, tel un enseignant souhaitant déterminer si ses élèves avaient bien appris leur leçon et s’il était nécessaire qu’il perde plus de temps à leur apprendre la suite. Comme la bonne élève qu’elle était, Felicia répondit une nouvelle fois avec précision à ses interrogations. Évidemment qu’elles avaient réfléchi à ce que travailler sur la mémoire pouvait impliquer. Tout comme elles avaient réfléchi à ce qu’étudier le temps et chercher à recréer des Retourneurs pouvait avoir comme conséquences : aussi bien pour elles, leurs esprits que pour leur environnement tout entier. Une seule petite erreur et leur vie ne serait plus jamais la même, si vie il y avait encore. La moindre imprécision pouvait mener tout droit à leur perte, voire même à celle de tous les habitants de ce Château. Elles ne jouaient pas avec les limites par pur caprice mais par envie de connaissance et parce qu’elles se connaissaient les capacités.

La folie est un risque à envisager compléta-t-elle, faisant écho sans le savoir aux pensées de Felicia. Oui elles pouvaient empirer un état qui, sous bien des aspects n’était pas tant un plaindre. Mais Casey refusait de souffrir une vie entière avec un esprit qui n’était plus que l’ombre de lui-même, parsemé de migraines dévastatrices, jamais sûre de se rappeler les bons souvenirs. Si ce n’est pire. Elle fit une petite pause, le temps de jauger du regard Felicia, ayant pesé le pour et le contre de ce qu’elle souhaitait dévoiler ensuite. Nous savons tout cela Finnbjörn lui retourna-t-elle avec politesse. Il est sage de ta part de chercher à t’assurer que nous ne sommes pas de simples inconscientes poussées par le goût du risque. Lui révéler que ce n’était pas là leur premier projet était inenvisageable pour l’instant. Nous espérions que ce grimoire traitait des sujets que tu viens de nous confirmer admit-elle franchement. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui m’ont poussée à venir te trouver, toi plutôt que ta soeur ou ton frère. Etant au courant de ton amnésie, je me suis figurée que tu serais plus sensible à cette magie que d’autres. La carte qu’elle dévoilait était à double tranchant, elle en avait conscience, mais il était temps de commencer à jouer franc jeu. Sur certains points du moins. La question de Felicia vint ponctuer ses mots. Casey avait déjà répondu à cela en se lançant dans cette aventure avec elle. Qu’en était-il de Finnbjörn ?

Cette réunion prenait des allures de conférence magistrale. Finnbjörn s’avérait être, sur ce point, un meilleur professeur que bon nombre des enseignants incompétents qui avaient parcouru les couloirs de ce château. Il était clair, direct et précis. Sans compter qu’il pointait du doigt des sujets trop souvent oubliés de la part des élèves, alors qu’ils étaient d’une importance capitale pour toute recherche ou expérimentation. Cependant, il s’adressait à Casey et Felicia. Elles n’étaient pas les premières imbéciles venues qui tentaient de s’essayer à la magie noire en espérant ne pas provoquer de dégâts notables. Ce n’était pas la première, et certainement pas la dernière, fois qu’elles s’aventuraient sur ces sentiers interdits. Bien évidemment, toujours avec prudence et en veillant à contenir les dangers potentiels. Mais Finnbjörn faisait bien de se montrer prudent et Casey ne pouvait que reconnaître là un esprit particulièrement affuté. Les années passées, les deux jeunes sorcières avaient, certes, étudié des aspects de la magie noire qui aurait pu les faire renvoyer, mais rien qui ne les touche directement. Elles franchissaient une étape supplémentaire cette année : entre leur étude sur le temps, et plus précisément sur la fabrication des Retourneurs, et maintenant leur exploration quant aux failles de la mémoire et les guérisons possibles, elles touchaient à un tout autre échelon. Casey s’en savait capable. Et ne doutait pas des capacités de Felicia. Sauf qu’elles avaient toujours tout maîtrisé elles-mêmes, jusque ici, et qu’aujourd’hui un nouveau paramètre rentrait dans l’équation. Changeant, totalement libre, ne leur devant aucune loyauté, Finnbjörn n’était pas exactement ce qu’on pouvait qualifier de variable fiable. La Serdaigle avait choisi de lui accorder une certaine confiance, temps que leurs intérêts convergeaient, mais il existait mille et une façons pour le jeune homme de les duper.

Toute à sa méfiance, Casey devait tenir compte que Finnbjörn se donnait beaucoup de mal pour les mettre en garde et prenait bien des précautions pour amener ce qu’il avait découvert. S’encombrerait-il de tout cela s’il cherchait à leur mentir et les mener dans une mauvaise et dangereuse direction ? Sûrement. En partie du moins. Ils se testaient, mutuellement, cherchant où placer leur franchise, et où rester circonspect. L’exposé de Finnbjörn et l’échange de questions réponses ne les engageaient pour l’instant à rien, si ce n’est à dévoiler leurs savoirs mutuels. Felicia se montrait ferme dans ses réponses, ne cillant pas devant l’implacable nonchalance du Gryffondor qui acquiesça d’un ton parfaitement égal. La magie, et plus particulièrement la magie noire, était toujours à double tranchant. Vouloir guérir l’esprit pouvait tourner très mal, se l’entendre rappeler n’avait rien de très agréable. Il y avait une foule d’éléments à prendre en considération, à réfléchir, encore et encore. Pour l’instant, Casey ne les avait pas approfondis : elle en avait conscience, ils étaient là, à l’orée de son esprit, mais elle n’avait pas souhaité se donner mal au crâne sans savoir si ce grimoire pouvait les mener quelque part. Elle hocha la tête à la mention de l’échange équivalent. Il n’y avait rien à redire sur ce point, c’était là bien sûr quelque chose d’immuable et avec lequel il fallait composer.

Et la curiosité la dévorait de seconde en seconde : que contenait donc cet ouvrage, elle voulait le savoir, en avoir le coeur net. Finnbjörn se montra à la hauteur de ses espérances en abordant finalement le sujet. Il allait de soit, une nouvelle fois, qu’ils n’étaient pas réunis ici pour papoter à propos d’un baume curateur ou d’une simple potion permettant d’atténuer les migraines. Casey s’évita une nouvelle fois d’inutiles paroles en hochant doucement la tête, gardant pour elle la tension qui l’habitait, n’affichant qu’un visage inexpressif qui la caractérisait. La magie sacrificielle. Instinctivement, son regard se porta vers Felicia. Une fois, et une seule, un sacrifice leur avait été exigé dans le cadre d’une potion qu’elles expérimentaient. Ce n’était alors qu’un crapaud, un simple animal dont ils utilisaient les différentes parties au quotidien en cours de Potions. Mais c’était autre chose que de saupoudrer sa préparation de quelques grains d’orbites en poudre et de tuer de ses propres mains un animal. S’y attendaient-elles ? Evidemment. La magie noire, dès lors qu’elle touchait à la réparation de quelque chose, exigeait d’importants sacrifices. Pourquoi cela aurait-il fait exception, surtout que l’on parlait de guérir l’esprit, et qu’il s’agissait là d’une grande richesse chez de nombreux Sorciers qui y veillaient jalousement.

Pas une seule fois les deux jeunes femmes n’interrompirent Finnbjörn, le laissant dérouler ses mises en garde jusqu’à ce qu’il en vienne à sa conclusion. Ce n’était pas rien, toutes ces informations. Mais il en manquait encore beaucoup. Quant à savoir jusqu’où elles étaient prêtes à aller… La question se posait surtout à elle, il n’était pas question que Felicia sacrifie quoique ce soit alors que son esprit était sain. Bien entendu, toute décision nécessiterait une réflexion en aval de cette réunion, c’était certain. Mais pour cela, Casey voulait avoir toutes les cartes en main et Felicia pensait de même. Tu te soucies bien tant de la qualité de notre réflexion remarqua Casey. Elle ne savait pas jusqu’où Finnbjörn souhaitait s’impliquer dans le projet : elle avait compté sur son lien particulier avec le sujet pour obtenir cette traduction, mais au-delà… L’imaginait-elle se joindre à elles pour les préparations ? À moins qu’il ne traduise le livre dans son entièreté et ne recopie la version anglaise, elles risquaient d’avoir encore besoin de ses services. Je partage l’interrogation de Felicia : sais-tu ce qui est formellement demandé ? Elle-même savait-elle ce qu’elle était prête à céder ?

La nécessité de faire appel à Finnbjörn n’avait pas rendu le pas plus aisé à effectuer. De ce simple fait résultait ce résidu du méfiance qui imprégnait tout cet échange. Pour ne pas dire qu’il le façonnait tout entier. La méfiance de Finnbjörn à l’égard de Casey et de Felicia l’amenait à présenter les faits de cette manière et à questionner leur détermination ainsi que leur conscience ; la méfiance de Felicia à l’égard du Gryffondor lui procurait cette raideur dans le ton et dans la posture ; et celle de Casey ne cessait de l’interroger : avait-elle fait le bon choix ? D’alternative, elle n’en avait vu aucune autre qui ne soit pas liée à abandonner le projet directement. Ce qui était hors de question : elle voulait connaître le moyen d’arriver à ses fins ; elle voulait explorer chaque piste ; elle voulait être certaine de n’avoir rien négligé. Même s’il ne fallait pas que cette volonté devienne, justement, une négligence à son tour et que la carte Finnbjörn ne se retourne contre elles. Pour l’instant, il s’assurait de leur détermination et veillait à ce qu’elles aient conscience des dangers. Bien entendu, il ne savait rien des expériences déjà menées par les deux camarades, aussi ne pouvait-il savoir que leur démarche n’était pas la première et qu’elles avaient depuis longtemps déjà saisi les enjeux de jouer avec le feu. Felicia résume bien la chose cependant : nous ne pouvions rien avoir sans sacrifice. Toute la question résidait dans la pondération que chacun faisait entre les sacrifices à réaliser et la finalité convoitée.

Après maints tours et détours, les contours du coeur du sujet se dessinent enfin. Ils ne sont pas là pour se tourner les pouces, et une fois les limites testées, prudemment, avec circonspection, vient ce pour quoi ils se sont réellement retrouvés là aujourd’hui. Quels étaient justement les sacrifices attendus ? Que disait l’ouvrage à ce sujet ? La gravure en noir et blanc sur laquelle était pointé le doigt de Finnbjörn lui apparaissait représenter un cerveau : cohérent pour un grimoire traitant des fêlures de l’esprit. Si Casey n’avait pas l’habitude d’être impassible, quelles que soient les circonstances, peut-être aurait-elle cillé en écoutant Finnbjörn énumérer la logique, le raisonnement, l’empathie. Il l’avait justement cerné : c’était hors de question de renoncer aux deux premiers. Sinon, pourquoi vouloir retrouver ce qu’elle avait perdu ? Cependant, il ne fallait pas négliger l’empathie. Comme toute autre faculté, elle avait son importance. Un être totalement dépourvu d’empathie pouvait devenir une coquille vide, sans aucun intérêt pour les autres et leurs préoccupations et ainsi mener à des conséquences désastreuses. Casey n’était pourtant pas la personne la plus disposée à l’empathie, loin de là. Mais le peu qu’elle possédait n’était-il pas nécessaire à un équilibre ? La question devait être posée, et étudiée. D’un geste bref de la tête, elle laisse percevoir qu’elle a entendu et Finnbjörn poursuit ainsi son exposé. Raccourcir son espérance de vie était un classique en magie noire. Donner du temps pour acquérir du savoir et du pouvoir. N’était-ce pas l’enjeu derrière chaque chose ? Six ans ne lui paraissent pas insurmontables, mais une fois encore, aucune décision ne devait et ne serait jamais prise à la légère. Ainsi le choix du sacrifice nous appartient ? Je suppose que le processus ne fonctionnera tout simplement pas si nous ne choisissons pas quelque chose à la hauteur de ce qui doit être retrouvé, fit-elle, exprimant à voix haute les réflexions que suivaient son esprit. et que, le cas échéant, nous perdons notre offrande sans contrepartie aucune ? Ce point, une fois confirmé, rendrait tout le processus encore plus brumeux : il faudrait bien choisir quoi sacrifier sous peine de ne rien gagner du tout. Et si le don fait était supérieur à la valeur de ce qui était convoité ? Les capacités retrouvées étaient-elles plus importantes encore ?

Un léger soupir lui chatouillant les lèvres, Casey passa deux doigts sur sa tempe gauche. Elle allait avoir de nombreuses heures de réflexion et sentait déjà poindre la migraine dévastatrice. Pas tout de suite, néanmoins, aussi éloigna-t-elle cette pensée. Elle eut un petit mouvement d’approbation alors que Finnbjörn expliquait avec une suffisance qui lui était propre qu’il ne traitait pas avec les ignorants. Cela lui convenait très bien, elle l’excellence avait toujours été son objectif. La fin de leur entrevue se profilait tranquillement mais sûrement devant eux. Felicia déclara n’avoir aucune question et manifesta aussitôt son désir de mettre fin à tout ceci en se déplaçant vers la porte. Casey, elle, se redressa, quittant le pupitre vieillot sur lequel elle avait pris appui, et se tourna vers Finnbjörn. J’en ai deux pour ma part. Ensuite nous pourrons retourner à nos occupations et réfléchir aux implications. Premièrement, jusqu’où ton implication s’arrête-t-elle ? Souhaites-tu nous livrer une traduction de ce livre et rien de plus, ou considères-tu les intérêts de cette magie ? Cela modifierait considérablement leur travail, d’une manière ou d’une autre évidemment. Et deuxièmement, si ta lecture a atteint ce point : quel préparatif devons-nous envisager ? S’agissait-il d’une potion, d’un rituel plus complexe ? Toute information était bonne à prendre, notamment sur la durée qui marquerait leur travail. Faisant quelques pas, elle se rapprocha du centre de la pièce, laissant un regard glisser sur les bras croisés de Felicia qui semblait vouloir encore rajouter quelque chose.