Ghost Town

On ne peut pas vraiment qualifier Halloween de franc succès. Ça aurait pu être pire, les années précédentes en sont la preuve, mais ce n’était clairement pas la soirée de ma vie. Je m’estime tout de même heureuse d’en être sortie entière et vivante. Je suis tellement obnubilée par cette crainte qu’un nouveau drame nous tombe dessus, que mon seul objectif semble être de rester en vie dernièrement. Tout le reste n’est que secondaire. Je devrai m’en inquiéter, surtout pour les études qui sont pourtant depuis toujours ma priorité mais après ce que j’ai traversé l’année dernière et la façon dont ma famille en particulier a été impactée, il faut croire que les priorités ont changées.

Le weekend promettant une sortie au Pré-au-Lard arrive et je l’accueille comme un exutoire. Pouvoir sortir de ce château et des angoisses qu’il fait ressortir en moi est toujours bienvenu, même si ce n’est que quelques heures, à l’image du terrain de Quidditch où je peux y passer des heures. Tant que je suis loin de ces lieux maudits où j’ai vécu un véritable cauchemar éveillé, ça me convient. Je ne compte pas faire des folies, mais j’ai bon espoir qu’un bon bouquin et un lieu qui ne me rappellera pas de mauvais souvenirs sera suffisamment satisfaisant.

Je le remarque dès le moment où j’attends patiemment de passer les grilles de Poudlard. Comme à mon habitude, je détaille l’environnement qui m’entoure pour m’éviter un maximum de désagrément. Je ne pense pas être paranoïaque, simplement prudente, prête à réagir en cas de danger. Et dans le fond, je sais que ça ne sera jamais réellement suffisant. Pour autant, je ne me sens pas un minimum sereine si je ne le fais pas. Et c’est son visage qui se démarque le plus des autres, vraisemblablement à cause des soupçons que j’ai sur lui. Je ne peux tout simplement pas croire que sa perte de mémoire soit un simple accident. Surtout quand, comme par hasard, nous n’avons pas retrouvé le coupable des différents évènements de l’année dernière. Celui qui s’est acharné sur mes proches et sur les nés-moldus. Est-ce un simple hasard qu’il provienne en plus d’une famille renommée de sang-pur qui ne portent pas particulièrement dans leur cœur les gens comme moi ? Je ne crois pas.

Alors que je progresse dans Pré-au-Lard, j’ai l’étrange sensation d’être suivie. Par lui. On me dirait sans doute que je suis parano, que je me fais des idées et qu’il prend juste le même chemin que moi, mais je suis vraiment sceptique. Mon sentiment se renforce lorsqu’il rentre peu de temps après moi au Trois Balais, bar dans lequel je comptais me réfugier avec mon livre. Peu m’importe d’être seule et peu m’importe le bruit. Je suis capable de faire abstraction de ce qui m’entoure et de rester dans ma bulle. Mais lorsque je le vois accouder au bar, je sais de suite que mes plans vont changer.

Je me contente de le regarder par-dessus mon livre pendant quelques minutes, me questionnant sur les raisons de sa présence ici. Il ne semble pas être accompagné. Est-ce qu’il viendrait pour moi ? Pour me régler mon compte ? Je lui avais déjà proposé de se rencontrer à Poudlard mais la chose ne s’est pas faite et n’y tenant plus, j’ai fini par lui dire ce que je pensais de son rôle sur les évènements de l’année dernière. On ne peut pas dire que je l’ai fait avec beaucoup de tact, mais j’aurai dans le fond préféré le lui dire pour pouvoir étudier sa réaction. Le moment est peut-être venu. Nous sommes de toute façon dans un endroit bondé, je ne risque rien.

Ma décision est prise et je me lève pour le rejoindre. Les choses doivent être dites et j’ai besoin de savoir s’il en a appris plus. Je n’en peux plus de ce manque d’informations et de ces mystères. J’ai besoin de savoir pour pouvoir avancer et laisser tout ça derrière moi. Il se retourne lorsque je ne suis plus qu’à deux pas du bar, comme si il avait senti ma présence. Tout est orchestré, même le regard qu’il pose sur moi. Je suis sur mes gardes, comme une proie qui sait qu’elle va se faire attaquer, mais je ne me démonte pas. Mon visage est neutre et déterminé. « Je peux t’offrrrirrr quelque chose... ? » Je le scrute, essayant de comprendre ce qu’il a derrière la tête. Est-ce qu’il sait qui je suis Est-ce qu’il fait semblant pour avoir un avantage ? Personnellement, j’opterai plutôt pour la seconde option qui va de pair avec le fait qu’il me suivait depuis le début. D’un ton détaché mais assuré, j’opte donc pour la franchise mesurée. « Des réponses. Honnêtes, pour changer. Et un café noisette si tu tiens également à m’offrir une boisson. » La fatigue est devenue mon quotidien, mes nuits étant tout sauf reposantes. Heureusement que la théine et la caféine sont dans ma vie. Mes yeux ne quittent pas son visage, détaillant la moindre de ses expressions et réactions pour ne pas en perdre une miette. Je ne me contente jamais des simples mots que peuvent sortir les gens, ils ont bien trop tendance à mentir en permanence. Le langage du corps en revanche, c’est une toute autre histoire. Bien décidée à mettre les pieds dans le plat dès le début, je me positionne franchement face à lui, imitant sa position bien qu’étant légèrement plus petite que lui. « J’imagine qu’il n’y a pas besoin de faire semblant et que tu sais qui je suis. Tu n’as pas trop mal pris ma dernière lettre, j’espère ? » Mon ton se veut sympathique, comme si nous débutions une conversation amicale. Mais l’un comme l’autre connaissons parfaitement les enjeux de chacun de nos mots. J’attends avec une certaine curiosité de savoir si il admettra me reconnaître ou non.

Ghost Town

Mon regard ne quitte pas le Gryffon qui se tient devant moi, désireuse de ne rien rater de cet échange. Ca doit bien être la première fois depuis des mois que je montre autant d’intérêt dans une conversation avec quelqu’un. Un tout petit tressaillement de paupières et je relève que ma réponse le surprend. Il ne s’attendait certainement pas à ce que je l’aborde de la sorte. En même temps, quoi de plus normal. Il ne me connaît pas. Bien des gens prendraient des chemins détournés pour demander quelque chose de sensible, afin d’éviter de froisser l’autre personne ou pour paraître diplomate. Mais je ne suis rien de tout ça. On m’a souvent dit à plusieurs reprises que j’étais trop directe, trop glaciale, trop cassante. Mais ce n’est pas pour ça que j’ai changé d’un pouce. « J’aimerrrais savoirrr ce qui peut te fairrre crrroirrre que j’ai pu te mentirrr. » Les prémices d’un sourire étirent mes lèvres. Savannah m’avait un peu parlé de lui, principalement pour me mettre en garde. Mais maintenant que j’y pense, elle m’avait également dit qu’il était très terre à terre et premier degré. Effectivement, je ne peux pas lui donner tort tout de suite. Il ne m’a techniquement pas menti. Caché consciemment des informations, peut-être, mais ce n’est pas la même chose et je lui accorde. J’aime bien jouer sur les subtilités également.

Je ne réponds pas tout de suite, lui laissant le soin de prendre la commande pour moi et attendant que les oreilles indiscrètes du serveur s’éloignent. « Je n’ai pas dit que c’était toi qui m’avais menti. Pas encore. » Cela sonne comme une mise en garde pour le prévenir que je ne supporterai pas d’entendre des mensonges. De toute façon, ce garçon me semble être suffisamment intelligent pour ne pas se rabaisser à ça. Il ne le mesure peut-être pas encore mais j’ai un tellement gros ras-le-bol des mensonges que si je découvre qu’il s’y met aussi, je me montrerai pour sûr beaucoup moins sympa. Quelques longues secondes s’écoulent avant que je ne brise le silence, mentionnant la lettre et de fait, mon identité, même si je persuadée qu’il sait pertinemment qui je suis et qu’il se contente seulement de se donner des airs innocents. Sa réponse ne me donne pas l’impression de confirmer qu’il m’a reconnue, mais je sais quand même que c’est le cas. Il ne me la fera pas à moi. Même sans les avertissements de Savannah, je me méfie de lui. Il est évident qu’il joue un rôle. Rien chez lui n’est naturel, tout est contrôlé, de l’apparence physique à ses pensées. Cette famille est pourrie jusqu’à la moelle. Et son calme qu’il veut apparent ne fait que confirmer ce que je pense. « Non, pourrr tout dirrre. Tes allégations sont légitimes. » Mon visage reste de marbre. Comme lui, je ne réagis pas. Pourtant je n’en pense pas moins. Il confirme que mon raisonnement tient la route et qu’effectivement ce pourrait être lui. Je ne suis pas passée par 4 chemins dans ma lettre et je n’ai pas hésité à lui dire que tous mes soupçons se tournaient vers lui. Je m’attendais à ce qu’il essaie de se défendre, ou à rejeter mon accusation en bloc. Mais pas du tout. « Pourrr autant, je ne suis pas dans la capacité de confirrrmer ou non ta théorrrie. » Evidemment. La perte de mémoire. C’est quand même bien pratique, vous ne trouvez pas ? Plus personne capable de dire de ce qu’ils se souviennent ou pas. Est-ce qu’il se serait lancé le sort d’amnésie tout seul ? Est-ce qu’il était aidé ? Tout est possible. Si ça se trouve, tous les Sørensen sont mouillés dedans. « Bien sûr. Ton amnésie qui est liée à l’incendie. » Je laisse planer dangereusement ces mots qui ressemblent redoutablement à des accusations et qui lui feront sans aucun doute comprendre que je ne suis pas dupe. Pour autant, je ne faiblis pas le moins du monde. « Quel est ton premier souvenir du coup ? » Je demande d’une voix que je veux douce et qui s’inscrit dans le ton de la conversation cordiale. Quiconque nous écouterait d’une oreille ou passerait à ce moment penserait certainement que nous sommes deux connaissances qui conversons gentiment. Pourtant, la réalité est toute autre. Mais l’un comme l’autre, nous savons déjouer les apparences et contenir nos émotions.

Le serveur vient nous déposer nos boissons, nous coupant de nouveau, et comme moi plus tôt, ne brise le silence qu’une fois qu’il est parti. « Il parrrait que je porrrtais ce fameux badge. Pourrrtant, je n’étais pas le seul à l’avoirrr épinglé. » Ah, voilà que les choses deviennent intéressantes et ce n’est même pas moi qui aies posé ce sujet sur la table. Cela signifie que quelque chose le tracasse, et étonnamment, cela me satisfait grandement. Il est loin d’avoir toutes les réponses et je me sens moins seule. Même si cela ne me facilite pas la tâche. Mes yeux planté sur lui, je ne laisse rien transparaître, au cas où il se ferait des idées. Peut-être pense-t-il qu’aborder ce genre de sujet me mettrai mal à l’aise ou que sais-je. Mais il n’en est rien et j’attends la suite qui ne tarde pas à venir. « Donc. Pourrrquoi moi ? » Je retiens un nouveau sourire. Il a eu le temps de longuement réfléchir à tout ça. Cette rencontre n’est définitivement pas fortuite. Il veut comprendre ce qui lui échappe, et là, il s’agit de sa potentielle culpabilité. Après tout son raisonnement n’est pas mauvais. Il serait effectivement légitime d’accuser n’importe quel autre porteur de badge. Mais ce n’est pas le cas. C’est effectivement lui, et uniquement lui, que je vise. Sachant pertinemment qu’il attend ma réponse avec impatience, je prends tout mon temps. J’enroule doucement mes doigts autour de ma tasse, ne craignant pas un seul instant de me brûler. « Parce que tous les éléments convergent. » Je bluffe un peu mais je garde mes yeux puissamment fixés sur les siens, comme si ce que je disais était inaliénable. Intouchable. Comme si ça le coupable ne pouvait évidemment être personne d’autre. Je continue mon petit jeu, surprenamment très à l’aise. Sans lui donner d’avantage d’informations, je continue avec une autre nouvelle. « Savais-tu que tu avais eu une conversation apparemment des plus intéressante avec ma jumelle l’année dernière ? Justement à propos de ces badges rouges. J’aurai beaucoup aimé savoir ce que vous vous êtes dits mais, comme par hasard, sa mémoire a été effacée à elle aussi. Ca ne te dirait rien ? » Je joue gros en lui disant quelque chose comme ça. C’est comme lui révéler qu’on le soupçonne depuis le début. Mais qu’ai-je réellement à perdre ? Dans l’immédiat, rien, parce que tout ce que je veux, ce sont des réponses. Et le voir s’énerver, se défendre ou perdre contenance sonnerait déjà comme un aveu. Imperturbable, je commence à siroter mon café sans le quitter de mon champs de vision.

Ghost Town

Finn...

Tout tourne autour de lui et de sa famille. Pour moi, il n’en fait aucun doute. Ils sont le pivot de ce que est arrivé. Ils font partie de ces gens qui détestent le plus les sorciers de ma condition. Ceux qui sont nés de moldus. Et ils n’ont jamais franchement cherché à la nier. Nos premiers soupçons se sont logiquement tournés vers eux l’année passée et quand on voit comment Savannah a fini lorsqu’elle a essayé de parler à cette même personne qui se tient devant moi maintenant… Cela ne peut pas être une simple coïncidence. « Mon frrrèrrre m’a trrrouvé dans la cohue. Nous nous sommes dirrigés ensuite verrrs la salle surrr demande pourrr nous abrrriter. » Je ne réagis pas tout de suite, imitant les joueurs de poker qui ne laissent transparaître aucune émotion pour ne pas dévoiler leur jeu. Un sourire ou un haussement de sourcil, et il en saurait déjà trop sur le fond de ma pensée. Je m’estime déjà assez heureuse d’être parvenue à lui soutirer un élément de réponse qui me paraît réel. Peut-être ai-je finalement misé sur le bon cheval pour soutirer des réponses à toutes mes interrogations.

« Je vois. » Je commente en reposant doucement de façon assez calculée ma tasse. Le but est de prendre mon temps pour faire monter le suspens mais pas trop pour ne pas l’agacer. Je l’imagine suspendu à mes lèvres, impatient de savoir ce que je pense de tout ça. A mes yeux, il ne fait que rendre son frère suspicieux également. Et intelligent comme Finnbjorn est, je suis convaincue qu’il doit le savoir. Lorsque je relève les yeux sur lui, je scrute intensément son expression et son regard, cherchant à le déstabiliser. Une sorte de jeu de pouvoir est en train de se mettre en place entre lui et moi. Il sait qu’il détient potentiellement la vérité que je cherche mais il sait également que ses paroles risquent de le trahir. Les interprétations sont multiples et il suffit parfois de savoir lire entre les lignes, ou de reconstituer différents éléments. J’ai la certitude qu’il ne me dit pas tout, et il manque encore clairement trop d’éléments liés à cette soirée à mon goût. « Et où est-ce qu’il t’a retrouvé au juste ? » Patiemment, je compte lui faire cracher tous les morceaux. Je veux restituer cette soirée. Je veux comprendre. Je veux savoir. Et j’y parviendrai. D’un moyen ou d’un autre.

Il sait que je le soupçonne et qu’il lui faudra ruser pour me convaincre de lâcher l’affaire et me prouver leur innocence. En attendant, je compte bien profiter de son amnésie pour le faire douter. Je ne lui mens pas. Je tourne simplement certains évènements à mon avantage. Ce n’est pas de ma faute si il n’a plus de souvenirs après tout … « Etonnamment, non. Je ne savais même pas que nous nous fréquentions d’une quelconque manière… » J’hausse les épaules innocemment, comme si leurs histoires ne m’avaient jamais vraiment concernée. « A ma connaissance, vous vous êtes rencontrés plusieurs fois et vous avez conversés. Après je ne suis bien sûr pas au fait des moindres faits-et-gestes de ma sœur, mais elle m’a parlé de toi à plusieurs reprises. » Je m’abstiens de lui dire bien évidemment que ma sœur la surveillait et qu’elle avait des soupçons à son égard dès le début de l’année dernière. Je préfère bluffer pour voir ce que cela peut donner. Laisser planer le doute. Les Sorensen ne sont normalement pas de ceux qui parlent au nés-moldus comme Savannah et moi mais Finnbjorn n’est pas supposé avoir des souvenirs de son passé. Pourquoi n’aurait-il pas pu être une exception ? Pourquoi n’aurait-il pas pu être plus indulgent que les autres ?

Dans tous les cas, on dirait que je parviens à insuffler un peu d’hésitation à Finnbjorn. Il décide donc de retourner sur un sujet connu et me rappelle les raisons de sa première lettre l’été dernier. J’écoute avec attention ce que je qualifierai de plaidoyer. Il compare son amnésie à celle de ma jumelle en prétextant que la même personne aurait pu accomplir ce geste sur les deux élèves. Mais son histoire ne colle pas. D’accord, on a voulu nous faire taire, Savannah et moi parce que nous fouinions un petit peu trop. Mais pourquoi vouloir faire taire Finnbjorn uniquement ? Pourquoi pas tous les porteurs du badge rouge ? Je ne cille pas lorsqu’il m’indique qu’il n’a présumément pas le niveau pour un tel sortilège. J’y ai déjà longuement songé et j’ai mené ma petite enquête. Cela n’était pas compliqué à vrai dire. J’ai deux membres de sa famille qui appartiennent à ma maison. Et leurs capacités en sorcellerie dépassent largement celles d’un élève lambda. Alors pourquoi pas ? Pourquoi ne s’y seraient-ils pas tentés dans un cas d’extrême urgence pour ne pas risquer d’être démasqué ? Il finit enfin par une phrase qui se veut sans doute indiscutable. Comme si cela suffirait à démolir toute ma théorie. « Et si l’on suit ta logique, je me le serrrais jeté à moi-même, c’est bien ça ? Ça n’a pas de sens. » Je lâche un petit gloussement stupide. Je crains de ne pas être très douée pour imiter les nunuches mais il devra s’en contenter. Passer pour une idiote n'est peut-être pas la meilleure stratégie, mais être trop sûre de soi non plus. Cela ne laisse plus de place au dialogue et c'est pourtant ce que je recherche. « Effectivement, ma logique peux paraître irréaliste. » Je lui accorde en optant pour un ton plus léger. Mon but derrière ce comportement est simple. Faire redescendre la pression pour que le jeune Gryffon se sente moins acculé et ainsi gagner quelques précieuses minutes. Je sais de source sûre qu’il n’est pas du genre à s’attarder quelque part si cela ne l’intéresse pas. Et même si l’agressivité est une approche qui me tente énormément après tout ce que j’ai dû subir, j’ai conscience que je dois malgré tout le jouer plus finement. « Je te remercie néanmoins de m’avoir partagé ton point de vue sur la situation. Quel dommage que les souvenirs te manquent, je suis persuadée qu’à deux nous aurions pu enlever les dernières zones d’ombres. Mais peut-être que si nous le voulons vraiment, nous pouvons toujours y parvenir. » Il sait que je veux résoudre les mystères de l’année dernière pour mettre un point final à cette histoire, et pour trouver le coupable. Mais je le soupçonne de le vouloir aussi, afin de trouver les réponses à toutes ses questions et pour pouvoir remplir les trous de souvenirs de son cerveau. J’hausse un sourcil interrogateur, comme pour lui demander silencieusement ce qu’il en serait. La vérité sur tous ces actes ? Ou le brouillard et le trouble infini ?

« Il y a quand même quelque chose qui me chiffonne. » Je reprends calmement après avoir vu sa réaction. « Mettons de côté la probabilité avec laquelle tu aurais pu jeter un Oubliette ou non. Pourquoi est-ce que tu serais le seul badge rouge à qui on aurait voulu effacer la mémoire ? A ma connaissance, vous étiez plusieurs à faire partie de ce groupe mais tu es le seul qui aie subi ce sortilège ? » Pour moi, sa précédente explication ne colle pas. J’attends donc de voir son hypothèse, ou ce qu’il sait déjà sur le sujet. Beaucoup ont été utilisés l’année dernière, Anthéa compris. Pourtant, on n’a pas essayé de les faire taire de cette façon.

Ghost Town

Malgré mon masque de glace apparent, je ne fais que jouer un rôle. La confrontation n’est pas du genre à me déranger. Mais là, ce n’est pas tout à fait la même chose. Là, j’ai la désagréable impression de me retrouver en duel face à un serpent venimeux, prêt à me mordre à tout instant. Cette analogie n’est pas anodine étant donné qu’elle me rappelle en quelque sorte la rencontre avec le Selma de l’année dernière. Inattendue. Dangereuse. Mais à l’inverse, je sais également que je ne risque rien. Ou presque. L’endroit est bondé et le jeune Sorensen ne pourrait pas se permettre de me faire quelque chose à la vue de tous. Ce serait bien trop risqué. C’est notamment l’une des raisons pour laquelle je me permets d’agir comme ça et de me montrer aussi téméraire et culottée.

Bien décidée à profiter de cet échange pour récolter des réponses, je continue mon interrogatoire. Je veux recoller tous les éléments de cette désastreuse soirée de fin d’année. Trouver les éléments manquants, les relier entre eux dans le but de trouver le coupable. Ce n’est une tâche aisée, mais je n’aurai de repos tant que je n’y serais pas parvenue. Comment voulez-vous que je me sente en sécurité dans ce fichu château alors que celui qui a essayé de nous tuer à de multiples reprises l’an passé court toujours et se trouve peut-être parmi nous. Voir, en face de moi ? « Dans un couloirrr. Tu sais, je ne me rrrappelle pas du plan exact de Poudlarrrd… » Comme par hasard. Un petit sourire que j’essaie de rendre contrit étire doucement mes lèvres. Il ne pourrait pas se montrer plus vague. Le château n’est pas des plus petits. On ne compte même plus le nombre de couloirs. Force est de constater qu’il ne fait aucun effort. Mettre ça sur le compte de son amnésie est tellement simple que c’est à se demander s’il n’essaie pas de me cacher cette information. Peut-être pour ne pas se mettre en danger. Lui, ou même un de ses proches. Ne disait-il pas plus tôt que c’est Hannibal qui l’a retrouvé ? Est-ce qu’il aurait quelque chose à voir là-dedans ? Est-ce que … Ce serait lui qui aurait lancé le sortilège d’amnésie à son propre frère ? Je me retiens d’hocher réellement la tête pour faire de la place dans mes idées. Je m’enflamme. Son propre frère n’aurait pas pu faire une telle chose. Je ne pourrai jamais faire ça à mes proches, ce serait tellement cruel et douloureux de prendre le risque que la personne nous oublie… « Je comprends. Poudlard est tellement grand et j’imagine que savoir où tu étais n’aie pas été ta priorité à ce moment. Mais c’est Hannibal qui t’a retrouvé si je me souviens bien ? Il doit s’en souvenir lui, j’irai lui demander. » Si Finnbjörn refuse vraiment de me donner cette information, alors j’irai la chercher ailleurs. Ce n’est pas comme si croiser son frère m’était vraiment compliqué dans la mesure où nous sommes dans la même maison. S’il est vraiment fidèle à son frère et qu’ils cherchent tous deux à cacher ce genre d’éléments, alors je saurai pour sûr qu’ils sont fourrés dans quelque chose. Ça ne peut pas être une simple coïncidence.

J’essaie de la jouer finement et d’instiller le doute concernant ma sœur. Il ne se souvient pas d’elle de toute façon, pourquoi ne pourrais-je pas essayé de lui faire croire qu’ils étaient peut-être amis ? Je sais pertinemment que cette famille fait son possible pour ne pas traîner avec les nés-moldus. Mais il peut toujours y avoir des exceptions. Surtout si le reste de la famille n’est pas au courant. Non ? Je sais que je joue un jeu dangereux, mais ça vaut la peine d’essayer. « Ce n’est pas trrrès étonnant, les gens semblent nous rrremarrrquer. Peut-êtrrre l’ignorrre-tu, mais notrrre famille est extrrrêmement rrréputée. » Son sourire de serpent et son ton me donnent envie de lever les yeux au ciel. Ces personnes imbues d’elles-mêmes et tellement fières d’appartenir à des familles soit disant puissantes me donnent envie de vomir. Ils se croient tout puissants. Intouchables. Invulnérables. Meilleurs que tous les autres. Tout ça parce que leur sang est soit disant « pur ». Et c’est supposé les rendre meilleurs que nous ? Laissez-moi sérieusement en douter. « Il paraît. Mais je doute que ce soit la raison pour laquelle Savannah et toi vous soyez rencontrés à plusieurs reprises. Nous ne sommes pas du genre à nous rapprocher de quelqu’un à cause de sa notoriété. » J’hausse les épaules nonchalamment, pour accentuer mes propos. Je me demande s’il va mal le prendre. Insinuer que les gens qui l’entourent ne s’intéressent qu’à son prestige et à sa renommée. Cela pourrait être intéressant.

Que ce soit lui, Hannibal ou quelqu’un qui contrôlait toute la situation qui lui a fait perdre sa mémoire, le fait est toujours là. Sa mémoire est manquante. Et comme par hasard, on ne peut pas retrouver le coupable. Pour moi c’est clair. J’ai retourné ça dans tous les sens cet été et depuis la rentrée. Le Gryffon qui se tient face à moi est l’un des piliers des évènements tragiques de l’année dernière. « Si tu le dis. J’ignorrre pourrrquoi tu sembles si convaincue que mes souvenirrrs sont la clé de tout, mais je crrrains qu’ils ne soient perrrdus à jamais. » Et alors que j’évoque la possibilité qu’ensemble nous pouvons éclaircir la situation, trouver le coupable et lui permettre potentiellement de faire réapparaître des souvenirs, il préfère encore une fois se refermer et opter pour le fatalisme, comme pour me montrer que tout ce que j’essaie de faire n’est que peine perdue.. Les souvenirs sont perdus. A jamais. Soit disant. « Disons que tu es le seul à ne pas te souvenir de la soirée. Et également le seul dont la mémoire a été effacée. Je ne pense pas me tromper en disant que cet acte était destiné à cacher des choses. Que ce soit parce que tu en as trop vu ou parce que tu en savais trop. Ta mémoire était donc précieuse. » Je laisse planer mes mots quelques secondes tandis que je joue avec ma tasse, réfléchissant soigneusement à mes prochains mots. Je lui fais alors part, calmement, de ce qui me chiffonne. Je ne lui apprends rien de nouveau, évidemment. Mais je remets les choses dans leurs contextes et prend la liberté de les questionner, légitimement. « Il n’est pas imprrrobable qu’on ait voulu se serrrvirrr de moi. Ou que j’aie découverrrt quelque chose, et que j’en savais trrrop. On nous a donné des instrrructions parrr lettrrre parrraît-il, les possibilités sont multiples… » J’hoche doucement la tête, comme pour lui accorder cette théorie qui rejoins mes propos. Le faire passer pour une victime est trop simple, mais parfaitement plausible. Mais pourquoi lui plutôt qu’un autre ? Etait-il autant investi qu’on le prétend ? Pourquoi pas Erin, sa jumelle, ou Hannibal ? Je pourrai investiguer de ce côté-là aussi, mais je sais que je commencerai à risquer gros. Finnbjörn est une cible plus facile à cause de sa perte de mémoire. On peut jouer avec le passé qu’il ignore, essayer d’attirer sa curiosité comme je l’ai fait jusqu’à présent. Ce n’est pas sans risque bien sûr, mais c’est plus réalisable disons. « On peut se demander la même chose concerrrnant ta soeurrr, tu sais. » J’hausse un sourcil avant de l’étudier du regard. Il me renvoie la balle. Comme pour me montrer que je ne suis pas la seule à avoir des éléments accablants. Il doit sans doute vouloir essayer de briser mon assurance en impliquant ma sœur. Mais je ne suis pas dupe. Contrairement à lui, nous sommes véritablement de véritables victimes. « A cause de sa perte de mémoire ? Je peux comprendre le rapprochement. Mais je ne pense pas qu'on ai essayé de se servir d'elle. Elle n'a jamais reçu de lettres ou d'instructions. En revanche, elle cherchait à comprendre ce qu'il se passait dans le château. Contrairement à toi, elle n’a perdu quelques heures de souvenirs. Suffisamment pour la faire oublier ce qu’elle avait appris pendant ce laps de temps … et de se retrouver face à toi. » Je le regarde droit dans les yeux en murmurant presque ces derniers mots, comme si j’essayais de sonder son âme. Est-ce qu’il était au courant de cette donnée-là ? J’en doute. Sauf si sa famille l’a mis en garde contre nous. Je ne me suis jamais retiré de la tête que c’était lui qui s’était essayé à lui effacer la mémoire. Elle fouinait dangereusement sur les agissements des badges rouges et Finn était dans sa ligne de mire. Elle n’a jamais pu me confirmer qu’il s’agissait bien de lui qui lui avait effacé la mémoire. Comment aurait-elle pu ? Heureusement, ça ne lui a valu que quelques heures. Lui, a eu moins de chance.