Je n’étais franchement pas enthousiaste à l’idée de reprendre les cours, encore moins après avoir passé une partie de mon été à reconstruire une école que j’étais parfaitement aise de voir brûler. Je me demandais d’ailleurs pourquoi je n’avais pas moi-même pensé à faire brûler Poudlard et ses occupants avant notre inconnu incendiaire. Il y a d’ailleurs une chape d’ombre et de mystère qui entourait cet événement, mais pas une seule piste d’éclaircissement. La rentrée était arrivée bien trop vite à mon goût et c’était tout aussi rapidement qu’il m’avait fallu retourner dans cette immonde Salle Commune, partager un dortoir avec des abruties que je méprisais. L’année démarrait fort : tous les enseignants nous bassinaient déjà avec les BUSES et la difficulté des examens, comme s’ils n’allaient pas tout faire pour que nous réussissions tous afin de ne plus nous avoir dans les pattes. Foutaises ! Je savais de toute façon à quoi je me destinais et j’avais les capacités nécessaires dans les matières utiles. Pour le reste… Ce n’était que du bonus avant que je puisse enfin dire définitivement adieu à leur étude. L’un de ces cours était celui d’Etude des Moldus. Une franche hérésie que j’étais désormais obligée de suivre puisque Finnbjörn, quand il avait encore toute sa tête - même si sur le moment j’en avais douté - m’avait à l’époque convaincue de suivre cette matière. C’était au final aussi ennuyant et aberrant que ce que j’avais prévu, mais quand j’étais d’humeur, je m’amusais assez bien à effarer le professeur attitré. Si j’avais un jour la possibilité de faire brûler Poudlard à mon tour, il serait assurément sur la liste des gens à y enfermer. Pourquoi étudier les moldus dans un collège magique ? C’était du non-sens.

Ce mardi-là, j’avais profité de ma pause après le déjeuner ; tellement que j’en avais oublié cette satanée option et que j’étais arrivée en retard au sixième étage. Je toquai trois coups fermes sur la porte avant d’entrer et de me diriger immédiatement aux côtés de Finnbjörn. Mes excuses, je ne trrrouvais plus la salle fis-je avec un sourire faussement contrit tout en posant mes affaires. Wolffhart était entrain de déblatérer au sujet de technologie et de grec au moment où je pénétrai dans la salle et il reprit bien vite là où je l’avais interrompu. Finnbjörn semblait parfaitement absorbé par les paroles de l’enseignant, tant et si bien que je commençai moi aussi à m’intéresser aux idioties qu’il avait le culot de nous sortir pour comprendre pourquoi mon cher frère y trouvait un quelconque intérêt. Son amnésie n’y était sûrement pas pour rien, mais enfin, tout de même. Je ne comprenais pas bien pourquoi nous passions de cette technologie à un démon chargé de terroriser les enfants en moins de quelques minutes, mais je me faisais une raison : tout ce qui avait trait aux impurs était porteur d’incohérence. Laissant la place aux questions, je tournai un regard mi-surpris, mi-préoccupé vers mon jumeau quand celui-ci prit la parole. Il semblait participer à la conversation depuis le début du cours si j’en jugeai l’attitude du professeur, tournée vers lui, et les mots que Finn employait. Depuis son amnésie, certaines choses m’alarmaient énormément chez lui. Et le recul qu’il prenait concernant les moldus n’arrangeait pas les choses. Heureusement, de ce que j’entendais, les questions qu’il se posait n’étaient pas des plus flatteuses pour les impurs. Fidèle à lui-même, il questionnait les points de détail. Mais je ne pouvais pas laisser un professeur tenter d’influencer mon frère alors qu’il était aussi ignorant qu’un nouveau-né, aussi pris-je la parole après les questions de Finnbjörn au sujet des ressources naturelles. Vous ne prrrécisez pas que nous, Sorrrciers, n’utilisons pas ces rrressourrrces. Si extinction il y a, ce ne serrra que celle des moldus fis-je avec un dédain que je ne cherchais même pas à cacher.

Ce n’était pas là la seule interrogation de Finnbjörn et celui-ci continua sa quête personnelle de savoir, interrogeant leur folklore. Malgré son amnésie, mon frère restait un être de grande intelligence qui savait percevoir ce qui ne tournait pas rond. Et le moins que l’on puisse était que les traditions moldues n’avaient rien de perpétuables. Parrrce que les moldus adorrrent effrrrayer les autrrres populations de même que les perrrsécuter. Plus ils sont faibles, plus cela est facile pourrr eux. Je n’avais pas parlé à voix haute, plutôt à moi-même en réalité, mais sans non plus chercher à cacher le timbre de ma voix. Je n’avais pas plus envie que cela de participer à ce cours, mais s’il fallait appuyer la débilité des impurs, j’étais là.

Tout doucement, ce cours éveillait chez moi une tension brûlante. Je n’aimais pas cette matière, ne la suivant que parce que Finnbjörn m’y avait habilement conviée quelques années plus tôt, et je me désolais de constater qu’il y prenait un intérêt aussi poussé. Je lève les yeux au ciel alors que le regard de l’enseignant se pose brièvement sur moi, pour reprendre aussitôt son échange avec mon jumeau. Je ne sous-entendais rien, je ne faisais qu’énoncer une vérité. C’étaient bien eux qui arrachaient à la terre plus de ressources qu’elle ne pouvait en fournir, et si nous en avions également besoin en partie, nous nous passions très bien de toutes leur soit-disant innovations. Ainsi, si l’extinction survenait, ce serait celle de ces impurs incapables de faire autre chose que de briser et détruire ce qu’ils possédaient. Mais il mettait en lumière un point essentiel : les ressources disparaissaient du fait de l’activité moldue et nous, sorciers, en avions également besoin sans puiser de manière aussi drastique dedans. Qui pouvait soutenir que ces êtres infâmes méritaient de vivre ? Le professeur semblait adopter une attitude froide à l’égard de mes paroles mais tout ce qu’il disait ne faisait qu’appuyer mon point de vue.

Mon air teinté d’une suffisance impertinente repart à la recherche des failles présentes dans le discours de l’enseignant. Était-il réellement entrain de sous-entendre qu’il savait de quelle manière les sang-purs éduquaient leurs enfants ? De quelle manière, eux, les Sørensen, avaient été éduqués ? Je ne voyais rien, dans son explication, qui démente mes propos et l’assurance que les moldus n’étaient que des cafards prêts à tout pour effrayer et persécuter ce qu’ils ne comprenaient pas ou ce dont ils ne voulaient pas. Enfin, je n’avais pas la patience ni l’envie de me lancer dans un débat de rhétorique avec un enseignant qui ne méritait pas la moindre once de respect ne serait-ce qu’à cause de cette matière qu’il jugeait bon d’enseigner.

Finnbjörn reprend la parole, et un sourire dansant étire mes lèvres à son écoute. Je préférais entendre ce genre de propos dans la bouche de mon tendre frère. Quelle conclusion conserver autre que celle qui venait ponctuer les propos du professeur : la magie ne causait pas tant de dégâts et rien que ce simple fait nous plaçait au-dessus des moldus et nous assurait le droit de ne pas nous cacher comme nous le faisions depuis des siècles. Nous réclamerions vengeance, nous aussi. Un jour.

Puis nous en revenons aux traditions moldues, et dans un soupir je me laisse retomber contre mon dossier, ma plume dansant entre mes doigts, mon désintérêt profond revenant à la surface. Je ne connaissais rien de ces fêtes et ne m’y étais jamais intéressée. Ce n’était pas aujourd’hui que j’allais commencer. Si pointer du doigt tous les défauts de la civilisation moldue pouvait me plaire, ce n’était pas le cas de ce qui suivait.