Allumette en aiguille

J'allais assister à mon premier cours de métamorphose, ce que j'appréhendais un peu. D'abord j'avais toujours appréhender les premiers cours, la rentrée... C'était un moment toujours pleins d'imprévus où je découvrais de nouveaux professeurs, chacun avec leur caractère, leurs exigences, leur manière d'enseigner... J'avais toujours été bonne élève, trop peut-être et à chaque fois je craignais de décevoir, de déplaire. Chaque année tout était à recommencer.
Mais cette rentrée était particulièrement différente des autres. Ce n'était pas seulement de nouveaux professeurs que je découvrais chaque jour, c'était un nouveau monde. Et ce monde ne semblait facile à première vu et d'après le peu que j'avais saisi du discours de la directrice. Depuis quelques jours ma vie avait basculée dans un nouvel univers et rien que l'intitulé du cours de "Métamorphose" en était la preuve. Ce que j'allais apprendre différait de tout ce que j'avais appris.
J'angoissais à l'idée d'aller à ce cours, plus qu'aux autres. En effet, je connaissais déjà le professeur Lindberg, c'est lui qui m'avait accompagné dans mes courses de rentrée et cela avait été plutôt un bon souvenir. J'avais été heureuse de le voir si attentionné et désireux de m'aider. En soi, cela aurait du être un facteur de sérénité pour moi. Mais non, maintenant que je le connaissais, maintenant qu'il m'avait vu dans tout mon embarras, je voulais me montrer à la hauteur de son aide, à la hauteur de l'attention qu'il m'avait portée. Et je savais que c'était quand j'étais dans cet état d'esprit que j'angoissais le plus, de peur, encore une fois, de le décevoir.
C'était donc avec ces pensées en tête que j'entrai en salle de métamorphose. Comme il se doit lorsque l'on est stressé, j'arrivai devant la porte de la salle avec quelques minutes d'avance, le temps de reprendre mon souffle suite à un déplacement pour le moins hasardeux dans ce dédale que constitue le château.
Une sonnerie retentit et le professeur ouvrit la porte, d'un air toujours aussi avenant. Je le saluai d'un grand sourire et réfléchis un bref instant avant de choisir ma place. Je finis par opter pour une table encore libre, pas située au fond, cela aurait fait mauvais genre quand de nombreuses places étaient libres devant, ni tout devant, je ne tenais pas à me faire remarquer si vite. Je m'installai donc à ma table et attendis avant de sortir mes affaires. J'avais vérifié avant de sortir de mon dortoir et mon manuel ainsi que ma baguette étaient à leur place respective.
Le professeur posa alors une question, en s'adressant aux deuxièmes années qui étaient avec nous et j'étais bien contente de ne pas être concernée, au moins je n'aurais pas à faire étalage de mon ignorance en matière de métamorphose. Ce fut une fille de ma maison, Maya, avec qui j'avais déjà un peu discuté lors du banquet qui répondit mais sa réponse ne m'éclaira pas vraiment, je n'avais pas tout saisi.

Allumette en aiguille

Maintenant les choses sérieuses allaient commencer pour de bon. Le professeur semblait satisfait de la réponse de Maya et désormais il désirait qu'on mette en pratique cette définition de la métamorphose sur des allumettes. Au moins je pouvais me dire qu'il fallait transformer un objet que je connaissais, l'allumette, en un autre que je connaissais aussi, l'aiguille. Je n'étais donc pas si dépaysée. Quoique j'avais beau me dire cela pour me rassurer, je n'en pensais pas moins : au fond j'étais complétement paniquée, d'autant plus que s'il y avait bien un professeur que je ne voulais pas décevoir, c'était celui-ci puisqu'il m'avait bien aidé lors de mes achats de rentrée.
Ma panique s'accentua lorsqu'il dit qu'il n'y avait pas de formule dédiée. J'avais un peu espéré pouvoir me rattacher à cela mais non, rien, il allait falloir tout inventer. Autour de moi, cela commençait à s'activer et, ne voulant pas rester les bras ballants, à jeter de brefs coups d'oeil aux alentours, je sortis ma baguette. Elle était belle d'ailleurs, d'un beau bois lustré qui tranchait avec ses capacités que pour l'instant je ne maitrisais pas. Elle semblait très inoffensive entre mes mains mais je savais qu'elle renfermait de grands pouvoirs ; Ou plutôt c'était moi-même qui avais ces pouvoirs et ma baguette n'était là que pour les canaliser, les faire aller dans la bonne direction de ce que j'avais compris.
C'est ainsi que je me persuadais que je pouvais réussir ma première métamorphose, il me suffisait de laisser s'exprimer les pouvoirs qui étaient en moi. Et puis au pire, si ça ne marchait pas je ne risquais rien. Le professeur serait peut-être déçu de mon absence de résultats mais au fond rien de grave, j'aurais toujours la possibilité de réessayer. Et il y avait tout à parier que je ne serais pas la seule. J'étais alors bien contente d'avoir choisi la place où j'étais. Déjà parce que j'étais isolée donc je ne risquais pas d'être remarqué d'un éventuel partenaire et ensuite parce que j'étais quand même suffisamment entourée pour ne pas trop me faire remarquer du professeur, au cas où j'échouerais. En me répétant ces bonnes paroles je me persuadais ainsi de tenter ma chance.
Je pris donc une allumette dans sa boite et la posait sur ma table, l'air inspiré. J'attrapai ensuite baguette en essayant de visualiser la transformation.

1-2:Au début, rien ne semblait se passer. Puis l'allumette prend peu à peu des reflets métallisés avant qu'un rayon de lumière ne la révèle pour ce qu'elle était devenue : une superbe aiguille.
3-4-5-6 : J'avais beau regarder mon allumette sous toutes les coutures, il n'y avait aucun changement.