Mon histoire est assez banale, c'est celle d'un petit gamin des Highlands, pur produit sorcier avec, dès le plus jeune, âge un caractère à couper au couteau. Mes parents tenaient un élevage de Demiguises, dont ils utilisaient les longs poils pour confectionner des capes d'invisibilité bon marché. Nous vivions en périphérie d'Inverness, dans une petite communauté de sorciers, bien à l'écart du monde moldu et du tumulte des quartiers sorciers londoniens. Les animaux magiques, je connais bien, pour avoir passé mon enfance en leur proximité (et je dis cela sans compter mes soeurs dans le lot, avec lesquelles j'ai toujours eu des difficultés à m'entendre).

Et, comme tout gamin sorcier, j'ai reçu ma lettre, sans surprise. Ma grande soeur était déjà à Poudlard, dans la maison Gryffondor et j'espérais sincèrement ne pas la rejoindre. La voir à la maison était déjà suffisamment pénible... Et pourtant, c'est bel et bien le blason rouge et or que le Choixpeau m'a fait porter durant toute ma scolarité, un choix que je n'arrive pas à expliquer. Je me suis toujours senti à côté de la plaque dans cette maison qui prône le courage et la force de la volonté. Aujourd'hui encore, je reste persuadé qu'une autre maison aurait été un choix plus judicieux, mais, paraît-il, le Choixpeau ne se trompe jamais.

J'ai vécu une scolarité normale, banale et dans la moyenne, à l'issue de laquelle un grand besoin d'air pur me poussa à plier bagages et à partir, avec mon sac à dos et ma baguette, faire le tour de l'Europe. Je souhaitais faire le point, me découvrir moi-même à travers le filtre des différentes cultures. Ce voyage fut à la fois le meilleur moment de ma vie et le début de ma période la plus sombre. J'ai voyagé de l'Ecosse jusqu'à la Lettonie, en passant par la Croatie. Dans l'ensemble, j'ai parcouru les Balkans de long en large et en travers. J'ai rencontré des gens exceptionnels et d'autres qui l'étaient moins. Je n'avais que très eu d'argent sur moi, alors j'ai effectué des petits boulots et j'ai rendu des petits services quand je le pouvais... Ou lorsqu'il faisait trop froid pour m'offrir le luxe de dormir dehors.

Lorsque j'eus visité l'Europe de l'Est, je décidai qu'il était temps de rentrer, de penser à l'avenir. Personnellement, je ne percevais pas cette urgence, mais "penser à l'avenir", c'est ce que nous faisons de mieux, non ? Alors, je rentrais à Inverness dans l'optique de trouver "un boulot" et de "m'installer", des considérations dans lesquelles je ne me retrouvais pas vraiment. Mon retour de ce voyage fut complexe : j'avais l'impression de ne pas me fondre dans le paysage, que rien n'avait vraiment de sens. Je retrouvais cette même confusion que lors de ma répartition chez les Lions et cette même envie de foutre le camp.

Néanmoins, je me fis violence et je postulais à nouveau dans des petits boulots. J'enchaînai les boulots, sans aucun rapport les uns avec les autres, pour ajouter à cette impression que rien n'avait de sens. Puis, vers mes 25 ans, je débarquais, comme employé, dans un bar sorcier. C'était un petit troquet mité, joliment surnommé "le Trou à Rat". Autant dire que ce rade n'attirait ni le ministre de la magie, ni les dignitaires, ni les gens qui possédaient une once d'idée en rapport avec l'hygiène ou l'intelligence. Et je crois que, la connerie, ça finit vraiment par déteindre sur les autres. C'est ce qu'il s'est passé pour moi. Au bout d'un certain temps, surtout lorsqu'on est paumé, on ne fait plus vraiment la différence entre les gens qui nous veulent du bien et ceux qui arborent des artifices et qui cherchent à tout détruire en se détruisant eux-mêmes. J'ai fréquenté des mauvaises personnes, fait des mauvaises choses. Entre les bitures, les embrouilles, les vols, le vandalisme et la violence, j'ai passé huit ans dans le flou d'une gueule de bois interminable, jusqu'à ce que...

Un beau jour, une sorcière se pointa au Trou à Rat. Une belle brune, un air rebelle et narquois accroché à son visage fermé et hautain. Pile le genre de femme avec lesquelles j'aimais traîner à l'époque. Sauf que, celle-ci, nous avions déjà fait plus que traîner ensemble. Elle tenait dans ses bras une épaisse couverture beige. La sorcière déposa la couverture sur le comptoir d'un air sévère et s'éloigna, non sans planter ses yeux dans les miens d'un air accusateur. "C'est la tienne", m'avait-elle dit alors qu'elle tournait les talons et qu'elle disparut à jamais derrière la porte du bar. Je restais là, immobile, un peu stupide, à fixer l'épaisse couverture beige sur le comptoir du Trou à Rat. Je l'inspectais de loin, fébrile, lorsqu'un gazouillis suraigu me fit sursauter. La couverture remua. "Quelle espèce de créature magique se trouve là dedans ?", me dis-je, bien loin de m'imaginer à quel point cette simple pensée était proche de la vérité. Un coin de la couverture glissa et un petit visage fit son apparition. J'approchais, à la fois curieux et déstabilisé et la petite créature tourna ses yeux orageux vers moi. Ce fut le coup de foudre.

Je me suis promis à moi-même de devenir une meilleure personne et de laisser le vol, la violence et le Trou à Rat derrière moi. Ces cinq premières années avec Maddie ne furent pas simple, autant en ce qui concerne notre cadre de vie que l'abandon de mon passé et ma réinsertion dans la vie "normale" d'un sorcier de 33 ans complètement inadapté.

Et nous voilà, cinq ans plus tard. Je renais, lors de ma première année à Poudlard en tant que Professeur (Moi ? Professeur ? J'ai encore du mal à le croire), au contact des animaux, comme lorsque j'étais môme. Maddie vit chez sa marraine pendant les cours et j'essaye tant bien que mal de rester sur le droit chemin pour Elle.

Dire que j'ai su garder des bonnes relations avec ma famille serait un mensonge. Mes parents et moi, nous échangeons des hiboux, très sommairement, comme pour "garder le contact", juste comme ça, parce que ça serait dommage de couper entièrement les ponts. J'ai deux soeurs, une aînée et une cadette, dont je n'ai plus de nouvelles depuis un bail. Je sais cependant, par l'entremise de mes parents, qu'elles sont mariées toutes les deux et que l'aînée bosse au ministère. Pour le reste, la famille McLaughlin n'est pas un terrain idéal pour porter un toast enflammé sur l'amour filial le soir de Noël.

La seule personne que je considère comme ma Famille (avec un "F" majuscule), c'est ma fille, Maddie. Cette petite tornade brune aux yeux orageux fut un heureux imprévu. Sa mère, une sorcière que j'ai rencontré dans ma mauvaise période, a foutu le camp en me la laissant dans les bras et, maintenant, Maddie et moi, c'est à la vie, à la mort tous les deux. Elle a (déjà) 6 ans et elle vit chez sa marraine lorsque je réside à Poudlard. C'est pour elle que j'ai changé et que je me suis assagi au point de prendre un poste à l'école. Je la vois peu, mais j'essaye vraiment de m'améliorer pour pouvoir bientôt lui offrir un meilleur cadre de vie.

Les voilà qui avançaient dans le parc, leurs chemises ouvertes, les cravates dénouées, non pas en rang, mais groupés comme un troupeau de moutons indisciplinés. Je les attendais, bras croisés, à côté d'un enclos. J'étais fébrile, mais impatient de donner mon premier cours. Les élèves vinrent naturellement s'organiser en un arc de cercle plus ou moins uniforme autour de l'entrée de l'enclos et de moi. Je les observais un instant, juste pour "prendre la température". Je pouvais deviner quels étaient leurs "rôles" ici, à Poudlard, en un coup d'oeil. A droite, il y avait l'insupportable Je-Sais-Tout, ses couettes et ses noeuds à pois dans les cheveux. Derrière elle, il y avait le clown de la classe, qui n'avait pas perdu de temps pour arracher une touffe d'herbe et pour commencer à s'enfiler les brins dans les oreilles pour faire marrer ses copains. A l'extrémité du groupe, il y avait l'archétype du gamin torturé, ténébreux, solitaire, ses épaules fermées, son dos voûté comme s'il y portait tout le poids du monde et une barrière de cheveux qui masquait une partie de son visage triste. L'autre môme, là, qui se penchait pour mieux voir dans l'enclos, c'était probablement le né-moldu de la bande, très justement fasciné par le moindre soupçon de magie, une réaction normale quand tout de l'univers magique est une nouveauté.

Leurs regards étaient, pour la plupart, tous fixés sur moi. Je décroisais les bras et entrepris de me présenter à eux.
Bonjour à tous, je suis le Professeur Iollan McLaughlin et je vous enseignerai le Soin aux Créatures Magiques. Pour ceux qui ne savent pas encore en quoi consiste cette matière, j'aurai la responsabilité de vous présenter les différentes créatures magiques et de vous apprendre à discerner celles dont il faut se méfier et celles qui sont dociles. Il fut un temps où les créatures magiques étaient chassées et nous sommes dans une période où nous essayons de préserver la vie et la liberté de ces créatures. Pour chaque créature que nous allons observer, je tiens particulièrement à ce que vous compreniez leur mode de vie, leur habitat et leurs facultés et propriétés parfois étonnantes. Et puisque certaines de ces créatures sont dangereuses, je vous prierai de bien écouter mes consignes. Je ne tiens pas à me faire convoquer par le Professeur Londubat parce que je vous ai envoyé à l'infirmerie morceaux par morceaux, vu ? conclus-je en les pointant du doigt.

J'adoucis mon discours par un petit sourire, après avoir observé cette nuée d'yeux s'écarquiller d'une angoisse simultanée. J'entendis même quelques élèves déglutir avec difficulté.
Ok. Je tiens cependant à ce que l'ambiance dans mes cours soit sympa. On est dehors, au grand air, en groupe alors restez prudents, n'hésitez pas à m'interpeller ou à me poser vos questions et tout ira bien. Aujourd'hui, pour vous initier au Soin aux Créatures Magiques, je vous présente une créature qui ne pourra vous blesser qu'avec des mots, le Chartier.

Joignant le geste à la parole, ma main vint chercher ma baguette et la fit virevolter en direction de la porte sommaire de l'enclos, qui s'ouvrit dans une petite détonation. Ce qui semblait être un Furet démesuré s'en extirpa prestement, en reniflant le sol et en grommelant. Le Chartier se figea et observa l'assemblée. Certains élèves eurent le réflexe de reculer, tandis que d'autres s'avancèrent. On voyait déjà qui était à l'aise avec l'idée d'être proche de créatures plus ou moins sauvages.

FACES DE TROLL ! MORVES SECHEES ! CRETINS D'IMBECILES ! SAC A GARGOUILLES ! GROS PIF ! POUX DE FESSES ! se mit à hurler la créature, déclenchant tour à tour la surprise et l'hilarité générale.

Silencio ! lançais-je, amusé, à l'encontre du braillard, qui se retrouva privé de la parole. Le Chartier, agacé, se mit à gratter la Terre frénétiquement pour passer sa colère. Bien. Qu'avez vous observé ? demandais-je à la classe.

Beeeen... Il parle ! dit l'un, hésitant.
Il fait bien plus que parler, il nous a littéralement traités de Poux de Fesses ! s'offusqua l'autre, ce qui relança une salve d'hilarité générale.

Absolument. Rares sont les créatures dotées de la paroles qui ne sont pas considérées comme des Hybrides. Le Chartier est doué de parole, mais il l'utilise seulement pour envoyer un chapelet d'insultes à quiconque croise son chemin... dis-je, résigné. Ce Chartier, ça aurait pu être moi, à une époque.

Et ça mange quoi un Chartier ? demanda la Je-Sais-Tout.
Des gnomes. Ils ne sont pas dangereux pour les humains répondis-je. A une époque, d'ailleurs, lors de la grande invasion de gnomes de jardins de 1944 à Wolleighton, le Ministère jugea bon de lâcher une population de Chartier en ville, afin de les chasser... Le problème, c'est que les Chartiers se sont installés, eux aussi, et ont commencé à mener la vie encore plus dure aux habitants de la ville, qui ne se sont jamais senti aussi déprimés, à force de se faire insulter tous les jours...

Et, juste comme ça, le cours était lancé, avec brio. Le premier d'une longue série.