23 Décembre 2012



Le petit garçon empoigna fermement la main de sa mère, en pleurs. Ses petites joues rougies par le froid hivernal étaient parsemées de chaudes larmes. Sa mère prit son menton entre ses doigts et lui discerna un immense sourire maternelle pour le rassurer. Son fils s’était encore inquiété pour sa sœur qui, pourtant, ne se trouvait que dans le magasin juste en face avec son père. Il n’avait cessé de hurler «  Candice, candice ! Où est Candice ! ». Sa mère avait beau lui répéter qu’il n’avait aucune raison de s’inquiéter, que sa sœur était entre de bonnes mains, Elijah ne voulait rien entendre tant qu’il ne l’avait pas vu de ses propres yeux. Depuis la naissance de sa petite-sœur s’était développé en l’enfant un aspect protecteur envers elle, si bien que s’il ne l’avait pas dans son champs de vision, il commençait à s’inquiéter. Ca agaçait énormément son père, tandis que ça rassurait sa mère : elle pouvait être certaine ainsi que jamais il n’abandonnerait sa sœur, quoi qu’il arrive, quoi qu’elle fasse.

C’était la période de Noël, Candice et son père était partie acheter le cadeau d’Elijah. Voilà pourquoi il se devait de rester éloigné d’eux ; sinon, ça n’aurait pas été une surprise. Candice croyait au père Noël, et s’imaginait que ce dernier était de mèche avec son père ; Elijah, lui, savait que ce n’était que du blabla. Mais, pour sa petite sœur, il jouait le jeu. Ca la rendait si heureuse, chaque année, d’ouvrir ses cadeaux en imaginant que son expéditeur soit son ange-gardien de Noël ! Soudain, deux silhouettes émergèrent du magasin que pointait Louise Tiedoll du doigt : Candice, au bras de son père. Elle arborait un sourire jusqu’aux oreilles et avait des étoiles dans les yeux. Son père, cependant, n’affichait pas cet air émerveillé de la magie de Noël ; distrait, il regardait à gauche et à droite, l’air blasé et inexpressif, indifférent au bonheur de sa petite fille. Louise lui lança un regard en coin qui voulait tout dire, grimaçant pendant une fraction de seconde, avant de tourner son regard vers sa petite fille. Son expression changea du tout au tout, et un radieux sourire rempli d’amour remplaça l’air blessé qu’elle avait affiché quelques secondes plus tôt en apercevant son mari. Elijah tourna aussi la tête, et son visage s’illumina en voyant sa sœur sortir du magasin comme un ange descendu du ciel. Il alla à sa rencontre, et dès qu’il fut à sa portée, il lui prit la main. Il avait retiré son gang gauche pour pouvoir agripper la main de sa petite sœur. Cette dernière leva la tête vers lui et, en voyant le sourire de son frère aîné, l’imita. 

Louise et Nigel, le père des enfants, se rapprochèrent légèrement, mais conservèrent une certaine distance entre eux ; ce qui, bien sur, n’échappa pas au petit Elijah. A cet âge-là déjà, il était très observateur et perspicace, même s’il ne se doutait pas de ce qui se dissimulait derrière ce comportement hostile entre mari et femme. Il arqua un sourcil et lança un regard accusateur à sa mère et à son père. «  Pourquoi tu ne tiens pas la main de maman, Papa ? Regarde, moi je tiens la main de Candice. » Nigel haussa les sourcils, incrédule, et jeta un regard en coin noir à sa femme, qui glaça le sang de cette dernière, avant de se tourner vers son fils et de lui répondre, désinvolte. « Quand on s’aime, on est pas obligés de se tenir la main, Elijah. » Ce dernier fronça les sourcils, frustré. Il voulait absolument que ses parents se tiennent la main : tout les autres le faisaient !  A l’école, ses copains lui racontaient à quel point ils trouvaient ça répugnant, que leurs parents passent leurs journées à se « bécoter » et se câliner. Lui, trouvait cela admirable : mais s’abstenait de le dire, à défaut de paraître complètement à côté de la plaque. Le regard que lui lançait son père l’obligea cependant à mettre sa curiosité débordante de côté, et il tourna la tête, affichant une moue déçue et triste qui ferait fondre n’importe qui.

14 Janvier 2013, au soir.

Des cris, des cris et encore des cris. Des pleurs incessants, les pleurs de sa petite-sœur, blottie dans ses bras. Des coups, encore des coups, toujours des coups, frappés à la porte – ou quelque part autre. Des hurlements graves, des supplications aigues ; telle était l’atmosphère règnant chez les Tiedoll, en ce 14 janvier, alors que la famille était censée se rendre au théâtre pour regarder le spectacle de l’école de Candice. Cette dernière sanglotait, recroquevillée sur elle-même, encerclée par les bras de son grand-frère. Elle ne comprenait pas, et aurait certainement oublié demain au réveil ; ou , du moins, son frère tentera de la persuader que ce n’était qu’un cauchemard. Mais lui, comprenait parfaitement la situation. Ca n’était pas la première fois que ça se produisait : et si personne ne faisait rien, ça ne sera certainement pas la dernière. Chaque coup marqué par un son strident faisait frissonner le petit, et à chaque fois, il refoulait ses sanglots. Il devait se montrer fort. « Pour Candice », se répétait-il à lui-même lorsqu’un autre coup retentissait. Sa sœur, ne tenant malheureusement pas le coup, se leva précipitamment et courut aux toilettes, avant de s’y enfermer à double-tour. Elijah voulut la suivre, mais sa conscience lui intima « C’est mieux comme ça. » Alors, il se ravisa.

Soudain, une voix rententit dans toute la demeure Tiedoll. Sa mère. Cela sonnait comme un cri d’espoir, de délivrance, solennel, déterminé. Ca y est, elle avait fait son choix. Il était temps, mais elle avait enfin ouvert les yeux. Les yeux d’Elijah s’écarquillèrent à cette annonce, mais il ne put se retenir de verser quelques larmes. De joie, de soulagement, de tristesse ? il ne savait pas trop. Il était trop jeune pour le savoir. Mais ce qu’il savait, c’est que c’était un nouveau départ ; et que, désormais, c’allait être lui, l’homme de la maison.
« Lâche moi ! Ca suffit Nigel, je n’en peux plus, je n’en peux plus ! Je réclame le divorce ! »


Le temps s’est écoulé, lentement, assez lentement pour que la famille Tiedoll, désormais composée de Louise, Candice et Elijah, se reconstruise. La mère avait fait de son mieux pour forger de nouveaux piliers solides à ses enfants, et ça avait presque marcher. Elijah et Candice gardèrent cependant en mémoire ce jour où ils avaient découvert ce que leur géniteur infligeait à leur mère depuis des années. Elijah admirait sa mère, pour cela. Elle avait tenu bon opour le bonheur de ses enfants… Et, même si la présence d’un père lui manquait, il ne pouvait lui en vouloir d’avoir décidé d’emprunter la sortie de cet enfer. Néanmoins, avec le temps, Louise était retombée dans l’engrenage de l’amour ; et le bon, cette fois-ci. Ainsi, elle se remaria, avec un moldu, du nom de Robin Bennett. Ce dernier tente tant bien que mal de se lier d’un lien père-fils avec le jeune sorcier, mais ce dernier reste tout de même légèrement sur ses gardes, et renfermé, étant quelqu’un de nature assez solitaire et distant. Il ne l’apprécie pas moins pour autant. La famille est recomposée, Robin ayant emmené avec lui sa fille, Tracy, avec qui Elijah n’entretient malheureusement pas de relation à proprement parler. Ils ne se parlent quasi-jamais, à part lors des repas de famille, où les parents tentent de les rapprocher. Elijah eut à la fois le bonheur et le regret d’assister à la croissance de sa petite sœur. Elle avait mûri, en bien et en mal. En mal, car avec l’arrivée de Tracy, elle a décidé d’exercer une certaine influence sur elle, ce qu’Elijah a du mal à comprendre. Elle est devenue tellement différente de lui que l’on se demande parfois s’ils sont frères et sœurs. Néanmoins, il reste toujours aussi protecteur et attaché à sa petite sœur, mais d’une façon moins « physique » et « démonstrative ». 

Elijah s’est rendu à l’école moldu, tout comme ses sœurs. Il ne s’y est fait quasiment aucun amis, trouvant les autres trop peu matures, trop gamins et trop bruyants. Il s’est plongé dans ses études et a développé une passion pour l’Histoire et les sciences, et est devenu quelqu’un d’intelligent et d’extrêmement cultivé. Il n’empêche qu’il ne le montre quasiment à personne. Son assiduité dans son travail lui a permis plus tard de ne plus avoir à réellement étudier pour obtenir d’excellents résultats, et ce temps libre lui a servi à se découvrir une passion dévorante pour l’écriture et la lecture. Il passait plus de temps à lire qu’à ouvrir ses cahiers de cours, ce que sa mère ne cessait de lui reprocher, inquiète pour l’avenir de son fils. Cette inquiétude s’est avérée vaine, car le jeune garçon n’a cessé d’exceller dans tous les domaines. Au lieu d’être rassurée par la maturité, l’intelligence et la perspicacité de son fils, Louise se faisait du soucis pour lui. Ainsi, quelle fut sa crainte lorsqu’il reçut, comme prévu, sa lettre pour Poudlard.